Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

PROPRIETE INDUSTRIELLE

Com., 17 mai 2023, n° 19-25.007, (B), FRH

Cassation partielle

Brevets d'invention – Demande de brevet – Publication – Portée – Caducité d'un accord de confidentialité (non)

En vertu des articles 52 de la Convention sur la délivrance des brevets européens du 5 octobre 1973 et L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle, la publication d'une demande de brevet ne divulgue au public que les caractéristiques techniques et les informations relatives à l'invention qu'elle contient.

Doit être cassé l'arrêt qui retient que la publication d'une demande de brevet a pour effet de rendre caduc un accord de confidentialité et libère le débiteur de son obligation de confidentialité à l'égard des éléments protégés par l'accord, non divulgués par cette publication.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 septembre 2019, RG n° 16/06896), la société Chavanoz industrie (la société Chavanoz), spécialisée dans la conception et la fabrication de fils spéciaux destinés à l'industrie textile, est titulaire du brevet européen n° 0 900 294 (le brevet EP 294), ayant pour objet un fil composite, composé d'une âme en verre entourée d'une gaine comportant une charge ignifugeante, publié le 24 novembre 1999, issu d'une demande internationale de brevet, déposée le 16 avril 1997 et publiée le 13 novembre 1997, sous priorité d'un brevet français déposé le 7 mai 1996.

2. La société Mermet est une société spécialisée dans la production de tissus à usage technique de protection solaire, notamment utilisés pour la fabrication de stores.

3. La société Chavanoz a entretenu avec les sociétés Mermet, Helioscreen et XLScreen, aux droits de laquelle vient la société Mermet, des relations commerciales, à l'occasion desquelles elle leur a fourni pendant plusieurs années un nouveau fil, en vue de la fabrication de textiles de protection solaire.

4. Le 9 avril 1996, les sociétés Chavanoz et Helioscreen ont conclu un accord de confidentialité portant sur le développement d'un fil répondant aux standards des normes anti-feu française et allemande, respectivement dénommées « M1 » et « B1 ».

5. La société Chavanoz a assigné les sociétés Mermet et Mermet industrie en contrefaçon des revendications n° 1, 2, 4, 5, 7, 8 et 9 de la partie française du brevet EP 294. Invoquant la fourniture, antérieurement au dépôt de ce brevet, d'un fil correspondant aux caractéristiques de celui-ci, les sociétés Mermet et Mermet industrie ont demandé, à titre reconventionnel, l'annulation de ces revendications, pour défaut de nouveauté.

6. Le 27 janvier 2011, la société Mermet a été absorbée par la société Mermet industrie devenue depuis la société Mermet, laquelle a été mise en redressement judiciaire, puis bénéficié d'un plan de continuation, M. [N] étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan.

Rectification d'erreur matérielle relevée d'office

7. Avis a été donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile.

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

8. C'est par suite d'une erreur purement matérielle que, dans le dispositif de la décision attaquée, la cour d'appel a infirmé le jugement rendu le 8 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Lyon sauf en ce qu'il avait rejeté la demande de la société Mermet tendant au retrait des circuits de distribution et à la destruction des articles portant atteinte à la partie française du brevet EP 294 ainsi que des machines ayant permis la production desdits produits, cependant que le jugement avait rejeté la demande de la société Chavanoz industrie.

9. Il y a lieu, pour la Cour de cassation, de réparer cette erreur, qui affecte un chef de dispositif de l'arrêt qui lui est déféré.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La société Chavanoz fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces n° 54 à 64, 75, 1041, 1041.1, 1042, 1043, 1043.1, 1044, 1044.1, 1045, 1046, 1046.1, 1048, 1049, 1050, 1072, 1072.1, 1073, 1074, 1075, 1076, 1077 et 1105, alors « que si la publication d'une demande de brevet rend publiques les informations relatives à l'invention qu'elle contient, elle n'a aucunement pour objet ou pour effet de rendre publiques d'autres informations, telles que les relations d'affaires ou de partenariat antérieures au brevet et couvertes par un accord de confidentialité ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé qu'aux termes de l'accord de confidentialité, toutes les informations communiquées à Helioscreen et l'accord de confidentialité lui-même étaient confidentiels ; qu'en énonçant que « il n'est pas contestable que l'accord de confidentialité susvisé s'est trouvé caduc le 14 novembre 1997, date d'effet de la publication de la demande internationale de brevet déposée sous priorité de brevet français par la société Chavanoz le 7 mai 1996, la confidentialité des informations techniques n'ayant plus lieu d'être du fait de cette caducité, la société Helioscreen s'est trouvée déliée de son obligation de confidentialité et elle pouvait donc remettre l'accord en cause à la société Mermet », la cour d'appel a violé l'article « 5é » (lire 52) de la Convention sur le brevet européen (la CBE), ensemble l'article L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

11. La société Mermet conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le grief est contraire aux écritures d'appel de la société Chavanoz selon lesquelles les pièces litigieuses produites par la société Mermet faisaient toutes référence à des informations techniques ou pratiques couvertes par l'accord de confidentialité, de sorte qu'elle ne pourrait soutenir, sans se contredire, qu'elles se rapportaient également à d'autres informations échangées pour lesquelles la confidentialité de l'accord s'appliquerait.

12. Cependant, la société Chavanoz, qui contestait que la publication du brevet ait rendu l'accord de confidentialité caduc en son intégralité, distinguait les éléments techniques portant sur la composition du fil, dont elle reconnaissait qu'ils avaient été rendus publics, du fait de cette publication, et les autres échanges entre les parties, qui ne l'avaient pas été et qui restaient confidentiels.

13. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 52 de la Convention sur la délivrance des brevets européens du 5 octobre 1973 et l'article L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle :

14. Selon le premier de ces textes, pour être protégée par un brevet, une invention doit présenter un caractère technique.

Selon le second, toute invention peut faire l'objet d'un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, qui donne lieu à la publication de la demande de brevet.

15. La publication d'une demande de brevet ne divulgue au public que les caractéristiques techniques et les informations relatives à l'invention qu'elle contient.

16. Pour rejeter la demande tendant à voir écarter certaines pièces des débats, l'arrêt, après avoir constaté que l'accord de confidentialité conclu entre les sociétés Chavanoz et Helioscreen, pour une durée indéterminée, interdisait à cette dernière toute divulgation, publication, communication à un tiers, y compris sous forme confidentielle, des informations échangées, retient que cet accord s'est trouvé caduc le 14 novembre 1997, date d'effet de la publication de la demande de brevet européen. Il en déduit que l'accord de confidentialité n'était plus confidentiel et que les pièces consistant en des factures ou autres documents échangés entre les sociétés Chavanoz et Helioscreen n'étaient pas, en elles-mêmes ou par effet de la loi, de nature confidentielle interdisant toute communication en justice, même par des tiers.

17. En statuant ainsi, alors que la publication de la demande de brevet ne pouvait avoir pour effet de rendre caduc l'accord de confidentialité en lui-même ni de libérer le débiteur de son obligation de confidentialité à l'égard des éléments protégés par l'accord, non divulgués par cette publication, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

18. La société Chavanoz fait le même grief à l'arrêt, alors « que la seule circonstance que des pièces acquises en fraude et de manière déloyale soit de nature à établir la véracité d'un fait allégué ne suffit pas à la rendre recevable ; qu'il appartient au juge de mettre en balance les intérêts en présence et de confronter concrètement, dans un contrôle de proportionnalité, d'une part, les principes de licéité et de loyauté de la preuve et, d'autre part, le droit à la preuve ; qu'au cas présent, en se contentant d'affirmer que « sauf à interdire de façon disproportionnée à la société Mermet tout droit d'accès à la preuve de la divulgation qu'elle a invoqué comme moyen de nullité du brevet, il importe que le juge soit en mesure de procéder à l'examen de ces pièces », sans caractériser la nécessité de la production litigieuse quant aux besoins de la défense et sa proportionnalité au but recherché, la cour d'appel n'a pas procédé à ce contrôle, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 9 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 9 du code de procédure civile :

19. Aux termes de ce texte, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

20. Pour rejeter la demande de la société Chavanoz tendant à voir écarter certaines pièces des débats, l'arrêt retient que l'accord de confidentialité s'est trouvé caduc le 14 novembre 1997 et qu'en conséquence, la société Helioscreen s'est trouvée déliée de son obligation de confidentialité, de sorte qu'elle pouvait remettre cet accord à la société Mermet pour les besoins de la procédure judiciaire. Il ajoute que les pièces communiquées par la société Mermet, dont la société Chavanoz demande le rejet, consistent en des factures ou autres documents échangés entre cette dernière et la société Helioscreen, pour certaines au cours de la période de confidentialité visée par l'accord, et qu'elles ne sont pas, en elles-mêmes ou par effet de la loi, des pièces de nature confidentielle interdisant toute communication en justice, même par des tiers. Il considère enfin que, sauf à interdire de façon disproportionnée à la société Mermet, tout droit d'accès à la preuve de la divulgation qu'elle invoque comme moyen de nullité du brevet, il importe que le juge soit en mesure de procéder à l'examen de ces pièces.

21. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui s'est bornée à déduire de la caducité de l'accord la licéité des éléments de preuve, sans analyser concrètement si les pièces litigieuses avaient été échangées dans des conditions de confidentialité s'opposant à leur remise à un tiers et donc sans procéder à un contrôle de proportionnalité entre la protection des intérêts de la société Chavanoz et le droit à la preuve de la société Helioscreen, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

22. Le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches, attaque uniquement les motifs qui sont le support du chef de dispositif rejetant la demande tendant à voir écarter des débats les pièces n° 54, 58 à 64, 1041, 1041.1, 1042, 1043, 1043.1, 1044, 1044.1, 1045, 1046, 1046.1, 1048, 1049, 1050, 1072, 1072.1, 1073, 1074, 1075, 1076, 1077 et 1105, à l'exclusion de ceux qui sont le support du rejet de la demande relative aux pièces n° 55 à 57 et n° 75.

La cassation ne s'étend donc pas au chef de dispositif ayant rejeté la demande tendant à voir écarter des débats les pièces n° 55 à 57 et n° 75.

23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif par lesquels l'arrêt annule les revendications modifiées n° 1, 2, 3, 5, 7, 8 et 9 du brevet EP 294 pour défaut de nouveauté, déboute la société Chavanoz industrie de son action en contrefaçon dudit brevet et de toutes ses demandes, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

ORDONNE la rectification de l'arrêt RG n° 16/06896 rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel de Lyon et dit que, dans son dispositif, il y a lieu de lire : « Infirme le jugement rendu le 8 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Lyon sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Chavanoz industrie tendant au retrait des circuits de distribution et à la destruction des articles portant atteinte à la partie française du brevet européen Chavanoz n° 0 900 294 ainsi que des machines ayant permis la production des dits produits » au lieu de « Infirme le jugement rendu le 8 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Lyon sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Mermet tendant au retrait des circuits de distribution et à la destruction des articles portant atteinte à la partie française du brevet européen Chavanoz n° 0 900 294 ainsi que des machines ayant permis la production des dits produits » ;

ORDONNE la mention de cette rectification en marge de la décision rectifiée ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société Chavanoz industrie tendant au retrait des circuits de distribution et à la destruction des articles portant atteinte à la partie française du brevet européen n° 0 900 294 ainsi que des machines ayant permis la production des dits produits et en ce qu'il rejette sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces n° 55 à 57 et n° 75, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bessaud - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Article 52 de la Convention sur la délivrance des brevets européens du 5 octobre 1973 ; article L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle.

Com., 17 mai 2023, n° 22-10.744, (B), FRH

Rejet

Brevets d'invention – Recours en restauration de droits – Excuse légitime – Fin – Cas – Notification de la décision constatant la déchéance du brevet – Portée – Irrecevabilité

Si l'empêchement légitime ouvrant droit à une action en restauration s'apprécie à l'égard de la personne du demandeur, la notification de la décision constatant la déchéance d'un brevet met fin à l'excuse légitime visée à l'article L. 612-16 du code de la propriété intellectuelle, qu'elle soit faite au breveté ou à son mandataire, en application de l'article R. 618-1 de ce code.

Par conséquent, le recours formé plus de deux mois après la notification au breveté ou à son mandataire de la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) constatant la déchéance d'un brevet est irrecevable. L'empêchement du mandataire ne constitue pas une excuse légitime à l'égard du breveté.

Brevets d'invention – Recours en restauration de droits – Excuse légitime – Exclusion – Cas – Empêchement du mandataire

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 septembre 2021), la société Urschel Laboratories Inc. (la société Urschel) est titulaire du brevet européen n° EP 1551 603 (le brevet EP 603), déposé le 7 octobre 2003, dont elle a confié la gestion à un cabinet d'avocats américain, qui a lui-même sous-traité le paiement des annuités en Europe et notamment en France à un mandataire américain, la société Pure Ideas, le mandataire inscrit au registre national des brevets français étant le cabinet Lavoix.

2. Le paiement de la 15e annuité n'est pas intervenu dans les délais requis et la déchéance des droits attachés au brevet précité a été constatée par décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) du 29 juin 2018, notifiée au cabinet Lavoix le 3 juillet 2018 et publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI) n° 18/30 le 27 juillet 2018.

3. Le cabinet Lavoix a formé un recours en restauration du brevet et a procédé au paiement de la 15e annuité le 2 avril 2019.

4. Par décision du 6 juillet 2020, le directeur général de l'INPI a déclaré ce recours irrecevable comme étant tardif.

5. La société Urschel a formé un recours contre cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Urschel fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter son recours formé contre de la décision du directeur général de l'INPI du 6 juillet 2020, alors « que le recours en restauration prévue par l'article L. 612-16 du code la propriété intellectuelle doit être présenté dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l'empêchement et dans un délai d'un an à compter de l'expiration du délai non observé ; que l'empêchement doit s'apprécier à l'égard de la personne du demandeur à la restauration et non de son mandataire ; qu'en l'espèce, pour juger que « le directeur général de l'INPI n'encourt aucune critique pour avoir retenu que la cessation de l'empêchement est intervenue en l'espèce, au plus tard, le 10 août 2018, date à laquelle la société Pure Ideas, en charge de la gestion des annuités du brevet de la société requérante, a demandé au cabinet Lavoix de présenter un recours en restauration et conclu en conséquence que le recours formé le 2 avril 2019 soit plus de deux mois après la cessation de l'empêchement, est irrecevable », la cour d'appel a retenu que « la société requérante est mal fondée à se prévaloir de ce qu'elle n'aurait été informée de la décision de contestation de déchéance que le 17 septembre 2020 dès lors que cette décision a été notifiée à son mandataire, le cabinet Lavoix, le 3 juillet 2018 et qu'une telle notification est régulière (...) de telle sorte que le directeur général de l'INPI eut été fondé à retenir le 3 juillet 2018 à titre de date de la cessation de l'empêchement et de point de départ du délai de deux mois » ; qu'en refusant ainsi d'apprécier l'empêchement à l'égard de la société requérante, demanderesse à la restauration, pour l'apprécier à l'égard de ses mandataires, la cour d'appel a violé l'article L. 612-16 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

8. Selon les dispositions des articles L. 613-22, 1, et R. 618-1 du code de la propriété intellectuelle, est déchu de ses droits le propriétaire d'une demande de brevet ou d'un brevet qui n'a pas acquitté la redevance annuelle dans le délai prescrit.

La déchéance prend effet à la date de l'échéance de la redevance annuelle non acquittée et est constatée par une décision du directeur général de l'INPI.

La décision est publiée et notifiée au breveté. Toute notification est réputée régulière si elle est faite au mandataire du titulaire du brevet.

9. L'article L. 612-16 du même code dispose :

« Le demandeur qui n'a pas respecté un délai à l'égard de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) peut présenter un recours en vue d'être restauré dans ses droits s'il justifie d'une excuse légitime et si l'inobservation de ce délai a pour conséquence directe le rejet de la demande de brevet ou d'une requête, la déchéance de la demande de brevet ou du brevet ou la perte de tout autre droit.

Le recours doit être présenté au directeur de l'Institut national de la propriété industrielle dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l'empêchement.

L'acte non accompli doit l'être dans ce délai.

Le recours n'est recevable que dans un délai d'un an à compter de l'expiration du délai non observé. »

10. Ainsi, la notification de la décision constatant la déchéance d'un brevet, qu'elle soit faite au breveté ou à son mandataire, met fin à l'excuse légitime visée à l'article L. 612-16 précité du code de la propriété intellectuelle et fait courir le délai de deux mois pour présenter un recours en restauration des droits sur ce brevet et procéder au paiement de la redevance.

11. L'arrêt relève d'abord que la décision du directeur général de l'INPI constatant la déchéance du brevet EP 603 a été notifiée le 3 juillet 2018 au mandataire français de la société Urschel inscrit sur le registre national des brevets, puis retient que la cessation de l'empêchement pour régler la redevance et introduire une action en restauration est intervenue au plus tard le 10 août 2018, date à laquelle la société Pure Ideas a demandé au mandataire français de présenter un recours en restauration. Il en déduit que le recours formé le 2 avril 2019, plus de deux mois après la cessation de l'empêchement, est irrecevable.

12. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a souverainement écarté la thèse selon laquelle la société Urschel n'avait pas eu connaissance de l'absence de paiement des redevances, au regard de celle qu'en avait eu son mandataire, qui avait donné instruction au mandataire français de procéder au paiement et d'introduire une action en restauration.

13. Cette solution ne vient pas en contradiction avec celle précédemment adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du 18 février 1986 (Com., 18 février 1986, pourvoi n° 83-15.950, publié au Bulletin) par lequel elle avait jugé que l'empêchement devait s'apprécier à l'égard de la personne du demandeur à l'action en restauration de brevet, dans la mesure où elle avait censuré, dans cette espèce, une cour d'appel pour avoir retenu comme point de départ le non-respect d'un délai par le mandataire quand ce non-respect ou ses effets n'avaient fait l'objet d'aucune notification et que le breveté n'en avait été informé que par la publication de ses conséquences au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI).

14. Au contraire, dans le présent litige, le non-respect du délai a été régulièrement notifié au mandataire inscrit de la société Urschel, de sorte qu'elle ne pouvait plus se prévaloir d'une excuse légitime à compter de cette date.

15. En retenant la date, plus favorable, à laquelle le mandataire s'était vu confier la mission de procéder au paiement de la redevance et d'introduire un recours en restauration, la cour d'appel a fait une exacte application des articles susvisés.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bessaud - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Articles L. 612-16 et R. 618-1 du code de la propriété intellectuelle.

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