Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

TRAVAIL TEMPORAIRE

Soc., 11 mai 2022, n° 20-12.271, (B), FS

Rejet

Contrat de mission – Succession de contrats de mission – Requalification en contrat de travail à durée indéterminée – Demande – Action à l'encontre de l'entreprise utilisatrice – Prescription biennale – Délai – Point de départ – Terme du dernier contrat – Portée

Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'une succession de contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice, fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat, a pour point de départ le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière.

La requalification en contrat à durée indéterminée pouvant porter sur une succession de contrats séparés par des périodes d'inactivité, ces dernières n'ont pas d'effet sur le point de départ du délai de prescription.

Contrat de mission – Succession de contrats de mission – Requalification en contrat de travail à durée indéterminée – Prise d'effets – Point de départ – Premier jour de la mission – Fondement – Détermination – Portée

Contrat de mission – Succession de contrats de mission – Requalification en contrat de travail à durée indéterminée – Demande – Action à l'encontre de l'entreprise utilisatrice – Prescription biennale – Délai – Point de départ – Périodes d'inactivité – Absence d'influence

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 5 décembre 2019), Mme [K] a été engagée par la société Manpower (entreprise de travail temporaire) et mise à disposition de la société Robot coupe technologies (entreprise utilisatrice) à compter du 7 janvier 2013 selon plusieurs contrats de mission, dont le dernier a pris fin le 26 février 2016.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 18 juillet 2016, afin de solliciter la requalification de ses contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'encontre des sociétés de travail temporaire et utilisatrice et de les condamner à lui verser diverses sommes au titre de la requalification et de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'entreprise utilisatrice fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir fondée sur la prescription, alors :

« 1°/ que le délai de prescription de l'action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée portant sur le motif de son recours est de deux ans ; qu'en appliquant à l'action en requalification du salarié la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article L. 1471-1 du code du travail ;

2°/ que le délai de prescription de l'action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée portant sur le motif de son recours est de deux ans ; que le délai dans lequel le salarié intérimaire peut engager une telle action à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, dans l'hypothèse où les contrats conclus ne se succèdent pas strictement mais comportent entre eux des périodes d'inactivité, est décompté contrat par contrat au regard de la date de saisine de la juridiction prud'homale ; qu'en l'espèce, l'existence de périodes d'inactivité entre les contrats de travail n'était pas contestée ; que la société Robot Coupe Technologie avait fait valoir que les effets éventuels d'une requalification, compte-tenu d'une saisine de la juridiction prud'homale le 18 juillet 2016, ne pouvaient être reportés antérieurement au 18 juillet 2014 ; qu'en se fondant sur un contrat qui arrivait à échéance le 19 juillet 2013 et qui avait été suivi d'une période d'inactivité, pour accueillir l'action en requalification à une date à laquelle la prescription était acquise, la cour d'appel a violé les articles L. 1471-1, L. 1245-1 et L. 1251-40 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

6. Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

7. Selon l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'une succession de contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice, fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat, a pour point de départ le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière.

9. La requalification en contrat à durée indéterminée pouvant porter sur une succession de contrats séparés par des périodes d'inactivité, ces dernières n'ont pas d'effet sur le point de départ du délai de prescription.

10. La cour d'appel a constaté que le terme du dernier contrat de mission de l'intéressée au sein de l'entreprise utilisatrice était le 26 février 2016. Elle a relevé que la salariée avait introduit, le 18 juillet 2016, une action en requalification des contrats de mission souscrits à compter du 7 janvier 2013 en un contrat à durée indéterminée, en soutenant que la conclusion successive de contrats de mission avait pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

11. Il en résulte que l'action de la salariée n'était pas prescrite.

12. Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 1471-1, L. 1251-40, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la transposition au contrat de mission de la requalification des contrats à durée déterminée, et la distinction entre le point de départ de la prescription biennale et les effets dans le temps de la requalification, dans le même sens que : Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-16.651, Bull., (rejet), et les arrêts cités.

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