Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE

1re Civ., 11 mai 2022, n° 20-18.867, (B), FS

Cassation

Faute – Garagiste – Réparation d'un véhicule – Présomption – Preuve contraire – Défaut – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Evreux, 15 juin 2020), rendu en dernier ressort, M. [X] (le client) a fait opposition à une injonction de payer du 13 juillet 2018, le condamnant à payer à la société Carrosserie Le Cam (le garagiste), cessionnaire depuis le 30 juin 2016 du fonds de commerce de la société Electricité Auto, la somme de 1 320,40 euros au titre du solde d'une facture du 3 novembre 2017 et a formé reconventionnellement des demandes d'indemnisation, en invoquant avoir confié son véhicule à ces sociétés à la suite de dysfonctionnements du système de climatisation non résolus.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Le client fait grief au jugement de le condamner à payer au garagiste la somme de 1 320,40 euros au titre de la facture du 3 novembre 2017, outre les intérêts légaux, et de rejeter ses demandes reconventionnelles, alors « que l'obligation de résultat, qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage ; qu'en exigeant de M. [X] qu'il rapporte la preuve que le défaut ait un lien avec l'intervention du garagiste et en décidant que la seule production de la facture intitulée « atelier [X] » ne permettait pas d'établir que la défectuosité alléguée du système de climatisation était reliée à l'intervention de la société Carrosserie Le Cam, en l'absence de tout élément technique objectif ou d'élément d'expertise contradictoire, après avoir posé en principe que « la responsabilité de plein droit qui pèse sur la garagiste réparateur ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat », le tribunal a violé les articles 1147 et 1315 du code civil dans leur rédaction antérieure à la réforme du droit des obligations.»

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil :

3. Il résulte de ces textes que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.

4. S'il a été précédemment mis à la charge du garagiste une obligation de résultat (1re Civ., 2 février 1994, pourvoi n° 91-18.764, Bull. 1994, I, n° 41 ; 1re Civ., 8 décembre 1998, pourvoi n° 94-11.848, Bull.1998, I, n° 343) ou une responsabilité de plein droit (1re Civ., 28 mars 2008, pourvoi n° 06-18.350, Bull. 2008, I, n°94 ; 1re Civ., 31 octobre 2012, pourvoi n° 11-24.324, Bull. 2012, I, n° 227) et jugé que c'est l'obligation de résultat auquel le garagiste est tenu qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage (1re Civ., 8 décembre 1998, précité ; 1re Civ., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-16.717, Bull. 1197, I, n° 279), la référence à une telle obligation et un tel régime de responsabilité n'est pas justifiée dès lors qu'il a été admis que la responsabilité du garagiste pouvait être écartée, même si le résultat n'a pas été atteint, en prouvant qu'il n'a pas commis de faute (1re Civ., 2 février 1994, précité ; 1re Civ., 17 février 2016, pourvoi n° 15-14.012). Il y a donc lieu d'opérer une telle clarification.

5. Pour condamner le client à payer au garagiste le solde de la facture et rejeter ses demandes reconventionnelles, le jugement retient que, si le garagiste est intervenu à deux reprises pour recharger la climatisation, la production de la facture ne permet pas d'établir que la défectuosité alléguée du système de climatisation soit reliée à son intervention en l'absence de tout élément technique objectif ou d'expertise contradictoire et que la recherche de panne effectuée ensuite, à la demande du client, au sein d'un autre établissement, ne prouve pas un manquement du garagiste.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et celle du lien causal, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 15 juin 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Evreux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Rouen.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Dazzan - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Boullez -

Textes visés :

Articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 2 février 1994, pourvoi n° 91-18.764, Bull. 1994, I, n° 41 (cassation) ; 1re Civ., 8 décembre 1998, pourvoi n° 94-11.848, Bull. 1998, I, n° 343 (rejet).

1re Civ., 11 mai 2022, n° 20-19.732, (B), FS

Cassation partielle

Faute – Garagiste – Réparation d'un véhicule – Présomption – Preuve contraire – Défaut – Cas

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 février 2020), Mme [U] (le client), ayant acquis de M. [O] (le vendeur) un véhicule d'occasion présentant des pannes récurrentes, l'a confié à plusieurs reprises à la société Bayern Landes Pays Basque (le garagiste).

2. En raison de la persistance de dysfonctionnements et après la réalisation d'expertises, le vendeur a versé une indemnisation au client qui a ensuite assigné le garagiste en responsabilité et indemnisation.

3. Le garagiste a été condamné à payer au client différentes sommes au titre des travaux facturés, du préjudice de jouissance et des frais d'expertise.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le client fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation du coût de la remise en état du véhicule, alors « que l'obligation de résultat, qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage ; qu'en déboutant Mme [U] de sa demande d'indemnisation au titre de la remise en état du véhicule, tout en constatant que les interventions de la société Bayern Landes Pays Basque n'ont pas été suffisantes pour diagnostiquer la cause exacte des pannes, puis pour en tirer les conséquences en procédant aux réparations adéquates, ce qui a causé des dépenses inutiles, sans remédier aux défauts, quand, si la réparation réalisée ne permet pas un emploi normal du véhicule, le garagiste doit supporter le coût de la remise en état du véhicule, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil :

5. Il résulte de ces textes que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.

6. S'il a été précédemment mis à la charge du garagiste une obligation de résultat (1re Civ., 2 février 1994, pourvoi n° 91-18.764, Bull. 1994, I, n° 41 ; 1re Civ., 8 décembre 1998, pourvoi n° 94-11.848, Bull.1998, I, n° 343) et une responsabilité de plein droit (1re Civ., 28 mars 2008, pourvoi n° 06-18.350, Bull. 2008, I, n° 94 ; 1re Civ., 31 octobre 2012, pourvoi n° 11-24.324, Bull. 2012, I, n° 227) et jugé que c'est l'obligation de résultat auquel le garagiste est tenu qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage (1re Civ., 8 décembre 1998, précité ; 1re Civ., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-16.717, Bull. 1197, I, n° 279), la référence à une telle obligation et un tel régime de responsabilité n'est pas justifiée dès lors qu'il a été admis que la responsabilité du garagiste pouvait être écartée, même si le résultat n'a pas été atteint, en prouvant qu'il n'a pas commis de faute (1re Civ., 2 février 1994, précité ; 1re Civ., 17 février 2016, pourvoi n° 15-14.012). Il y a donc lieu d'opérer une telle clarification.

7. Pour rejeter la demande formée par le client au titre du coût de la remise en état du véhicule, l'arrêt retient que les désordres sont dus à un défaut d'entretien du vendeur, que les interventions du garagiste n'ont pas permis d'y mettre fin, ce qui a causé des dépenses inutiles, que le vendeur du véhicule a indemnisé l'acquéreur en concluant une transaction avec lui et que les défauts ne sont pas imputables aux défaillances du garagiste qui n'a manqué à ses obligations qu'en ce qu'il n'a pas su déceler le vice pour fournir les solutions adéquates.

8. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et celle du lien causal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [U] formée contre la société Bayern Landes Pays Basque au titre du coût de la remise en état du véhicule et renvoie les parties à procéder aux rétablissements de comptes résultant de l'infirmation partielle qui vaut titre de restitution, l'arrêt rendu le 25 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Dazzan - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-18.867, Bull., (cassation).

1re Civ., 11 mai 2022, n° 20-22.210, (B), FRH

Cassation partielle

Obligation de conseil – Domaine d'application – Etendue – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 septembre 2020), afin d'effectuer un voyage sur le continent américain avec quatre passagers, M. [S] a acquis auprès de la société Bourcier (le vendeur) un camping-car fabriqué par la société Laika Caravans. Postérieurement à la livraison du véhicule le 6 mai 2011, il a fait installer par le vendeur des équipements supplémentaires.

2. En novembre 2011, au cours de son voyage, il a constaté un fléchissement de l'essieu arrière et a sollicité à son retour des expertises amiable et judiciaire qui ont imputé le dommage à un excès de poids.

3. Estimant que le vendeur et la société Laika Caravans avaient manqué à leur devoir d'information et de conseil, il les a assignés en résolution de la vente et en réparation de ses préjudices moral et matériel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Exposé du moyen

4. M. [S] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que l'obligation de conseil à laquelle est tenu le vendeur lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur et de l'informer lors de l'achat, de l'adéquation du matériel proposé à l'utilisation qui en est prévue ; qu'il s'ensuit que le vendeur devait s'enquérir des besoins de M. [S] qui souhaitait acquérir un camping-car pour réaliser un long voyage d'un an au travers du continent américain avec une famille de cinq personnes pour le conseiller sur l'adéquation des options et des accessoires par rapport à la charge utile restante ; qu'en se satisfaisant de la seule mise en garde donnée postérieurement à la conclusion de la vente par une facture de livraison du 6 mai 2011 qui comporte une mention « attention au poids » et qui précise que « chaque accessoire supplémentaire diminue la charge » ; qu'en imposant à M. [S] lui-même de surveiller la charge de son véhicule pour demeurer dans les limites du poids définis par son permis de voiture, après avoir constaté que le vendeur avait attiré son attention sur la charge du véhicule et, plus particulièrement, sur l'incidence de l'installation de nouveaux équipements en précisant sur la facture de livraison que chaque accessoire diminue la charge utile, quand il appartenait au vendeur de s'informer des besoins de M. [S] et, en particulier, de la charge utile qui lui était nécessaire pour mener à bien son projet de voyage, compte tenu des options et des accessoires qu'il souhaitait installer, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil :

5. Il résulte de ce texte que le vendeur professionnel est tenu, avant la vente, d'une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation entre le bien qui est proposé et l'usage qui en est prévu.

6. Pour rejeter les demandes de M. [S], l'arrêt retient que le véhicule livré conformément à la commande initiale était apte à l'usage prévu par M.[S], que la surcharge de poids est la conséquence de l'installation à sa demande d'équipements optionnels postérieurement à la livraison, que son attention a été attirée de manière formelle sur la facture de livraison du 6 mai 2011 qui comporte une mention « attention au poids » et qui précise que « chaque accessoire supplémentaire diminue la charge utile », que, même si cette mention ne précisait pas le poids des équipements déjà installés, elle était suffisante pour attirer l'attention du client sur la charge du véhicule et particulièrement sur l'incidence de l'installation de nouveaux équipements sur le poids du véhicule, M. [S] devant, en sa qualité de conducteur, surveiller la charge de son véhicule pour demeurer dans les limites de poids définies par son permis de conduire.

7. En statuant ainsi, sans constater que le vendeur s'était informé des besoins de M. [S] et, en particulier, de la charge utile qui lui était nécessaire pour mener à bien son projet de voyage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il rejette les demandes de M. [S] contre la société Bourcier, l'arrêt rendu le 18 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Chevalier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Boullez ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 28 octobre 2010, pourvoi n° 09-16.913, Bull. 2010, I, n° 215 (cassation), et les arrêts cités.

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