Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

REFERE

Com., 17 mai 2023, n° 21-21.062, (B), FRH

Rejet

Applications diverses – Contrats de la commande publique – Référé contractuel – Recevabilité – Recours précontractuel antérieur – Délai pour agir – Délai de trente et un jours suivant la publication de l'attribution du contrat – Absence de notification de la conclusion du contrat – Absence d'influence

Il résulte de l'article 1441-3, I, du code de procédure civile que si une entreprise évincée d'un appel d'offres, qui, s'étant trouvée, durant le délai du recours précontractuel, dans l'ignorance de la date à laquelle serait conclu le marché ou de la conclusion de celui-ci, ne peut se voir opposer l'impossibilité de déposer un recours contractuel à la suite de ce recours précontractuel, prévue à l'article 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, en revanche, dès lors que l'attribution du contrat a été publiée et qu'elle ne se trouve plus en état d'ignorer cette attribution, elle n'est plus recevable à déposer un recours contractuel au-delà du trente et unième jour suivant cette publication.

Dès lors, le président du tribunal judiciaire qui constate que le recours précontractuel a été requalifié de recours contractuel plus de trente et un jours après la publication de l'avis d'attribution du contrat au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) a exactement retenu que ce recours était forclos, sans qu'importe l'absence de notification par la société adjudicatrice de la conclusion du contrat à l'entreprise évincée. Il résulte de l'article 1441-3, I, du code de procédure civile que si une entreprise évincée d'un appel d'offres, qui, s'étant trouvée, durant le délai du recours précontractuel, dans l'ignorance de la date à laquelle serait conclu le marché ou de la conclusion de celui-ci, ne peut se voir opposer l'impossibilité de déposer un recours contractuel à la suite de ce recours précontractuel, prévue à l'article 12 de l'ordonnance n° 2009- 515 du 7 mai 2009, en revanche, dès lors que l'attribution du contrat a été publiée et qu'elle ne se trouve plus en état d'ignorer cette attribution, elle n'est plus recevable à déposer un recours contractuel au-delà du trente et unième jour suivant cette publication.

Dès lors, le président du tribunal judiciaire qui constate que le recours précontractuel a été requalifié de recours contractuel plus de trente et un jours après la publication de l'avis d'attribution du contrat au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) a exactement retenu que ce recours était forclos, sans qu'importe l'absence de notification par la société adjudicatrice de la conclusion du contrat à l'entreprise évincée.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lille, 27 juillet 2021), rendu selon la procédure accélérée au fond, la société Flandre Opale habitat, société d'HLM, a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert ayant pour objet la construction de logements collectifs.

Par lettre du 12 octobre 2020, notifiée par voie électronique, la société Flandre Opale habitat a informé la société Tommasini construction (la société Tommasini) du rejet de l'offre qu'elle avait déposée pour le lot n° 1.

Le marché a été attribué à la société Eiffage construction Nord-Pas-de-Calais (la société Eiffage), il a été conclu le 17 novembre 2020 et l'avis d'attribution a été publié au Journal Officiel de l'Union européenne (JOUE) le 18 décembre 2020.

2. Le 9 décembre 2020, la société Tommasini a assigné la société Flandre Opale habitat devant le président du tribunal judiciaire, qu'il a saisi d'un recours précontractuel. Puis, le 26 mars 2021, soutenant avoir appris postérieurement que le contrat avait été conclu, la société Tommasini a assigné la société Eiffage en intervention forcée aux fins que soit ordonnée l'annulation du contrat ou sa résiliation, dans le cas où une raison impérieuse d'intérêt général serait retenue.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Tommasini fait grief au jugement de la déclarer irrecevable en ses demandes, alors « que les dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 qui prévoient que le référé contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours du référé précontractuel, n'ont pas pour effet de rendre irrecevable ce recours en référé contractuel lorsqu'il est exercé par un concurrent évincé qui a antérieurement présenté un recours précontractuel et qui, bien qu'informé du rejet de son offre par le pouvoir adjudicateur, ne l'a pas été, contrairement à ce qu'exige l'article R. 3181-3 du code de la commande publique, du délai de suspension que ce dernier doit s'imposer entre la date d'envoi de la notification du rejet de l'offre et la conclusion du marché ; que les demandes additionnelles que ce candidat peut alors présenter au juge initialement saisi d'une demande relevant du référé précontractuel ne sont pas soumises aux dispositions de l'article 1441-3 du code de procédure qui prévoient que la juridiction peut être saisie d'un référé contractuel au plus tard le trente et unième jour suivant la publication au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) d'un avis d'attribution du contrat ; qu'en décidant le contraire, le magistrat délégué du président du tribunal judiciaire a méconnu les articles 11 et 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et 1441-3 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'article 1441-3, I, du code de procédure civile dispose :

« La juridiction peut être saisie du recours prévu à l'article 11 de l'ordonnance [n° 2009-515 du 7 mai 2009] au plus tard le trente et unième jour suivant la publication d'un avis d'attribution du contrat [...].

En l'absence de la publication d'avis ou de la notification mentionnées à l'alinéa qui précède, la juridiction peut être saisie jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter du lendemain du jour de la conclusion du contrat [...] ».

5. Il s'ensuit que si une entreprise évincée d'un appel d'offres, qui, s'étant trouvée, durant le délai du recours précontractuel, dans l'ignorance de la date à laquelle serait conclu le marché ou de la conclusion de celui-ci, ne peut se voir opposer l'impossibilité de déposer un recours contractuel à la suite de ce recours précontractuel, prévue à l'article 12 de l'ordonnance précitée, en revanche, dès lors que l'attribution du contrat a été publiée et qu'elle ne se trouve plus en état d'ignorer cette attribution, elle n'est plus recevable à déposer un recours contractuel au-delà du trente et unième jour suivant cette publication.

6. Ce principe découlant sans difficulté d'interprétation de l'application de l'article 2 septies de la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l¿amélioration de l¿efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics ne nécessite donc pas que soit posée une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union européenne.

7. Après avoir relevé que l'avis d'attribution du contrat avait été publié au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) le 18 décembre 2020, le jugement en déduit qu'en application des dispositions de l'article 1441-3, I du code de procédure civile, le délai de recours contractuel a expiré le 19 janvier 2021.

8. Il relève ensuite que la requalification en recours contractuel, par la société Tommasini, de l'action initialement introduite en recours précontractuel est intervenue à l'audience de plaidoirie du 9 février 2021, soit postérieurement au délai imparti à celle-ci pour ce faire.

9. En cet état, le président du tribunal judiciaire a exactement retenu que ce recours était forclos, peu important l'absence de notification par la société Flandre Opale habitat de la conclusion du marché.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel ;

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Michel-Amsellem - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; Me Soltner -

Textes visés :

Article 1441-3, I, du code de procédure civile ; article 12 de l'ordonnance n° 2009- 515 du 7 mai 2009.

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