Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 19 mai 2022, n° 20-21.585, (B), FRH

Cassation partielle

Demande – Objet – Détermination – Prétentions respectives des parties – Moyens fondant les prétentions – Enonciation – Obligations des parties – Etendue

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2020), Mme [C], M. [T] [Y] et M. [K] [F] [Y], ces derniers venant aux droits de [D] [Y], héritiers de l'artiste [J] [Z] (les consorts [Z]), revendiquant la propriété de quatorze oeuvres d'[J] [Z], parmi lesquelles le mobile « un verre et deux cuillères », selon eux détenues en dépôt par [P] [V], galiériste et marchand d'art, ont, en 2005, agi à l'encontre de ses héritiers, M. [V] et Mme [B] (les consorts [V]) en restitution de ces oeuvres, soutenant qu'[P] [V] et [J] [Z] étaient liés par un contrat de dépôt et que les consorts [V] étaient mal fondés à invoquer à leur profit la règle selon laquelle, en matière de meubles, possession vaut titre.

2. Par un arrêt du 26 novembre 2010, devenu irrévocable par l'effet du rejet du pourvoi formé par les consorts [V] (1re Civ., 22 mars 2012, pourvoi n° 10-28.590, Bull. n° 69), la cour d'appel de Paris a, pour l'essentiel, condamné les consorts [V] à remettre sous astreinte aux consorts [Z] sept oeuvres, dont le mobile « un verre et deux cuillères », a débouté les consorts [Z] de leur demande de revendication et d'expertise concernant quatre oeuvres, et, avant dire droit sur les demandes concernant les trois autres oeuvres, a ordonné la réouverture des débats pour que les consorts [V] produisent les documents concernant leur vente et que les parties concluent sur ce point.

3. La restitution du mobile « un verre et deux cuillères » est intervenue le 15 avril 2011 en présence d'un expert qui a constaté l'existence de dommages.

4. Après réouverture des débats, les consorts [Z] ont demandé la condamnation des consorts [V] à leur payer une certaine somme en réparation du préjudice résultant de la vente des trois dernières oeuvres restant en litige.

5. Par arrêt du 14 janvier 2015, la cour d'appel de Paris a déclaré prescrite la demande d'indemnisation concernant l'une des oeuvres et a condamné les consorts [V] à indemniser les consorts [Z] pour les deux autres oeuvres.

6. En 2016, les consorts [Z], invoquant les dommages causés au mobile « un verre et deux cuillères », imputables selon eux à [P] [V], qui en avait la garde, ont assigné les consorts [V] en paiement de différentes sommes en réparation de leurs préjudices matériel et moral résultant de cette détérioration.

7. Les consorts [V] ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée aux arrêts du 26 novembre 2010 et du 14 janvier 2015.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. Les consorts [Z] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes en réparation des préjudices causés par la restitution dans un état dégradé de l'oeuvre dénommée « Un verre et deux cuillères », alors « que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; qu'en déclarant irrecevable la demande d'indemnisation fondée sur la détérioration de l'oeuvre « Un verre et deux cuillères » qui n'a pas le même objet que la précédente demande en restitution de cette oeuvre, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile :

9. Il résulte du premier de ces textes que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime être de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

10. Pour déclarer irrecevables les demandes des consorts [Z] en réparation des préjudices causés par la restitution, dans un état dégradé, de l'oeuvre dénommée « Un verre et deux cuillères », l'arrêt retient que l'action engagée en 2016 est une action en indemnisation fondée sur un manquement aux obligations du contrat de dépôt, tandis que la première action contenait une demande indemnitaire fondée sur le contrat de dépôt, de sorte que les deux actions ont le même objet et qu'il appartenait aux consorts [Z], en application du principe de la concentration des moyens, de soulever dès la première instance le moyen tiré de la mauvaise exécution de l'obligation de restitution du dépositaire.

11. En statuant ainsi, alors que la demande d'indemnisation de l'état détérioré du mobile restitué « Un verre et deux cuillères » avait un objet distinct de celui de la demande d'indemnisation de l'absence de restitution des trois oeuvres vendues, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, l'arrêt rendu le 20 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 1355 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 7 décembre 2016, pourvoi n° 16-12.216, Bull. 2016, I, n° 246.

2e Civ., 19 mai 2022, n° 20-23.529, (B), FRH

Cassation

Fin de non-recevoir – Définition – Chose jugée – Domaine d'application – Demandes successives ne tendant pas au même objet – Application diverse – Contentieux locatif – Congé frauduleux et troubles de jouissance

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2019), Mme [R], propriétaire d'un appartement donné à bail à Mme [T] et M. [B], leur a délivré un congé pour vente.

2. Estimant ce congé frauduleux, Mme [T] a assigné Mme [R] devant un tribunal d'instance pour obtenir notamment la nullité du congé et le paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice de jouissance. Un jugement du 5 décembre 2012, confirmé par un arrêt d'une cour d'appel du 4 juillet 2014, a rejeté ces demandes.

3. En 2017, Mme [T] a assigné Mme [R] devant un tribunal d'instance afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices découlant du congé frauduleusement délivré.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Mme [T] fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables au regard de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 4 juillet 2014, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, qu'il faut notamment que la chose demandée soit la même ; qu'en jugeant irrecevables les demandes de Mme [T] comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 4 juillet 2014 devant laquelle cette dernière avait demandé, à titre subsidiaire, la nullité du congé pour vente en raison d'un prix manifestement excessif proposé par la bailleresse et l'octroi de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance causé par l'état du logement, la cour d'appel, saisie en l'occurrence par Mme [T] d'une demande tendant à la condamnation de Mme [R] à des dommages et intérêts en raison du seul caractère frauduleux du congé que cette dernière lui avait délivré, a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Mme [R] conteste la recevabilité du moyen au motif que celui-ci est nouveau.

6. Cependant, Mme [T] ayant soutenu dans ses écritures devant la cour d'appel que la demande formée dans cette nouvelle instance n'était pas la même que celle ayant donné lieu à l'arrêt du 4 juillet 2014, le moyen n'est pas nouveau.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile :

8. Il résulte du premier de ces textes que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime être de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

9. Pour déclarer irrecevables les demandes présentées par Mme [T], comme se heurtant à l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 4 juillet 2014, l'arrêt retient que celle-ci a déjà saisi le tribunal d'instance de Marseille d'une demande tendant à voir prononcer la nullité du congé et qu'elle a été déboutée de cette demande par arrêt confirmatif du 4 juillet 2014 et qu'au regard de l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt, ses demandes qui tendent notamment à obtenir le prononcé de la nullité du congé, dont est invoqué le caractère frauduleux, doivent être déclarées irrecevables.

10. En statuant ainsi, alors que l'action tendant à obtenir la nullité du congé et l'indemnisation des troubles de jouissance subis durant l'occupation du logement n'avait pas le même objet que l'action en réparation des préjudices subis du fait de la délivrance frauduleuse du congé pour vendre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 mai 2022, pourvoi n° 20-21.585.

2e Civ., 19 mai 2022, n° 21-13.062, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Fin de non-recevoir – Définition – Chose jugée – Domaine d'application – Demandes successives tendant au même objet par un moyen nouveau – Applications diverses

Demande – Objet – Détermination – Prétentions respectives des parties – Moyens fondant les prétentions – Enonciation – Moment – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [M] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [Z].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 janvier 2021), le 18 août 2012, un tribunal de grande instance a condamné M. [M] et Mme [Z], titulaires d'un bail consenti par M. [N], à payer à celui-ci diverses sommes dues en exécution de ce contrat.

3. La liquidation judiciaire de Mme [Z] a été prononcée par un jugement du 14 juin 2013, puis a été clôturée pour insuffisance d'actif le 13 novembre 2015, M. [N] ayant alors reçu un certificat d'irrecouvrabilité à la suite de la déclaration de sa créance.

4. Par ordonnance du 20 novembre 2014, M. [N] a obtenu de saisir sur les rémunérations du travail de M. [M] la somme de 21 020,68 euros, correspondant à la moitié des condamnations prononcées le 18 août 2012. Cette somme a été entièrement payée au créancier le 2 juillet 2015.

5. Le 11 mai 2017, M. [N] a assigné M. [M] et Mme [Z] devant un tribunal de grande instance, pour obtenir qu'ils soient solidairement tenus au paiement de leurs dettes locatives arrêtées par le jugement du 21 janvier 2013.

6. M. [M] a fait appel du jugement ayant notamment déclaré irrecevable la demande de M. [N] tendant à la condamnation solidaire des débiteurs, ayant constaté que ces derniers étaient tenus solidairement au paiement des sommes dues en exécution du bail et jugé que l'obligation au paiement pesant sur eux était solidaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. [M] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. [N] à son encontre et de dire qu'il est solidairement tenu au paiement de la dette locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, alors « que la seconde demande en paiement d'une même dette locative, formée à l'encontre des mêmes parties, est irrecevable comme se heurtant à l'autorité attachée au jugement ayant déjà statué sur cette demande, d'un montant identique, quoiqu'initialement sans solidarité ; qu'en déclarant cependant recevable la demande de M. [N] tendant à voir M. [M] solidairement tenu, avec Mme [Z], d'une dette locative de 36.324,84 € au titre de l'occupation de locaux entre le 1er avril 2011 et le 15 octobre 2012, tandis que par un jugement du 21 janvier 2013, le tribunal d'instance d'Annecy les avait condamnés au paiement de cette somme, sans autre précision et donc conjointement, ce dont il résultait que la demande formée contre les mêmes parties et tendant au paiement de la même dette locative, quoique désormais avec solidarité, se heurtait à l'autorité de la chose jugée par le jugement du 21 janvier 2013, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil :

8. Il résulte de ce texte qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci.

9. Pour déclarer recevable l'action de M. [N] à l'encontre de M. [M] et dire qu'il est solidairement tenu au paiement de la dette locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, l'arrêt énonce qu'il ne peut être déduit de l'absence d'invocation de solidarité entre M. [M] et Mme [Z], lors de l'instance précédente, que M. [N] aurait renoncé à se prévaloir de cette modalité de sa créance, et relève que le jugement du 21 janvier 2013 a reconnu que M. [N] détenait une créance à l'encontre de M. [M] et de Mme [Z], de sorte que la demande qu'il formule dans la présente instance ne tend pas à la reconnaissance du même droit, dans la mesure où, s'il se prévaut toujours de la même créance à l'égard des mêmes personnes, il argue de la solidarité entre elles, ce qui modifie, en la confortant, la consistance de son droit.

10. En se déterminant ainsi, alors qu'il appartenait à M. [N] de solliciter, dès l'instance relative à la première demande, la condamnation solidaire des débiteurs, de sorte que sa seconde demande, portant sur le caractère solidaire de la condamnation irrévocablement prononcée, ne tendait qu'à remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, par un moyen non soutenu devant le tribunal d'instance, une décision revêtue de l'autorité de chose jugée à leur égard, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

11. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, invoqués par le demandeur au pourvoi.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue sur le fond.

13. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 à 10 qu'il y a lieu de déclarer irrecevables les demandes de M. [N] à l'encontre de M. [M].

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable l'action de M. [N] à l'encontre de M. [M], et dit que M. [M] est solidairement tenu au paiement de la datte locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes de M. [N] à l'encontre de M. [M].

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Delbano - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Articles 1351 et 1355 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 mai 2022, pourvoi n° 20-21.585 ; 2e Civ., 19 mai 2022, pourvoi n° 20-23.529.

2e Civ., 25 mai 2022, n° 19-12.048, n° 19-15.052, (B), FS

Cassation

Instance – Interruption – Redressement et liquidation judiciaires – Domaine d'application – Jugement rendu par un état membre de l'union européenne – Interprétation de l'article L326-28 du code des assurances

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 20 novembre 2018) et les productions, la société Paget Approbois (la société Paget) a souscrit, à effet du 1er juillet 2011, par l'intermédiaire de la société Depeyre entreprises (la société Depeyre), courtier en assurance, une police d'assurance « multirisque industrielle » portant la mention « Compagnie : Alpha insurance ».

2. Le 20 mai 2012, une chute de grêle a endommagé deux sites exploités par la société Paget, qui a adressé le lendemain une déclaration de sinistre à la société Depeyre.

3. Une expertise amiable a été mise en oeuvre afin d'évaluer les dommages matériels consécutifs au sinistre.

4. La société Paget n'a toutefois perçu aucune indemnité d'assurance, la société Depeyre lui ayant finalement fait connaître par une lettre datée du 7 janvier 2013 qu'elle avait été assurée par l'intermédiaire d'une société de droit belge, la société Albic, que ses assureurs avaient été, à compter du 1er janvier 2012, la société britannique United et la société roumaine Euroins, et qu'elle n'avait plus d'assureur depuis le 1er janvier 2013, ces sociétés ayant depuis retiré leur agrément à la société Albic.

5. La société Paget a alors assigné en responsabilité et indemnisation de ses préjudices la société Depeyre, qui a appelé en garantie la société de droit danois Alpha Insurance, désignée par elle comme étant le véritable assureur à la date du sinistre.

6. La société Paget a sollicité en cause d'appel la condamnation in solidum de la société Depeyre et de la société Alpha Insurance au paiement de la somme de 335 080,79 euros en réparation de son préjudice matériel ainsi que la mise en oeuvre d'une expertise afin d'évaluer son préjudice immatériel.

7. À l'audience de plaidoirie du 16 octobre 2018, le conseil de la société Alpha Insurance a informé la cour d'appel que le tribunal maritime et commercial de Copenhague avait prononcé la faillite de cette société à compter du 8 mai 2018 et en a justifié en cours de délibéré en produisant ce jugement désignant M. [W] en qualité de syndic de faillite.

8. La cour d'appel de Besançon, par arrêt du 20 novembre 2018, a dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture et a statué au fond.

9. La société Alpha Insurance, représentée par M. [W], pris en qualité de syndic de faillite, et la société Paget, se sont pourvues contre cet arrêt.

10. Par un arrêt du 17 décembre 2020, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) de questions préjudicielles portant sur l'interprétation de l'article 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (dite « Solvabilité II »).

11. Par un arrêt du 13 janvier 2022 (C-724/20), la CJUE a répondu aux questions posées.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° 19-15.052 de la société Alpha Insurance, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

12. La société Alpha Insurance fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Paget de sa demande d'expertise et de la condamner la société Alpha Insurance à payer à la société Paget la somme de 335 080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012, alors :

« 1°/ que l'ouverture d'une procédure collective interrompt l'instance de plein droit dès lors qu'elle survient avant l'audience et qu'elle emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'il avait été justifié qu'une procédure de faillite avait été ouverte à l'encontre de la société Alpha Insurance par jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague du 8 mai 2018, soit antérieurement à l'audience de plaidoirie du 16 octobre 2018 ; qu'en s'abstenant de constater l'interruption de l'instance qui résultait de plein droit de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 369, 371 et 372 du code de procédure civile ;

2°/ que l'ouverture d'une procédure collective interrompt toute action en justice de la part des créanciers antérieurs au jugement d'ouverture dès lors que cette action tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il est constant et constaté par les juges que, par acte du 10 juin 2015, la société Alpha Insurance a été assignée en paiement et garantie d'une indemnité d'assurance, et qu'elle a ensuite fait l'objet d'une procédure de faillite par jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague du 8 mai 2018 ; qu'en s'abstenant de constater l'interruption de l'instance qui résultait de plein droit de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22, R. 622-20, L. 641-3 et L. 641-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 326-20 et L. 326-28 du code des assurances, les articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce et les articles 369 et 371 du code de procédure civile :

13. Aux termes du premier de ces textes, issu de l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 transposant la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II), les décisions concernant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire prises par les autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France à l'égard d'une entreprise d'assurance ayant son siège sur le territoire de cet Etat produisent tous leurs effets sur le territoire de la République française sans aucune autre formalité, y compris à l'égard des tiers, dès qu'elles produisent leurs effets dans cet Etat.

14. Selon le deuxième, issu de la même ordonnance, transposant l'article 292 de la directive Solvabilité II, les effets de la mesure d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur une instance en cours en France concernant un bien ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie sont régis exclusivement par les dispositions du code de procédure civile.

15. Il résulte des dispositions susvisées du code de procédure civile que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats.

16. Il découle des dispositions susvisées du code de commerce que par l'effet du jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

17. Par son arrêt précité du 13 janvier 2022 (C-724/20), la CJUE a dit pour droit que l'article 292 de la directive Solvabilité II doit être interprété en ce sens :

 - d'une part, que « la notion d'« instance en cours concernant un actif ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie », visée par cet article, englobe une instance en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés dans un Etat membre, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation dans un autre Etat membre » ;

 - d'autre part, que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu'« il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive. »

18. Il en découle qu'en application de l'article L. 326-28 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de la directive Solvabilité II, les dispositions des articles 369 et 371 du code de procédure civile et de l'article L. 622-22 du code de commerce s'appliquent aux instances en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés en France, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation judiciaire dans un autre Etat membre.

19. Pour dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, débouter la société Paget de sa demande d'expertise et condamner la société Alpha Insurance à payer à la société Paget la somme de 335 080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012, l'arrêt retient que, malgré l'objection formulée par la société Depeyre, la société Alpha Insurance n'a pas établi que la procédure de faillite danoise avait les mêmes effets qu'en droit français sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes dirigées contre elle.

20. Elle en déduit qu'ignorée des parties avant la clôture et n'apparaissant pas revêtir la gravité justifiant de révoquer l'ordonnance de clôture, l'existence de cette procédure de faillite restera étrangère aux débats.

21. En statuant ainsi, alors que le jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague ayant prononcé la faillite de la société Alpha Insurance et désigné un syndic de faillite, intervenu avant l'ouverture des débats, avait entraîné l'interruption de l'instance en cours, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, déboutant la société Paget de sa demande d'expertise et condamnant la société Alpha Insurance à payer à la société Paget la somme de 335 080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel entraîne la cassation des chefs de dispositif déboutant la société Paget de sa demande en condamnation de la société Depeyre à l'indemniser de ses préjudices résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 et de sa demande en condamnation de la société Alpha Insurance à l'indemniser de son préjudice immatériel, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Nicolaý, de Lanouvelle -

Textes visés :

Arrêt du 13 janvier 2022 (C-724/20) de la Cour de justice de l'Union européenne ; articles 274, § 2, et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II) ; articles L. 326-28 du code des assurances ; articles 369 et 371 du code de procédure civile ; article L. 622-22 du code de commerce.

2e Civ., 19 mai 2022, n° 21-14.616, (B), FRH

Rejet

Pièces – Communication – Communication simultanée à la notification des conclusions – Défaut – Office du juge – Détermination – Portée

Il résulte de l'article 906 que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification. Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.

Cet article n'édicte pas de sanction en cas de défaut de communication des pièces simultanément à la notification des conclusions, même lorsque l'affaire est fixée à bref délai en application de l'article 905-1 précité.

Il appartient, toutefois, au juge de rechercher si ces pièces ont été communiquées en temps utile.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2021), ayant découvert fortuitement que le groupe Emera, avec lequel il était lié par un accord de partenariat, faisait l'objet d'une opération de cession de titres au bénéfice d'un tiers, le groupe Aplus, dont la société FJMN est subrogée dans les droits, a assigné le groupe Emera devant un juge des référés aux fins notamment de le voir condamné à communiquer certaines informations relatives à cette opération.

2. Par ordonnance du 27 février 2020, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé.

La société FJMN a interjeté appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. Les sociétés Emera exploitations, Emera, Emera plus santé et M. [X] [E] font grief à l'arrêt de déclarer recevables les pièces et conclusions de la société FJMN, et en conséquence d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication de l'ensemble des pièces sollicitées par la société FJMN, et statuant à nouveau et y ajoutant, de condamner les sociétés Emera exploitations, Emera, Emera plus santé et M. [X] [E] à communiquer à la société FJMN : une copie de la promesse d'achat consentie par la société Newco Emera en date du 24 juillet 2019, une copie des annexes 10 à 14 au contrat de cession et d'acquisition en date du 20 novembre 2019, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti, astreinte courant pendant un délai de quatre mois, alors :

« 1°/ que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ; que l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé avec les pièces visées à peine d'irrecevabilité ; qu'en retenant que les conclusions et les pièces étaient recevables quand bien même les pièces n'avaient pas été produites avec les conclusions d'appel dans le délai d'un mois imparti à l'appelant, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction ;

2°/ que, à tout le moins, le principe de contradiction suppose que l'intimé se soit vu notifier les pièces visées à l'appui de conclusions en demande dans le délai d'un mois qui lui est imparti à compter de la notification de ces conclusions lorsque l'affaire est fixée à bref délai ; qu'en considérant qu'il était suffisant que les pièces visées par les conclusions de l'appelant soient versées avant la clôture, peu important qu'elles n'aient pas été produites dans le délai d'un mois imparti à l'intimé pour y répondre, si bien qu'il n'y avait pas lieu de prononcer l'irrecevabilité de ces conclusions, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 905-2 du code de procédure civile, alinéas 1 et 2, issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

6. Il résulte de l'article 906 que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.

Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.

7. Cet article n'édictant pas de sanction en cas de défaut de communication des pièces simultanément à la notification des conclusions, même lorsque l'affaire est fixée à bref délai en application de l'article 905-1 précité, le juge est toutefois tenu de rechercher si ces pièces ont été communiquées en temps utile.

8. Ayant relevé que les intimés avaient conclu, le 19 juin 2020, dans le délai imparti par l'article 905-2 du code de procédure civile, et que si l'appelante avait communiqué à la partie adverse les pièces, figurant sur son bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions, après l'expiration du délai des intimés pour conclure, la sanction de cette communication tardive ne pouvait, au regard de l'article 906 du même code, être l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante, notifiées dans le délai de l'article 905-2 requis, c'est à bon droit et sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel, après avoir constaté que l'appelante avait communiqué ses pièces le 24 juin, permettant ainsi aux intimés de conclure utilement au fond bien avant la date de clôture fixée au 22 octobre 2020, a déclaré recevables les conclusions et pièces de l'appelante.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Corlay ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 905-1 et 906 du code de procédure civile.

2e Civ., 19 mai 2022, n° 21-10.685, (B), FRH

Rejet

Procédure de la mise en état – Conseiller de la mise en état – Pouvoirs – Exclusion – Pouvoirs de statuer sur l'effet dévolutif – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2020), Mme [W] et son fils, M. [T] [W], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [U] [W], ont, par déclaration du 23 novembre 2017, relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance ayant déclaré irrecevable comme prescrite leur action en responsabilité engagée contre M. [X], en son nom personnel et en qualité de liquidateur de la société [X], aux droits desquels viennent la société [Y] [X] représentée par son liquidateur Mme [Z] [X], Mmes [N], [Z] et [D] [X] venant aux droits de [Y] [X], et contre la société MMA IARD.

2. La société Cabinet d'architecture [V] [R] et [C] [H], aux droits de laquelle se trouve la société Atelier l'Echelle, et la société Mutuelle des architectes français ont été appelées en garantie.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [W] et M. [T] [W] font grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, alors :

« 1°/ que, lorsqu'une demande en annulation de la déclaration d'appel, fondée sur l'absence de mention, dans cette déclaration, des chefs du jugement critiqués, est rejetée par le conseiller de la mise en état au motif que, le chef de dispositif que l'appelant a entendu remettre en cause étant aisément identifiable, ce vice de forme ne cause aucun grief à l'intimé, la cour d'appel doit être regardée comme saisie de l'effet dévolutif de l'appel ; que, dans son ordonnance du 3 juillet 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande des intimés tendant à l'annulation de la déclaration d'appel formée par les époux [W], au motif que, le dispositif du jugement attaqué ne comportant, outre les condamnations aux dépens et aux indemnités de procédure, qu'une seule disposition, par laquelle le jugement a déclaré l'action prescrite, l'appel portait nécessairement sur cette disposition, de sorte que les intimés ne justifiaient d'aucun grief résultant de la mention, dans cette déclaration, selon laquelle l'appel était « total » ; qu'en considérant, pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, que la déclaration d'appel ne visait aucun chef de jugement critiqué, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile ;

2°/ que le constat de l'absence d'effet dévolutif de l'appel ne bénéficie qu'à l'intimé qui s'en est prévalu devant la cour d'appel ; que seule la société MAF avait demandé à la cour d'appel de juger que l'acte d'appel des consorts [W] était dépourvu de tout effet dévolutif ; qu'en considérant qu'elle n'était saisie d'aucune demande, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

5. En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

6. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel fondée sur ce même grief aurait été rejetée.

7. En application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile.

8. Ayant relevé que la déclaration d'appel mentionnait au titre de l'objet/portée de l'appel un « appel total » et ne visait aucun chef de jugement critiqué et qu'aucune régularisation de la déclaration d'appel n'était intervenue dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, la cour d‘appel, qui ne pouvait que constater que cette déclaration d'appel était dépourvue d'effet dévolutif, quand bien même le conseiller de la mise en état avait rejeté la demande d'annulation de cette déclaration d'appel fondée sur l'absence de mention des chefs de jugement critiqués faute de grief causé aux intimés, en a exactement déduit qu'elle n'était saisie d'aucune demande, l'absence d'effet dévolutif opérant pour l'ensemble des intimés.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Balat -

Textes visés :

Article 542 et 914 du code de procédure civile ; article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 20 décembre 2017, n° 17-70.034, Bull. 2017, Avis, n° 12.

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