Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

NATIONALITE

1re Civ., 17 mai 2023, n° 21-50.068, (B), FS

Rejet

Nationalité française – Contentieux – Preuve – Preuve de la nationalité par filiation – Admission – Exclusion – Désuétude de l'article 30-3 du code civil – Condition – Résidence à l'étranger pendant une période de cinquante ans – Ascendant susceptible de transmettre la nationalité

Une cour d'appel, qui constate qu'un ascendant du demandeur à une action déclaratoire de la nationalité française avait résidé en France pendant plusieurs années, en déduit exactement, abstraction faite du motif erroné mais surabondant tiré de la naissance du père du demandeur après la date de l'accession à l'indépendance de l'Algérie, que la condition de résidence à l'étranger de l'un des ascendants dont il tiendrait la nationalité française pendant la période de cinquante ans prévue par l'article 30-3 du code civil n'était pas remplie, de sorte qu'il était recevable à rapporter la preuve de sa nationalité française par filiation.

Nationalité française – Acquisition – Filiation – Exclusion – Désuétude de l'article 30-3 du code civil – Condition – Résidence à l'étranger pendant une période de cinquante ans – Ascendant susceptible de transmettre la nationalité

Déchéance du pourvoi

1. Mme [D] soutient que le procureur général près la cour d'appel de Paris est déchu de son pourvoi pour n'avoir pas signifié son mémoire ampliatif dans le délai prévu à l'article 978 du code de procédure civile.

2. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le mémoire ampliatif déposé le 25 avril 2022 a été signifié à Mme [D] demeurant en Algérie par acte du même jour, selon le Protocole judiciaire signé le 28 août 1962 entre le gouvernement de la République française et l'Exécutif provisoire algérien, au moyen du formulaire de transmission, accompagné de l'acte à notifier adressé au tribunal de Cheraga dans le ressort duquel se trouve le destinataire de l'acte.

3. Il n'y a donc pas lieu de prononcer la déchéance du pourvoi.

Caducité du pourvoi

4. Mme [D] soutient que le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Paris est caduc, faute pour celui-ci d'avoir déposé au ministère de la justice la copie de son pourvoi et/ou de son mémoire ampliatif.

5. Le procureur général près la cour d'appel de Paris justifie toutefois de l'accomplissement des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, pour avoir communiqué le 24 décembre 2021 sa déclaration de pourvoi au ministère de la justice, attestée selon récépissé du 8 mars 2022.

6. Il n'y a donc pas lieu de constater la caducité du pourvoi.

Faits et procédure

7. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 décembre 2021), Mme [D], née le 17 juin 1992 en Algérie, à laquelle un certificat de nationalité française a été refusé, a engagé une action déclaratoire de nationalité en soutenant être la descendante, par filiation paternelle, d'un admis à la qualité de citoyen français.

8. Le ministère public lui a opposé la désuétude prévue par l'article 30-3 du code civil.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. Le procureur général près la cour d'appel de Paris fait grief à l'arrêt de déclarer Mme [D] recevable à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française en application de l'article 30-3 du code civil, alors qu'« en application de l'article 30-3 du code civil, lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de français ; que cet article ne concerne pas spécifiquement la situation des transferts de souveraineté, mais s'applique à tout individu dont les ascendants se sont établis hors de France pendant un délai de plus de cinquante ans ; qu'en l'espèce la cour d'appel a considéré que le père de Mme [J] [D] étant né après le 3 juillet 1962, la condition d'absence de résidence en France pendant le délai cinquantenaire s'appréciait également à l'égard de la grand-mère paternelle de l'intéressée ; qu'en refusant d'apprécier la condition de fixation des ascendants à l'étranger pendant plus d'un demi-siècle à l'égard du seul père de Mme [J] [D], né le 4 mai 1963 en Algérie où il est demeuré fixé, au motif qu'il était né après l'accession à l'indépendance de ce pays, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les dispositions de l'article 30-3 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte de l'article 30-3 du code civil que celui qui réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français.

11. Ayant relevé que la grand-mère paternelle de Mme [D], Mme [H] [M], avait résidé en France pendant plusieurs années à partir de l'année 2005, et qu'elle avait obtenu sur le territoire français antérieurement à l'expiration des cinquante années suivant l'accession de l'Algérie à l'indépendance le 3 juillet 1962, la délivrance d'un certificat de nationalité française auprès du tribunal d'instance du lieu de son domicile, l'émission d'une carte d'assurance maladie « Vitale » et deux abonnements relatifs à l'utilisation des transports en commun, la cour d'appel a exactement déduit de ces seules constatations, abstraction faite du motif erroné mais surabondant tiré de la naissance du père de l'intéressée postérieurement au 3 juillet 1962, que la condition de résidence à l'étranger de l'un des ascendants dont elle tiendrait la nationalité française pendant la période de cinquante ans prévue par l'article 30-3 du code civil n'était pas remplie, de sorte que Mme [D] était recevable à rapporter la preuve de sa nationalité française par filiation.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ancel - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 30-3 du code civil.

1re Civ., 17 mai 2023, n° 22-10.670, (B), FS

Rejet

Nationalité française – Nationalité française d'origine – Français par filiation – Conditions – Acte de l'état civil – Actes établis par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) – Force probante – Détermination

Il résulte de l'article 1371, alinéa 1, du code civil, que, devant le juge civil saisi d'une action déclaratoire de nationalité française, le certificat de naissance délivré par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) conformément à l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, ne fait foi que jusqu'à preuve contraire des événements que celui-ci n'avait pas personnellement accomplis ou constatés.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 avril 2021), Mme [D], à qui l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a accordé le statut de réfugié, a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une action déclaratoire de nationalité après s'être vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Mme [D] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'est pas de nationalité française, alors :

« 1°/ que les actes établis par l'Office français des réfugiés et des apatrides (OFPRA) sur le fondement des dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ont valeur d'actes authentiques qui font foi jusqu'à inscription de faux ; qu'en jugeant toutefois, pour considérer que l'état civil de Mme [D] n'est pas fiable et certain et qu'elle ne pouvait prétendre à la nationalité française, que le certificat de naissance tenant lieu d'acte d'état civil qui avait été dressé par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 9 septembre 2013 indiquant qu'elle était née le 22 juillet 1984 à [Localité 2] en Guinée de [B] [D] et [E] [X] ne fait foi que jusqu'à preuve du contraire, qui serait rapportée, et qu'il ne pouvait pas couvrir les irrégularités des autres actes produits, lors même qu'ayant la valeur d'acte authentique, le certificat de naissance établi par l'OFPRA valait jusqu'à inscription de faux, la cour d'appel a violé l'article L. 721-3 ancien du CESEDA ;

2°/ que en tout état de cause, les actes établis par l'Office français des réfugiés et des apatrides sur le fondement des dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont valeur d'actes authentiques ; qu'en jugeant toutefois, pour considérer que l'état civil de Mme [D] n'est pas fiable et certain et qu'elle ne pouvait prétendre à la nationalité française, que le certificat de naissance tenant lieu d'acte d'état civil qui avait été dressé par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 9 septembre 2013 indiquant qu'elle était née le 22 juillet 1984 à [Localité 2] en Guinée de [B] [D] et [E] [X] ne fait foi que jusqu'à preuve du contraire, qui serait rapportée, et qu'il ne pouvait pas couvrir les irrégularités des autres actes produits, sans expliciter la raison pour laquelle cet acte ne vaudrait pas jusqu'à inscription de faux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 721-3 ancien du CESEDA. »

Réponse de la Cour

3. L'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 dispose :

« L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'état civil.

Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis.

Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. »

4. Aux termes de l'article 1371, alinéa 1, du code civil, l'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté.

5. Il en résulte qu'à défaut de disposition dérogatoire, concernant les actes authentiques établis par le directeur de l'OFPRA, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le certificat de naissance délivré à Mme [D] ne faisait foi que jusqu'à preuve contraire des événements que celui-ci n'avait pas personnellement accomplis ou constatés, devant le juge civil saisi d'une action déclaratoire de nationalité française.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Hascher - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Article 1371, alinéa 1, du code civil ; article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020.

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