Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

REGIMES MATRIMONIAUX

1re Civ., 18 mai 2022, n° 20-20.725, (B), FRH

Cassation partielle

Régimes conventionnels – Séparation de biens – Liquidation – Créance d'un époux contre l'autre – Prescription – Délai – Détermination

Il résulte des articles 815, 1479, alinéa 1, 1543 et 2224 du code civil que les créances qu'un époux séparé de biens peut faire valoir contre l'autre et dont le règlement ne constitue pas une opération de partage se prescrivent, en matière personnelle ou mobilière et en l'absence de disposition particulière, selon le délai de droit commun édicté par l'article 2224 précité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 6 février 2020) et les productions, un jugement du 22 octobre 2009 a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre Mme [L] et M. [F], mariés sous le régime de la séparation de biens.

2. Un jugement du 1er mars 2012 a prononcé leur divorce et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.

3. Le 29 juin 2018, un notaire a établi un projet d'acte de partage faisant apparaître une somme de 850 968,92 euros due par M. [F] à Mme [L] au titre des créances entre époux.

4. Une ordonnance du 4 juillet 2018 a autorisé Mme [L] à pratiquer une saisie conservatoire pour sûreté d'une créance de 900 000 euros.

5. M. [F] a saisi le juge de l'exécution d'une demande tendant à la mainlevée de cette mesure, pratiquée le 24 juillet 2018.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 815, 1479, alinéa 1er, 1543 et 2224 du code civil :

8. Il résulte de ces textes que les créances qu'un époux séparé de biens peut faire valoir contre l'autre et dont le règlement ne constitue pas une opération de partage se prescrivent, en matière personnelle ou mobilière et en l'absence de disposition particulière, selon le délai de droit commun édicté par l'article 2224 du code civil.

9. Pour rejeter la demande de M. [F] tendant à la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par Mme [L] en raison de la prescription de la créance alléguée par celle-ci, l'arrêt retient que, dès l'ordonnance de non-conciliation, le régime matrimonial devient une indivision post-matrimoniale et que l'action aux fins de partage est imprescriptible.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse application et les autres par refus d'application.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par Mme [L], alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour dire que la créance alléguée par Mme [L] n'était pas prescrite, la cour d'appel a retenu qu'en tout état de cause, même à considérer qu'une demande relative à une créance entre époux serait une demande connexe, le délai de prescription de cinq ans n'avait commencé à courir qu'à compter du projet de partage établi par M. [M] le 28 juin 2018, ce projet ayant fait naître le principe de la créance ; qu'en statuant de la sorte, quand le fait générateur de la créance alléguée par Mme [L] était le transfert de valeurs depuis le patrimoine de l'épouse, et que si la prescription n'avait pu courir pendant la durée du mariage, son cours avait repris à compter de la date à laquelle le jugement de divorce était devenu définitif, soit le 26 mai 2012, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2236 du code civil, ensemble l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 et 2236 du code civil :

12. Le premier de ces textes dispose :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

13. Aux termes du second, la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux.

14. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le délai de droit commun par lequel se prescrivent, en l'absence de dispositions particulières, les créances entre époux en matière personnelle ou mobilière commence à courir lorsque le divorce a acquis force de chose jugée.

15. Pour rejeter la demande de M. [F], l'arrêt retient que, si une demande relative à une créance entre époux devait être considérée comme une demande connexe, le délai de prescription de cinq ans ne commencerait à courir qu'à compter du projet de partage du 28 juin 2018, qui a fait naître le principe de la créance.

16. En statuant ainsi, alors que le fait générateur de la créance alléguée par Mme [L] était le transfert de valeurs depuis son patrimoine vers celui de M. [F] et ne pouvait être recherché dans le projet de partage qui en établissait le compte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [F] tendant au prononcé de la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par Mme [L] entre les mains de l'agence du Crédit Lyonnais [Adresse 3] suivant exploit de la SCP Chauvin-Coulon huissiers de justice en date du 24 juillet 2018 pour sûreté de la somme de 900 000 euros, autorisée par ordonnance du juge de l'exécution du 4 juillet 2018, l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Buat-Ménard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Articles 815, 1479, alinéa 1, 1543 et 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constituant pas une opération de partage, à rapprocher : 1re Civ., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-22.929, Bull. 2012, I, n° 184 (cassation partielle).

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