Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

PRESCRIPTION CIVILE

3e Civ., 25 mai 2022, n° 21-18.218, (B), FS

Rejet

Délai – Point de départ – Vente – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Détermination – Portée

Délai – Point de départ – Vente – Vices cachés – Action en garantie de l'entrepreneur contre le fabricant ou le fournisseur – Exercice – Durée – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 16 février 2021), rendu en référé, et les productions, suivant factures des 31 mai, 31 octobre et 30 novembre 2008, pour les besoins de la construction d'un bâtiment agricole pour l'EARL de la Journeauserie (le maître de l'ouvrage), la société Nouvelle Construction Charles (l'entreprise), assurée auprès de la société Aviva assurances, désormais dénommée Abeille IARD et Santé, a acheté des plaques de couverture en fibrociment à la société Socobati (le fournisseur), fabriquées par la société Eternit France, aujourd'hui la société Etex France Exteriors (le fabricant).

2. Se plaignant d'infiltrations dans la toiture, le maître de l'ouvrage a assigné, le 31 octobre 2018, l'entreprise et son assureur, et obtenu la désignation d'un expert, par ordonnance du 22 novembre 2018.

3. Le 4 février 2020, la société Aviva a assigné en ordonnance commune le fournisseur et le fabricant.

Sur le moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

4. Par son moyen, le fabricant fait grief à l'arrêt de lui déclarer communes et opposables les opérations d'expertise ordonnées le 22 novembre 2018 et de rejeter sa demande de mise hors de cause, alors « que l'action en garantie des vices cachés, qui doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription de cinq années prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, lequel commence à courir à compter de la vente initiale ; que la société Etex a vendu en 2008, à la société Socobati, des plaques de fibrociment qu'elle a ensuite revendues, la même année, à la société Nouvelles Constructions Charles pour la construction d'un bâtiment agricole ; qu'après avoir constaté la survenance de divers désordres dans le bâtiment construit, le maître d'ouvrage a sollicité que soit ordonnée une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire de la société Nouvelles Constructions Charles et de son assureur de responsabilité, la société Aviva ; que par acte du 4 février 2020, soit plus de douze années après la date de la vente initiale, la société Aviva a assigné la société Etex afin de lui voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise judiciaires ordonnées le 22 novembre 2018 ; qu'en faisant droit à cette demande au motif que l'action en garantie des vices cachés qu'entendait introduire la société Aviva à l'encontre de la société Etex, après le dépôt du rapport d'expertise, n'était pas manifestement prescrite, de sorte qu'elle justifiait d'un motif légitime pour solliciter une extension des mesures d'expertise à l'encontre de la société Etex, tandis que cette action était manifestement prescrite depuis de 2013, cinq années après à la vente initiale des plaques de fibrociment intervenue entre les sociétés Etex et Socobati, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. »

5. Par son moyen, le fournisseur fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, qui court à compter de la vente de la chose ; qu'en retenant néanmoins, pour faire droit à la demande de la société Aviva tendant à voir déclarer communes et opposables à la société Socobati les opérations d'expertises ordonnées le 22 novembre 2018, afin de déterminer l'origine des désordres affectant les ouvrages construits par son assurée, la société Nouvelles Constructions Charles, que l'action en garantie des vices cachées que la société Aviva entendait exercer à l'encontre de la société Socobati, en sa qualité de vendeur des matériaux utilisés par la société Nouvelles Constructions Charles, n'était pas prescrite, dès lors que le délai de prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce était suspendu jusqu'à ce que la responsabilité de la société Nouvelles Constructions Charles fût recherchée par le maître de l'ouvrage, bien que ce délai ait commencé à courir à compter de la vente des matériaux au cours de l'année 2008, de sorte que la prescription quinquennale était acquise depuis 2013, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil, L. 110-4 du code de commerce et 145 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Pour les ventes conclues antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, il est jugé que les vices affectant les matériaux ou les éléments d'équipement mis en oeuvre par un constructeur ne constituent pas une cause susceptible de l'exonérer de la responsabilité qu'il encourt à l'égard du maître de l'ouvrage, quel que soit le fondement de cette responsabilité et que, sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, le constructeur dont la responsabilité est ainsi retenue en raison des vices affectant les matériaux qu'il a mis en oeuvre pour la réalisation de l'ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale.

7. Il s'ensuit que, l'entrepreneur ne pouvant pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d'avoir été lui même assigné par le maître de l'ouvrage, le point de départ du délai qui lui est imparti par l'article 1648, alinéa 1er, du code civil est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l'article L. 110-4, I, du code de commerce, courant à compter de la vente, est suspendu jusqu'à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l'ouvrage (3e Civ., 16 février 2022, pourvoi n° 20-19.047, publié).

8. Pour les ventes conclues après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, il est jugé que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit (3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, publié).

9. En effet, l'article 2224 du code civil fixe le point de départ du délai de prescription au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce qui annihile toute possibilité d'encadrement de l'action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l'article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice.

10. La loi du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4, I, du code de commerce, sans préciser son point de départ, celui-ci ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil.

11. Il s'ensuit que le délai de cinq ans de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir et que l'action en garantie des vices cachés doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter de la vente initiale.

12. La cour d'appel a relevé que l'entreprise et son assureur avaient été assignés par le maître de l'ouvrage, le 31 octobre 2018, pour des désordres de la toiture, de sorte que l'action de la société Aviva formée contre les sociétés Socobati et Eternit par actes du 4 février 2020, n'était pas prescrite et que l'assureur de l'entrepreneur justifiait d'un motif légitime pour solliciter l'extension des opérations d'expertise au fournisseur et au fabricant.

13. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Nivôse - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Richard ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article L. 110-4, I, du code de commerce ; articles 2224 et 2232 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, Bull., (cassation partielle), et les arrêts cités ; 3e Civ., 16 février 2022, pourvoi n° 20-19.047, Bull., (cassation partielle).

1re Civ., 18 mai 2022, n° 20-22.234, (B), FS

Cassation partielle

Interruption – Acte interruptif – Action en justice – Indivision – Créance d'un indivisaire – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 novembre 2019), M. [W] et Mme [E], qui vivaient en concubinage, ont acquis un bien immobilier en indivision.

2. A la suite de leur séparation, M. [W] a assigné Mme [E] en liquidation et partage de l'indivision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Mme [E] fait grief à l'arrêt d'ordonner l'homologation du projet de partage établi le 13 octobre 2016 par M. [L], notaire, sous les seules réserves de l'ajout de sa créance à l'égard de l'indivision au titre de la taxe foncière pour les années 2011, 2012 et 2013, et de la déduction, de la créance de M. [W] à l'encontre de l'indivision au titre des mensualités du prêt Crédit Foncier de France (CFF), du montant total des versements effectués par l'assureur en remboursement de ce crédit, alors « que l'assignation aux fins d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage d'une indivision familiale n'interrompt le délai de prescription de la créance d'un indivisaire à l'encontre de l'indivision qu'à la condition qu'elle manifeste, serait-ce tacitement, la volonté d'obtenir paiement de ladite créance ; qu'en l'espèce, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription des créances dont M. [W] se prétendait titulaire au titre du remboursement des prêts CFF et Finaref, la cour d'appel a retenu que la prescription aurait été interrompue lorsqu'il a « engagé l'action en liquidation et partage de l'indivision par assignation du 29 octobre 2007 » ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement constater que cette demande en justice aurait exprimé, serait-ce tacitement, la volonté de M. [W] d'obtenir paiement des créances dont il se dit titulaire au titre des prêts CFF et Finaref, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2241 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

6. Pour ordonner l'homologation du projet de partage établi le 13 octobre 2016 par M. [L], l'arrêt relève que M. [W] a engagé l'action en liquidation et partage de l'indivision par assignation du 29 octobre 2007 et retient que, la procédure n'ayant pas abouti à ce stade au partage de l'indivision, la prescription n'a pas repris son cours, de sorte qu'il est recevable à invoquer des impenses au titre des prêts CFF et Finaref.

7. En se déterminant ainsi, sans constater que l'assignation contenait une réclamation, ne serait-ce qu'implicite, à ce titre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt ayant ordonné l'homologation du projet de partage établi le 13 octobre 2016 par M. [L] entraîne la cassation des chefs du dispositif renvoyant les parties devant le notaire en charge des opérations de liquidation aux fins d'établissement de l'état liquidatif définitif et ordonnant à celui-ci de procéder aux rectifications nécessaires.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne l'homologation du projet de partage établi le 13 octobre 2016 par M. [L], renvoie les parties devant le notaire en charge des opérations de liquidation aux fins d'établissement de l'état liquidatif définitif et ordonne à celui-ci de procéder aux rectifications nécessaires, l'arrêt rendu le 4 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dard - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article 2241 du code civil.

Com., 18 mai 2022, n° 20-23.204, (B), FRH

Cassation partielle

Interruption – Acte interruptif – Enumération limitative

La prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil est, en application des articles 2240, 2241 et 2244 de ce code, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée, cette énumération étant limitative. Il en résulte qu'une mise en demeure, fût-elle envoyée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'interrompt pas le délai de prescription de l'action en paiement.

Interruption – Acte interruptif – Mise en demeure envoyée par lettre recommandée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 16 septembre 2020), M. [O], médecin, a, le 10 février 2008, souscrit auprès de la société Profilease un contrat portant sur la location d'un matériel laser transcutané sans aspiration dénommé « Lypolise Laser Fox », d'une durée de soixante mois, moyennant le paiement des loyers mensuels de 743,91 euros.

2. M. [O] a cessé de payer les loyers à compter du 1er janvier 2011.

3. Le 12 octobre 2016, la société Franfinance location (la société Franfinance), qui s'est substituée à la société Profilease, a assigné M. [O] en constatation de la résiliation de plein droit du contrat, en condamnation au paiement des loyers impayés et d'une indemnité contractuelle de résiliation, et en restitution du matériel objet du contrat.

4. M. [O] s'est opposé à ces demandes en soulevant, notamment, la prescription des loyers échus avant le 12 octobre 2011.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. M. [O] fait grief à l'arrêt de rejeter sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011 et l'ensemble de ses moyens au fond et, en conséquence, de constater la résiliation du contrat au « 12 avril 2011 » (comprendre le 27 décembre 2011), de le condamner à payer à la société Franfinance les sommes de 10 908,13 euros au titre des loyers impayés et 13 483,47 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation et des intérêts, assorties des intérêts au taux légal, de rejeter sa demande de délais de paiement et de le condamner à restituer le matériel objet du contrat, alors « que la mise en demeure du débiteur n'interrompt pas la prescription ; qu'en considérant, pour débouter M. [O] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011, que M. [O] avait reçu une première mise en demeure de payer le 27 avril 2011 puis une seconde le 3 avril 2013 pour les loyers dus à compter du 1er janvier 2011, que la société Franfinance location l'avait assigné en justice le 12 octobre 2016 mais que du fait de ces deux interruptions, la prescription quinquennale n'était pas acquise, quand ces deux mises en demeure n'avaient pu interrompre le délai de prescription de l'action en recouvrement de ces loyers, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil :

7. La prescription quinquennale prévue par le premier de ces textes est, en application des deuxième, troisième et quatrième, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée. Cette énumération est limitative.

8. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement des loyers impayés antérieurs au 12 octobre 2011 et, en conséquence, retenir que la société Franfinance est recevable à agir en paiement des loyers, l'arrêt retient que M. [O] a reçu une première mise en demeure de payer les loyers le 27 avril 2011 et une seconde le 3 avril 2013, pour les loyers impayés à compter du 1er janvier 2011, de sorte qu'au jour de la délivrance de l'assignation, le 12 octobre 2016, la prescription quinquennale n'était pas acquise du fait de ces deux interruptions.

9. En statuant ainsi, alors qu'une mise en demeure, fût-elle envoyée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'interrompt pas le délai de prescription de l'action en paiement des loyers, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation prononcée sur le fondement du second moyen, fondée sur une éventuelle prescription des loyers échus avant le 12 octobre 2011, n'affecte que les chefs de dispositif rejetant la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par M. [O] et condamnant ce dernier au paiement des loyers, et, par voie de conséquence, le chef assortissant cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2011, qui se trouve dans un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011 soulevée par M. [O], condamne M. [O] à payer à la société Franfinance location la somme de 10 908,13 euros TCC au titre des loyers impayés et assortit cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2021, l'arrêt rendu le 16 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SCP Lévis -

Textes visés :

Articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence d'effet interruptif d'une lettre recommandée portant mise en demeure, à rapprocher : Com., 13 octobre 1992, pourvoi n° 91-10.066, Bull. 1992, IV, n° 308 (cassation).

3e Civ., 25 mai 2022, n° 21-12.238, n° 21-13.620, (B), FS

Rejet

Prescription quinquennale – Article 1304, alinéa 1, du code civil – Point de départ – Connaissance des faits permettant l'exercice de l'action – Cas – Action en nullité – Acte de cession de parts sociales – Falsification de la signature du cédant

L'action en nullité d'une cession de parts sociales fondée sur la falsification de la signature du cédant est soumise au délai de prescription quinquennale prévu à l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, courant à compter du jour où le demandeur a eu connaissance de l'acte comportant sa signature falsifiée.

La présomption de connaissance de l'acte de cession de parts sociales résultant de sa publication au registre du commerce et des sociétés, destinée à assurer son opposabilité aux tiers, ne s'applique pas dans les rapports entre les parties à l'acte.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-12.238 et 21-13.620 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 décembre 2020), le 24 février 1994, la société civile immobilière Anissa (la SCI) a été constituée entre MM. [D], [U] et [K] [O].

3. Par acte du 14 novembre 2005, enregistré au registre du commerce et des sociétés le 28 novembre suivant, M. [U] [O] a cédé à Mme [R], épouse de son frère [D], la part qu'il détenait dans la société.

4. Soutenant que sa signature avait été falsifiée, M. [U] [O] a, le 21 décembre 2016, assigné Mme [R] et la SCI pour faire constater l'existence d'un faux et obtenir l'annulation de la cession et des dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Mme [R] et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et dire l'action recevable, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la publicité de la cession de parts d'une société civile est accomplie par dépôt, en annexe au registre du commerce et des sociétés, de deux copies authentiques de l'acte de cession, s'il est notarié, ou de deux originaux, s'il est sous seing privé ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que la cession de part de la SCI Anissa en date du 14 novembre 2005 avait été publiée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier le 28 novembre 2005 ; que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de ladite cession de part engagée le 21 décembre 2016 par M. [U] [O], la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription quinquennale au 24 juin 2014 en énonçant que ce dernier, dont l'épouse avait constaté qu'il n'était plus actionnaire de la SCI Anissa en consultant Internet, n'avait antérieurement aucune raison particulière ni impérieuse de consulter Infogreffe ; qu'en fixant le point de départ de la prescription quinquennale au 24 juin 2014, date où l'épouse de M. [U] [O] se serait décidée à consulter Infogreffe, quand ce dernier avait été en mesure de connaître la cession litigieuse dès sa publication au registre du commerce et des sociétés, le 28 novembre 2005, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 52 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 dans sa version applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, selon les premier et deuxième alinéas de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils sont découverts.

8. L'action en nullité fondée sur l'absence de consentement d'une partie, qui ne tend qu'à la protection des intérêts privés de celle-ci, relève du régime des nullités relatives prévues par ce texte (3e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi n° 14-12.998, Bull. 2015, III, n° 129).

9. L'absence de consentement constituant, comme le vice du consentement, une cause de nullité inhérente à l'une des parties, le délai de prescription de cinq ans ne court qu'à compter du jour de sa découverte.

10. L'action en nullité de la cession de ses parts sociales engagée par M. [U] [O] en invoquant la falsification de sa signature s'analyse en une action fondée sur une absence de consentement.

11. Il s'ensuit qu'elle était soumise au délai de prescription quinquennal de l'article 1304 précité, courant à compter du jour où M. [U] [O] a eu connaissance de l'acte comportant sa signature falsifiée.

12. En second lieu, il résulte de l'article 1865 du code civil que la publication de l'acte de cession de parts sociales au registre du commerce et des sociétés est destinée à assurer l'opposabilité de l'acte aux tiers.

13. Il s'ensuit que la présomption de connaissance de l'acte résultant de l'accomplissement de cette formalité ne s'applique pas dans les rapports entre les parties à l'acte.

14. Ayant souverainement relevé que M. [U] [O], qui n'avait aucune raison particulière de consulter Infogreffe et de se rendre compte qu'il avait été dépossédé de la part qu'il détenait dans la SCI au moyen d'un faux, n'avait eu connaissance de ce faux que le 24 juin 2014, lorsqu'il avait porté plainte, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action introduite le 21 décembre 2016 n'était pas prescrite.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 1865 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi n° 14-12.998, Bull. 2015, III, n° 129 (cassation).

Soc., 11 mai 2022, n° 20-14.421, (B), FM

Cassation partielle

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Domaine d'application – Action personnelle – Action en qualification du contrat – Existence du contrat de travail – Point de départ – Date de cessation de la relation contractuelle – Détermination

Il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du code civil.

La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit.

Délai – Point de départ – Applications diverses – Action en qualification du contrat – Date de cessation de la relation contractuelle – Détermination

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Point de départ – Connaissance des faits permettant l'exercice de l'action – Action en qualification du contrat – Date de cessation de la relation contractuelle – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 janvier 2020), M. [J], exerçant la profession de photographe, a travaillé pour le compte de la société de Presse et d'édition du Sud-Ouest (la société) du 27 février 2001 au 1er avril 2004 en qualité de correspondant local de presse, puis, à compter du 1er juin 2004 comme journaliste pigiste. Il a ensuite travaillé suivant contrats à durée déterminée du 5 août au 3 septembre 2008 puis du 1er au 31 août 2009, en remplacement d'un salarié absent, avant de reprendre une activité de pigiste jusqu'au mois de mai 2015.

2. Le 20 juillet 2016, M. [J] a saisi la juridiction prud'homale afin que soit constatée l'existence d'un contrat de travail et que lui soient allouées diverses sommes à titre de rappels de salaires et en conséquence d'une rupture illicite.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident éventuel, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

5. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

6. Selon le second, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

7. Il résulte de leur combinaison que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du code civil.

8. La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit.

9. Pour dire que les demandes sont irrecevables, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, retient que ces dispositions ont institué une prescription biennale en lieu et place de la prescription quinquennale qui s'appliquait antérieurement.

10. L'arrêt constate que M. [J], après avoir exercé en tant que correspondant local de presse, puis de pigiste à compter de l'année 2004 et après avoir conclu deux contrats à durée déterminée de remplacement du 5 août au 3 septembre 2008 puis du 1er au 31 août 2009, a repris une activité de pigiste jusqu'au mois de mai 2015.

11. L'arrêt retient que l'intéressé était en mesure de connaître, au moins au terme de son dernier contrat de travail à durée déterminée, les faits qui lui permettaient d'exercer ses droits en vue d'une requalification de la relation contractuelle. A cet égard, il précise que M. [J] avait sollicité, par courrier du 13 octobre 2010, la prise en charge d'un congé paternité et que celle-ci lui avait été refusée par la société suivant courrier du 25 octobre 2010 qui lui déniait la qualité de salarié.

L'arrêt en déduit que compte tenu de la prescription quinquennale qui était alors applicable et qui a été réduite à deux ans à compter du 17 juin 2013, sans toutefois que la durée totale puisse excéder cinq ans, l'action en requalification pouvait être exercée jusqu'au 25 octobre 2015.

12. Relevant que l'intéressé avait saisi la juridiction prud'homale le 20 juillet 2016, il en conclut que son action est prescrite.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident éventuel ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [J] irrecevable en toutes ses demandes et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 30 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation mixte.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 2224 du code civil ; article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Soc., 11 mai 2022, n° 20-18.084, (B), FM

Rejet

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Domaine d'application – Action personnelle – Action en qualification du contrat – Existence du contrat de travail – Point de départ – Date de cessation de la relation contractuelle – Détermination

Il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du code civil.

La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit.

Délai – Point de départ – Applications diverses – Action en qualification du contrat – Date de cessation de la relation contractuelle – Détermination

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Point de départ – Connaissance des faits permettant l'exercice de l'action – Action en qualification du contrat – Date de cessation de la relation contractuelle – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2020), la société MACSF prévoyance (la société) a engagé Mme [Z] le 1er avril 1992 pour exercer les fonctions de médecin-conseil.

2. La salariée a été licenciée le 4 mai 2018.

3. Estimant que la relation de travail avait en réalité commencé dès le 1er février 1984, elle a saisi la juridiction prud'homale le 24 septembre 2014 de demandes de régularisation de cotisations sociales et de dommages-intérêts pour perte de droits à la retraite.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de dire ses demandes irrecevables, alors :

« 1°/ que le délai de prescription d'une action en reconnaissance d'une relation de travail à durée indéterminée a pour point de départ le terme de celle-ci ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir et offrait de prouver que si elle avait conclu un contrat de travail à durée indéterminée le 1er avril 1992 avec la société, rompu le 4 mai 2018, la relation de travail avait en réalité débuté dès le 1er février 1984 ; que pour dire prescrites les demandes de la salariée relatives à l'existence d'un contrat de travail depuis le 1er février 1984 et à la régularisation des cotisations sociales auprès des caisses de retraite de base et de retraite complémentaire présentées le 24 septembre 2014, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la salariée avait été informée le 20 mars 1992 du fait que son activité professionnelle auprès de la société du 1er février 1984 au 31 mars 1992 s'exerçait à titre libéral, que le litige ne portait pas sur la nature du contrat de travail conclu le 1er avril 1992 et que son action pouvait s'exercer sans attendre la rupture de ses liens avec la société ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser la prescription de la demande visant à voir constater l'existence d'une relation de travail à durée indéterminée depuis le 1er février 1984, prescription qui n'avait pas couru avant le terme de cette relation de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et 2224 du code civil ;

2°/ que la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le préjudice né de la perte des droits correspondant aux cotisations non versées ne se réalise qu'au moment où le salarié se trouve en droit de prétendre à la liquidation de ses droits à pensions ; qu'en l'espèce, la salariée sollicitait à titre subsidiaire la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la perte des droits à retraite de base et complémentaire et soulignait qu'elle avait constaté que son employeur n'avait jamais régularisé sa situation au regard des cotisations sociales au moment de l'édition de son relevé de carrière en 2013 ; qu'en disant que la demande de la salariée en réparation du préjudice né de la perte des droits correspondant à des cotisations non versées formée le 24 septembre 2014 était prescrite, au prétexte qu'elle avait été informée le 20 mars 1992 du fait que son activité professionnelle auprès de la société du 1er février 1984 au 31 mars 1992 s'exerçait à titre libéral, la cour d'appel a violé les articles 2262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

6. Aux termes de l'article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d'une action personnelle, qui relève de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

8. La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit.

9. La cour d'appel, ayant constaté que la relation contractuelle dont la qualification en contrat de travail était sollicitée avait pris fin le 31 mars 1992, et qu'à cette date Mme [Z] disposait de tous les éléments lui permettant d'exercer son droit, en a exactement déduit que l'intéressée avait disposé d'un délai pour agir jusqu'au 19 juin 2013, de sorte que son action intentée le 24 septembre 2014 était prescrite.

10. Le moyen, inopérant en sa seconde branche en ce qu'elle suppose préalablement établie l'existence d'un contrat de travail, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation mixte.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 2224 du code civil ; article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-14.421, Bull., (cassation partielle).

1re Civ., 11 mai 2022, n° 21-12.513, (B), FS

Rejet

Prescription quinquennale – Article 2277 du code civil – Exclusion – Action en remboursement d'indemnités irrégulièrement versées – Rémunération d'assistants parlementaires

L'action intentée par le Parlement européen aux fins d'obtenir le remboursement d'indemnités dont un député a irrégulièrement bénéficié, au titre de ses fonctions, pour la rémunération d'assistants parlementaires, n'est au nombre ni de celles qui sont mentionnées à l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 71-586 du 16 juillet 1971, ni de celle prévue à l'article L. 143-14, devenu L. 3245-1, du code du travail.

Prescription triennale – Article L. 3245-1 du code du travail – Exclusion – Action en remboursement d'indemnités irrégulièrement versées – Rémunération d'assistants parlementaires

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 novembre 2020), M. [S] a siégé au Parlement européen en qualité de député de juillet 1999 à juillet 2004.

En application de la réglementation du bureau du Parlement européen sur les frais et indemnités des députés, il a demandé que le Parlement lui verse des indemnités destinées à couvrir ses dépenses liées à l'engagement de M. [T] et Mmes [E] et [L] comme assistants parlementaires.

2. Par lettre du 30 septembre 2004, un juge d'instruction français a informé le Parlement européen qu'à l'occasion d'une procédure pénale diligentée contre M. [S], il était apparu que Mme [E] et M. [T] n'avaient, en réalité, jamais exercé les fonctions d'assistant parlementaire.

3. Saisi par le Parlement européen, l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) a remis, en octobre 2011, un rapport concluant à l'emploi de M. [T] et Mmes [E] et [L] à d'autres tâches que celles liées à l'activité parlementaire de M. [S] et à la perception indue d'indemnités par celui-ci sur la base de fausses déclarations.

4. Le 4 mars 2009, le secrétaire général du Parlement européen a pris une décision, qui n'a pas été contestée, ordonnant le recouvrement de la somme de 148 160,27 euros, correspondant à des indemnités indûment versées à M. [S] pour les emplois de Mme [E] et M. [T] et accordant à M. [S] un délai de règlement expirant le 25 mai 2009.

5. Le 4 juillet 2013, le secrétaire général a pris une seconde décision ordonnant le recouvrement de la somme de 107 694,72 euros, correspondant à des sommes supplémentaires, au titre des rémunérations de Mme [E] et M. [T] et au titre de la rémunération de Mme [L], et accordant à M. [S] un délai de règlement expirant le 31 août 2013.

Les recours de M. [S] contre cette décision ont été rejetés (TUE, 10 octobre 2014, T-479/13 ; CJUE, 14 juin 2016, C-566/14).

6. Le 12 juin 2013, le Parlement européen a assigné M. [S] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg en responsabilité et indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du code civil. M. [S] a opposé la prescription de l'action et l'irrecevabilité du rapport de l'OLAF pour non-respect des droits de la défense.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses trois autres branches

Enoncé du moyen

8. M. [S] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, alors :

« 1°/ que la durée de la prescription de l'ancien article 2277 du code civil est exclusivement déterminée par la nature de la créance ou son caractère périodique ; que la circonstance que le créancier exerce une action en responsabilité extracontractuelle afin d'obtenir, par l'allocation de dommages et intérêts, le remboursement de sommes versées périodiquement, n'est pas de nature à modifier la durée de cette prescription ; qu'en jugeant toutefois que l'action exercée par le Parlement européen à l'encontre de M. [S] était une action en responsabilité délictuelle, pour juger inapplicables les dispositions de l'ancien article 2277 du code civil au profit de celles de l'ancien article 2270-1 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, cependant que la demande du Parlement européen tendait à voir M. [S] condamné à restituer l'intégralité des indemnités de secrétariat établies en application de l'article 14 de la Réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen qui étaient versées mensuellement, la cour d'appel a violé par refus d'application le premier de ces textes et par fausse application le deuxième ;

3°/ que l'article L. 143-14 ancien, devenu L. 3245-1, du code du travail, s'applique, comme à toute action afférente au salaire, à l'action en remboursement ou en répétition de frais professionnels ; qu'en jugeant que les sommes réclamées par le Parlement européen ne consisteraient pas en des salaires versés aux assistants parlementaires mais en des indemnités de remboursement de frais, pour juger de l'inapplicabilité de ces dispositions, la cour d'appel a violé l'article L. 143-14, devenu L. 3245-1 du code du travail ;

4°/ que la prescription quinquennale de l'ancien article 2277 du code civil s'applique à toutes les actions afférentes aux sommes payables par année ou à des termes périodiques plus courts, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'une action en paiement ou en restitution ; qu'en jugeant que l'action en répétition de l'indu relèverait du régime spécifique des quasi-contrats et serait en tout état de cause soumise à la prescription trentenaire en vigueur avant la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé l'ancien article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. »

Réponse de la Cour

9. C'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'une action intentée par le Parlement européen aux fins d'obtenir le remboursement d'indemnités dont un député a irrégulièrement bénéficié, au titre de ses fonctions, pour la rémunération d'assistants parlementaires, n'est au nombre ni de celles qui sont mentionnées à l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 71-586 du 16 juillet 1971, ni de celle prévue à l'article L. 143-14, devenu L. 3245-1, du code du travail, et a écarté l'application de ces textes.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

11. M. [S] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer irrecevable le rapport de l'OLAF du 14 octobre 2011 et de le condamner à payer au Parlement européen les sommes de 148 160,27 euros avec intérêts au taux de 4,75 % à compter du 25 mai 2009 et 107 694,72 euros avec intérêts au taux de 4 % à compter du 31 août 2013, alors :

« 1°/ que le principe de loyauté de la preuve s'oppose à ce qu'une partie produise aux débats un rapport de l'office européen de lutte anti-fraude (l'OLAF) dans lequel les droits fondamentaux de la défense de la personne à laquelle il est opposé n'ont pas été respectés ; qu'en l'espèce, M. [S] rappelait que le rapport de l'OLAF avait été établi sur demande du Parlement européen, dans l'affaire le concernant, le 14 octobre 2011, soit avant l'adoption du Règlement 883/2013 du 11 septembre 2013 entré en vigueur le 1er octobre 2013, dont l'un des objectifs consistait précisément à introduire des garanties procédurales non prévues par le règlement n° 1073/1999 du 25 mai 1999, afin de prévenir d'éventuelles violations des droits fondamentaux de la défense par l'OLAF ; qu'il ajoutait que le rapport de l'OLAF du 14 octobre 2011 produit par le Parlement européen pour tenter de prouver l'existence d'une faute de M. [S], avait été réalisé à charge puisqu'établi sur la base du seul courrier transmis par un juge d'instruction français le 30 septembre 2004, auquel étaient joints des procès-verbaux d'audition de deux de ses trois assistants parlementaires (Mme [E] et M. [T]) réalisés en l'absence d'avocats dans le cadre de procédures pénales suivies à son cabinet mais n'ayant donné lieu à aucune poursuite, et sans que l'OLAF n'effectue le moindre travail critique ou d'investigation propre ; qu'il poursuivait en rappelant que, de surcroit, sa troisième assistante parlementaire, Mme [L], n'avait quant à elle jamais été auditionnée personnellement par le juge d'instruction français ; qu'il précisait, enfin, qu'aucune preuve de la convocation de ses assistants parlementaires à être entendus dans le cadre de l'enquête menée par l'OLAF n'était rapportée ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de l'exposant tendant à voir déclarer irrecevable le rapport de l'OLAF du 14 octobre 2011, sur l'article 9 du règlement n° 1073/1999 du 25 mai 1999 énonçant que les rapports de l'OLAF constituent des éléments de preuves admissibles dans les procédures judiciaires où leur utilisation s'avère nécessaire, sans même rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si tant les dispositions du règlement n° 1073/1999 du 25 mai 1999 alors applicables aux enquêtes internes de l'OLAF que les conditions de réalisation effective de l'enquête au cas considéré, offraient des garanties suffisantes à la préservation des droits fondamentaux de M. [S], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe de loyauté de la preuve ;

2°/ que les rapports de l'office européen de lutte anti-fraude doivent être établis en tenant compte des exigences de procédure prévues par la loi nationale de l'État membre concerné ; que dans le cadre de l'exécution de ses prérogatives, l'envoi par l'office européen de lutte anti-fraude des convocations par lettre recommandée constitue une formalité essentielle, à défaut de laquelle les mesures d'instruction réalisées en l'absence d'une des parties ou des tiers tenus d'apporter leur concours à ces mesures sont entachées d'un défaut de contradiction ; qu'en jugeant que le fait qu'aucune des convocations des trois assistants parlementaires ne soient jointes au rapport ne suffit pas à mettre en doute qu'elles aient été envoyées, la cour d'appel a violé les articles 16 et 160 du code de procédure civile, ensemble l'article 9, § 2 du Règlement n° 1073/1999 du 25 mai 1999 ;

3°/ qu'en se fondant sur les décisions du tribunal de l'Union européenne du 10 octobre 2014 et de la cour de justice de l'Union européenne du 14 juin 2016 pour juger que l'intégralité des indemnités versées à M. [S] pour Mme [E], M. [T] et Mme [L] auraient été indûment perçues, cependant que les décisions précitées ne portaient que sur la décision du secrétaire général du Parlement européen du 4 juillet 2013 d'ordonner le recouvrement de la somme de 107 694,72 euros, mais non sa décision du 4 mars 2009 ordonnant le recouvrement de la somme de 148 160,27 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

12. Ayant retenu, sans se fonder sur le rapport de l'OLAF ni sur la décision du 4 juillet 2013, que les procès-verbaux d'audition de Mme [E] et de M. [T] par les services de police français établissaient qu'ils étaient respectivement employés comme aide-ménagère et chauffeur de la famille de M. [S] et que Mme [L] était chargée du ménage et du repassage, qu'aucun d'eux ne présentait les qualifications requises pour assister M. [S] dans son activité de parlementaire au sein d'une commission d'enquête, comme il l'avait prétendu, et que leurs contrats avaient, en outre, été conclus après la fin des travaux de cette commission, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que les indemnités versées à l'intéressé n'étaient pas dues.

13. Inopérant en ses deux premières branches qui s'attaquent à des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

14. M. [S] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal ; que le taux de l'intérêt légal est, en toute matière, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie ; qu'en fixant l'intérêt de retard « au taux prévu par les dispositions européennes », soit 4,75 % et 4 %, cependant que l'intérêt en question était afférent à la condamnation de M. [S] au paiement d'une indemnité, la cour d'appel a méconnu l'entendue de ses pouvoirs et violé, par refus d'application, l'article 1153-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 313-2 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

15. C'est à bon droit que la cour d'appel a énoncé, par motifs propres et adoptés, qu'en application des articles 78, § 3, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission du 23 décembre 2002 établissant les modalités d'exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes et 80 du règlement délégué (UE) n° 1268/2012 du 29 octobre 2012, relatif aux règles d'application du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union, directement applicables en droit interne, selon l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que les indemnités dues au Parlement européen devaient être assorties des intérêts aux taux prévus à ces textes.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 2277 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 71-586 du 16 juillet 1971 ; article L. 143-14, devenu L. 3245-1, du code du travail.

Com., 11 mai 2022, n° 20-23.298, (B), FRH

Rejet

Suspension – Causes – Médiation – Accord écrit – Mise en place d'un médiateur au sein d'une société – Saisine du médiateur par lettre du cocontractant

La mise en place d'un médiateur par une société en son sein caractérise sa volonté de recourir, par principe, dans l'hypothèse d'un litige, à la médiation, de sorte qu'en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, la saisine de son médiateur par lettre d'un cocontractant formalise l'accord écrit prévu à l'article 2238 du code civil.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 octobre 2020), la société Institut de recherche biologique (la société IRB), spécialisée dans la fabrication et la vente, notamment en ligne, de compléments alimentaires et de produits cosmétiques, a signé, à compter de 2006, avec la société La Poste (La Poste), des contrats « Colissimo Entreprise » ayant pour objet la prise en charge, l'acheminement et la distribution de colis à destination de ses clients.

2. Reprochant à La Poste des retards, pertes et avaries au cours de l'année 2012, la société IRB lui a adressé une réclamation et l'a mise en demeure, à titre principal, d'y apporter une réponse et, à titre subsidiaire, de lui payer une certaine somme à titre d'indemnisation.

3. Le 7 mars 2013, la société Itinsell, créatrice d'un logiciel « Itrack » permettant aux commerçants et vendeurs à distance de contrôler les expéditions, la gestion des incidents de livraison et les procédures administratives auprès des transporteurs, indiquant agir au nom de ses clients, dont la société IRB, a saisi le médiateur du groupe La Poste « de l'ensemble des réclamations ouvertes par leurs soins relatives aux colis expédiés antérieurement au 31 octobre 2012 et non clôturées à ce jour ».

4. Le médiateur du groupe La Poste a déclaré ces demandes « irrecevables ».

5. Par acte du 8 août 2013, la société IRB a assigné La Poste en vue de voir engager sa responsabilité au titre de l'inexécution de ses obligations contractuelles pour des colis envoyés entre le 1er janvier 2012 et le 30 avril 2013, sollicitant l'application de la clause pénale et la réparation de ses préjudices de perte de clientèle et d'image.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La Poste fait grief à l'arrêt de déclarer nulles les stipulations des clauses des articles 2.2, 11.1 et 17.1 de ses conditions générales de vente dans leurs versions de mars 2011 et mars 2012, telles que citées au dispositif de l'arrêt, qui font dépendre le point de départ du délai d'acheminement d'un colis de son enregistrement dans le système de traitement automatisé de La Poste et prévoient que les informations fournies par le système d'information de La Poste, issues des « flashages » des colis lors des différentes étapes de son acheminement, font foi entre les parties pour déterminer l'occurrence d'un retard, d'une perte ou d'une avarie, alors :

« 1°/ que la possibilité effective dont dispose le cocontractant de faire appel à d'autres prestataires ou à d'autres types de contrat pour l'exécution de ses demandes exclut toute soumission ou tentative de soumission de ce dernier à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que, dans ses conclusions,

La Poste faisait valoir l'absence de toute soumission de la société IRB, observant que l'acheminement de colis est une activité ouverte à la concurrence et qu'elle-même n'est qu'un acteur, parmi d'autres de ce marché ; qu'elle observait encore que la société IRB avait choisi de conclure, pour l'envoi de ses colis, un contrat de la gamme Colissimo Entreprise, impliquant un traitement automatisé et qu'elle avait reconduit, depuis 2006, ses relations contractuelles avec La Poste, bien qu'elle puisse y mettre fin chaque année, sans jamais contester les clauses des conditions générales de vente ; qu'en se bornant cependant à relever, pour retenir la soumission de la société IRB à des clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, partant prononcer la nullité desdites clauses, qu' « il est établi que les clauses litigieuses sont insérées dans les conditions générales de vente de La Poste et qu'elles sont quasiment identiques dans tous les contrats conclus par la société IRB entre 2006 et 2014 et se retrouvent sans modification possible dans l'ensemble des contrats souscrits par des entreprises avec La Poste », sans rechercher si la société IRB, qui n'avait jamais contesté les clauses litigieuses, n'avait pas la possibilité effective de s'adresser à d'autres prestataires ou de conclure d'autres types de contrats avec La Poste, de sorte qu'il n'y avait aucune obligation subie par le partenaire commercial, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2010, applicable au litige ;

2°/ que ne crée pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la clause qui, pour déterminer l'étendue exacte de l'engagement de la société prestataire, se borne à prévoir que le point de départ du délai de distribution est fixé au moment de l'enregistrement de la première saisie postale dans le système d'information ; que, pour les colis en nombre, imposant un traitement informatisé,

La Poste ne s'engage au respect d'un délai d'acheminement minimal qu'à compter de l'enregistrement, par flashage, des colis dans le système d'information automatisé ; qu'en énonçant, pour déclarer nulle la clause de l'article 2.2 des conditions générales de vente de la gamme Colissimo Entreprise, stipulant que « le colis est pris en charge par La Poste à compter de l'enregistrement de la première saisie postale dans le système d'information de La Poste (flashage)" que « les dispositions critiquées font dépendre le point de départ du délai d'acheminement d'un colis exclusivement de son enregistrement dans le système d'information de La Poste alors même que La Poste s'engage au respect de délais d'acheminement minimum », quand le constat que La Poste s'engageait au respect de délais d'acheminement minimum n'était pas de nature à caractériser l'illicéité de la clause définissant ce délai d'acheminement au regard de la date d'enregistrement du colis dans le système d'information, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2010, applicable au litige ;

3°/ que n'est pas exclusive de toute preuve contraire la clause qui stipule que les informations issues du système automatisé de traitement des colis font foi entre les parties ou qui énonce que ces informations prévalent sur celles mentionnées sur le bordereau de dépôt ; que les articles 2.2, 11 et 17.1 des conditions générales de vente de la gamme Colissimo Entreprise se bornent à prévoir, respectivement, que « les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis par La Poste font foi. », (article 2.2), que « les Parties conviennent que les informations issues du système d'information de La Poste et liées à la prise en charge, à l'acheminement, à la notification et à la distribution le cas échéant remontées par flashage des colis lors de leur prise en charge, acheminement, la notification et distribution prévalent sur celles renseignées dans le bordereau de dépôt. », qu'« en toute hypothèse, les Parties conviennent que les modifications apportées par La Poste et intégrées dans le système d'information de La Poste font foi entre les Parties. », (article 11) et « Pour les colis de la gamme Colissimo Entreprise, qui font l'objet d'un suivi jusqu'à leur destination, les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis lors des différentes étapes d'acheminement (prise en charge, transport, notification au destinataire, le cas échéant, et distribution) font foi entre les Parties pour déterminer l'occurrence ou non d'un retard (en cas d'engagement de délai) ou d'une perte ou avarie. », (article 17.1) ; qu'en énonçant, pour annuler ces clauses contractuelles, qu'« il ressort des dispositions litigieuses que le système d'information de La Poste prévaut sur tout autre élément de preuve que son cocontractant pourrait vouloir apporter et qui pourrait contredire les informations qui y sont contenues », quand aucune des stipulations susvisées n'excluait la possibilité d'une preuve contraire et que les informations issues du système de traitement automatisé des colis ne prévalaient que sur les mentions figurant au bordereau de dépôt, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 2.2, 11 et 17.1 des conditions générales de la gamme Colissimo Entreprise, en méconnaissance du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, après avoir rappelé que l'élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l'absence de négociation effective ou l'usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l'acceptation impliquant cette absence de négociation effective, l'arrêt retient qu'il est établi que les clauses litigieuses sont insérées dans les conditions générales de vente de La Poste et qu'elles sont quasiment identiques dans tous les contrats conclus par la société IRB entre 2006 et 2014 et se retrouvent sans modification possible dans l'ensemble des contrats souscrits par des entreprises avec La Poste. Il en déduit que les clauses contestées n'ont pas fait l'objet d'une négociation effective entre les parties.

9. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, établissant la soumission de la société IRB aux conditions contractuelles édictées par La Poste et dès lors que celle-ci ne soutenait pas qu'elle offrait d'autres propositions commerciales à ses clients, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche invoquée par la première branche, a légalement justifié sa décision.

10. En second lieu, après avoir énoncé que l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties, l'arrêt relève que les conditions générales de La Poste prévoient, à l'article 2-2, que les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des « flashages » des colis par La Poste font foi, à l'article 11.1, que les parties conviennent que les informations issues du système d'information de La Poste et liées à la prise en charge, à l'acheminement, à la notification et à la distribution le cas échéant remontées par « flashage » des colis lors de leur prise en charge, acheminement, la notification et distribution prévalent sur celles renseignées dans le bordereau de dépôt, et, à l'article 17.1, que pour les colis de la gamme Colissimo Entreprise, qui font l'objet d'un suivi jusqu'à leur destination, les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des « flashages » des colis lors des différentes étapes d'acheminement (prise en charge, transport, notification au destinataire, le cas échéant, et distribution) font foi entre les parties pour déterminer l'occurrence ou non d'un retard (en cas d'engagement de délai) ou d'une perte ou avarie. Il retient qu'ainsi, d'un côté, ces articles prévoient que le système d'information de La Poste prévaut sur tout autre élément de preuve que son cocontractant pourrait vouloir apporter et qui pourrait contredire les informations qui y sont contenues, cependant qu'en dépendent la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de La Poste et l'indemnisation en résultant, et, de l'autre, qu'ils font dépendre le point de départ du délai d'acheminement d'un colis exclusivement de son enregistrement dans le système d'information de La Poste, quand celle-ci s'engage au respect de délais d'acheminement minimum. Il en déduit que ces clauses créent au détriment de la société cocontractante de La Poste un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, sans que celle-ci ne rapporte la preuve de la compensation de ce déséquilibre par d'autres clauses du contrat.

11. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, c'est sans dénaturer les clauses litigieuses, dont l'ambiguïté nécessitait l'interprétation, que la cour d'appel a déclaré nulles ces clauses pour déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens de l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

13. La Poste fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que soient jugées irrecevables comme prescrites les demandes relatives à des colis déposés entre le 7 mars 2012 et le 8 août 2012, pour les envois relevant d'une prescription d'un an, et les demandes relatives à des colis déposés entre le 7 septembre 2012 et le 8 février 2013, pour les envois relevant d'une prescription de six mois, et d'avoir, en conséquence, ordonné une mesure d'expertise en vue de déterminer l'existence de retards, pertes ou avaries pour ces colis, alors :

« 2°/ que la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ; que la seule saisine d'un médiateur n'est pas, en l'absence de commencement de la médiation, suspensive de prescription ; qu'en retenant cependant, pour dire que le délai de prescription avait été suspendu entre le 7 mars 2013, date de la saisine du médiateur et le 8 août 2013, date de l'assignation, que « la saisine écrite du médiateur doit être considérée comme marquant le début de la suspension du délai de prescription » dès lors que cette saisine consacre la volonté des parties de recourir à une mesure de médiation, quand la seule saisine du médiateur ne constitue ni l'accord écrit des parties, ni la première réunion de médiation, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 2238 du code civil, dans sa rédaction, issue de la loi du 22 décembre 2010, applicable au litige ;

3°/ que la saisine d'un médiateur jugée irrecevable n'est pas suspensive de prescription, peu important le bien-fondé de cette décision ; qu'en énonçant de façon inopérante, pour dire que le délai de prescription avait été suspendu entre le 7 mars 2013, date de la saisine du médiateur et le 8 août 2013, date de l'assignation, que « si le médiateur a, par lettre du 29 mars 2013, décidé de « classer » cette demande de médiation, prétextant la procédure judiciaire diligentée à l'encontre de La Poste, et, par lettre du 16 avril 2013, confirmé l'irrecevabilité de la demande de médiation, il a, dans une lettre du 28 juin 2013, reporté son intervention à l'issue du traitement des réclamations par la société La Poste de sorte que la mesure de médiation n'a pu se mettre en place du fait du médiateur », la cour d'appel a encore violé, par refus d'application, l'article 2238 du code civil, dans sa rédaction, issue de la loi du 22 décembre 2010, applicable au litige ;

4°/ que par lettre du 16 avril 2013, le médiateur du groupe La Poste a confirmé l'irrecevabilité de la demande formée par la société Itinsell, concernant 492 125 réclamations pour des motifs et clients différents, accompagnée d'une palette de 610 kg de dossiers, au motif, notamment, que « la demande, par son ampleur, est dénuée de tout caractère raisonnable et ne réponds pas à l'esprit de la médiation, ce qui ne me permet pas de la traiter » ; qu'en se bornant à affirmer, pour dire que le délai de prescription avait été suspendu entre le 7 mars 2013, date de la saisine du médiateur et le 8 août 2013, date de l'assignation, que « si le médiateur a, par lettre du 29 mars 2013, décidé de « classer » cette demande de médiation, prétextant la procédure judiciaire diligentée à l'encontre de la société La Poste, et, par lettre du 16 avril 2013, confirmé l'irrecevabilité de la demande de médiation, il a, dans une lettre du 28 juin 2013, reporté son intervention à l'issue du traitement des réclamations par la société La Poste de sorte que la mesure de médiation n'a pu se mettre en place du fait du médiateur », sans rechercher si les conditions de recevabilité de la demande de médiation, supposant une individualisation des litiges et la preuve de l'accomplissement des formalités de réclamations internes auprès des services de La Poste, étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2238 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 22 décembre 2010, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

14. En premier lieu, l'arrêt constate que la société IRB a saisi le médiateur du groupe La Poste par lettre du 7 mars 2013. Il en déduit que cette saisine écrite du médiateur institutionnel de ce groupe doit être considérée comme marquant le début de la suspension du délai de prescription conformément à l'article 2238 du code civil, dès lors que la saisine de ce médiateur par la société IRB consacre la volonté des parties de recourir à une mesure de médiation.

15. De ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la mise en place d'un médiateur en son sein caractérise la volonté de La Poste de recourir, par principe, dans l'hypothèse d'un litige, à la médiation, de sorte qu'en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, la saisine de son médiateur par lettre d'un cocontractant formalise l'accord écrit prévu à l'article 2238 du code civil, la cour d'appel a exactement déduit que la prescription avait été suspendue à compter du 7 mars 2013.

16. En second lieu, l'arrêt constate que par une lettre du 28 juin 2013, le médiateur a reporté son intervention à l'issue du traitement des réclamations par La Poste, et en déduit qu'il est ainsi revenu sur sa décision d'irrecevabilité de la demande résultant de ses lettres des 29 mars et 16 avril 2013. Il retient que, par son assignation en justice du 8 août 2013, la société IRB a manifesté sa volonté de mettre un terme à la médiation.

17. En l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a exactement déduit que le cours de la prescription, suspendu depuis le 7 mars 2013, n'avait pas repris du fait des lettres du médiateur de La Poste des 29 mars et 16 avril 2013, avant d'être interrompu le 8 août 2013, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire la recherche invoquée par la quatrième branche, que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

19. La société IRB fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes contenues dans l'assignation du 8 août 2013 et maintenues depuis, et relatives à des colis déposés avant le 7 mars 2012 pour les envois relevant de la prescription d'un an, et avant le 7 septembre 2012 pour les envois relevant d'une prescription de six mois, ses demandes formées en première instance par conclusions des 25 janvier et 22 février 2017 pour des colis envoyés entre le 9 janvier 2012 et le 30 juin 2014, dès lors qu'elles ne portent pas sur des colis visés dans l'assignation du 8 août 2013 et ses demandes d'indemnisation formulées en appel concernant des colis envoyés entre le 2 juillet 2012 et le 1er juillet 2019 pour lesquels aucune demande d'indemnisation n'a été formée en première instance, alors « que les parties peuvent ajouter, en appel, aux prétentions soumises au premier juge, toutes les demandes qui tendent aux mêmes fins d'indemnisation des préjudices causés par des manquements contractuels identiques entre les mêmes parties, ou qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré irrecevables comme nouvelles en cause d'appel, un ensemble de demandes d'indemnisation formulées en appel par la société IRB au titre des mêmes manquements contractuels, sur le même fondement, et entre les mêmes parties, que les demandes qu'elle avait expressément formulées en première instance ; qu'en statuant ainsi, quand ces demandes tendaient aux mêmes fins que les demandes formées en première instance et en constituaient le complément, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

20. Ayant relevé que les demandes d'indemnisation en appel portaient pour partie sur des nouveaux colis pour lesquels aucune demande d'indemnisation n'avait été formée en première instance, ce dont il se déduit qu'elles n'étaient ni l'accessoire, ni la conséquence ni encore le complément nécessaire des demandes formées en première instance, la cour d'appel a exactement retenu que cette demande constituait une demande nouvelle.

21. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Comte - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; Me Ridoux -

Textes visés :

Article 2238 du code civil.

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