Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

Soc., 18 mai 2022, n° 21-11.347, (B), FRH

Cassation partielle

Comité social et économique – Membres – Membre suppléant – Remplacement du titulaire – Modalités – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L. 2314-37 du code du travail, lorsqu'un délégué titulaire cesse ses fonctions pour l'une des causes indiquées à la présente section ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire. La priorité est donnée au suppléant élu de la même catégorie. S'il n'existe pas de suppléant élu sur une liste présentée par l'organisation syndicale qui a présenté le titulaire, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par la même organisation. Dans ce cas, le candidat retenu est celui qui vient sur la liste immédiatement après le dernier élu titulaire ou, à défaut, le dernier élu suppléant. A défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n'appartenant pas à l'organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Le suppléant devient titulaire jusqu'au retour de celui qu'il remplace ou jusqu'au renouvellement de l'institution.

Il en résulte que, en l'absence de suppléant de la même catégorie, le remplacement est assuré en priorité par un suppléant d'une autre catégorie appartenant au même collège, présenté par la même organisation syndicale, à défaut, par un suppléant d'un autre collège présenté par cette même organisation, à défaut par un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale.

Comité social et économique – Membres – Membre suppléant – Remplacement du titulaire – Remplacement par un suppléant d'un autre collège – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Roanne, 20 janvier 2021), lors des élections organisées au sein de l'Office public de l'habitat OPHEOR (l'Opheor), ont été élus, sur les listes présentées par le syndicat CFDT Interco Loire Haute-Loire (le syndicat CFDT), comme membre titulaire du premier collège, Mme [Z], comme membre suppléant du même collège, M. [V], comme membre titulaire du second collège, Mme [O], et, comme membre suppléant de ce collège, Mme [T]. M. [J], Mme [F] et M. [U], candidats appartenant au deuxième collège et présentés par le même syndicat, n'ont pas été élus.

2. Mme [Z] a démissionné de son mandat. M. [V] a quitté l'entreprise.

L'Opheor a décidé de l'organisation d'élections partielles pour remplacer ces membres élus du premier collège.

3. Le 25 novembre 2020, le syndicat CFDT et M. [U] ont saisi le tribunal judiciaire afin que Mme [F] ou, à défaut, M. [U] soit désigné, comme membre titulaire du comité social et économique, représentant le premier collège, jusqu'à ce que Mme [T] puisse exercer elle-même ce mandat, ainsi que pour qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu d'organiser des élections partielles au sein de l'Opheor et qu'il soit fait interdiction à ce dernier de poursuivre le processus électoral engagé.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le syndicat CFDT et M. [U] font grief au jugement de rejeter l'intégralité de leurs demandes et de dire que des élections partielles doivent être organisées à l'initiative de l'Opheor dans la mesure où le premier collège n'est plus représenté, alors « que des élections partielles doivent être organisées par l'employeur lorsqu'un collège électoral n'est plus représenté au comité social et économique ; qu'un collège demeure représenté au comité social et économique lorsque les membres de ce collège ayant cessé leur fonction peuvent être remplacés, par ordre de priorité et par défaut, par des délégués suppléants élus sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle des titulaires à remplacer et de même catégorie professionnelle, par des suppléants d'une autre catégorie professionnelle mais appartenant au même collège électoral et élus sur une liste présentée par la même organisation syndicale, par des suppléants d'un collège différent, mais toujours de même appartenance syndicale, par des candidats non élus présentés par la même organisation syndicale et venant sur la liste immédiatement après le dernier candidat élu comme titulaire ou, à défaut, suppléant, par des candidats d'une autre organisation syndicale, mais appartenant à la même catégorie professionnelle et ayant obtenu le plus grand nombre de voix ; qu'en l'espèce, en jugeant que le premier collège ouvriers/employés, qui comprenait un seul titulaire élu sur une liste présentée par la CFDT, n'était plus représenté et que l'employeur devait organiser des élections partielles en raison de la cessation par ce titulaire de ses fonctions et de l'impossibilité de pourvoir à son remplacement par un candidat élu ou non élu sur une liste présentée par la CFDT au sein d'un autre collège électoral que celui du titulaire à remplacer, le tribunal a violé les articles L. 2314-10 et L. 2314-37 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2314-37 du code du travail :

5. Aux termes de ce texte, lorsqu'un délégué titulaire cesse ses fonctions pour l'une des causes indiquées à la présente section ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire.

La priorité est donnée au suppléant élu de la même catégorie. S'il n'existe pas de suppléant élu sur une liste présentée par l'organisation syndicale qui a présenté le titulaire, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par la même organisation. Dans ce cas, le candidat retenu est celui qui vient sur la liste immédiatement après le dernier élu titulaire ou, à défaut, le dernier élu suppléant. A défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n'appartenant pas à l'organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix.

Le suppléant devient titulaire jusqu'au retour de celui qu'il remplace ou jusqu'au renouvellement de l'institution.

6. Il en résulte que, en l'absence de suppléant de la même catégorie, le remplacement est assuré en priorité par un suppléant d'une autre catégorie appartenant au même collège, présenté par la même organisation syndicale, à défaut, par un suppléant d'un autre collège présenté par cette même organisation, à défaut par un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale.

7. Pour dire que les membres suppléants du comité social et économique et les candidats non élus du second collège présentés par le syndicat CFDT ne pouvaient remplacer le membre titulaire du premier collège présenté par ce même syndicat, le jugement retient que l'article L. 2314-37 du code du travail ne permet pas de remplacer des membres d'un collège par ceux d'un autre collège, n'ayant assurément pas les mêmes intérêts collectifs, et que seul un candidat élu ou non élu de la liste du syndicat CFDT, à défaut de la liste du syndicat CGT, aurait pu remplacer Mme [Z] puis M. [V] au sein du premier collège, ce qui est impossible dans la mesure où le syndicat CFDT n'avait présenté aucun autre candidat pour l'élection du premier collège et qu'il n'existe aucun autre suppléant dans ce collège, issu des listes des syndicats CFDT et CGT.

8. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il accueille l'intervention volontaire accessoire de l'Union locale CGT des Cantons Roannais et déclare recevable l'action du syndicat CFDT Interco Loire Haute-Loire, le jugement rendu le 20 janvier 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Roanne ;

Remet l'affaire et les parties, sauf sur ces points, dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 2314-37 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les modalités de remplacement d'un membre titulaire du comité social et économique, à rapprocher : Soc., 22 septembre 2021, pourvoi n° 20-16.859, Bull., (rejet).

Soc., 18 mai 2022, n° 21-11.737, (B), FRH

Rejet

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Décision unilatérale de l'employeur – Contestation – Contestation émanant d'une organisation syndicale – Moment – Dépôt de la liste des candidats – Dépôt accompagné de réserves – Défaut – Portée

Il résulte de l'article L. 2314-28 du code du travail qu'à défaut d'accord satisfaisant aux conditions de validité prévues à l'article L. 2314-6 du code du travail, il appartient à l'employeur, en l'absence de saisine du tribunal judiciaire, de fixer les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote. En l'absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale, ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections et demander à ce titre l'annulation des élections.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 26 janvier 2021), les sociétés Steria Group, Banking Software, HR Software, Sopra Steria Infrastructure & Security Services I2S et Beamap constituent une unité économique et sociale (UES) en vertu d'un accord collectif.

2. Deux accords ont été conclus prévoyant l'un le recours au vote électronique, l'autre la fixation du nombre et la composition des collèges électoraux.

3. Après l'échec des négociations en vue de parvenir à un protocole d'accord préélectoral, la Direccte a opéré la répartition des salariés et des sièges entre les collèges pour le comité social et économique des sociétés Sopra I2S et Beamap, regroupées en un seul établissement distinct au sein de l'UES par un accord du 5 juin 2019 prévoyant, en tout pour l'UES, quatre comités sociaux et économiques d'établissement.

4. Le 27 septembre 2019, par décision unilatérale, l'employeur a fixé les modalités d'organisation des élections.

Le premier tour des élections a eu lieu du 7 au 14 novembre 2019.

5. Le 29 novembre 2019, la Fédération communication conseil culture CFDT (la F3C CFDT) et M. [S], candidat présenté par la F3C CFDT, ont saisi le tribunal d'instance aux fins d'annulation de l'élection de l'ensemble des membres, titulaires et suppléants, du comité social et économique de l'établissement Sopra I2S Beamap, en invoquant différentes irrégularités.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La F3C CFDT et le salarié font grief au jugement de les débouter de leur demande tenant à annuler le premier tour des élections du comité social et économique d'établissement I2S/Beamap, alors « que l'absence de réserves émises par un syndicat lors du dépôt d'une liste électorale ne vaut pas acquiescement aux modalités d'organisation des élections fixées, après échec de la négociation d'un protocole d'accord préélectoral unilatéralement par l'employeur ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé que la présentation par un syndicat des candidats sans formuler aucune réserve sur les conditions de déroulement du scrutin, y compris alors qu'elles ont été fixées par décision unilatérale de l'employeur, vaut nécessairement acceptation de ces conditions, ce dont il résulterait que le syndicat CFDT n'était plus autorisé à contester judiciairement le choix d'un bureau de vote unique ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les articles L. 2314-28, R. 2314-24 et R. 2314-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 2314-28 du code du travail, les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales, conclu conformément à l'article L. 2314-6. Cet accord respecte les principes généraux du droit électoral.

Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées par une décision du juge judiciaire.

8. Il résulte de ce texte qu'à défaut d'accord satisfaisant aux conditions de validité prévues à l'article L. 2314-6 du code du travail, il appartient à l'employeur, en l'absence de saisine du tribunal judiciaire, de fixer les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote.

9. En l'absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale, ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections et demander à ce titre l'annulation des élections.

10. Le tribunal, qui a constaté que la F3C CFDT avait présenté des candidats sur l'établissement considéré en déposant le 7 octobre 2019 ses listes de candidats sans émettre de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote fixées unilatéralement par l'employeur, lequel avait notamment décidé de la mise en place d'un bureau de vote unique, et n'avait pas saisi le juge judiciaire d'un contentieux préélectoral, a décidé à bon droit que cette organisation syndicale ne pouvait plus contester cette modalité pour demander l'annulation des élections.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Capron -

Textes visés :

Articles L. 2314-6 et L. 2314-28 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le pouvoir, sous l'empire des dispositions relatives au comité d'entreprise, donné unilatéralement à l'employeur pour organiser les opérations électorales, à rapprocher : Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-22.598, Bull. 2012, V, n° 239 (rejet) ; Soc., 4 juin 2014, pourvoi n° 13-18.914, Bull. 2014, V, n° 134 (cassation partielle). Sur la nécessité pour le syndicat d'émettre des réserves lors du dépôt des candidatures pour contester les modalités électorales, à rapprocher : Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-20.841, Bull., (cassation).

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