Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

AVOCAT

1re Civ., 25 mai 2023, n° 22-10.954, (B), FS

Cassation

Conseil national des barreaux – Membre – Election – Recours – Recevabilité – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte des articles 16 et 33 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1258 du 26 septembre 2022, que le recours formé par tout avocat à l'encontre de l'élection des membres du Conseil national des barreaux est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel de Paris ou remis contre récépissé à son greffier en chef.

Viole ces textes la cour d'appel qui déclare irrecevable le recours de l'avocat formé par lettre recommandée envoyée au greffier en chef et non au secrétariat-greffe, dès lors que cette lettre avait été réceptionnée par le greffe de la cour d'appel.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2021) et les pièces de la procédure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 décembre 2020, adressée au greffier en chef de la cour d'appel de Paris et réceptionnée le 8 décembre 2020 par le « service courrier » de la cour, M. [C], avocat, a formé un recours contre l'élection des membres de la circonscription nationale du collège ordinal du conseil national des barreaux (CNB) qui s'est déroulée le 24 novembre 2020, afin d'en obtenir l'annulation.

2. Le procureur général, le CNB et les avocats élus ont opposé l'irrecevabilité de ce recours.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [C] fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors « qu'en vertu des articles 16 et 33 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le recours introduit contre l'élection des membres du conseil national des barreaux doit être formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef ; que la finalité poursuivie par ces textes consiste à s'assurer que le greffier en chef est informé du recours déposé ; qu'ainsi, un recours formé par lettre recommandée adressée au greffier en chef, et non au secrétariat-greffe, est recevable dès lors qu'il a nécessairement été porté à la connaissance du greffier en chef ; que pour déclarer irrecevable le recours formé par M. [C], la cour d'appel a retenu qu'il avait été formé par lettre recommandée adressée au greffier en chef, et non au secrétariat-greffe, et qu'il s'ensuivait que le recours, dans sa forme choisie par M. [C], n'avait pas été adressé au destinataire spécialement prévu par l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16 et 33 de ce décret. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 16 et 33 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1258 du 26 septembre 2022 :

4. Il résulte de ces textes que le recours formé par tout avocat à l'encontre de l'élection des membres du CNB est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel de Paris ou remis contre récépissé à son greffier en chef.

5. Pour déclarer le recours de M. [C] irrecevable, l'arrêt retient qu'ayant été formé par lettre recommandée envoyée au greffier en chef et non au secrétariat-greffe, ce recours n'a pas été adressé au destinataire prévu au premier de ces textes.

6. En statuant ainsi, alors que cette lettre avait été réceptionnée par le greffe de la cour d'appel de Paris, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS,et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Soulard (premier président) - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) et Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 16 et 33 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1258 du 26 septembre 2022.

2e Civ., 25 mai 2023, n° 21-21.523, (B), FRH

Rejet

Honoraires – Contestation – Convention d'honoraires – Renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle – Absence d'effet – Cause – Dépôt ultérieur par le justiciable d'une demande d'aide juridictionnelle

Fait une exacte application de l'article 32 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique le premier président qui, après avoir constaté que l'aide juridictionnelle avait été accordée au client de l'avocat postérieurement à la conclusion de la convention d'honoraires, qui stipulait qu'il entendait expressément renoncer à solliciter cette aide, en déduit que cette convention était privée d'effets et que l'avocat ne pouvait, en l'absence de renonciation rétroactive au bénéfice de l'aide juridictionnelle ou de décision de retrait de celle-ci, réclamer à son client une quelconque rémunération au titre des diligences accomplies après la demande d'aide juridictionnelle, peu important que son client ne l'ait pas informé de cette demande.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par la première présidente d'une cour d'appel (Orléans, 30 juin 2021), M. [P] a confié à M. [D], avocat, la défense de ses intérêts dans un litige relatif à une procédure d'expulsion.

2. M. [P] a effectué le 20 novembre 2019 une demande d'aide juridictionnelle.

3. Le 23 décembre 2019, une convention d'honoraires a été établie entre les parties, laquelle stipulait notamment que le client « déclare que ses ressources et/ou son patrimoine l'excluent du bénéfice [du mécanisme de l'aide juridictionnelle ou qu'il entend expressément renoncer [...] à solliciter le bénéfice de cette aide ».

4. Le 17 février 2020, l'aide juridictionnelle a été accordée à M. [P].

5. Le 3 mars 2020, M. [P] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Blois aux fins d'obtenir la restitution du montant des honoraires versés à son conseil.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. M. [D] fait grief à l'ordonnance de lui ordonner de rembourser à son client la somme de 1 500 euros TTC perçue au titre d'honoraires facturés, alors :

« 1°/ que la renonciation expresse au bénéfice de l'aide juridictionnelle emporte le droit pour l'avocat d'obtenir le paiement de ses honoraires ; que l'ordonnance attaquée a constaté que le client avait conclu le 23 décembre 2019 une convention d'honoraires avec son conseil stipulant qu'il déclarait être exclu du mécanisme de l'aide juridictionnelle ou entendait expressément renoncer à en solliciter le bénéfice, stipulation insérée postérieurement à la demande d'aide juridictionnelle datée du 20 novembre 2019 ; qu'en déniant l'applicabilité de cette clause de renonciation au motif inopérant que l'exercice, en cours de procédure, de la liberté de choix de son avocat par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle n'emporte pas renonciation rétroactive à cette aide, quand elle avait relevé l'existence d'une renonciation expresse et rétroactive du client à sa demande d'aide juridictionnelle, la juridiction du premier président n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 32 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 1103 du code civil ;

2°/ qu'en présence d'une renonciation expresse du client au bénéfice de l'aide juridictionnelle, l'avocat a droit au paiement de l'intégralité des honoraires convenus, peu important que ses diligences aient été accomplies avant ou après la demande d'aide juridictionnelle ; que l'ordonnance attaquée a constaté que, dans une convention intervenue postérieurement à la demande d'aide juridictionnelle, le client avait expressément renoncé au bénéfice de cette aide ; qu'en condamnant néanmoins l'avocat à rembourser le client du chef d'honoraires indûment perçus prétexte pris que les diligences de l'exposant avaient été exécutées postérieurement à la demande d'aide juridictionnelle, la juridiction du premier président a violé ensemble les articles 32 de la loi du 10 juillet 1991 et 1103 du code civil ;

3°/ que la règle selon laquelle l'avocat ne peut réclamer au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale que la rémunération des diligences qu'il a accomplies avant la demande d'aide, à l'exclusion de celles faites postérieurement, ne s'applique que s'il est établi que l'avocat en charge du dossier a été informé d'une telle demande ; qu'en l'espèce l'ordonnance attaquée a constaté que l'exposant avait objecté n'avoir jamais été informé de la demande d'aide étatique formée par son client avant que celui-ci n'y renonce expressément ; qu'en déboutant néanmoins l'avocat de sa prétention sans avoir constaté qu'il aurait été informé de la demande d'aide, la juridiction du premier président a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 32 de la loi du 10 juillet 1991. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir constaté que l'aide juridictionnelle avait été accordée à M. [P] postérieurement à la convention qui stipulait qu'il entendait expressément y renoncer, le premier président en a exactement déduit que cette convention était privée d'effets et que M. [D] ne pouvait, en l'absence de renonciation rétroactive du client au bénéfice de l'aide juridictionnelle ou de décision de retrait de celle-ci, lui réclamer une quelconque rémunération au titre des diligences accomplies après la demande d'aide juridictionnelle, peu important que son client ne l'ait pas informé de cette demande.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; Me Balat -

Textes visés :

Article 32 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Com., 24 mai 2023, n° 21-21.424, (B), FRH

Rejet

Règlements pécuniaires – Caisse des règlements pécuniaires des avocats – Chèque émis au moyen de fonds déposés sur un sous-compte ouvert à la caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) – Paiement effectué pendant la période suspecte – Action en rapport

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2021), la Société d'Avocats Rémy Hassan (la SARH) est l'un des avocats de la société Hélios Strategia (la société Hélios).

La construction d'une centrale photovoltaïque, confiée par la société Hélios à la société Rev'Solaire, a donné lieu à un contentieux à l'occasion duquel la SARH a représenté la société Hélios. Des saisies-attributions ayant été pratiquées pour appréhender l'indemnité due à la société Hélios par l'assureur de la société Rev'Solaire, des fonds ont été versés, le 8 juin 2016, sur le compte de la SARH ouvert à la caisse des règlements pécuniaires des avocats (la CARPA).

Le 9 juin 2016, après que la SARH eut fait signer par son client, le 5 mai 2016, une autorisation de paiement sur son compte CARPA, un chèque d'un montant de 199 034,21 euros a été émis par la CARPA au bénéfice de la SARH en paiement de ses honoraires.

2. Par un jugement du 22 juin 2016, la société Hélios a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 11 mars 2015.

La société [H] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

La société David Lacombe, désignée en qualité d'administrateur, a assigné la SARH pour obtenir l'annulation du paiement qu'elle avait reçu.

3. Par un jugement du 16 mars 2017, le redressement judiciaire de la société Hélios a été converti en liquidation judiciaire.

La société [H], désignée en qualité de liquidateur, a repris l'instance et demandé le rapport du paiement obtenu par la SARH.

4. Par un jugement du 10 août 2020, la SARH a été mise en sauvegarde. Son plan de sauvegarde a été arrêté par un jugement du 25 novembre 2021, la société Garnier [M] étant désignée en qualité de commissaire à son exécution.

Examen des moyens

Sur le second moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La SARH et le commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde font grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la SARH et d'ordonner le rapport de la somme de 199 034,21 euros à la liquidation judiciaire de la société Hélios, alors :

« 1°/ qu'un paiement par chèque ne peut être attaqué par la voie d'une action en rapport que s'il a été fait par le débiteur en cessation des paiements avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en retenant au contraire que « la loi de sauvegarde des entreprises n'exige plus pour le prononcé des nullités facultatives, et par extension, pour l'action en rapport, l'existence d'un acte accompli par le débiteur, de sorte que l'action est recevable (...) en cas d'émission de chèques par des tiers, pour le compte du débiteur », la cour d'appel a violé les articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du code de commerce ;

2°/ qu'un paiement par chèque ne peut être attaqué par la voie d'une action en rapport que s'il a été fait par le débiteur en cessation des paiements avant l'ouverture de la procédure collective, ce qui suppose, en cas de chèque émis par un tiers, que le débiteur lui ait préalablement versé la contrepartie nécessaire à ce paiement ; qu'en jugeant que le paiement de la somme de 199 044 euros à la SARH au moyen d'un chèque émis par la CARPA pouvait être attaqué par l'administrateur puis le liquidateur judiciaire de la société Hélios dans le cadre d'une action en rapport, sans établir que ce paiement émanait en réalité de la société Hélios qui aurait préalablement remis au tireur les fonds nécessaires à ce paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte des articles L. 632-1, I, alinéa 1, et L. 632-3, alinéa 2, du code de commerce qu'un paiement par chèque effectué par un tiers pour le compte du débiteur, intervenu depuis la date de cessation des paiements, est soumis à l'action en rapport dès lors que les fonds du débiteur ont constitué la contrepartie permettant l'émission de ce chèque et que son bénéficiaire avait connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur.

8. Ayant constaté, par motifs adoptés, que le paiement litigieux a été effectué par un chèque émis au moyen de fonds déposés sur un sous-compte ouvert à la CARPA au nom de la société Hélios, après autorisation de cette dernière, et, ainsi, fait ressortir que ces fonds, propriété de la société Hélios, ont constitué la contrepartie qui en a permis l'émission, l'arrêt retient exactement que ce chèque, remis à la SARH en paiement de ses honoraires alors qu'elle connaissait l'état de cessation des paiements de la société Hélios, constitue un paiement effectué par un tiers pour le compte de la société débitrice, de sorte qu'il est soumis à l'action en rapport.

9. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Le Griel -

Textes visés :

Articles L. 632-1, I, alinéa 1, et L. 632-3, alinéa 2, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Com., 3 juillet 2012, pourvoi n° 11-22.974, Bull. 2012, IV, n° 145 (rejet).

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