Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

BAIL RURAL

3e Civ., 25 mai 2023, n° 21-23.015, (B), FS

Rejet

Bail à ferme – Améliorations – Indemnité au preneur sortant – Action en indemnisation – Adjudication – Saisie immobilière – Cahier des charges – Mention – Nature, coût et date des améliorations – Omission – Absence d'influence

Il résulte de l'article L. 411-69, alinéas 1 et 4, du code rural et de la pêche maritime et de l'article R. 322-11, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution que, si le preneur et le bailleur doivent, à la demande du rédacteur du cahier des conditions de vente, et sous leur responsabilité, lui fournir les indications relatives à la nature, au coût et à la date des améliorations apportées par le preneur, l'omission de ces mentions dans le cahier des conditions de vente ne peut avoir pour effet de priver le preneur de son droit de demander à l'adjudicataire, bailleur à l'expiration du bail, le paiement d'une indemnité au titre de ces améliorations.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 6 juin 2019, pourvoi n° 17-23.777), le 17 juin 2005, M. et Mme [W] ont donné à bail rural un ensemble immobilier à la société civile d'exploitation agricole du Domaine de la Veyssière (la SCEA), dont ils étaient les seuls associés.

2. Le 26 mai 2009, au terme d'une procédure de saisie immobilière, la société Centre Pierre investissement (l'adjudicataire) a été déclarée adjudicataire de l'immeuble donné à bail.

3. Le 13 novembre 2013, la SCEA a été placée en liquidation judiciaire.

La résiliation du bail rural a été constatée par le juge-commissaire le 14 avril 2014.

4. Le 29 juillet 2014, la société [P] associés (le liquidateur), agissant en qualité de liquidateur de la SCEA, a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en condamnation de l'adjudicataire à lui payer l'indemnité due au preneur sortant au titre des améliorations apportées antérieurement à l'adjudication.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. L'adjudicataire fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au liquidateur une certaine somme au titre de l'indemnité due au preneur sortant, alors « que, dans le cas où les biens donnés à bail rural ont été vendus par adjudication et où le cahier des conditions de la vente de l'immeuble donné à bail rural ne fait pas mention de la nature, du coût et de la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime, le droit à indemnisation du preneur à bail rural prévu par les dispositions de l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime est inopposable à l'adjudicataire ; qu'en énonçant, par conséquent, pour condamner la société Centre Pierre investissement à payer à M. [I] [P], ès qualités, la somme de 413 933,47 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de son arrêt, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil, en application des dispositions de l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime, que la circonstance que le cahier des charges de l'adjudication, établi sous la seule responsabilité de son rédacteur, ne portait aucune mention relative à la nature, au coût et à la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime devait demeurer sans incidence sur les droits du preneur à indemnité, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 411-69, L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 411-69, alinéas 1 et 4, du code rural et de la pêche maritime, le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail. Si la vente a eu lieu par adjudication, le cahier des charges doit mentionner la nature, le coût et la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 de ce code. Cette mention est établie par l'officier public ou ministériel chargé de la vente d'après les indications fournies par le bailleur et par le preneur ; en cas de désaccord entre les parties, elle fait état des éléments contestés.

8. Aux termes de l'article R. 322-11, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution, relatif à la saisie immobilière, le cahier des conditions de vente est élaboré sous la responsabilité du créancier poursuivant.

9. S'il résulte de ces textes que le preneur et le bailleur doivent, à la demande du rédacteur du cahier des conditions de vente, et sous leur responsabilité, fournir les indications précitées, leur défaut de mention ne peut avoir pour effet de priver le preneur de son droit de demander à l'adjudicataire, bailleur à l'expiration du bail, le paiement d'une indemnité au titre de ces améliorations.

10. La cour d'appel a donc, à bon droit, énoncé que la circonstance que le cahier des charges de l'adjudication ne porte aucune mention relative à la nature, au coût et à la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime doit demeurer sans incidence sur les droits du preneur à indemnité.

11. Elle en a exactement déduit que le liquidateur de la SCEA était fondé à demander à l'adjudicataire le paiement d'une indemnité au titre des travaux d'amélioration prévus par une clause du bail.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Davoine - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article L. 411-69, alinéas 1 et 4, du code rural et de la pêche maritime ; article R. 322-11, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution.

3e Civ., 25 mai 2023, n° 21-25.083, (B), FS

Rejet

Bail à ferme – Reprise – Conditions – Contrôle des structures – Autorisation préalable d'exploiter – Dérogation – Déclaration préalable – Dépôt – Justification – Date – Détermination

Il résulte de l'article R. 331-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-713 du 22 juin 2015, que, lorsque l'opération est soumise au régime dérogatoire de la déclaration préalable bénéficiant à la reprise des biens de famille prévu par l'article L. 331-2, II, du même code, le bénéficiaire d'un droit de reprise n'est pas tenu de justifier du dépôt de cette déclaration dès la date d'effet du congé, mais seulement avant de mettre en valeur les biens.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 9 novembre 2021), M. et Mme [W] ont donné à bail rural à Mme [Y] deux parcelles en nature de terres qui ont été mises à la disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Y] (l'EARL).

2. Le 21 décembre 2015, M. et Mme [W] ont vendu ces parcelles à M. [C], neveu de M. [W], qui, les 2 et 4 mai 2016, a délivré congé aux fins de reprise au 10 novembre 2017.

3. Le 9 juin 2016, Mme [Y] et l'EARL ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de ce congé.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [Y] et l'EARL font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'annulation du congé et de le valider à effet au 15 février 2021, alors :

« 1°/ que le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe ; qu'en se bornant à affirmer qu'à la distance de 14,9 km, l'habitation du repreneur est encore suffisamment proche des fonds considérés pour en permettre l'exploitation directe, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne s'agissait pas d'une exploitation laitière nécessitant une présence constante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ que l'état de la réglementation des structures applicable à la reprise doit être apprécié à la date à laquelle le congé doit prendre effet ; qu'il relève du régime de l'autorisation ou de la déclaration, l'auteur de la reprise doit donc être en conformité avec le contrôle des structures au plus tard à la date d'effet du congé ; qu'en énonçant que la date d'effet du congé - le 15 février 2021 - est antérieure aux débats devant la cour, mais que le bénéficiaire de la reprise ne pourra mettre en valeur les biens qu'après validation du congé par la cour et après le départ du fermier en place, qu'il en résulte que M. [N] [C] n'est pas tenu, à ce stade et dans le cadre de la présente instance, de justifier avoir d'ores et déjà effectué la déclaration préalable prévue par les dispositions susvisées, quand l'auteur de la reprise du bien loué devait être en conformité avec le contrôle des structures au plus tard à la date d'effet du congé, soit le 15 février 2021, et justifier du dépôt de la déclaration, la cour d'appel a violé les articles L. 331-2 et R. 331-7 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, la cour d'appel a souverainement retenu, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que l'habitation du repreneur située à 14,9 kilomètres des biens repris était suffisamment proche des fonds considérés pour en permettre l'exploitation directe.

5. D'autre part, selon l'article R. 331-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-713 du 22 juin 2015, la déclaration mentionnée à l'article L. 331-2, II, du même code doit être préalable à la mise en valeur des biens.

6. Il résulte de ce texte que le bénéficiaire d'un droit de reprise n'est pas tenu de justifier du dépôt de cette déclaration dès la date d'effet du congé, mais seulement avant de mettre en valeur les biens.

7. La cour d'appel, a relevé que l'opération envisagée était soumise au régime dérogatoire de la déclaration préalable bénéficiant à la reprise des biens de famille prévu par l'article L. 331-2, II, du code rural et de la pêche maritime et, a constaté, que si la date d'effet du congé, le 15 février 2021, était antérieure aux débats devant elle, le bénéficiaire de la reprise ne pourrait mettre en valeur les biens qu'après validation de ce congé et départ du fermier en place.

8. Elle en a déduit, à bon droit, que M. [C] n'était pas tenu de justifier, dans le cadre de l'instance en validation du congé, d'avoir effectué la déclaration préalable mentionnée à l'article L. 331-2, II, précité.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Bosse-Platière - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article R. 331-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ; article L. 331-2, II, du code rural et de la pêche maritime.

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