Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

PRESCRIPTION CIVILE

Soc., 11 mai 2023, n° 21-18.117, (B), FS

Cassation partielle

Délai – Point de départ – Applications diverses – Rupture du contrat de travail – Rupture conventionnelle – Date d'homologation de la convention de rupture conventionnelle

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2021), M. [L] a été engagé en qualité d'employé polyvalent le 7 juillet 2016 par la société Le We club.

2. A l'issue de deux entretiens des 17 et 24 mars 2017, les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail, avec une date d'effet prévisible au 20 avril 2017.

La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a accusé réception de la demande d'homologation le 13 avril 2017.

3. Estimant avoir fait l'objet antérieurement d'un licenciement verbal, le salarié a saisi, le 20 juin 2018, la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les premier et deuxième moyens réunis

Enoncé des moyens

5. Par son premier moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement qui, ayant estimé que l'action du salarié en requalification de la rupture conventionnelle était irrecevable, le déboute de ses demandes résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire que le salarié a fait l'objet d'un licenciement verbal le 18 mars 2017, constitutif d'une rupture abusive du contrat de travail, et de le condamner à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour rupture abusive et irrégulière du contrat de travail, et d'indemnité pour licenciement vexatoire, alors « que chaque fois que le différend dont le juge est saisi vise à remettre en cause la convention de rupture conventionnelle, le délai fixé par l'article L. 1237-14 du code du travail est applicable ; qu'en conséquence, le salarié qui a conclu une rupture conventionnelle ne peut plus contester ni la validité ni les effets de celle-ci au-delà du délai d'un an de l'article L. 1237-14 du code du travail, notamment en invoquant un prétendu licenciement verbal qui serait intervenu antérieurement à la signature de la convention de rupture ; qu'en l'espèce, il était constant que le salarié avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle signée le 24 mars 2017 qui avait ensuite été homologuée par la DIRECCTE le 30 avril 2017 ; qu'en jugeant que le salarié, qui avait saisi le conseil de prud'hommes le 20 juin 2018, soit plus d'un an après l'homologation de la rupture conventionnelle, pouvait remettre en cause les effets de celle-ci en se prévalant d'un licenciement verbal antérieur, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-14 du code du travail ».

6. Par son deuxième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié a fait l'objet d'un licenciement verbal le 18 mars 2017, constitutif d'une rupture abusive du contrat de travail et de le condamner à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour rupture abusive et irrégulière du contrat de travail et d'indemnité pour licenciement vexatoire, alors « que lorsque le contrat de travail a été rompu unilatéralement par l'une ou l'autre des parties, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ; que le salarié qui accepte de conclure une rupture conventionnelle renonce donc par là même à se prévaloir d'un licenciement verbal qui serait intervenu antérieurement ; qu'en l'espèce, il était constant que le salarié avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle signée le 24 mars 2017, qui avait ensuite été homologuée par la DIRECCTE le 30 avril 2017 ; qu'il ne pouvait donc plus se prévaloir d'un licenciement verbal qui serait intervenu le 18 mars précédent ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé le principe susvisé et les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil ».

Réponse de la Cour

Recevabilité du deuxième moyen

7. Le salarié conteste la recevabilité du moyen qui serait contraire à l'argumentation présentée devant les juges du fond par l'employeur, qui n'a pas soutenu que la rupture conventionnelle, signée le 24 mars 2017, valait renonciation commune des parties à la rupture précédemment intervenue.

8. Cependant, l'employeur a relevé la volonté du salarié de rompre le contrat de travail par la convention de rupture et soutenu que celle-ci n'avait pas été dénoncée.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé des moyens

Vu l'article L. 1471-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et les articles L. 1237-11 et L. 1237-14, alinéa 4, du code du travail :

10. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, mais ne fait pas obstacle aux délais de prescription plus courts, notamment celui prévu à l'article L. 1237-14.

11. Aux termes du deuxième, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.

12. Selon le troisième, tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif et ce recours doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.

13. Il s'ensuit que lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue.

14. Pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur, l'arrêt retient que la prescription abrégée d'un an prévue par l'article L. 1237-14 du code du travail ne porte que sur la contestation d'une rupture conventionnelle et ne s'applique pas à l'action en reconnaissance d'un licenciement verbal soumise à un délai de deux ans et en l'espèce non prescrite, que le salarié établit l'existence d'un licenciement verbal et que la rupture conventionnelle intervenue postérieurement est sans objet, le contrat étant d'ores et déjà rompu.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les parties avaient conclu le 24 mars 2017 une convention de rupture qui n'avait pas été remise en cause, ce dont il résultait qu'en signant une rupture conventionnelle, les parties avaient d'un commun accord renoncé au licenciement verbal antérieur invoqué par le salarié et que le délai de prescription prévu à l'article L. 1237-14 du code du travail était applicable aux demandes relatives à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation

prononcée sur les premier et deuxième moyens réunis entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

17. La cassation prononcée n'emporte pas, par ailleurs, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiées par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. [L] a fait l'objet d'un licenciement verbal le 18 mars 2017 constitutif d'une rupture abusive du contrat de travail, en ce qu'il condamne la société Le We club à payer à l'intéressé les sommes de 1 238,25 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 123,82 euros au titre des congés payés afférents, de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et irrégulière du contrat de travail et de 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement vexatoire, et en ce qu'il condamne la société Le We club à remettre à M. [L] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Nirdé-Dorail - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 1237-14, alinéa 4, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les effets de la rupture conventionnelle signée postérieurement à la résiliation unilatérale antérieure du contrat de travail, dans le même sens que : Soc., 3 mars 2015, pourvoi n° 13-20.549, Bull. 2015, V, n° 35 (rejet).

2e Civ., 17 mai 2023, n° 21-19.356, (B), FRH

Rejet

Interruption – Acte interruptif – Commandement – Commandement aux fins de saisie immobilière – Effet interruptif – Etendue – Cas – Radiation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 29 juin 2021), sur le fondement d'un acte de prêt notarié, la société Banque CIC Est (la banque) a fait délivrer le 13 décembre 2016 à M. et Mme [I] un commandement aux fins de saisie immobilière.

2. Les 10 et 12 octobre 2018, un autre commandement de payer valant saisie immobilière leur a été délivré et la banque a assigné les parties à une audience d'orientation.

3. Le 27 novembre 2018, le commandement du 13 décembre 2016 a fait l'objet d'une radiation.

4. Par jugement du 7 décembre 2020, un juge de l'exécution a constaté la caducité de ce commandement pour non-respect par la banque des dispositions de l'article R. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution, et dit que celui-ci n'a pas d'effet interruptif de prescription, constaté que la créance de la banque était prescrite et déclaré irrecevable la demande de la banque.

Examen des moyens

Sur le second moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [I] font grief à l'arrêt de déclarer la banque recevable en ses poursuites de saisie immobilière et en conséquence d'orienter la procédure engagée par elle vers la vente forcée, de les débouter de leur défense au fond tendant à voir prononcer la déchéance des intérêts, de fixer la créance de la banque à la somme de 514 110,85 euros avec intérêts, d'ordonner la vente forcée des biens saisis sur la mise à prix de 250 000 euros et de renvoyer le créancier poursuivant à saisir le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Belfort pour fixer la date de l'audience d'adjudication, déterminer les dates de visites du bien et désigner un huissier chargé d'assurer ces visites, alors :

« 1°/ que la caducité qui frappe un commandement de payer valant saisie immobilière le prive rétroactivement de tous ses effets, atteint tous les actes ultérieurs de la procédure de saisie qu'il engage et met fin à la procédure de saisie ; qu'en jugeant que le commandement de payer du 13 décembre 2016, non suivi d'effet, avait conservé son effet interruptif de prescription jusqu'à sa radiation le 27 novembre 2018 dès lors que la caducité qu'il encourait n'avait pas été antérieurement constatée, quand la caducité, même constatée postérieurement, qui était encourue par le commandement avant sa radiation, mettait fin à la procédure de saisie qu'il avait initiée et privait de ses effets les actes ultérieurs de mainlevée et de radiation dudit commandement, la cour d'appel a violé les articles R. 311-1 et R. 321-1 du code des procédures civiles d'exécution ensemble l'article 2244 du code civil ;

2°/ que toute partie intéressée peut demander au juge de l'exécution de déclarer la caducité d'un commandement de payer valant saisie immobilière, laquelle le prive rétroactivement de son effet interruptif de prescription ; qu'à l'audience d'orientation, le juge de l'exécution statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes ; qu'en jugeant que le commandement du 13 décembre 2016, non suivi d'effets, avait interrompu la prescription jusqu'à sa radiation survenue deux ans plus tard et qu'elle ne pouvait plus en constater la caducité au motif inopérant qu'elle était saisie du recouvrement forcé de la créance sur commandement de payer distinct des 10 et 12 octobre 2018, et en refusant ainsi de statuer sur la contestation relative à la prescription de la créance poursuivie en raison de la caducité qui entachait le précédent commandement de payer avant sa radiation, la cour d'appel a violé les articles R. 311-11, R. 321-1, et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 2244 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Ayant relevé que le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré le 13 décembre 2016, publié sans être suivi d'effet, avait été radié à la demande de la banque qui en avait donné mainlevée, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait plus être déclaré caduc et qu'il avait, dès lors, un effet interruptif de prescription.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Latreille - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon ; SARL Le Prado - Gilbert -

Rapprochement(s) :

2e Civ., 24 mars 2005, pourvoi n° 02-20.216, Bull. 2005, II, n° 85 (cassation).

1re Civ., 25 mai 2023, n° 21-23.174, (B), FS

Cassation partielle

Prescription décennale – Article L. 110-4, I, du code de commerce – Domaine d'application – Responsabilité du fait des produits défectueux – Produit défectueux mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive – Produit défectueux mis en circulation avant la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 – Application des dispositions du droit interne

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la Société des automobiles Marcot (la société Marcot) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes [J], [S] et [U].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 24 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 18 mai 2016, pourvoi n° 14-16.234, Bull. IV, n° 76), le 5 juin 1991, la société Renault véhicules industriels, aux droits de laquelle vient la société Renault Trucks, a vendu à la société Marcot un autocar qui avait été mis en circulation le 26 septembre 1990.

3. En janvier 1999, la société Renault véhicules industriels a apporté à la société Irisbus, devenue Iveco France, sa branche d'activités « autocars et autobus ».

4. Le 24 juin 1999, l'autocar acquis par la société Marcot a subi un accident, entraînant le décès du chauffeur, [M] [S], et des blessures aux passagers.

5. Le 7 juin 2005, la société Marcot, ainsi que la société Gan assurances, assureur de sa responsabilité civile, et la société Covea Fleet, assureur des dommages au véhicule, faisant valoir que l'accident avait été causé par la rupture d'un élément de roue de celui-ci, ont assigné en responsabilité les sociétés Iveco France et Renault Trucks.

La société Iveco France a appelé en garantie la société Allianz Global Corporate & Specialty, assureur de la société Renault Trucks.

Les ayants droit de [M] [S] et la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges sont intervenus à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société Marcot fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors « que, selon l'article 9 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, les dispositions de celle-ci s'appliquent à la réparation du dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles et au dommage causé à une chose ou la destruction d'une chose, autre que le produit défectueux lui-même, sous déduction d'une franchise, à condition que cette chose soit d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privés et ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés ; qu'en jugeant que « le préjudice moral, financier, commercial et d'image résultant des faits pour lequel une somme de 40 000 euros est demandé » entre dans le champ d'application de cette directive, quand ce préjudice, ne découlant pas d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, était exclu de son champ d'application, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

8. Les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d'une atteinte à la réputation causée par une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, y compris par ricochet, sont couverts par le régime de responsabilité du fait des produits défectueux.

9. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'étaient réparables sur le fondement de l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, les « préjudices moral, financier, commercial et d'image » que la société Marcot avait subis à la suite de la survenue de l'accident de l'autocar et de la gravité des dommages corporels qu'il avait provoqués.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi principal et sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

10. Par son moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, la société Marcot fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes au titre des dommages entrant dans le champ d'application de la directive 85/374/CEE, alors :

« 2° / que l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment le principe de sécurité juridique ; que la Cour de cassation juge de manière constante qu'en l'absence de précision par la loi, le point de départ de la prescription décennale prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime (V. not. Com., 12 mai 2004, pourvoi n° 02-10.653, Bull. 2004, IV, n° 93 ; 3e Civ., 20 octobre 2004, pourvoi n° 02-21.576 ; Com., 14 juin 2005, pourvoi n° 04-11.241 ; Com., 27 septembre 2005, pourvoi n° 02-21.045, Bull. 2005, IV, n° 187 ; Com., 3 avril 2012, pourvoi n° 09-16.805 ; Com., 17 mai 2017, pourvoi n° 15-21.260 ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 ; 1re Civ., 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-21.218) ; qu'en jugeant que « pour ce qui concerne les dommages entrant dans le champ de la directive, la fixation du point de départ du délai de dix ans prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce doit être fixé à la date de mise en circulation du bus litigieux, soit le 26 septembre 1990 », quand une telle solution, qui va à l'encontre d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation, n'était aucunement prévisible par les justiciables, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 110-4 du code de commerce, ensemble le principe de sécurité juridique ;

3°/ que l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national ; qu'en jugeant que les demandes de la Société des Automobiles Marcot concernant les dommages entrant dans le champ d'application de la directive sont irrecevables comme prescrites, aux motifs que l'article L. 110-4 du code de commerce, qui fixe un délai de prescription, doit être interprété à la lumière de l'article 11 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, quand cet article fixe un délai de forclusion et non de prescription, ce qu'elle a d'ailleurs admis en précisant qu'il s'agit d'« un délai butoir, qui peut être considéré comme un délai de forclusion et non de prescription », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi retenu une interprétation contra legem du droit national eu égard aux différences de nature, de finalité et de régime qui opposent ces deux délais, violant ainsi par fausse application l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause. »

11. Par son moyen, pris en sa première branche, la société Gan assurances fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'action en responsabilité contractuelle contre le fabriquant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué, qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme au droit de l'Union européenne, par dix ans à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime ; qu'en jugeant que « l'article L. 110-4 précité, en ce qu'il ne comporte aucune indication quant au point de départ de la prescription qu'il édicte, est susceptible d'être interprété, pour ce qui concerne la responsabilité du fait des produits défectueux, à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 » et que « par conséquent, (...) pour ce qui concerne les dommages entrant dans le champ de la directive, le point de départ du délai de dix ans prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce doit être fixé à la date de mise en circulation du bus litigieux », la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa version applicable à la cause, ensemble les principes généraux du droit de sécurité et de non-rétroactivité. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 189 bis, devenu L. 110-4, I, du code de commerce, celui-ci dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et les articles 10 et 11 de la directive 85/374/CEE :

12. Selon le premier de ces textes, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans.

13. Selon le deuxième, l'action en réparation prévue par directive se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

14. Selon le troisième, les droits conférés à la victime en application de la directive s'éteignent à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le producteur a mis en circulation le produit qui a causé le dommage, à moins que durant cette période la victime n'ait engagé une procédure judiciaire contre celui-ci.

15. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler, C-212/04 ; CJUE, arrêt du 15 avril 2008, Impact, C-268/06 et CJUE, arrêt du 24 juin 2019, Poplawski, C-573/17) que, si le principe d'interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l'ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci, l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit et que cette obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national.

16. La Cour de cassation a déjà jugé que l'action en responsabilité extra-contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme au droit de l'Union, par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé (1re Civ., 15 mai 2015, pourvoi n° 14-13.151, Bull. 2015, I, n° 117).

17. Les dispositions de l'article 189 bis, devenu L. 110-4, I, du code de commerce, en ce qu'elles prévoient un délai de prescription de dix ans et non un délai-butoir enserrant un délai de prescription, ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une interprétation conforme à l'article 11 de la directive qui instaure un délai-butoir enserrant le délai de prescription de l'article 10, de sorte que l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit selon les dispositions du droit interne, soit à compter de la réalisation du dommage ou de la date de sa révélation à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu connaissance (1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172 ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 ; 3e Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.898, publié au Bulletin).

18. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Marcot et de la société Gan assurances au titre des dommages entrant dans le champ d'application de la directive, l'arrêt retient que, l'article L. 110-4 du code de commerce ne précisant pas quel est le point de départ du délai qu'il fixe, il est susceptible, en ce qui concerne la responsabilité du fait des produits défectueux, d'être interprété à la lumière de l'article 11 de la directive et qu'en conséquence le point de départ du délai de dix ans doit être fixé à la date de mise en circulation de l'autocar, soit le 26 septembre 1990, que ce délai a expiré le 26 septembre 2000 et que l'action engagée le 7 juin 2005 par les sociétés Marcot et Gan assurances est donc prescrite.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal et sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

20. Par son moyen, pris en sa quatrième branche, la société Marcot fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes au titre des dommages ne relevant pas du champ d'application de la directive 85/374/CEE, alors « que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle, exercée par l'acquéreur d'une chose contre son vendeur, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à l'acquéreur si celui-ci établit qu'il n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en jugeant, sur la recevabilité des demandes concernant des dommages ne relevant pas du champ d'application de la directive, qu'en matière d'obligations découlant du contrat de vente « et s'agissant d'une action relative aux qualités mêmes exigées du bien vendu indépendantes de toute faute contractuelle, il convient de considérer que l'obligation visée à l'article L. 110-4 du code de commerce se prescrit par dix ans à compter de la vente du bien litigieux », quand bien même la Société des Automobiles Marcot fondait ses demandes sur la responsabilité contractuelle en raison du vice affectant l'autocar et du défaut d'information relatif à ce vice connu du fabricant-vendeur, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable. »

21. Par son moyen, pris en sa deuxième branche, la société Gan assurances fait le même grief à l'arrêt, alors « que le point de départ du délai de prescription décennal de l'article L. 110-4 du code de commerce tel qu'applicable avant la réforme de la prescription de 2008 courait à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle le dommage a été révélé à la victime ; qu'en jugeant que l'action fondée sur l'article L. 110-4 se prescrivait par dix ans à compter de la date de la vente du bien litigieux, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa version applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 189 bis, devenu L. 110-4, du code de commerce, celui-ci dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

22. Il résulte de ce texte que la prescription de l'action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

23. Pour déclarer irrecevables les demandes concernant des dommages ne relevant pas du champ d'application de la directive, l'arrêt retient que l'obligation visée à l'article L. 110-4 du code de commerce se prescrit par dix ans à compter de la date de la vente du bien litigieux.

24. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par la Société des Automobiles Marcot et la société Gan assurances et en ce que, ajoutant au jugement déféré, il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Soulard (premier président) - Rapporteur : Mme de Cabarrus - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier ; SARL Cabinet Pinet ; SARL Delvolvé et Trichet ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article 189 bis, devenu L. 110-4, I, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 15 mai 2015, pourvoi n° 14-13.151, Bull. 2015, I, n° 117 (cassation partielle).

Ass. plén., 17 mai 2023, n° 20-20.559, (B) (R), PL

Cassation partielle sans renvoi

Prescription quinquennale – Action en répétition de l'indu – Sécurité sociale – Prestations de vieillesse et d'invalidité – Remboursement – Action en remboursement – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination – Fraude ou fausse déclaration – Portée

Déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 4 juillet 2019, examinée d'office

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 de ce code.

2. La Caisse nationale d'assurance vieillesse (la caisse) s'est pourvue en cassation le 22 septembre 2020 contre deux arrêts rendus les 4 juillet 2019 et 23 juillet 2020 par la cour d'appel de Versailles, mais son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de la première de ces décisions.

3. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 4 juillet 2019.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juillet 2020), M. [Y] (l'assuré) est bénéficiaire, depuis le 1er septembre 2006, d'une pension de réversion.

5. À la suite d'un contrôle de ressources réalisé en 2014, la caisse, qui a constaté que l'assuré bénéficiait d'une pension de retraite complémentaire ainsi que de placements financiers n'ayant pas été déclarés, lui a notifié, le 28 mai 2015 et le 6 août 2016, un indu portant sur la période du 1er novembre 2006 au 31 juillet 2016.

6. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que sa créance est prescrite pour la période antérieure au 28 mai 2010, alors « que l'action en remboursement de prestations indûment versées sur la base de fausses déclarations de l'assuré se prescrit par cinq ans à compter du jour où la caisse a connaissance de celles-ci, dans la limite de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ; que cette prescription quinquennale ne porte que sur le délai pour exercer l'action, non sur la détermination de la créance elle-même ; qu'en l'espèce, la Cnav a constaté l'irrégularité des déclarations de patrimoine de M. [Y] à l'issue de son contrôle mené le 12 juillet 2014, qu'elle lui a notifié dès le 28 mai 2015 une demande de remboursement de l'intégralité des prestations indûment versées à compter du 1er mai 2009 ; qu'en considérant que la prescription quinquennale interdisait à la caisse de demander le remboursement des prestations indûment versées antérieurement au 28 mai 2010, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2232 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 :

8. Selon le second de ces textes, toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

9. Aux termes du premier, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

10. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action en remboursement d'un trop-perçu de prestations de vieillesse et d'invalidité provoqué par la fraude ou la fausse déclaration ne relève pas de la prescription abrégée de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale et que, revêtant le caractère d'une action personnelle ou mobilière au sens de l'article 2224 du code civil, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d'une fausse déclaration.

11. Ce délai d'action n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues.

12. Il s'en déduit qu'en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d'un indu de prestations de vieillesse ou d'invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l'indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l'action.

13. Pour déclarer prescrite la créance de la caisse pour la période antérieure au 28 mai 2010, l'arrêt retient que, la demande de répétition ayant été formée le 28 mai 2015, seules les prestations indues versées à compter du 29 mai 2010 peuvent être répétées.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation des chefs de dispositif infirmant la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse de la demande portant sur le trop-perçu au titre de la période antérieure au 28 mai 2010 et la décision de la caisse du 6 août 2016 demandant le remboursement d'un trop-perçu d'un montant de 159,93 euros correspondant à la période du 1er novembre 2006 au 31 mai 2009, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant M. [Y] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

17. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

18. La demande de répétition de l'indu ayant été formée par la caisse, les 28 mai 2015 et 6 août 2016, dans le délai de cinq ans courant à compter de la découverte, en 2014, de la fausse déclaration de l'assuré et celui-ci ne contestant pas les décomptes produits ensuite de la révision de sa pension de réversion, M. [Y] doit être condamné à payer à la caisse la somme de 23 984,91 euros au titre du solde restant dû sur la période du 1er mai 2009 au 30 septembre 2014, déduction faite des retenues sur pension pratiquées.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 4 juillet 2019 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la Caisse nationale d'assurance vieillesse demandant le remboursement d'un trop-perçu pour la période antérieure au 28 mai 2010, à charge pour celle-ci de recalculer les sommes dues pour la période non prescrite du 29 mai 2010 au 30 septembre 2014, et en ce qu'il infirme la décision de la Caisse nationale d'assurance vieillesse du 6 août 2016 demandant le remboursement d'un trop-perçu d'un montant de 159,93 euros correspondant à la période du 1er novembre 2006 au 31 mai 2009, l'arrêt rendu le 23 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME le jugement rendu le 26 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-d'Oise sauf en ce qu'il ordonne la jonction des recours enregistrés sous les numéros 15-00868/P et 17-00044/P et dit le recours de M. [Y] recevable.

Arrêt rendu en Assemblée plénière.

- Président : M. Soulard (premier président) - Rapporteur : M. Boyer - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 2224 et 2232 du code civil ; article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 décembre 2014, pourvoi n° 13-27.734, Bull. 2014, II, n° 258 (cassation) ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-19.520, Bull. (cassation) ; Revirement sur : 2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-14.475, Bull. (rejet).

Soc., 11 mai 2023, n° 21-15.187, (B), FS

Rejet

Prescription triennale – Article L. 3245-1 du code du travail – Application à raison de la nature de la créance invoquée – Gratification allouée au titre de la médaille du travail

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 mars 2021), Mme [S], épouse [Z], occupait un poste de contrôleur au sein de la société Textiles de Belmont.

2. A l'occasion de la promotion 2012, il lui a été décerné la médaille du travail accompagnée d'une gratification versée le 6 mai 2014.

3. Le 29 mars 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de gratification de médaille du travail et de congés payés afférents.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'action en rappel de la gratification médaille n'était pas prescrite, puis de le condamner à verser à la salariée une certaine somme à titre de complément pour le solde de la médaille du travail, alors qu' « à l'exception des actions tendant au paiement du salaire, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que l'action visant à obtenir le bénéfice d'un engagement unilatéral de l'employeur afin de solliciter un rappel de gratification allouée au titre d'une médaille du travail ne constitue pas une action tendant au paiement d'un salaire ; qu'en décidant que l'action de Mme [Z] était soumise à la prescription triennale applicable aux actions tendant au paiement d'un salaire, la cour d'appel a méconnu l'article L. 1471-1 du code du travail par refus d'application et l'article L. 3245-1 par fausse application. »

Réponse de la Cour

6. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de gratification allouée au titre de la médaille du travail en vertu d'un engagement unilatéral de l'employeur est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

7. La cour d'appel, qui a décidé que l'action de la salariée n'était pas prescrite, a fait l'exacte application de la loi.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 3245-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe en vertu duquel le délai de la prescription est déterminé par la nature de la créance invoquée, à rapprocher : Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 18-23.932, Bull., (rejet), et les arrêts cités.

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