Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

3e Civ., 11 mai 2022, n° 20-23.335, (B), FS

Rejet

Cautionnement – Caution – Recours contre le débiteur principal – Recours subrogatoire – Prescription – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Cautionnement relatif à un bail d'habitation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 23 juillet 2020), par acte sous seing privé du 4 septembre 2014, la société Erilia a donné à bail à M. [S] et Mme [X] un local à usage d'habitation.

L'association Astria s'est portée caution solidaire des engagements des locataires.

2. Ayant réglé des loyers et charges impayés, l'association Astria, subrogée dans les droits du bailleur, a obtenu du juge d'instance de Nîmes une ordonnance en injonction de payer à l'encontre de laquelle M. [S] a formé opposition.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [S] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de l'association Astria et de le condamner en conséquence à lui payer la somme de 5 392,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2018, alors « que les dispositions de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, selon lesquelles l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, posent une règle de portée générale, qui s'applique à toutes les actions des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, en l'absence de dispositions particulières ; qu'en conséquence, si le bail d'habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation et si, par suite, la prescription de trois ans édictée par les dispositions de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 est seule applicable à l'action en recouvrement des réparations locatives et des loyers impayés exercée par un bailleur professionnel à l'encontre d'un preneur à bail d'habitation consommateur, le cautionnement consenti par un professionnel pour garantir le paiement des loyers et charges par un preneur à bail d'habitation consommateur est un service financier fourni à ce preneur par ce professionnel et, par conséquent, l'action récursoire exercée par l'organisme de caution, qui a payé des loyers et charges au bailleur au lieu et place du preneur à bail d'habitation consommateur est une action en paiement soumise à la prescription de deux ans prévue par les dispositions de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, et non à la prescription de trois ans édictée par les dispositions de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'en retenant le contraire, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de l'association Astria et condamner M. [S] à payer à l'association Astria la somme de 5 392,20 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2017, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation et de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989. »

Réponse de la Cour

4. Le délai de prescription des actions dérivant d'un contrat de bail d'habitation étant spécifiquement fixé à trois ans par les dispositions de l'article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation ne leur est pas applicable.

5. Il résulte, par ailleurs, de l'article 2306 du code civil, dans sa version applicable, que l'action subrogatoire de la caution contre le débiteur est soumise à la même prescription que celle applicable à l'action du créancier contre le débiteur.

6. Après avoir, à bon droit, retenu que le délai applicable au recours subrogatoire intenté par l'association Astria contre le locataire était celui de l'article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, la cour d'appel, qui a constaté que moins de trois ans s'étaient écoulés entre son point de départ et l'acte interruptif de prescription, en a exactement déduit que l'action était recevable.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Gallet - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Capron -

Textes visés :

Article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 26 janvier 2017, pourvoi n° 15-25.791, Bull. 2017, III, n° 12 (cassation) ; 3e Civ., 26 janvier 2017, pourvoi n° 15-27.580, Bull. 2017, III, n° 12 (cassation) ; 3e Civ., 26 janvier 2017, pourvoi n° 15-27.688, Bull. 2017, III, n° 12 (cassation) ; 3e Civ., 26 janvier 2017, pourvoi n° 16-10.389, Bull. 2017, III, n° 12 (cassation) ; Com., 5 mai 2021, pourvoi n° 19-14.486, Bull., (cassation).

3e Civ., 11 mai 2022, n° 21-15.420, (B), FS

Cassation partielle

Clauses abusives – Définition – Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties – Cas – Clause contractuelle de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge – Validité – Office du juge

En application des articles L. 132-1, devenu L. 212-1, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, du code de la consommation, la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire. Conformément à l'article R. 632-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, il appartient au juge d'examiner d'office la régularité d'une telle clause.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 février 2021), M. et Mme [O] (les maîtres de l'ouvrage) ont confié à M. [Y] (l'architecte), assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de l'aménagement d'une grange.

2. Les lots gros oeuvre, revêtements de sols et murs ont été confiés à la société Wallyn.

3. Dès le début des travaux, des désordres sont apparus sur les fondations des murs conservés et sur les nouvelles fondations.

4. Les maîtres de l'ouvrage ont saisi le conseil régional de l'ordre des architectes le 8 novembre 2010, puis ont assigné l'architecte devant le juge des référés le 13 décembre 2010 aux fins d'expertise.

La réunion devant l'ordre des architectes a, alors, été annulée.

5. Après l'expertise, les maîtres de l'ouvrage ont assigné l'architecte, la MAF et la société Wallyn aux fins de réparation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

6. M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre la MAF, alors « que lorsque l'application de l'article L. 113-10 du code des assurances est stipulée dans un contrat d'assurance, elle est exclusive de l'application de l'article L. 113-9 dudit code ; qu'en l'espèce, l'article 8.2.1.2 des conditions générales de la police d'assurance stipulait au titre des « sanctions relatives à la non-fourniture des déclarations d'activité professionnelles » qu'à défaut de déclaration des activités, et après mise en demeure, « l'assuré peut mettre en recouvrement une cotisation forfaitaire qui s'élève à 150 % de la cotisation ajustée l'année précédente ou de la cotisation provisoire acquittée lors de la souscription » ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher si ce mécanisme, sans faire expressément référence à l'article L. 113-10 du code des assurances, ne prévoyait pas une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, ce qui aurait exclu que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du même code, quand bien même celle-ci était stipulée dans le contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-9 et L. 113-10 du code des assurances, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel, devant laquelle M. et Mme [O] n'ont pas soutenu que le contrat, sans faire expressément référence à l'article L. 113-10 du code des assurances, prévoyait une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, ce qui aurait exclu que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du même code, n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

8. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

Énoncé du moyen

9. M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre la MAF, alors « qu'en présence d'une clause ayant pour effet de priver de garantie l'architecte qui, par erreur a déclaré que la valeur d'un chantier était de 0,00 euros, commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile l'assureur qui délivre une attestation d'assurance avant que la déclaration régulière de chantier qui conditionne la garantie n'ait été effectuée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la MAF avait délivré à M. [Y] une attestation d'assurance dans le cadre du chantier des époux [O] ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher s'il n'en résultait pas qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité civile à l'égard des exposants, qui s'étaient fiés à cette déclaration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

10. La cour d'appel, devant laquelle M. et Mme [O] n'ont pas soutenu que l'assureur avait engagé sa responsabilité délictuelle pour avoir délivré une attestation d'assurance avant que la déclaration régulière de chantier qui conditionne la garantie n'ait été effectuée, n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

11. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre la société Wallyn et de les condamner à lui payer une certaine somme, alors « qu'il incombe à l'entrepreneur de refuser d'exécuter les travaux qu'il sait inefficaces ou de refuser de les exécuter s'il n'est pas suffisamment informé sur leur efficacité ; qu'en l'espèce, les époux [O] faisaient précisément valoir dans leurs conclusions que la société Wallyn aurait dû subordonner le démarrage du chantier à la remise d'une étude de sol, de nature à établir l'efficacité de la construction envisagée ; que la cour d'appel a considéré que la société Wallyn, au démarrage du chantier, n'aurait pas été informée par les exposants des études de sol réalisées en 2001 et 2004, et qu'il ne pouvait lui être reprochée de s'être abstenue de rechercher l'historique des risques à Bierne quant à la portance des sols ; qu'elle a considéré que c'est cette absence de remise d'une étude des sols qui était décisive dans l'apparition des désordres puisque cette étude « aurait permis à l'architecte et à l'entreprise d'adapter l'offre de travaux au regard des risques mis en lumière par les études » ; que la cour d'appel a pourtant écarté toute faute de la société Wallyn au seul prétexte « qu'il n'est pas démontré que celle-ci avait à sa charge une quelconque étude préalable aux travaux » ; qu'en statuant ainsi sans rechercher s'il n'incombait pas à l'entrepreneur de refuser d'exécuter les travaux quand il n'était manifestement pas suffisamment informé quant à leur efficacité potentielle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

13. D'une part, la cour d'appel a souverainement retenu que les fautes d'exécution de la société Wallyn n'étaient pas établies et que leur lien de causalité avec les dommages n'était, en tout état de cause, pas démontré.

14. D'autre part, elle a souverainement retenu que, s'agissant de l'obligation de conseil, contrairement à la société Wallyn, les maîtres de l'ouvrage avaient une parfaite connaissance des risques liés à l'état du terrain et qu'ils avaient délibérément omis d'en avertir l'architecte et le constructeur en ne portant pas à leur connaissance les études de sols réalisées en 2001 et 2004.

15. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la responsabilité de l'entrepreneur n'était pas engagée et a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Mais sur le moyen relevé d'office

16. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du même code :

17. Selon le premier de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

18. Le second dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

19. Selon le troisième, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et applicable au litige, le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des débats.

20. Il est jugé au visa de ces textes que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu'il appartient au juge d'examiner d'office la régularité d'une telle clause (3e Civ., 19 janvier 2022, pourvoi n° 21-11.095, publié)

21. Pour accueillir la fin de non-recevoir opposée par l'architecte aux demandes des maîtres de l'ouvrage consommateurs, l'arrêt, qui constate que le contrat de maîtrise d'oeuvre comporte une clause selon laquelle « en cas de litige portant sur l'exécution du contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte avant toute procédure judiciaire. A défaut d'un règlement amiable le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes », retient que le non-respect de cette clause est sanctionné par une fin de non-recevoir.

22. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui incombait d'examiner d'office le caractère éventuellement abusif d'une clause instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge par le recours à un tiers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

23. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la MAF, alors « qu'en cas de déclaration inexacte du risque par l'assuré de bonne foi, découverte après la réalisation du sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ; que cette réduction proportionnelle doit s'apprécier au regard de l'ensemble des risques déclarés par l'architecte pendant la période d'assurance, et non chantier par chantier ; qu'en retenant à l'inverse qu' « une déclaration pour un montant égal à zéro équivaut à une absence de déclaration et justifie l'absence de garantie » et en appréciant ainsi la réduction proportionnelle d'indemnité au regard du seul chantier des époux [O], la cour d'appel a violé l'article L. 113-9 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

24. La MAF conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le grief est nouveau.

25. Cependant, le grief, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

26. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 113-9 du code des assurances :

27. Il résulte de ce texte qu'en l'absence de déclaration de la mission et de paiement des primes afférentes, l'indemnité due par l'assureur doit être réduite en proportion du taux de la prime annuelle payée par rapport à celui de la prime qui aurait été due si la mission avait été déclarée.

28. Le contrat d'assurance ne peut déroger à ces dispositions d'ordre public en prévoyant un autre mode de calcul de la réduction proportionnelle.

29. Pour rejeter les demandes formées par les maîtres de l'ouvrage contre la MAF, l'arrêt retient que l'article 5.2 des clauses générales du contrat d'assurance et l'article L. 113-9 du code précité rattachent expressément l'obligation de déclaration à chaque mission et réduisent l'indemnité en proportion des cotisations payées pour la mission inexactement déclarée, l'absence de déclaration équivalant à une absence de garantie.

30. Il retient, ensuite, qu'une déclaration pour un montant égal à zéro équivaut à une absence de déclaration et justifie l'absence de garantie.

31. En statuant ainsi, alors que la réduction proportionnelle de l'indemnité due au tiers lésé ne pouvait se calculer d'après le rapport entre les cotisations payées pour la mission inexactement déclarée et les cotisations qui auraient dû être payées pour cette mission, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

32. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Wallyn, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes présentées par M. et Mme [O] contre M. [Y] et en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme [O] contre la Mutuelle des architectes français, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Zedda - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Articles L. 113-9 et L. 113-10 du code des assurances ; article L. 113-9 du code des assurances ; articles L. 132-1, devenu L. 212-1, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 18-10.190, Bull., (cassation partielle), et l'arrêt cité. 3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-18.165, Bull., (rejet), et les arrêts cités ; 3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 18-20.809, Bull., (cassation), et les arrêts cités. 3e Civ., 27 juin 2019, pourvoi n° 17-28.872, Bull., (rejet). 3e Civ., 19 janvier 2022, pourvoi n° 21-11.095, Bull., (cassation partielle).

1re Civ., 25 mai 2022, n° 20-23.326, (B), FRH

Rejet

Crédit à la consommation – Défaillance de l'emprunteur – Action – Délai de forclusion – Point de départ – Découvert en compte bancaire – Découvert tacitement consenti par la banque – Date du dépassement non régularisé – Applications diverses

Il résulte des articles L. 311-47, L. 311-1, 11°, et L. 311-52 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que les actions en paiement d'un découvert en compte tacitement accepté doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans suivant l'expiration du délai de trois mois à compter du dépassement non régularisé.

Ayant relevé qu'un compte courant a précédemment présenté des positions débitrices ayant été régularisées et qu'il n'a été en position débitrice continue qu'à compter d'une certaine date, ce dont il résultait que l'action en paiement du solde débiteur devait être engagée dans les deux ans suivant l'expiration du délai de trois mois à compter de cette date correspondant à celle du dépassement non régularisé, une cour d'appel en déduit exactement que l'action de la banque, introduite dans les deux ans suivant l'expiration du délai de trois mois à compter de cette date, n'est pas atteinte par la forclusion.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 20 octobre 2020), Mme [L] et M. [P] ont chacun ouvert auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (la banque) un compte courant, la première suivant convention du 21 mars 2007 n° 0014711210, le second suivant convention n° 2439742000.

2. Le 16 juillet 2014, la banque les a assignés en paiement des soldes débiteurs de ces comptes.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire que l'action en paiement engagée par la banque à son encontre n'est pas forclose et de la condamner à lui payer la somme de 175 001,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014 au titre du solde débiteur du compte n° 0014711210, alors :

« 1°/ que le dépassement au sens du 11° de l'article L. 311-1 du code de la consommation, non régularisé à l'issue du délai de trois mois prévu par l'article L. 311-47, fait courir le délai de forclusion biennale applicable à l'action en paiement engagée à l'encontre de l'emprunteur ; que le délai de forclusion commence à courir le jour où le dépassement atteint trois mois sans être régularisé, peu important que ce dépassement fasse ultérieurement l'objet de régularisations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [L] bénéficiait d'un découvert autorisé de 5 000 euros sur son compte n° 000147101210 ouvert dans les livres de la banque, et que le solde de son compte avait dépassé le débit de 5 000 euros de manière continue, du 1er janvier au 15 mai 2012, soit pendant une période excédant trois mois ; qu'en jugeant cependant que la banque n'était pas forclose en son action en paiement introduite le 16 juillet 2014 à l'encontre de Mme [L], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 311-52 du code de la consommation, applicable à la cause, devenu l'article R. 312-35 du même code ;

2°/ que le délai de forclusion commence à courir le jour où le dépassement atteint trois mois sans être régularisé, peu important que ce dépassement fasse ultérieurement l'objet de régularisations ; qu'en énonçant, pour juger que la banque n'était pas forclose en son action dirigée contre Mme [L], que le compte de Mme [L] « n'a été en position débitrice de manière continue et permanente qu'à compter du 31 juillet 2012 » et que « précédemment, les différents dépassements ont été régularisés », la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation de l'article L. 311-52 du code de la consommation, applicable à la cause, devenu l'article R. 312-35 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles L. 311-47, L. 311-1, 11°, et L. 311-52 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que les actions en paiement d'un découvert en compte tacitement accepté doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans suivant l'expiration du délai de trois mois à compter du dépassement non régularisé.

6. Ayant relevé que le compte avait précédemment présenté des positions débitrices ayant été régularisées et qu'il n'avait été en position débitrice continue qu'à compter du 31 juillet 2012, ce dont il résultait que l'action en paiement du solde débiteur devait être engagée dans les deux ans suivant l'expiration du délai de trois mois à compter de cette date correspondant à celle du dépassement non régularisé, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action de la banque, introduite le 16 juillet 2014, n'était pas atteinte par la forclusion.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade ; SCP Capron -

Textes visés :

Articles L. 311-47, L. 311-1, 11°, et L. 311-52 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

1re Civ., 25 mai 2022, n° 21-10.250, (B), FRH

Rejet

Prescription – Prescription biennale – Domaine d'application – Exclusion – Crédit-bail – Action en restitution – Condition

L'article L.137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, disposant que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, n'est pas applicable à l'action formée par le crédit-bailleur qui, après l'expiration du contrat ayant pour objet la location d'une voiture, en demande la restitution au preneur n'ayant pas levé l'option d'achat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 juillet 2020), le 13 août 2010, la société Mercedes Benz Financial Service France (le crédit-bailleur) et Mme [J] (le preneur) ont conclu un contrat de location avec option d'achat portant sur un véhicule automobile. Ce contrat est arrivé à son terme le 27 octobre 2013.

2. En dépit d'une mise en demeure adressée le 25 juin 2015, le preneur n'a ni levé l'option d'achat ni restitué le véhicule au crédit-bailleur. Celui-ci l'a assigné le 20 avril 2016 en paiement d'une indemnité en réparation de son préjudice de jouissance et en restitution du véhicule.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le preneur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en restitution formée par le crédit-bailleur à son encontre, d'ordonner la restitution du véhicule sous astreinte et, à défaut de restitution, d'autoriser son appréhension dans les conditions prévues aux articles R. 222-2, R. 223-6 à R. 223-13 du code des procédures civiles d'exécution avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin, alors « que l'action en restitution exercée par le crédit-bailleur à l'encontre du crédit-preneur sur le fondement du contrat de crédit-bail est une action personnelle mobilière soumise à la prescription extinctive biennale lorsqu'elle est formée à l'encontre d'un consommateur ; qu'en déclarant recevable l'action en restitution » formée par la société Mercedes Benz à l'encontre de l'exposante au motif inopérant que celle-ci ne justi[fiait] nullement d'une prescription acquisitive concernant le véhicule loué » et que la société était demeurée propriétaire du véhicule, quand celle-ci n'agissait pas en revendication du véhicule mais exerçait contre l'exposante une action en restitution de nature personnelle et mobilière, soumise à la prescription extinctive biennale dès lors qu'elle avait la qualité de consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 2227 du code civil, le droit de propriété est imprescriptible.

Selon l'article 2266 du code civil, ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit, de sorte que le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire.

6. En application de ces dispositions, la Cour de cassation juge que la propriété ne s'éteignant pas par le non-usage, l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription extinctive (1re Civ., 2 juin 1993, pourvoi n° 90-21.982, 91-10.971, 91-12.013, 91-10.429, Bull. civ. 1993, I, n° 197). Elle juge également que l'action en revendication, par laquelle le propriétaire d'un meuble en réclame la restitution à celui à qui il l'a remis à titre précaire, naît de son droit de propriété et de l'absence de droit du détenteur, de sorte que la forclusion prévue à l'article L. 311-37 du code de la consommation ne constitue pas un titre pour le locataire et n'est pas applicable à l'action en revendication de la chose louée exercée par le crédit-bailleur (1re Civ., 20 décembre 1994, pourvoi n° 93-11.624, Bull. civ. 1994, I, n° 384).

7. Il en résulte que l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, disposant que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, n'est pas applicable à l'action formée par le crédit-bailleur qui, après l'expiration du contrat ayant pour objet la location d'une voiture, en demande la restitution au preneur n'ayant pas levé l'option d'achat.

8. La cour d'appel, qui a relevé qu'au terme du contrat de crédit-bail, le preneur n'avait pas levé l'option d'achat du véhicule, a exactement retenu que celui-ci était resté la propriété du crédit-bailleur et que l'action en restitution de son bien n'était pas soumise à la prescription biennale.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 2 juin 1993, pourvoi n° 90-21.982, Bull. 1993, I, n° 197 (cassation partielle) ; 1re Civ., 20 décembre 1994, pourvoi n° 93-11.624, Bull. 1994, I, n° 384 (cassation partielle).

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