Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 12 mai 2022, n° 20-22.606, (B), FRH

Irrecevabilité

Faute inexcusable de l'employeur – Action de la victime – Instance – Lien d'indivisibilité entre les parties – Effets – Pourvoi – Recevabilité – Présence de la caisse de sécurité sociale

En application des articles L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-4 du code de la sécurité sociale, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, formée par la victime ou ses ayants droit, doit être nécessairement dirigée contre l'employeur de celle-ci, en présence de la caisse de sécurité sociale. Il en résulte qu'il existe un lien d'indivisibilité entre les parties.

Par suite, est irrecevable en application de l'article 615, alinéa 2, du code de procédure civile, le pourvoi formé par la victime dirigé seulement contre l'employeur mais non contre la caisse de sécurité sociale.

Faute inexcusable de l'employeur – Procédure – Action de la victime – Défendeur – Lien d'indivisibilité entre employeur et caisse de sécurité sociale

Recevabilité du pourvoi principal examinée d'office

Vu les articles 615, alinéa 2, du code de procédure civile, L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-4 du code de la sécurité sociale :

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.

2. Selon le premier de ces textes, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, le pourvoi formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

3. Selon les deuxième et troisième de ces textes, en cas de faute inexcusable de l'employeur, la caisse primaire d'assurance maladie verse à la victime les compléments de rente et indemnités qu'elle récupère ensuite auprès de l'employeur.

4. Aux termes du quatrième, à défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d'une part, et l'employeur d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, d'en décider.

La victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement.

5. La décision attaquée a été rendue dans un litige en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur opposant M. [C] (la victime) à M. [I] (l'employeur) et la caisse de mutualité sociale agricole des portes de Bretagne (la caisse). Il existe un lien d'indivisibilité entre les parties en ce qu'il résulte des trois derniers textes visés ci-dessus que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, formée par la victime ou ses ayants droit, doit nécessairement être dirigée contre l'employeur de celle-ci, en présence de la caisse de sécurité sociale.

6. En conséquence, le pourvoi principal formé par la victime, qui est seulement dirigé contre l'employeur mais non contre la caisse, n'est pas recevable.

Sur le pourvoi incident éventuel

7. L'irrecevabilité du pourvoi principal prive de tout objet le pourvoi incident éventuel formé par l'employeur.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi principal ;

CONSTATE que le pourvoi incident éventuel est privé d'objet.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-4 du code de la sécurité sociale ; article 615, alinéa 2, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Crim., 5 novembre 1985, pourvoi n° 84-90.626, Bull. crim. 1985, n° 345.

2e Civ., 12 mai 2022, n° 20-20.655, (B), FRH

Cassation partielle

Imputabilité – Preuve – Présomption d'imputation – Période couverte par la présomption – Détermination – Portée

Il résulte de la combinaison des articles 1353 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

Viole ces dispositions la cour d'appel qui écarte la présomption d'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts de travail prescrits, motif pris de l'absence de continuité des symptômes et soins.

Imputabilité – Preuve – Présomption d'imputation – Contestation – Preuve contraire – Charge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juillet 2020), la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident survenu le 24 juin 2016 à une salariée (la victime) de la société Randstad (l'employeur).

2. Contestant l'imputabilité à l'accident du travail des arrêts et soins prescrits jusqu'au 20 septembre 2018, date de guérison de la victime, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de l'employeur, alors « que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédent soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime sans qu'il soit nécessaire, durant cette période, d'établir une continuité des symptômes et des soins ; que, jusqu'à cette guérison ou cette consolidation, l'employeur ne peut combattre cette présomption que par la preuve contraire d'une absence complète de lien entre les arrêts de travail prescrits et l'accident du travail du fait d'une cause extérieure au travail ou d'un état pathologique antérieur indépendant ; qu'en l'espèce, la caisse a pris en charge à titre professionnel l'accident dont a été victime la salariée le 24 juin 2016 ainsi que les arrêts de travail et les soins prescrits avant sa guérison fixée au 20 septembre 2018 ; qu'il s'ensuit que, jusqu'à cette date, la caisse bénéficiait de la présomption d'imputabilité sans que ne puisse lui être opposée une rupture dans la continuité de symptômes et de soins ; qu'en déclarant cependant que cette présomption ne trouvait plus à s'appliquer à compter du 14 juillet 2017, au prétexte qu'à cette date une telle rupture se serait produite, et en retenant qu'à compter de cette date, il appartenait à la caisse de démontrer un lien direct et certain entre le travail et l'état de santé de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1353 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale :

4. La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

5. Pour déclarer les arrêts de travail et soins prescrits après le 13 juillet 2017 inopposables à l'employeur, l'arrêt retient essentiellement qu'il résulte des certificats médicaux de prolongation qu'il existe une rupture dans la continuité des symptômes et des soins. Il en déduit que la présomption d'imputabilité des arrêts et des soins à l'accident ne trouvant plus à s'appliquer à compter de cette rupture, il appartient, dès lors, à la caisse d'apporter la preuve du lien direct et certain entre le travail et l'état de santé de la victime.

6. En statuant ainsi, par des motifs tirés de l'absence de continuité des symptômes et soins impropres à écarter la présomption d'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts de travail litigieux, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement concernant la période de prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits à Mme [N] et en ce qu'il déclare la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines de prendre en charge les arrêts de travail et les soins de Mme [N], postérieurement au 13 juillet 2017, inopposable à la société Randstad, l'arrêt rendu le 23 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Corlay -

Textes visés :

Article 1353 du code civil ; article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 février 2011, pourvoi n° 10-14.981, Bull. 2011, II, n° 49 (cassation) ; 2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-17.626 (cassation) ; 2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 19-24.945 (cassation partielle).

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