Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

APPEL CIVIL

2e Civ., 25 mai 2023, n° 21-15.842, (B), FS

Cassation partielle

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Etendue – Exigence de précision de ce que l'information ou l'annulation est sollicitée (non)

Aucune disposition du code de procédure civile n'exige que la déclaration d'appel mentionne, s'agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu'il en est demandé l'infirmation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 4 janvier 2021), M. [H], en sa qualité d'agent mandataire puis de salarié de la société La Mondiale Groupe (la souscriptrice), a adhéré à un contrat de prévoyance à adhésion obligatoire souscrit par cette société au profit de ses salariés auprès du Groupement d'intérêt économique Bureau commun d'assurances collectives (le GIE).

2. Placé en invalidité par la décision d'une caisse primaire d'assurance maladie du 1er février 2011, il a perçu, en complément de la rente servie par la sécurité sociale, une rente du GIE ainsi qu'une rente de la société CNP assurances, au titre d'un contrat conclu entre cette dernière et son employeur.

3. Licencié le 4 juillet 2012 pour inaptitude médicalement constatée, il a repris une activité professionnelle à temps partiel à compter du 1er juin 2014.

4. Se prévalant d'une clause issue de la modification du contrat de prévoyance à effet du 1er janvier 2014, résultant d'un accord collectif, le GIE a cessé de payer la rente qu'il versait à M. [H] à compter du 1er octobre 2014, entraînant l'arrêt du versement de celle de la société CNP assurances.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident formé par le GIE, qui est préalable

Enoncé du moyen

5. Le GIE fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes formulées en appel par M. [H], alors :

« 1°/ que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, notamment, et à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, ainsi que l'objet de la demande ; qu'en se fondant, pour écarter l'irrégularité de l'acte d'appel de M. [H], qui ne comportait aucune demande d'annulation ou de réformation des chefs du jugement de première instance entrepris et se bornait à recopier verbatim des dispositions de celui-ci, sur ce que l'appelant aurait « implicitement » entendu formuler devant elle, la cour d'appel a violé l'article 901du code de procédure civile, ensemble son article 58 et son article 562,

2°/ qu'en se fondant sur la circonstance selon laquelle aucune des demandes de M. [H] n'était formulée pour la première fois en cause d'appel pour les juger recevables, cependant que cette question ne faisait pourtant pas débat, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 564 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d'appel doit contenir, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à la nullité du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

7. En application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du même décret, seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.

8. Aucun de ces textes ni aucune autre disposition n'exige que la déclaration d'appel mentionne, s'agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu'il en est demandé l'infirmation.

9. Ayant constaté que l'appelant avait énuméré dans sa déclaration d'appel les chefs de jugement critiqués, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi principal formé par M. [H], pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

11. M. [H] fait grief à l'arrêt de dire que la notice d'information du régime professionnel de prévoyance des personnels des sociétés d'assurances à effet au 1er janvier 2014 lui était opposable et de rejeter, en conséquence, l'ensemble de ses demandes, alors :

« 1°/ que le souscripteur est tenu d'informer par écrit les adhérents des modifications qu'il est prévu, le cas échéant, d'apporter à leurs droits et obligations ; qu'il en résulte que seules sont opposables à l'adhérent les modifications ayant fait l'objet d'une information écrite avant la date de leur entrée en vigueur ; qu'en retenant que les modifications du contrat entre l'assureur et le souscripteur produisaient de plein droit effet à l'égard des adhérents, en sorte que ses développements sur l'absence de communication par le souscripteur de la notice à effet du 1er janvier 2014 étaient inopérants, car sans incidence sur l'opposabilité de cette notice, la cour d'appel a violé l'article L. 141-4 du code des assurances (anciennement l'article L. 140-4 de ce même code) ;

2°/ que le souscripteur est tenu d'informer par écrit les adhérents des modifications qu'il est prévu, le cas échéant, d'apporter à leurs droits et obligations ; qu'il en résulte que seules sont opposables à l'adhérent les modifications ayant fait l'objet d'une information écrite avant la date de leur entrée en vigueur ; que le dépôt auprès du service compétent de l'accord collectif de branche dans le cadre duquel la modification des droits et obligations des adhérents a été négociée par les partenaires sociaux ne peut pallier l'absence d'information individuelle des adhérents ; qu'en retenant que le défaut de remise à l'adhérent de la nouvelle notice d'information portant modification de ses droits et obligations était sans incidence sur l'opposabilité de celle-ci, dès lors que cette notice avait été modifiée dans le cadre de négociations entre les partenaires sociaux et était applicable dans les conditions prévues au code du travail concernant l'applicabilité des accords de branches, la cour d'appel a violé l'article L. 141-4 du code des assurances (anciennement l'article L. 140-4 de ce même code). »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 141-4 du code des assurances :

12. Il résulte de ce texte que l'assureur et le souscripteur peuvent convenir de toute modification du contrat de groupe, à charge pour le souscripteur d'en informer par écrit les adhérents trois mois au minimum avant la date prévue de son entrée en vigueur.

13. Ce texte, qui concerne les contrats de groupe tant à adhésion facultative qu'obligatoire, ne prévoit pas d'exception à cette obligation d'information lorsque la modification apportée aux droits et obligations des adhérents au contrat résulte d'un accord collectif.

14. Il est jugé que la remise de la notice définissant les nouvelles garanties résultant d'une modification du contrat initial d'assurance collective obligatoire, est une condition de leur opposabilité à l'adhérent (2e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-22.780, publié et 2e Civ., 7 mars 2019, pourvoi n° 18-10.735).

15. Pour déclarer opposable à M. [H] la notice ayant pris effet au 1er janvier 2014, l'arrêt relève que, nonobstant leur absence de notification préalable, les modifications du contrat entre l'assureur et le souscripteur d'une assurance de groupe produisent de plein droit effet à l'égard des adhérents et que les développements de M. [H] sur l'absence de communication de cette notice sont inopérants.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes formées par M. [H], l'arrêt rendu le 4 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Chauve - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Spinosi ; SCP Ghestin -

Textes visés :

Article L. 141-4 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 17 novembre 1998, pourvoi n° 96-18.152, Bull. 1998, I, n° 318 (rejet).

1re Civ., 11 mai 2023, n° 21-17.153, (B), FS

Cassation sans renvoi

Demande nouvelle – Recevabilité – Conditions – Divorce – Prestation compensatoire – Décision de divorce non passée en force de chose jugée – Cas – Appel sur le prononcé du divorce – Appel recevable

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 mars 2021), un jugement du 24 avril 2017 a prononcé le divorce de M. [D] et de Mme [O].

2. Mme [O] a interjeté un appel limité aux conséquences du divorce et formé une demande de prestation compensatoire, dont l'irrecevabilité pour nouveauté a été soulevée par M. [D].

Examen du moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. M. [D] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [O] une prestation compensatoire, alors « qu'en vertu du principe de l'indivisibilité entre l'action en divorce et la demande de prestation compensatoire, le juge d'appel ne peut statuer pour la première fois sur une demande de prestation compensatoire qu'à la condition que le principe du divorce ait été visé par la déclaration d'appel ; qu'en statuant sur la demande de prestation compensatoire formulée pour la première fois en appel par Mme [O] indépendamment de toute contestation du principe du divorce, après avoir constaté que celle-ci a interjeté appel limité du jugement entrepris du 24 avril 2017, « sollicitant sa réformation en ce qu'il a ordonné le maintien en indivision du bien, fixé l'indemnité d'occupation et la prise en charge des frais et taxes, la pension alimentaire pour l'enfant commun à 400 euros et qu'il ne lui allouait pas de prestation compensatoire », la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile, ensemble l'article 271 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 270 et 271 du code civil et les articles 562 et 566 du code de procédure civile :

4. Il résulte des deux premiers de ces textes que le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respectives des époux.

5. Selon les deux derniers, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

6. Il s'en déduit que, si la demande de prestation compensatoire, accessoire de la demande en divorce, peut être présentée pour la première fois en appel tant que la décision, en ce qu'elle prononce le divorce, n'a pas acquis la force de chose jugée, encore faut-il qu'un appel, principal ou incident, soit formé sur le prononcé du divorce et que cet appel soit recevable.

7. Pour condamner M. [D] à payer à Mme [O] une certaine somme à titre de prestation compensatoire, l'arrêt retient que, si aucune prestation compensatoire n'a été réclamée en première instance, la demande à ce titre, accessoire à la demande en divorce, peut toutefois être présentée pour la première fois en appel tant que la décision, en ce qu'elle prononce le divorce, n'a pas acquis force de chose jugée.

8. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'appel interjeté sur le prononcé du divorce, la demande de prestation compensatoire formée pour la première fois en appel était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [D] à payer à Mme [O] une prestation compensatoire d'un montant de 33 600 euros pouvant être versée en huit annuités de 350 euros par mois, en ce qu'il dit que chaque partie conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés et qu'il rejette les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de prestation compensatoire présentée par Mme [O].

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Agostini - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles 270 et 271 du code civil ; articles 562 et 566 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 14 mars 2018, pourvoi n° 17-14.874, Bull. 2018, I, n° 45, (cassation partielle).

2e Civ., 17 mai 2023, n° 21-20.690, (B), FS

Cassation

Procédure à jour fixe – Assignation – Remise de la copie au secrétariat-greffe – Remise avant la date fixée pour l'audience – Nécessité

Il résulte de l'article 922 du code de procédure civile que dans la procédure d'appel à jour fixe, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel est caduque.

Ce texte, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ayant pour seul objet d'énoncer les formalités nécessaires à la saisine de la cour d'appel, n'impose pas que soient jointes à la copie de l'assignation remise au greffe, les pièces, destinées à l'information de l'intimé, mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile.

Par conséquent, méconnaît cette disposition ainsi que le droit d'accès au juge tel que consacré par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel déclarant un appel irrecevable, motif pris de ce que n'étaient pas jointes à la copie de l'assignation la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, l'ordonnance du premier président et une copie de la déclaration d'appel alors, d'une part, que la cour est valablement saisie par la remise de la seule copie de l'assignation, sans qu'il soit nécessaire d'y joindre les copies mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile, d'autre part, que l'absence de remise de cette assignation est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel.

Recevabilité – Conditions – Procédure à jour fixe

Procédure à jour fixe – Assignation – Dépôt d'une copie au greffe – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2021), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Bear Stearns Bank, aux droits de laquelle est venu le Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages représenté par la société France titrisation, à l'encontre de M. et Mme [F], un juge de l'exécution a ordonné la vente forcée du bien.

2. M. et Mme [F] ont relevé appel de ce jugement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur appel, alors « qu'en cas d'appel d'un jugement d'orientation, la cour est valablement saisie par la remise par voie électronique au greffe de la seule assignation, sans que l'appelant soit tenu de lui remettre également la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, l'ordonnance du premier président et la déclaration d'appel, lesquels constituent des documents distincts de l'assignation ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel des époux [F], que l'assignation remise était incomplète dès lors qu'elle ne comprenait ni la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, ni l'ordonnance du premier président, ni une copie de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 920, 922 et 930-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 922 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte du premier de ces textes que dans la procédure d'appel à jour fixe, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel est caduque.

5. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire ». Toutefois, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Cette réglementation par l'État peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même.

En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c/ Croatie, requête n° 40160/12, 5 avril 2018).

6. La question posée par le moyen est celle de savoir si l'article 922 du code de procédure civile, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, impose ou non, pour que la cour d'appel soit saisie, que soient jointes à la copie de l'assignation les copies de la requête, de l'ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d'appel.

7. En application de l'article 918 du code de procédure civile, la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour.

L'ordonnance signée et datée du premier président figure au dossier de la procédure (2e Civ., 20 mai 2021, pourvois n° 19-19.258 et n° 19-19.259).

8. L'article 922 du code de procédure civile, quant à lui, a pour seul objet d'énoncer les formalités nécessaires à la saisine de la cour d'appel, celle-ci, devant être saisie par la remise d'une copie de l'assignation.

9. Il en résulte que l'article 922 du code de procédure civile n'impose pas que soient jointes à la copie de l'assignation remise au greffe, les pièces, destinées à l'information de l'intimé, mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile.

10. Toute autre interprétation constituerait une entrave disproportionnée à l'accès au juge en méconnaissance de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que la cour d'appel n'a pas été valablement saisie par le dépôt au greffe d'une copie complète de l'assignation faute de comprendre la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, de l'ordonnance du premier président et d'une copie de la déclaration d'appel.

12. En statuant ainsi, en déclarant l'appel irrecevable, alors, d'une part, que la cour est valablement saisie par la remise de la seule copie de l'assignation, sans qu'il soit nécessaire d'y joindre les copies mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile, d'autre part, que l'absence de remise de cette assignation est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Condamne la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages et la condamne à payer à M. et Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bonnet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Articles 920 et 922 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 17 mai 2023, n° 21-21.361, (B), FRH

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Exclusion – Force majeure – Définition

Selon l'article 910-3 du code de procédure civile, constitue, au sens de ce texte, un cas de force majeure la circonstance non imputable au fait de la partie qui l'invoque et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

Par conséquent, ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel déclarant caduque une déclaration d'appel, aux motifs que la durée de l'indisponibilité de l'avocat a été inférieure à celle du délai pour conclure et que le cabinet était en outre composé de deux avocats, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'avocat avait remis un certificat médical établissant qu'il s'était trouvé dans l'incapacité d'exercer sa profession pendant la période au cours de laquelle le délai de dépôt du mémoire avait expiré.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er juillet 2021), par une ordonnance qui a été déférée à une cour d'appel qui l'a confirmée, un conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel de Mme [G].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. Mme [G] fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel datée du 22 décembre 2020, alors :

« 1°/ que la force majeure se caractérise par la présence d'un événement imprévisible et irrésistible ; qu'en s'étant fondée, pour considérer que les conditions de la force majeure n'étaient pas réunies, sur la circonstance que le délai de trois mois pour remettre les conclusions au greffe entre le 22 décembre 2020 et le 22 mars 2021 était supérieur à la durée d'indisponibilité de M. [T], cependant que l'avocat avait été dans l'incapacité d'exercer sa profession du 14 février au 15 avril 2021, soit pendant la période au cours de laquelle le délai de dépôt du mémoire avait expiré, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile ;

3°/ que la force majeure se caractérise par la présence d'un événement imprévisible et irrésistible ; qu'en s'étant fondée sur la circonstance que l'hospitalisation de M. [T] n'avait été que d'une journée et sur l'emplacement des fractures, après avoir constaté que M. [T] justifiait d'un arrêt de travail et d'un certificat d'incapacité d'exercer sa profession entre le 15 février et le 15 avril 2021, la cour d'appel a encore statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile ;

4°/ que la cour d'appel, qui s'est aussi fondée sur le fait que le cabinet de M. [T] était composé d'un autre avocat, tout en constatant qu'il ressortait des attestations produites que le cabinet avait dû faire face à une surcharge de travail en raison de l'absence de M. [T] et que l'associé de M. [T] était spécialisé en droit pénal et n'avait traité que très exceptionnellement des procédures devant le conseil de prud'hommes, a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 910-3 du code de procédure civile :

4. Constitue, au sens de ce texte, un cas de force majeure la circonstance non imputable au fait de la partie qui l'invoque et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

5. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel remise par Mme [G] le 22 décembre 2020, l'arrêt retient que les conditions de la force majeure ne sont pas réunies dès lors que l'indisponibilité de l'avocat de l'appelante, qui n'a été hospitalisé qu'une journée et n'a subi qu'une fracture de l'auriculaire et de l'annulaire droits, a été inférieure à celle du délai pour conclure, qui expirait le 22 mars 2021, le cabinet étant en outre composé de deux avocats.

6. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'avocat avait remis un certificat médical établissant qu'il s'était trouvé dans l'incapacité d'exercer sa profession entre le 15 février et le 15 avril 2021, soit pendant la période au cours de laquelle le délai de dépôt du mémoire avait expiré, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bonnet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 910-3 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 2 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.732, Bull., (rejet) ; 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 20-10.654, Bull., (rejet).

2e Civ., 17 mai 2023, n° 21-14.906, (B), FRH

Cassation

Recevabilité – Pluralité d'intimés – Litige indivisible – Défaut d'intimation de toutes les parties – Effet

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 novembre 2020) et les productions, la société Banque CIC Est (la banque), venant aux droits de la société Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine, a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière à la société Kimmolux puis l'a assignée, ainsi que le trésor public SIE [Localité 3], le Trésor public pôle recouvrement de [Localité 6], le Trésor public pôle recouvrement spécialisé de [Localité 4], le Trésor public pôle recouvrement spécialisé de la Gironde, le Trésor public ADM trésorerie de [Localité 5] et le Trésor public ADM SIE de [Localité 6], créanciers inscrits, devant un juge de l'exécution qui a, par un premier jugement d'orientation, ordonné, après avoir constaté que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution étaient réunies, la réouverture des débats afin que la banque produise un décompte actualisé de sa créance et, par un second jugement, ordonné la vente forcée.

Sur le moyen relevé d'office

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 125 et 553 du code de procédure civile :

3. Selon le premier de ces textes, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.

Aux termes du second, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

4. La cour d'appel, saisie de l'appel interjeté par la société Kimmolux à l'encontre des deux jugements d'orientation, confirme ces derniers.

5. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les créanciers inscrits n'ont pas été intimés et qu'il lui incombait de relever d'office l'irrecevabilité de l'appel eu égard au lien d'indivisibilité unissant les parties à l'instance relative à la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Cabinet François Pinet ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Articles 125 et 553 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 23 mars 2023, pourvoi n° 21-19.906 (cassation).

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