Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

SOCIETE (règles générales)

3e Civ., 25 mai 2022, n° 21-12.238, n° 21-13.620, (B), FS

Rejet

Parts sociales – Cession – Nullité – Action en nullité – Prescription quinquennale – Article 1304, alinéa 1, du code civil – Point de départ – Connaissance des faits permettant l'exercice de l'action – Cas

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-12.238 et 21-13.620 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 décembre 2020), le 24 février 1994, la société civile immobilière Anissa (la SCI) a été constituée entre MM. [D], [U] et [K] [O].

3. Par acte du 14 novembre 2005, enregistré au registre du commerce et des sociétés le 28 novembre suivant, M. [U] [O] a cédé à Mme [R], épouse de son frère [D], la part qu'il détenait dans la société.

4. Soutenant que sa signature avait été falsifiée, M. [U] [O] a, le 21 décembre 2016, assigné Mme [R] et la SCI pour faire constater l'existence d'un faux et obtenir l'annulation de la cession et des dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Mme [R] et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et dire l'action recevable, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la publicité de la cession de parts d'une société civile est accomplie par dépôt, en annexe au registre du commerce et des sociétés, de deux copies authentiques de l'acte de cession, s'il est notarié, ou de deux originaux, s'il est sous seing privé ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que la cession de part de la SCI Anissa en date du 14 novembre 2005 avait été publiée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier le 28 novembre 2005 ; que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de ladite cession de part engagée le 21 décembre 2016 par M. [U] [O], la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription quinquennale au 24 juin 2014 en énonçant que ce dernier, dont l'épouse avait constaté qu'il n'était plus actionnaire de la SCI Anissa en consultant Internet, n'avait antérieurement aucune raison particulière ni impérieuse de consulter Infogreffe ; qu'en fixant le point de départ de la prescription quinquennale au 24 juin 2014, date où l'épouse de M. [U] [O] se serait décidée à consulter Infogreffe, quand ce dernier avait été en mesure de connaître la cession litigieuse dès sa publication au registre du commerce et des sociétés, le 28 novembre 2005, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 52 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 dans sa version applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, selon les premier et deuxième alinéas de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils sont découverts.

8. L'action en nullité fondée sur l'absence de consentement d'une partie, qui ne tend qu'à la protection des intérêts privés de celle-ci, relève du régime des nullités relatives prévues par ce texte (3e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi n° 14-12.998, Bull. 2015, III, n° 129).

9. L'absence de consentement constituant, comme le vice du consentement, une cause de nullité inhérente à l'une des parties, le délai de prescription de cinq ans ne court qu'à compter du jour de sa découverte.

10. L'action en nullité de la cession de ses parts sociales engagée par M. [U] [O] en invoquant la falsification de sa signature s'analyse en une action fondée sur une absence de consentement.

11. Il s'ensuit qu'elle était soumise au délai de prescription quinquennal de l'article 1304 précité, courant à compter du jour où M. [U] [O] a eu connaissance de l'acte comportant sa signature falsifiée.

12. En second lieu, il résulte de l'article 1865 du code civil que la publication de l'acte de cession de parts sociales au registre du commerce et des sociétés est destinée à assurer l'opposabilité de l'acte aux tiers.

13. Il s'ensuit que la présomption de connaissance de l'acte résultant de l'accomplissement de cette formalité ne s'applique pas dans les rapports entre les parties à l'acte.

14. Ayant souverainement relevé que M. [U] [O], qui n'avait aucune raison particulière de consulter Infogreffe et de se rendre compte qu'il avait été dépossédé de la part qu'il détenait dans la SCI au moyen d'un faux, n'avait eu connaissance de ce faux que le 24 juin 2014, lorsqu'il avait porté plainte, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action introduite le 21 décembre 2016 n'était pas prescrite.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 1865 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi n° 14-12.998, Bull. 2015, III, n° 129 (cassation).

Com., 25 mai 2022, n° 20-14.352, (B) (R), FS

Rejet

Parts sociales – Cession – Prix – Fixation – Fixation par expert – Désignation par le président du tribunal – Refus – Décision susceptible d'appel

La décision par laquelle le président du tribunal, saisi en application de l'article 1843-4 du code civil, refuse, pour quelque cause que ce soit et, notamment, en raison de l'autorité de chose jugée attachée à une précédente décision de refus, de désigner un expert est susceptible d'appel. En ce cas, au terme d'un réexamen complet des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel peut, si elle décide d'infirmer l'ordonnance qui lui est déférée, désigner elle-même un expert, et ce, par une décision sans recours possible, sauf excès de pouvoir.

Parts sociales – Cession – Prix – Fixation – Fixation par expert – Désignation par le président du tribunal – Refus – Appel – Pouvoirs de la cour d'appel – Désignation d'un expert

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le président d'un tribunal de grande instance (Blois, 12 novembre 2019), et les productions, [X] [R] et son épouse, Mme [O], étaient associés au sein de la société civile immobilière du Connil (la SCI du Connil), constituée entre une société d'expertise-comptable, la société Logex, et ses membres ou anciens membres. A la suite de sa condamnation par un tribunal correctionnel pour diverses infractions, [X] [R] a été exclu de la société Logex dont il était associé, le 15 décembre 1995. Concomitamment, son épouse, Mme [O], a été licenciée par cette société pour faute lourde.

2. Une sentence arbitrale prononcée le 16 août 1996 a statué sur les conséquences de l'exclusion de [X] [R] de la société Logex, et a notamment fixé la valeur nette de la SCI du Connil à une valeur négative de 40 627 francs. Puis, en application d'une délibération de l'assemblée générale de la SCI du Connil du 25 juin 1997, [X] [R] et son épouse se sont vu proposer le rachat de leurs parts au prix de un franc.

3. Par un arrêt du 29 mars 2001, une cour d'appel a notamment dit que [X] [R] et son épouse avaient perdu de plein droit la qualité d'associés de la SCI du Connil du fait de leur départ de la société Logex, qu'ils étaient privés de tout droit d'associés, et a renvoyé les parties, pour l'évaluation de leurs droits sociaux dans la SCI du Connil, à suivre la procédure prévue par l'article 1843-4 du code civil.

4. Le 10 février 2009, [X] [R] et son épouse ont assigné la SCI du Connil devant le président d'un tribunal de grande instance sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil aux fins de désignation d'un expert pour fixer la valeur de leurs droits sociaux.

5. Par une ordonnance du 5 mai 2009, le président du tribunal, statuant en la forme des référés, les a déclarés irrecevables en leur demande après avoir constaté que la valeur des parts sociales avait été fixée par la sentence arbitrale du 16 août 1996, et qu'ils avaient accepté cette évaluation.

6. Le 4 juin 2014, [X] [R] est décédé en laissant pour lui succéder son épouse et leurs enfants, M. [D] [R] et Mmes [G] et [N] [R].

7. Le 29 mai 2019, Mme [P] [O], M. [D] [R] et Mmes [G] et [N] [R] (les consorts [R]), agissant en leur qualité d'ayants droit de [X] [R], ont à nouveau assigné la SCI du Connil aux mêmes fins et devant la même juridiction.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

8. Selon l'article 1843-4 du code civil, la décision par laquelle le président du tribunal procède à la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux est sans recours possible.

9. La Cour de cassation juge qu'il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir (Com., 15 mai 2012, n° 11-12.999, Bull. n° 103 ; 2e Civ., 7 juin 2018, n° 17-18.722, Bull. n° 114) et elle déclare irrecevables les recours dans lesquels une simple erreur de droit est invoquée (Com., 15 mai 2012, n° 11-17.866, Bull. n° 98 ; Com., 7 juill. 2020, n° 18-18.190).

10. Jusqu'à présent, elle appliquait cette solution même lorsque le recours était formé contre une décision rejetant la demande de désignation d'un expert (Com., 11 mars 2008, n° 07-13.189, Bull. n° 62).

11. Toutefois, cette unité de régime n'est pas exigée par la lettre du texte et ce n'est que lorsque le président désigne un expert que l'objectif de célérité poursuivi par le législateur commande l'absence de recours.

12. Dès lors, afin d'éviter de placer les parties face à une situation de blocage dans le cas où le président refuse de désigner un expert pour quelque cause que ce soit, il apparaît nécessaire de leur reconnaître le droit de relever appel de cette décision.

13. La jurisprudence considérait, en outre, qu'en cas d'annulation d'une décision de première instance refusant de désigner un expert, la cour d'appel ne pouvait désigner elle-même cet expert (Com., 10 octobre 2018, pourvoi n° 16-25.076).

14. Cette limitation apportée au pouvoir de la cour d'appel, cohérente avec un appel-nullité, n'a plus lieu d'être dès lors qu'un appel, voie de réformation, est ouvert aux parties en cas de refus de désignation.

En ce cas, au terme d'un réexamen complet des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel pourra, si elle décide d'infirmer l'ordonnance qui lui est déférée, désigner elle-même un expert, et ce, par une décision sans recours possible, sauf excès de pouvoir.

La reconnaissance d'un tel pouvoir de désignation au juge d'appel contribuera à l'efficacité et à la célérité du dispositif.

15. L'ordonnance attaquée ayant, en l'espèce, déclaré irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée la demande de désignation d'un expert, il s'ensuit que cette décision, qui n'a pas désigné un expert, est susceptible de recours et qu'elle aurait dû être déférée à la cour d'appel.

16. Toutefois, l'application à cette instance de la règle issue du présent revirement de jurisprudence, qui devrait conduire à déclarer irrecevable le pourvoi au motif qu'il n'est pas dirigé contre une décision rendue en dernier ressort, aboutirait à priver les consorts [R], qui ne pouvaient ni connaître ni prévoir, à la date où ils ont exercé leur pourvoi en cassation, la possibilité qui leur est désormais reconnue de former un appel d'une décision de refus de désignation d'un expert, d'un procès équitable au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. Il convient donc de déclarer le recours recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

18. Les consorts [R] font grief à l'ordonnance de les déclarer irrecevables en leur demande de désignation d'un expert en application de l'article 1843-4 du code civil, alors :

« 1°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en déclarant irrecevable l'action tendant à la nomination d'un expert afin de déterminer la valeur de parts sociales introduite par des héritiers en ce que, dans le cadre d'une précédente instance, une demande de même nature formée par le de cujus avait été déclarée irrecevable, sans rechercher, comme il y était invité, si les héritiers n'invoquaient pas des circonstances de fait nouvelles résultant, notamment, du décès de leur auteur et de la situation de blocage résultant de l'absence du moindre acte de cession des parts en litige et de tout versement de leur valeur, le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil, devenu 1355 ;

2°/ que dans le cadre de leurs dernières écritures, les héritiers soutenaient que l'autorité de la chose jugée de la précédente ordonnance rendue le 5 mai 2009 ne pouvait leur être opposée dès lors que leur auteur n'avait pas été informé par la signification de la possibilité qui lui était ouverte de former un pourvoi pour excès de pouvoir à l'encontre de cette décision ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, le président du tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

19. Ayant constaté qu'une ordonnance en la forme des référés avait été rendue le 5 mai 2009, déclarant [X] [R] et son épouse irrecevables en leur demande de désignation d'un expert chargé, en application de l'article 1843-4 du code civil, de déterminer la valeur des droits sociaux qu'ils détenaient dans la SCI du Connil, le président du tribunal, après avoir relevé que la demande dont il était saisi était présentée par les mêmes parties agissant dans la même qualité, avait le même objet et se fondait sur la même cause, en a déduit qu'elle se heurtait à l'autorité de chose jugée relativement aux contestations que cette ordonnance avait tranchées, et l'a déclarée irrecevable en application des articles 1355 du code civil et 122 du code de procédure civile.

20. Le rachat des parts de [X] [R] n'étant pas la conséquence de son décès mais de son exclusion, et la situation de blocage invoquée préexistant à la première saisine du président du tribunal, celui-ci n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée par la première branche.

21. L'absence de mention d'une possibilité de recours dans la notification de l'ordonnance du 5 mai 2009, ne pouvant avoir de conséquences que sur le point de départ du délai d'exercice d'une voie de recours, et n'étant pas susceptible de faire échec à l'autorité de chose jugée attachée, en l'absence de recours, à cette décision, le président du tribunal n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées par la seconde branche.

22. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Ponsot - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Lesourd ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 1843-4 du code civil.

Rapprochement(s) :

En sens contraire : Com., 11 mars 2008, pourvoi n° 07-13.189, Bull. 2008, IV, n° 62 (cassation sans renvoi).

Com., 25 mai 2022, n° 20-18.307, (B), FRH

Cassation

Parts sociales – Cession – Prix – Fixation – Fixation par un expert – Désignation judiciaire – Pouvoirs du président du tribunal – Contestation de la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi – Sursis à statuer – Nécessité

Le président du tribunal appelé à désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil et dont le pouvoir juridictionnel se limite à en examiner les conditions d'application, ne peut connaître de la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi. En présence d'une telle contestation, le président doit surseoir à statuer sur la demande de désignation de l'expert dans l'attente d'une décision du tribunal compétent, saisi à l'initiative de la partie la plus diligente.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 juin 2020), par un acte du 4 juin 2007, M. [W] [B] a acquis de son frère, M. [T] [B], et de leurs parents, M. et Mme [M] [B], les parts qu'ils détenaient dans la société SO.GE.HO pour la somme totale de 2 929 000 euros.

L'acquisition s'est réalisée par le biais de la société Blue investissement, créée à cet effet.

Le même jour, MM. [W] et [M] [B] ont signé une convention par laquelle le premier s'engage à payer au second une somme, plafonnée à deux millions d'euros, calculée sur la base d'une évaluation des titres de la société Blue investissement réalisée à partir du 1er janvier 2018 et finalisée d'un commun accord entre les parties au plus tard au 30 avril 2018.

La convention prévoit en outre que, faute d'accord entre les parties sur cette évaluation, ces dernières désigneront un ou plusieurs experts chargés d'évaluer la valeur nette liquidative de la participation de M. [W] [B] dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil.

2. Par un acte du 19 novembre 2019, M. [M] [B] a assigné M. [W] [B] devant le président d'un tribunal de commerce en application de l'article 1843-4 du code civil, en vue de désigner un expert pour procéder à l'évaluation des titres de la société Blue investissement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. [W] [B] fait grief à l'arrêt de dire que le président du tribunal de commerce n'a commis aucun excès de pouvoir et de rejeter, en conséquence, l'appel-nullité par lui formé, alors « que le pouvoir juridictionnel exclusif du président du tribunal statuant en la forme des référés en application de l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 applicable à la cause, est limité à la désignation d'un expert chargé de l'évaluation de droits sociaux ; qu'au cas d'espèce, le président du tribunal de commerce de Lyon, après avoir fait droit à la demande de désignation d'un expert sollicitée par M. [M] [B], a également statué sur la validité de la convention conclue le 4 juin 2010 entre ce dernier et M. [W] [B] outrepassant l'étendue de son pouvoir juridictionnel et commettant ainsi un excès de pouvoir ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel, qui a consacré elle-même cet excès de pouvoir, a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Il résulte de l'article 1843-4 du code civil que la décision par laquelle le président du tribunal de commerce procède à la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux est sans recours possible. Cette disposition s'applique, par sa généralité, au pourvoi en cassation comme à toute autre voie de recours. Il n'y est dérogé qu'en cas d'excès de pouvoir.

6. M. [W] [B] s'est pourvu en cassation contre un arrêt ayant rejeté son appel-nullité formé contre l'ordonnance ayant fait droit à la demande d'expertise formée par M. [M] [B].

7. Ce pourvoi n'est donc pas recevable, sauf si un excès de pouvoir est caractérisé.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1843-4 du code civil :

8. Il ressort de ce texte que les parties peuvent s'en remettre, en cas de contestation sur la valeur des droits sociaux d'un associé, à l'estimation d'un expert désigné, à défaut d'accord entre elles, par le président du tribunal statuant sans recours possible.

9. Le président du tribunal appelé à désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil et dont le pouvoir juridictionnel se limite à en examiner les conditions d'application, ne peut connaître de la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi.

En présence d'une telle contestation, le président doit surseoir à statuer sur la demande de désignation de l'expert dans l'attente d'une décision du tribunal compétent, saisi à l'initiative de la partie la plus diligente.

10. Pour rejeter le recours formé contre l'ordonnance du président du tribunal ayant désigné un expert après avoir écarté une exception de nullité de la convention au motif que la demande d'annulation était prescrite et qu'en toute hypothèse, la convention était causée, l'arrêt énonce que le président du tribunal a fait application du texte dont il était saisi sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels et qu'en l'absence de tout excès de pouvoir, l'appel-nullité formé par M. [W] [B], dont les conclusions tendent à la réformation de l'ordonnance critiquée, doit être rejeté.

11. En statuant ainsi, alors qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du président du tribunal, saisi sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, de trancher la contestation relative à la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi, la cour d'appel a violé ce texte et consacré un excès de pouvoir.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ponsot - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 1843-4 du code civil.

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