Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 12 mai 2022, n° 20-18.078, (B), FRH

Cassation

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Contestation relative au redressement – Chefs de redressement contestés – Portée

Il résulte de la combinaison des articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale que le cotisant qui conteste un redressement peut, à l'occasion de son recours juridictionnel, invoquer d'autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable, dès lors qu'ils concernent les chefs de redressement préalablement contestés.

Lorsque le cotisant invoque des moyens de nullité susceptibles d'affecter le redressement en son entier alors qu'il avait limité sa contestation devant la commission de recours amiable à certains chefs seulement, le litige ne peut être étendu aux autres chefs mais il appartient au juge d'examiner la pertinence de ces moyens de nullité au regard des chefs de redressement déjà contestés.

Le cotisant est donc recevable à invoquer devant la juridiction de sécurité sociale l'inobservation de la formalité de l'avis préalable et la nullité de la mise en demeure au soutien de sa contestation des chefs de redressement déjà soumise à la commission de recours amiable.

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Contestation relative au redressement – Contestation limitée à certains chefs de redressement – Portée

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Contestation relative au redressement – Moyen non soulevé à l'occasion du recours amiable – Tribunal des affaires de sécurité sociale – Moyen invoqué ultérieurement – Recevabilité – Conditions – Chefs de redressement préalablement contestés

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 mai 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2007 à 2009, l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a notifié à la société [6] (la société) une lettre d'observations comportant plusieurs chefs de redressement, suivie d'une mise en demeure.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande d'annulation du redressement, fondée sur l'absence d'envoi préalable par l'URSSAF d'un avis de contrôle et l'irrégularité de la mise en demeure, alors :

« 3°/ que le cotisant qui conteste un redressement peut, à l'occasion de son recours juridictionnel, invoquer d'autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable – et l'inobservation de la formalité de l'avis préalable de contrôle prévue par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale entraîne la nullité du contrôle et du redressement subséquent sans que soit exigée la preuve d'un préjudice (Civ. 2, 30 novembre 2017, n° 16-25.781) ; qu'en estimant que, devant la commission de recours amiable, le cotisant n'avait contesté que le bien-fondé de deux chefs de redressement, pour déclarer « irrecevable, sans examen au fond, la demande d'annulation du redressement, fondée sur l'absence d'envoi préalable d'un avis de contrôle par l'URSSAF », la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que le cotisant qui a saisi la commission de recours amiable de contestations relatives au bien-fondé d'un redressement notifié par une mise en demeure, est recevable à invoquer ultérieurement, devant la juridiction de sécurité sociale, la nullité de cette mise en demeure, peu important qu'il ne l'ait pas soulevée à l'occasion du recours amiable (Civ. 2, 14 septembre 2006, n° 05-10.919, Bull. n° 235) ; qu'en effet, la nullité d'une mise en demeure, pour absence de ses mentions obligatoires concernant les cotisations réclamées, constitue une défense au fond et peut être proposée en tout état de cause, conformément à l'article 72 du code de procédure civile (Soc., 5 décembre 1996, n° 95-10.567, Bull. n° 428) ; qu'en estimant que, devant la commission de recours amiable, le cotisant n'avait contesté que le bien-fondé de deux chefs de redressement, pour déclarer « irrecevable, sans examen au fond, la demande d'annulation du redressement, fondée sur l'irrégularité de la mise en demeure », la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L'URSSAF conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est incompatible avec la thèse antérieurement soutenue par la société qui avait prétendu, devant les juges du fond, qu'elle était recevable à invoquer la nullité de la mise en demeure dont elle avait déjà contesté la régularité devant la commission de recours amiable.

5. Cependant le moyen tiré de la violation des articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale n'est pas incompatible avec la thèse antérieurement soutenue par la société.

6. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que le cotisant qui conteste un redressement peut, à l'occasion de son recours juridictionnel, invoquer d'autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable, dès lors qu'ils concernent les chefs de redressement préalablement contestés.

8. Lorsque le cotisant invoque des moyens de nullité susceptibles d'affecter le redressement dans son entier alors qu'il avait limité sa contestation devant la commission de recours amiable à certains chefs seulement, le litige ne peut être étendu aux autres chefs mais il appartient au juge d'examiner la pertinence de ces moyens de nullité au regard des chefs de redressement déjà contestés.

9. Pour rejeter la demande d'annulation du redressement fondée sur l'absence d'envoi préalable d'un avis de contrôle de l'URSSAF et l'irrégularité de la mise en demeure, l'arrêt relève que sont irrecevables les contestations qui n'ont pas été soumises à la commission de recours amiable et que tel est le cas des contestations de forme portant sur ces points.

10. En statuant ainsi, alors que la société était recevable à invoquer devant la juridiction de sécurité sociale, l'inobservation de la formalité de l'avis préalable et la nullité de la mise en demeure au soutien de sa contestation des chefs de redressement déjà soumise à la commission de recours amiable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt critiqué par les deuxième et troisième moyens qui valident le redressement opéré par l'URSSAF, sous les numéros 9 intitulé « contributions sur avantages de préretraite d'entreprise ou de cessation anticipée d'activité » et 10, intitulé « avantages de préretraite octroyés par l'employeur », lesquels s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-18.077 (cassation partielle).

2e Civ., 12 mai 2022, n° 20-18.077, (B), FRH

Cassation partielle

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Contestation relative au redressement – Moyen non soulevé à l'occasion du recours amiable – Tribunal des affaires de sécurité sociale – Moyen invoqué ultérieurement – Recevabilité – Conditions – Chefs de redressement préalablement contestés

Il résulte de la combinaison des articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale que le cotisant qui conteste un redressement peut, à l'occasion de son recours juridictionnel, invoquer d'autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable, dès lors qu'ils concernent des chefs de redressement préalablement contestés.

Le cotisant qui n'a pas limité son recours amiable au seul chef de redressement examiné par la cour d'appel mais contestait aussi les chefs de redressement susceptibles d'être atteints par la prescription, était recevable à invoquer ultérieurement devant la juridiction de sécurité sociale, l'inobservation de la formalité de l'avis préalable et la nullité de la mise en demeure au soutien de sa contestation de ces mêmes chefs de redressement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 mai 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2007 à 2009, l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a notifié à la société [5] (la société) une lettre d'observations du 6 septembre 2010 comportant 14 chefs de redressement, suivie d'une mise en demeure.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande d'annulation du redressement, fondée sur l'absence d'envoi préalable par l'URSSAF d'un avis de contrôle et l'irrégularité de la mise en demeure ainsi que la contestation portant sur le poste numéro 2 intitulé « contribution sur les indemnités de mise à la retraite d'office », alors :

« 3°/ que le cotisant qui conteste un redressement peut, à l'occasion de son recours juridictionnel, invoquer d'autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable – et l'inobservation de la formalité de l'avis préalable de contrôle prévue par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale entraîne la nullité du contrôle et du redressement subséquent sans que soit exigée la preuve d'un préjudice (Civ. 2, 30 novembre 2017, n° 16-25.781) ; qu'en estimant que, devant la commission de recours amiable, le cotisant n'avait contesté que la prescription des réclamations concernant 2007 et le bien-fondé d'un chef du redressement intitulé « CSG-CRDS sur les revenus de remplacement (hors victimes de l'amiante)... », pour déclarer « irrecevable, sans examen au fond, la demande d'annulation du redressement, fondée sur l'absence d'envoi préalable d'un avis de contrôle par l'URSSAF », la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que le cotisant qui a saisi la commission de recours amiable de contestations relatives au bien-fondé d'un redressement notifié par une mise en demeure, est recevable à invoquer ultérieurement, devant la juridiction de sécurité sociale, la nullité de cette mise en demeure, peu important qu'il ne l'ait pas soulevée à l'occasion du recours amiable (Civ. 2, 14 septembre 2006, n° 05-10.919, Bull. n° 235) ; qu'en effet, la nullité d'une mise en demeure, pour absence de ses mentions obligatoires concernant les cotisations réclamées, constitue une défense au fond et peut être proposée en tout état de cause, conformément à l'article 72 du code de procédure civile (Soc., 5 décembre 1996, n° 95-10.567, Bull. n° 428) ; qu'en estimant que, devant la commission de recours amiable, le cotisant n'avait contesté que la prescription des réclamations concernant 2007 et le bien-fondé d'un chef du redressement intitulé « CSG-CRDS sur les revenus de remplacement (hors victimes de l'amiante)... », pour déclarer « irrecevable, sans examen au fond, la demande d'annulation du redressement, fondée sur l'irrégularité de la mise en demeure », la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. L'URSSAF conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est incompatible avec la thèse antérieurement soutenue par la société qui avait prétendu, devant les juges du fond, qu'elle était recevable à invoquer la nullité de la mise en demeure dont elle avait déjà contesté la régularité devant la commission de recours amiable.

6. Cependant le moyen tiré de la violation des articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale n'est pas incompatible avec la thèse antérieurement soutenue par la société.

7. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le cotisant qui conteste un redressement peut, à l'occasion de son recours juridictionnel, invoquer d'autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable, dès lors qu'ils concernent les chefs de redressement préalablement contestés.

9. Pour rejeter la demande d'annulation du redressement, l'arrêt relève que sont irrecevables les contestations qui n'ont pas été soumises à la commission de recours amiable et que tel est le cas des contestations de forme portant sur l'envoi préalable d'un avis de contrôle et la régularité de la mise en demeure. Il précise aussi que le recours amiable de la société portait exclusivement sur la prescription des réclamations concernant l'année 2007 et sur le bien-fondé du chef de redressement portant le numéro 11 intitulé « CSG-CRDS sur les revenus de remplacement (hors victime de l'amiante) » pour en déduire que la contestation du chef de redressement numéro 2 intitulé « contribution sur les indemnités à la retraite d'office », qui portait sur l'année 2007, est irrecevable pour ne pas avoir été soumise à la commission de recours amiable.

10. En statuant ainsi, alors que la société, qui n'avait pas limité son recours amiable au seul chef de redressement numéro 11 mais contestait aussi les chefs de redressement susceptibles d'être atteints par la prescription, était recevable à invoquer ultérieurement devant la juridiction de sécurité sociale l'inobservation de la formalité de l'avis préalable et la nullité de la mise en demeure au soutien de sa contestation de ces mêmes chefs de redressement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation du chef du dispositif de l'arrêt critiqué par le second moyen qui valide le redressement opéré par l'URSSAF, sous le numéro 11 intitulé « CSG et CRDS sur les revenus de remplacement (hors victimes de l'amiante) », lequel s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande d'annulation des chefs de redressement antérieurement contestés devant la commission de recours amiable fondée sur l'absence d'envoi préalable par l'URSSAF d'un avis de contrôle et l'irrégularité de la mise en demeure ainsi que la contestation portant sur le poste numéro 2 intitulé « contribution sur les indemnités de mise à la retraite d'office » et valide le redressement opéré par l'URSSAF, sous le numéro 11 intitulé « CSG et CRDS sur les revenus de remplacement (hors victimes de l'amiante) », l'arrêt rendu le 25 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-18.078 (cassation).

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