Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 11 mai 2022, n° 21-10.083, (B), FS

Rejet

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords particuliers – Accord relatif au travail dominical au sein de l'entreprise Printemps SAS du 30 décembre 2016 – Article 2.1 – Dimanches réalisés en plus du temps de travail – Bénéfice – Salariés dont le dimanche n'est pas un jour habituel de travail – Catégorie – Détermination – Salariés travaillant en vertu d'une dérogation accordée par le maire (non) – Fondement – Portée

Il résulte de la combinaison du préambule de l'accord relatif au travail dominical au sein de l'entreprise Printemps du 30 décembre 2016, des articles 1.1.1, 1.1.2, 1.4, 5.2 et 2.1 de ce même accord que les dispositions de l'accord sont applicables aux salariés des établissements bénéficiant de dérogations sur un fondement géographique régies par les articles L. 3132-24 et suivants du code du travail et que seules certaines de ses dispositions sont, dès lors qu'il existe une mention expresse en ce sens, applicables aux salariés travaillant le dimanche en vertu d'une dérogation accordée par le maire en application des articles L. 3132-26 et suivants du code du travail.

Doit être approuvée, une cour d'appel qui a retenu que, si les dispositions de l'article 1.4 de l'accord relatives à la garde d'enfants bénéficiaient aux salariés travaillant le dimanche sous le régime des articles L. 3132-26 et L. 3132-27 du code du travail, celles de l'article 2.1 de l'accord concernant le nombre de dimanches réalisés en plus du temps de travail, ne s'appliquaient pas aux salariés travaillant le dimanche en vertu d'une dérogation accordée par le maire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2020), la société Printemps (la société) et les syndicats CFDT, CFE-CGC, UNSA Printemps ont conclu, le 30 décembre 2016, un accord collectif relatif au travail dominical.

2. Un différend a opposé le Syndicat national de l'encadrement du commerce CFE-CGC, l'UNSA Printemps, et la société Printemps concernant le périmètre d'application de cet accord, plus particulièrement son article 2.1.

3. Le Syndicat national de l'encadrement du commerce CFE-CGC (le syndicat) a saisi un tribunal de grande instance aux fins de voir ordonner à la société Printemps d'appliquer les dispositions de l'article 2.1 aux salariés des établissements ouverts le dimanche sur autorisation du maire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la société d'appliquer les dispositions de l'article 2.1 de l'accord relatif au travail dominical du 30 décembre 2016 aux magasins ouverts le dimanche par application des dispositions des articles L. 3132-26 et L. 3132-27 du code du travail sous astreinte de 20 000 euros par infraction, alors « qu'aux termes de l'article L. 2222-1 du code du travail, les conventions et accords collectifs de travail déterminent leur champ d'application territorial et professionnel et qu'en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 2222-3-3 du même code, la convention ou l'accord collectif contient un préambule présentant de manière succincte ses objectifs et son contenu ; qu'en l'espèce, l'accord relatif au travail dominical au sein de l'entreprise Printemps SAS du 30 décembre 2016 énonce en son préambule que si la société Printemps a souhaité engager des négociations avec ses organisations syndicales représentatives en application des articles L. 3132-24, L. 3132-25, L. 3132-25-1, L. 3132-25-3 et L. 3132-25-6 du code du travail, c'est à la demande des organisations syndicales la négociation a également porté sur la situation des salariés amenés à travailler le dimanche en application des articles L. 3132-26 et L. 3132-27 du code du travail, visant les dérogations au repos dominical accordées par le maire, de sorte que l'article 1.1.2 du protocole relatif au périmètre de l'accord énonce qu'il s'applique à l'ensemble des établissements du Printemps, sans restriction, et que l'article 1.1.2 du protocole relatif au périmètre de l'accord et aux salariés concernés, prévoit que le présent accord s'applique à l'ensemble des salariés de l'entreprise Printemps SAS travaillant dans un établissement ouvert le dimanche en application des dérogations géographiques, ou d'une dérogation accordée par le maire en application des articles L. 3132-26 et L. 3132-27 du code du travail », et ce sans aucune restriction quant à l'application des règles ensuite édictées par le protocole d'accord au bénéfice de l'ensemble des salariés conduits à travailler le dimanche ; que la stipulation incidente, figurant à l'articles 5.2.1 spécifique à l'application des autorisations dérogatoires au repos dominical accordées par le maire, était impropre à caractériser une exclusion de l'application de l'ensemble des autres dispositions de l'accord, et en particulier de son article 2.1, aux salariés pouvant bénéficier de dérogations d'ouverture dominicale accordées par le maire ; que la limite maximale de douze dimanches susceptibles d'être accordés par le maire en vertu de l'article L. 3132-26 du code du travail était compatible avec l'application de l'article 2.1 de l'accord, par lequel l'employeur s'engageait à autoriser les salariés le souhaitant à travailler six dimanches au maximum, cette garantie pouvant être réduite à due concurrence du nombre de dimanches effectivement autorisés par le maire en dessous de la limite de douze ; qu'en retenant néanmoins que la société Printemps avait fait une exacte application des stipulations de l'article 2.1 de l'accord du 30 décembre 2016, parce que ne s'appliquant pas aux salariés, dont la fonction n'est pas nécessaire à l'ouverture du magasin et dont le dimanche n'est pas un jour habituel de travail dans les zones de dérogations municipales visées à l'article L. 3132-26 du code du travail, la Cour d'appel de Paris a méconnu les dispositions susvisées du code du travail et celles des articles 1.1.2 et 2.1 de l'accord relatif au travail dominical au sein de l'entreprise Printemps SAS. »

Réponse de la Cour

5. Selon le préambule de l'accord relatif au travail dominical au sein de l'entreprise Printemps du 30 décembre 2016, la société a souhaité engager des négociations avec les organisations syndicales représentatives en application des articles L. 3132-24, L. 3132-25, L. 3132-25-1, L. 3132-25-3 et L. 3132-25-6 du code du travail issus de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, autorisant l'ouverture dominicale des établissements de commerce de détail qui mettent à disposition des biens et des services, situés dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques, les zones commerciales et les gares à condition que les contreparties et les garanties pour les salariés en soient fixées par un accord collectif. Il ajoute que, par ailleurs, à la demande des organisations syndicales, la négociation a également porté sur la situation des salariés amenés à travailler le dimanche en application des articles L. 3132-26 et L. 3132-27 du code du travail, visant les dimanches du maire.

6. Concernant le périmètre de l'accord, l'article 1.1.1 se rapportant aux établissements concernés indique qu'il est rappelé qu'antérieurement à la loi précitée, les établissements de [Localité 7] et de [Localité 8], situés respectivement en zone touristique internationale et zone touristique au sens de la loi nouvelle, étaient déjà ouverts le dimanche au titre de l'ancien article L. 3132-25 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi du 6 août 2015, que par arrêtés ministériels d'autres zones telles que visées par la loi précitée ont également été créées. Il ajoute que le présent accord s'appliquera à l'ensemble des établissements de la société répondant aux critères de la loi susvisée.

Par ailleurs, l'article 1.1.2 intitulé « salariés concernés » stipule que, le présent accord s'applique à l'ensemble des salariés de l'entreprise Printemps SAS travaillant dans un établissement ouvert le dimanche en application d'une dérogation géographique, ou d'une dérogation accordée par le maire en application des articles L. 3132-26 et L. 3132-27 du code du travail.

7. Selon l'article 1.4 intitulé « aide à la garde d'enfants », de façon plus favorable que les dispositions législatives, la société a répondu aux demandes des organisations syndicales visant à étendre cette aide à la garde d'enfants aux salariés travaillant le dimanche sous le régime de l'article L. 3132-26 du code du travail relatif aux « dimanches du maire », en sorte que ceux-ci en bénéficieront dans les mêmes conditions.

8. Concernant la date d'entrée en vigueur des dispositions conventionnelles, après avoir précisé les modalités d'entrée en vigueur de ces dispositions dans les établissements non encore ouverts le dimanche, l'article 5.2 de l'accord précise que, pour les établissements concernés uniquement par l'aide à la garde d'enfants (douze dimanches du maire), l'octroi de l'aide prévue dans les conditions de l'article 1.4 du présent accord sera effectif dès l'entrée en vigueur de l'accord.

9. L'article 2.1 de l'accord, intitulé « nombre de dimanches réalisés en plus du temps de travail », stipule que, les salariés dont le dimanche n'est pas un jour habituel de travail, ont la possibilité de travailler douze dimanches au maximum en plus de leur temps de travail habituellement planifié du lundi au samedi. Il est convenu que chaque salarié -à l'exclusion des salariés dont la fonction n'est pas nécessaire à l'ouverture du magasin- ayant émis le souhait de travailler de un à douze dimanches, se voit garantir jusqu'à six dimanches à des dates proposées par la direction sur la période de référence courant de juin N à mai N+1.

10. Il résulte de ces dispositions que l'accord relatif au travail dominical au sein de l'entreprise Printemps du 30 décembre 2016 a été conclu afin de rendre possible l'ouverture d'établissements bénéficiant de dérogations sur un fondement géographique en sorte qu'il est applicable aux salariés de ces établissements et que seules certaines de ses dispositions sont, dès lors qu'il existe une mention expresse en ce sens, applicables aux salariés travaillant le dimanche en vertu d'une dérogation accordée par le maire.

11. La cour d'appel qui a, tant par motifs propres, qu'adoptés, retenu que, si les dispositions de l'article 1.4 de l'accord relatives à la garde d'enfants bénéficiaient aux salariés travaillant le dimanche sous le régime des articles L. 3132-26 et L. 3132-27 du code du travail, l'article 2.1 de l'accord concernant le nombre de dimanches réalisés en plus du temps de travail, ne s'appliquait pas aux salariés travaillant le dimanche en vertu d'une dérogation accordée par le maire, a fait une exacte application de ces dispositions.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 3132-24 et suivants du code du travail ; article 2.1 de l'accord relatif au travail dominical au sein de l'entreprise Printemps SAS du 30 décembre 2016.

Soc., 11 mai 2022, n° 21-11.240, (B), FS

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Avantages en concours avec des dispositions contractuelles – Cumul – Prohibition – Conditions – Détermination – Office du juge – Portée

En cas de concours entre les stipulations contractuelles et les dispositions conventionnelles, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé.

Doit être censuré l'arrêt qui, pour écarter l'existence d'un cumul d'avantages se détermine par des motifs insuffisants à caractériser que les avantages en cause n'ont pas le même objet.

Désistements partiels

1. Il est donné acte à M. [U], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société La Romainville, du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [Z] et l'UNEDIC délégation AGS-CGEA IDF-EST.

2. Il est donné acte à la société La Romainville du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'UNEDIC délégation AGS-CGEA IDF-EST.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2020), Mme [Z] a été engagée le 15 février 1988 par la société La Romainville.

4. Par lettre circulaire du 12 février 1992, l'employeur a informé les salariés de la mise en oeuvre d'une nouvelle méthode de calcul des salaires introduisant la notion, d'une part, de prime de production et, d'autre part, de gratification annuelle, remplaçant l'ancien système basé sur la prime d'ancienneté et la prime annuelle.

La prime de production a été supprimée par l'employeur par courrier du 8 décembre 1999.

5. À compter du mois de juillet 2010 et avec effet rétroactif au mois de mars 2010, une prime d'assiduité a été mise en place.

6. La salariée a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement d'un rappel de la prime de production depuis janvier 2011 outre congés payés afférents.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de remboursement de la prime d'assiduité, alors « qu'en cas de concours de stipulations contractuelles et de dispositions conventionnelles, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne se cumulent pas, seul le plus favorable d'entre eux pouvant être accordé, cette comparaison devant être opérée globalement ; qu'il en résulte que sauf dispositions contraires, lorsque l'accord collectif et le contrat de travail prévoient chacun, selon des modalités différentes, une prime destinée à récompenser le salarié de sa présence effective à son poste de travail, celui-ci ne saurait bénéficier d'une application cumulative de ces dispositions et ne peut prétendre qu'au régime globalement le plus avantageux, après comparaison, notamment, des modalités d'octroi ou de calcul applicables ; qu'au cas présent, la société La Romainville faisait valoir, avec offre de preuves, que Mme [I] ne pouvait pas bénéficier du cumul de la prime de production et de la prime d'assiduité instaurée par accord collectif du 1er aout 2010, puisque ces deux primes, qui visaient toutes deux à encourager et récompenser la présence effective du salarié à son poste de travail, présentaient ainsi le même objet et la même cause ; que la société La Romainville sollicitait alors, à titre subsidiaire dans l'hypothèse où la cour d'appel considérerait que la prime de production présentait un caractère contractuel et allouerait à ce titre un rappel de salaire à Mme [Z], le remboursement par cette dernière de la prime d'assiduité qu'elle avait perçue durant toute la période concernée ; que pour débouter la société La Romainville de sa demande, la cour d'appel a énoncé que la prime de production qui est une prime forfaitaire journalière basée sur la présence du salarié à son poste de travail, concernant tous les salariés ayant plus d'un an d'ancienneté et dont le montant dépend du niveau et de l'échelon ainsi que de la gratification annuelle, pouvant varier en fonction de la valeur du salarié, appréciée par le responsable d'exploitation selon certains critères, n'a pas le même objet que la prime d'assiduité versée par la société La Romainville à ses salariés dont Mme [Z] à partir du mois de juillet 2010, fondée sur la présence du salarié à son poste et ne peut dès lors comme le soutient l'employeur se substituer à elle » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la prime de production et la prime d'assiduité avaient pour même objet de récompenser la présence effective du salarié à son poste de travail, de sorte qu'elles ne pouvaient pas se cumuler et que Mme [Z] ne pouvait prétendre qu'au régime le plus avantageux, après comparaison des modalités d'octroi et de calcul desdites primes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 2254-1 du code du travail, ensemble le principe fondamental en droit du travail selon lequel en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2254-1 du code du travail :

9. Selon ce texte, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables.

10. En cas de concours entre les stipulations contractuelles et les dispositions conventionnelles, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé.

11. Pour débouter l'employeur de sa demande de remboursement de la prime d'assiduité, l'arrêt retient que, la prime de production, qui est une prime forfaitaire journalière basée sur la présence du salarié à son poste de travail, concernant tous les salariés ayant plus d'un an d'ancienneté et dont le montant dépend du niveau et de l'échelon ainsi que de la gratification annuelle, pouvant varier en fonction de la valeur du salarié, appréciée par le responsable d'exploitation selon certains critères, n'a pas le même objet que la prime d'assiduité versée par l'employeur à partir du mois de juillet 2010, fondée sur la présence du salarié à son poste qui ne peut dès lors, comme le soutient l'employeur, se substituer à elle.

L'arrêt en déduit que l'employeur qui échoue à rapporter la preuve que la prime d'assiduité a le même objet que la prime de production ne peut en réclamer le remboursement.

12. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser que les primes de production et d'assiduité n'ont pas le même objet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation prononcée sur le second moyen se rapportant au rejet de la demande de remboursement de prime d'assiduité, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif qui condamnent l'employeur à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société La Romainville de sa demande de remboursement de prime d'assiduité, l'arrêt rendu le 25 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2254-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe de non-cumul d'avantages ayant le même objet ou la même cause en cas de conflit de normes, à rapprocher : Soc., 20 novembre 2019, pourvoi n° 18-19.645, Bull., (rejet et cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 11 mai 2022, n° 20-15.797, (B), FS

Rejet

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Interprétation – Avis de la commission paritaire permanente – Caractère interprétatif – Effet rétroactif – Portée

L'avis rendu le 23 novembre 2017, par la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation, sur le moment de la pause payée telle que prévue à l'article 22, 8°, e), de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, ayant la valeur d'un avenant et se bornant à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite avait rendu susceptible de controverse, s'impose avec effet rétroactif à la date d'entrée en vigueur de cette convention collective, aussi bien à l'employeur et aux salariés qu'au juge qui ne peut en écarter l'application.

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 – Article 22, 8°, e) – Avis ayant valeur d'avenant interprétatif – Application – Etendue – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 19 mars 2020), M. [B] a été engagé le 17 septembre 2003 par la Société de production pharmaceutique et d'hygiène (SPPH), en qualité de presseur, puis promu aux fonctions de préparateur le 1er décembre 2003.

2. Le salarié a démissionné le 28 avril 2008.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 17 septembre 2008, afin d'obtenir notamment le paiement de rappels de salaire pour travail de nuit et au titre du temps de pause.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des rappels de salaire au titre du travail de nuit et de la demi-heure quotidienne de pause, outre congés payés afférents, alors :

« 1°/ que selon l'article 22,8°, e) de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique, applicable au salarié en travail posté, « lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée » ; que selon ce texte le droit conventionnel au paiement d'une pause payée d'une demi-heure est conditionné au travail du salarié posté pendant au moins six heures ininterrompues ; qu'il s'en induit, tel que soutenu par la société SPPH dans ses conclusions d'appel, que le salarié bénéficiant d'une pause avant que six heures de travail ne se sont écoulées ne travaille pas six heures ininterrompues et ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier du droit au paiement de la pause conventionnelle d'une demi-heure ; qu'en retenant néanmoins que le droit au paiement de la pause supplémentaire conventionnelle d'une demi-heure n'était pas conditionné au travail pendant au moins six heures ininterrompues et à l'absence de prise de pause pendant cette durée de six heures, la cour d'appel a violé l'article 22,8°, e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique ;

2°/ que l'avenant modificatif d'une convention collective n'a pas de caractère rétroactif ; qu'aux termes de l'article 5.2 5° de la convention des collective de l'industrie pharmaceutique « lorsque la commission [paritaire permanente de négociation] donnera un avis à l'unanimité des organisations signataires représentées, le texte de cet avis, signé par ces organisations, aura la même valeur contractuelle que les clauses de la convention collective et sera annexé à cette convention » ; que l'annexion à la convention collective de l'industrie pharmaceutique, en vertu de ce texte, d'un avis unanime de la commission paritaire permanente de négociation ayant une valeur d'avenant ne saurait avoir d'effet rétroactif ; que si par un avis unanime du 23 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 mars 2019, la commission paritaire permanente de négociation de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique a considéré que la demi-heure de repos payée prévue par l'article 22,8°, e) de la convention pouvait être accordée avant que six heures de travail ne se soient écoulées, cet avis -ayant la valeur d'un avenant modificatif ajoutant au droit préexistant- n'avait pas d'effet rétroactif ; qu'en considérant néanmoins qu'elle était liée par cet avis de la commission paritaire -dont elle a considéré les règles ; « applicables en l'espèce« - pour en déduire que le salarié avait droit au paiement de la pause d'une demi-heure prévue par l'article 22,8°, e) de la Convention collective en dépit de son absence de travail ininterrompu pendant au moins six heures, alors que cet avis non rétroactif de la commission paritaire ayant la valeur d'avenant modificatif n'était pas applicable au litige qui est antérieur au mois d'avril 2008, la cour d'appel a violé les articles 5.2 5° et 22,8°, e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique ;

3°/ subsidiairement, qu'en cas de concours de conventions ou d'accords collectifs, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, les plus favorables d'entre eux pouvant seuls être accordés ; que par un accord d'entreprise du 28 avril 2000 la société SPPH a institué une prime d'équipe visant à compenser le travail posté des salariés pendant six heures, sans conditionner pour sa part ce droit à l'ininterruption du travail pendant cette durée ; que cette prime d'équipe accordée aux salariés de la société SPPH a la même cause et le même objet que le paiement de la demi-heure de pause prévu par l'article 22,8°, e) de la convention collective de l'industrie pharmaceutique en cas de travail posté ininterrompu ; qu'en décidant néanmoins que la prime d'équipe prévue par l'accord d'entreprise du 28 avril 2000 n'avait pas le même objet que le paiement de la demi-heure de pause prévue par la convention collective et que ces deux avantages conventionnels pouvaient en conséquence se cumuler, la cour d'appel a violé les articles 3 et 4 de l'accord d'entreprise du 28 avril 2000 et l'article 22,8°, e) de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, ensemble le principe de faveur. »

Réponse de la Cour

5. D'abord, l'avis d'une commission d'interprétation instituée par un accord collectif ne s'impose au juge que si l'accord lui donne la valeur d'un avenant.

6. Ensuite, un avenant ne peut être considéré comme interprétatif qu'autant qu'il se borne à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse.

7. Selon l'article 22,8°,e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, qui se rapporte aux majorations de salaire dues à l'organisation et à la durée du temps de travail, on appelle travail par poste l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée.

8. Après avoir relevé qu'était en litige l'application de l'article 22, 8°,e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, la cour d'appel a constaté que, par un avis rendu le 23 novembre 2017, sur le moment de la pause payée telle que prévue à l'article précité, la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation, instituée par l'article 5 de la convention collective, avait décidé, à l'unanimité des organisations syndicales représentées, que « Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste en travail d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Cette demi-heure de repos peut-être accordée avant que les six heures de travail se soient écoulées ou à la suite immédiate de ces six heures. », que cet avis aurait la même valeur contractuelle que les clauses de la convention collective et qu'il serait annexé à cette convention. Elle a constaté que cet avis avait été étendu par arrêté du 27 mars 2019.

9. Cet avis d'interprétation ayant la valeur d'un avenant et se bornant à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite avait rendu susceptible de controverse, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il était applicable aux demandes du salarié. Elle en a exactement déduit que le fait que la pause de trente minutes, accordée au salarié, n'ait pas été placée à la suite de la période de travail de six heures était sans incidence sur son droit à la rémunération de son temps de pause.

10. Enfin, en cas de concours d'instruments conventionnels collectifs, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé.

11. Ayant, d'une part, relevé que l'accord d'entreprise de mise en oeuvre de la loi Aubry sur la réduction, l'organisation et l'aménagement du temps de travail, du 28 avril 2000, n'envisageait pas expressément la rémunération du temps de repos des salariés travaillant en équipe et, d'autre part, retenu que la prime d'équipe, stipulée à l'article 4 de cet accord d'entreprise, qui était fixée uniformément à une certaine somme pour tous les membres de l'équipe, quels que soient leur emploi et leur coefficient de rémunération respectifs, était une contrepartie accordée aux salariés pour le passage en travail en équipes alternatives, la cour d'appel a pu en déduire que cet avantage avait un objet distinct de la rémunération de la demi-heure de repos prévue par l'article 22, 8°,e) de la convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 et que ces deux avantages conventionnels pouvaient se cumuler.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, article 22, 8°, e).

Rapprochement(s) :

Sur l'opposabilité d'un avenant interprétatif d'un accord collectif, à rapprocher : Soc., 4 février 2015, pourvoi n° 14-13.649, Bull. 2015, V, n° 22 (cassation partielle), et les arrêts cités.

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