Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

CHOSE JUGEE

1re Civ., 17 mai 2023, n° 22-10.193, (B), FRH

Cassation partielle

Décision dont l'autorité est invoquée – Jugement contentieux – Surendettement – Commission de surendettement – Mesures recommandées – Contestation par les parties – Décision du juge de l'exécution vérifiant la validité et le montant des titres de créance (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 novembre 2021) et les productions, par acte du 5 janvier 2017, publié le 7 février 2017, la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine (la banque) a fait délivrer à [S] [L] et Mme [P] (les emprunteurs) un commandement de payer aux fins de saisie immobilière en exécution d'un prêt du 27 juillet 2006 garanti par hypothèque conventionnelle.

2. La banque a assigné les emprunteurs devant le juge de l'exécution aux fins de vente forcée des biens et droits immobiliers saisis. Invoquant une inexactitude du taux effectif global (TEG), ceux-ci ont demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts conventionnels. Ils ont, par ailleurs, saisi la commission de surendettement.

Par jugement du 16 octobre 2019, le juge de l'exécution statuant en matière de surendettement a fixé la créance de la banque à la somme de 13 450,32 euros.

3. M. [D] [L] est intervenu volontairement à l'instance de saisie immobilière en qualité d'ayant droit de [S] [L], décédé le [Date décès 2] 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer l'action en contestation du TEG recevable, de dire que le TEG mentionné dans le contrat de prêt est erroné, de substituer au taux conventionnellement prévu le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat et de dire qu'en l'absence d'une créance exigible aux termes des articles L. 311 2, L. 311 4 et L. 311 6 du code des procédures civiles d'exécution la procédure de vente sur saisie immobilière n'a plus de base légale, alors « que l'indication, dans un acte de prêt, d'un taux effectif global supérieur à la réalité n'appelle aucune sanction ; qu'en l'espèce, la cour a retenu que le TEG figurant dans l'acte de prêt était inexact dans la mesure où il était supérieur à celui figurant dans l'offre de prêt, qui n'était pas contesté ; qu'en se fondant sur une telle erreur, qui ne venait pourtant pas au détriment des emprunteurs, pour décider la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel, la cour d'appel a violé les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, et 1907 du code civil ;

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016 :

6. En application de ces textes, l'erreur affectant la mention du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de crédit n'est sanctionnée que lorsqu'elle vient au détriment de l'emprunteur.

7. Pour substituer au taux conventionnellement prévu le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat, l'arrêt retient, d'abord, que le TEG mentionné dans l'offre de prêt, qui intègre les frais de notaire, est exact et non contesté, relève, ensuite, qu'il est inférieur à celui figurant dans l'acte authentique de prêt, qui n'inclut pas ces mêmes frais, et en déduit, enfin, que ce dernier TEG est erroné.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'erreur affectant le TEG mentionné dans le contrat de prêt ne venait pas au détriment des emprunteurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La banque fait grief à l'arrêt de dire qu'en l'absence d'une créance exigible aux termes des articles L. 311 2, L. 311 4 et L. 311 6 du code des procédures civiles d'exécution, la procédure de vente sur saisie immobilière n'a plus de base légale, alors « que la décision du juge du surendettement sur une demande de vérification des créances n'a pas l'autorité de la chose jugée ; qu'en retenant, pour dire que la banque ne disposait plus d'aucune créance exigible et mettre fin aux opérations de saisie immobilière, qu'il n'avait pas formé de recours à l'encontre de la décision rendue par le juge du surendettement ayant fixé à 13 450,32 euros et que cette somme avait été réglée en totalité, la cour d'appel a violé l'article R. 723-7 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, et l'article 1351, devenu 1355, du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil, et R. 723-7 du code de la consommation :

10. Il résulte de ces textes que la décision par laquelle le juge de l'exécution statuant en matière de surendettement vérifie la validité et le montant des titres de créance n'a pas l'autorité de la chose jugée au principal.

11. Pour dire qu'en l'absence d'une créance exigible aux termes des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution, la procédure de vente sur saisie immobilière n'avait plus de base légale, l'arrêt retient que dans le cadre de la procédure de surendettement la banque a ajusté ses prétentions et sollicité finalement une somme de 13 450,32 euros à titre de solde de tout compte et qu'il n'est pas contestable que cette somme a été versée en totalité, mettant ainsi fin au plan de surendettement, de sorte qu'elle ne peut plus valablement contester le quantum des sommes qu'elle a elle-même fixé aux termes de son propre décompte.

12. En statuant ainsi, alors que la vérification du montant de la créance avait été effectuée à la demande de la commission afin de permettre à celle-ci de poursuivre sa mission, de sorte qu'elle n'avait pas l'autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le taux effectif global mentionné dans le contrat de prêt 27 juillet 2006 est erroné, substitue au taux conventionnellement prévu le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat et dit qu'en l'absence d'une créance exigible aux termes des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution, la procédure de vente sur saisie immobilière aux termes d'un commandement du 5 janvier 2017 n'a plus de base légale, l'arrêt rendu le 9 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Kloda - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article 1351, devenu 1355, du code civil ; article R. 723-7 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 21 octobre 2004, pourvoi n° 00-20.515, Bull., 2004, II, n° 475 (cassation).

2e Civ., 17 mai 2023, n° 21-21.295, (B), FRH

Rejet

Etendue – Evénements postérieurs ayant modifié la situation antérieurement reconnue en justice – Portée – Cas – Arrêt irrévocable – Liquidation judiciaire postérieure

Une liquidation judiciaire survenue après un arrêt irrévocable ne constitue pas un fait nouveau faisant obstacle à l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 février 2021) M. [O] et Mme [T] ont, par acte authentique reçu par M. [U], notaire, acquis de la société La Vallée d'Aulnes (la société), en l'état futur d'achèvement, un lot de copropriété en vue de le donner en location sous le statut de loueur en meublé non professionnel, financé par un emprunt souscrit auprès de la société BNP Paribas Personal finance (la banque).

2. L'opération ne leur permettant pas d'obtenir les avantages fiscaux qu'ils recherchaient, ils ont assigné la société, le notaire et la banque en annulation et, subsidiairement, en résolution de la vente et du prêt, ainsi qu'en remboursement de frais engagés et paiement de dommages-intérêts.

3. Une cour d'appel a annulé le contrat de vente pour dol et, par voie de conséquence, celui de prêt et condamné in solidum M. [U] et la société civile professionnelle de notaires avec la société à payer diverses sommes à M. et Mme [O], avec répartition entre les débiteurs à hauteur de 30 % in solidum pour le notaire et la société civile professionnelle de notaires et de 70 % pour la société.

4. Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2016 (Com., 18 mai 2016, pourvoi n° 14-15.988).

5. Affirmant qu'à la suite de sa liquidation judiciaire, la société n'avait pas payé les sommes mises à sa charge, M. et Mme [O] ont saisi un tribunal de grande instance pour obtenir la condamnation de M. [U] et de la société civile professionnelle de notaires à leur payer une certaine somme correspondant au prix d'achat de l'immeuble.

6. Leur demande a été déclarée irrecevable par un jugement dont ils ont relevé appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Mme [T] fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes et de la condamner in solidum avec M. [O] à payer la somme de 1 000 euros à M. [U] et à la société civile professionnelle [U]-Decron-Lafaye sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile, alors :

« 1° / qu'une action en responsabilité professionnelle pour faute contre un notaire n'a pas le même objet qu'une action en garantie de paiement contre ce notaire en conséquence de l'annulation d'une vente dont la restitution du prix de vente à l'acquéreur est impossible suite à l'insolvabilité du contractant qui en est débiteur ; que pour avoir jugé au contraire au regard de Mme [T] en lui opposant, pour rejeter sa demande, l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 20 décembre 2013, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil ;

2°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; que la liquidation judiciaire prononcée le 28 mai 2014 et le certificat établissant le caractère non recouvrable de la créance des époux [O] auprès de la SCI La Vallée d'Aulnes délivré le 3 octobre 2018 constituaient des faits nouveaux privant la décision de la cour d'appel de Poitiers du 20 décembre 2013 de l'autorité de la chose jugée ; qu'en ayant énoncé qu'en dépit de ces circonstances du fait de l'identité d'objet de la demande présentée entre les mêmes parties, il devait être retenu l'irrecevabilité des demandes de Mme [T] du fait de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil ».

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la cause et l'objet des demandes est identique, M. et Mme [O] recherchant la responsabilité du notaire et de la société civile professionnelle de notaires, ainsi que leur condamnation au paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle tandis qu'ils avaient déjà recherché cette responsabilité, pour manquement au devoir de conseil, lors de la première instance et que celle-ci avait été irrévocablement consacrée par un précédent arrêt et qu'ils n'avaient pas réservé leur demande de condamnation du notaire dans l'attente de l'établissement de l'insolvabilité du vendeur.

9. En second lieu, l'arrêt retient que la liquidation judiciaire de la société, survenue après l'arrêt de 2013, ne constituait pas un fait nouveau faisant obstacle à l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision.

10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que les demandes étaient irrecevables comme portant atteinte à l'autorité de la chose jugée.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Rapprochement(s) :

3e Civ., 28 mars 2019, pourvoi n° 17-17.501, Bull. (rejet).

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