Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 11 mai 2022, n° 21-15.247, (B) (R), FP

Rejet

Licenciement – Indemnités – Indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse – Charte sociale européenne révisée – Article 24 – Applicabilité directe – Défaut – Portée

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 15 février 2021), Mme [O] a été engagée par la société Fives Stein Manufacturing, aux droits de laquelle se trouve la société FSM, à compter du 15 septembre 1981 en qualité de secrétaire.

4. Un projet de restructuration et de réduction des effectifs, emportant la suppression de sept postes, a été mis en oeuvre à compter du 27 mars 2017.

5. Par lettre du 18 septembre 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 2 octobre 2017, puis licenciée pour motif économique par lettre du 13 octobre 2017.

La salariée a adhéré au congé de reclassement qui a débuté le 14 octobre 2017 pour s'achever le 22 septembre 2018.

6. Le 2 octobre 2018, la salariée a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

8. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que l'article L. 1235-3 du code du travail n'est pas contraire à l'article 24 de la Charte sociale européenne et, en conséquence, de limiter à la somme de 48 000 euros le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que l'article 24 de la Charte sociale européenne dispose qu'« en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître (...) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée » ; que ce texte est d'effet direct en droit interne dans les litiges entre particuliers pour accorder un droit aux individus et ne requérir l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire effet à l'égard des autres particuliers ; qu'en jugeant au contraire, pour faire application du barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et, ainsi, limiter l'indemnisation accordée aux salariés, qu'« eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de l'article 24 de la Charte sociale, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l'article 24 de ladite Charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers », la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que lorsqu'un acte du droit de l'Union appelle des mesures nationales de mise en oeuvre, il reste loisible aux autorités et aux juridictions nationales d'appliquer des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, pourvu que cette application ne compromette pas le niveau de protection prévu par la Charte, telle qu'interprétée par la Cour, ni la primauté, l'unité et l'effectivité du droit de l'Union ; qu'ainsi, la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par l'article 24 de la Charte n'implique pas le droit pour elles de déroger aux exigences minimales de ce texte ; que le mécanisme d'indemnisation du salarié licencié sans motif valable d'une législation nationale n'est conforme à ce texte qu'à la condition qu'il prévoie le remboursement des pertes financières subies entre la date du licenciement et la décision de l'organe de recours, la possibilité de réintégration du salarié et/ou des indemnités d'un montant suffisamment élevé pour dissuader l'employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime ; qu'il s'ensuit que le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 -en ce qu'il prévoit l'allocation d'une indemnité compensatoire plafonnée ne couvrant pas les pertes financières effectivement encourues par le salarié depuis la date du licenciement et n'ayant pas de véritable effet dissuasif pour l'employeur dans la mesure où l'indemnisation ne peut excéder un montant prédéfini et que la compensation octroyée au salarié devient ainsi au fil du temps inadéquate par rapport au préjudice subi- ne permet pas au salarié licencié sans motif valable d'obtenir réparation adéquate, proportionnée au préjudice subi et de nature à dissuader le recours aux licenciements illégaux et contrevient ainsi aux dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand la marge de manoeuvre laissée aux États contractants n'autorisait pas l'État français à s'affranchir des exigences minimales fixées par l'article 24 de la charte sociale européenne révisée relatives aux modalités d'indemnisation du salarié licencié sans motif valable, par la fixation d'un barème d'indemnisation uniquement fonction de l'ancienneté du travailleur et des effectifs dans l'entreprise, la cour d'appel a derechef violé ce texte, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

9. D'une part, aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

10. Selon l'article L. 1235-3-1 du code du travail, dans sa version en vigueur du 24 septembre 2017 au 22 décembre 2017, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées à l'alinéa précédent sont celles qui sont afférentes à la violation d'une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4, à un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues aux articles L. 1134-4 et L. 1132-4 ou consécutif à une action en justice, en matière d'égalité professionnelle entre hommes et femmes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3 et en cas de dénonciation de crimes et délits, ou à l'exercice d'un mandat par un salarié protégé mentionné au chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie, ainsi qu'aux protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

11. D'autre part, dans la partie I de la Charte sociale européenne, « les Parties reconnaissent comme objectif d'une politique qu'elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l'exercice effectif des droits et principes » ensuite énumérés, parmi lesquels figure le droit des travailleurs à une protection en cas de licenciement.

12. Selon l'article 24 de cette même Charte, « en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »

13. L'annexe de la Charte sociale européenne précise qu'il « est entendu que l'indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. »

14. L'article 24 précité figure dans la partie II de la Charte sociale européenne qui indique que « les Parties s'engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes » qu'elle contient.

15. Dans la Partie III de la Charte, il est indiqué que « chacune des Parties s'engage :

a) à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;

b) à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte : articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 ;

c) à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d'articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu'elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés. »

16. Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l'approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d'être liée par l'ensemble des articles de la Charte sociale européenne.

17. L'article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en oeuvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en oeuvre par :

a) la législation ou la réglementation ;

b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d'employeurs et organisations de travailleurs ;

c) une combinaison de ces deux méthodes ;

d) d'autres moyens appropriés. »

18. Enfin, l'annexe de la Charte sociale européenne mentionne à la Partie III : « Il est entendu que la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l'application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV » qui prévoit un système de rapports périodiques et de réclamations collectives.

19. Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

20. Il résulte des dispositions précitées de la Charte sociale européenne que les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application selon les modalités rappelées aux paragraphes 13 et 17 du présent arrêt et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique rappelé au paragraphe 18 (Assemblée plénière, avis de la Cour de cassation, 17 juillet 2019, n° 19-70.010 et n° 19-70.011 ; 1re Civ., 21 novembre 2019, pourvoi n° 19-15.890, publié).

21. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que, les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne pouvait pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et qu'il convenait d'allouer en conséquence à la salariée une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

22. La Charte sociale européenne ayant été adoptée par les Etats membres du Conseil de l'Europe, la seconde branche du moyen, fondée sur des principes tirés du droit de l'Union européenne, est inopérante.

23. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DECLARE IRRECEVABLES les interventions volontaires du Syndicat des avocats de France (SAF) et du syndicat d'Avocats d'entreprise en droit social (AVOSIAL) ;

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident.

Arrêt rendu en formation plénière de chambre.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Barincou et Mme Prache, assistés de Mme Safatian, auditeur au service de documentation, des études et du rapport - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Didier et Pinet ; SCP Zribi et Texier ; Me Ridoux -

Textes visés :

Article 55 de la Constitution ; article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; article 24 de la Charte sociale européenne.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence d'effet direct des dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne dans un litige entre particuliers, dans le même sens que : Avis de la Cour de cassation, 17 juillet 2019, pourvoi n° 19-70.010, Bull. 2019 (2).

Soc., 11 mai 2022, n° 21-14.490, (B) (R), FP

Cassation partielle

Licenciement – Indemnités – Indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse – Compatibilité avec les stipulations de l'article 10 de la convention internationale du travail n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) – Effets – Montant – Détermination – Office du juge – Portée

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée. Doit en conséquence être cassé l'arrêt qui, pour condamner l'employeur au paiement d'une somme supérieure au montant maximal prévu par l'article L. 1235-3 précité, retient que ce montant ne permet pas, compte tenu de la situation concrète et particulière du salarié, une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi compatible avec les exigences de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, alors qu'il lui appartenait seulement d'apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail.

Licenciement – Indemnités – Indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse – Montant – Barème d'indemnisation – Application – Office du juge – Détermination – Portée

Examen d'office de la recevabilité des interventions volontaires, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code du procédure civile

1. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

2. Le Syndicat des avocats de France (SAF) et le syndicat d'Avocats d'entreprise en droit social (Avosial) ne justifiant pas d'un tel intérêt dans le présent litige, leurs interventions volontaires ne sont pas recevables.

3. Il est donné acte à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), au Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et à la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) de leur intervention volontaire.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2021), Mme [E] a été engagée en qualité de coordinatrice, à compter du 2 septembre 2013, par la société Pleyel centre de santé mutualiste.

En dernier lieu, elle percevait un salaire moyen de 4 403,75 euros bruts.

5. Par lettre du 12 septembre 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique. Elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 4 octobre 2017 puis, par lettre du 6 octobre 2017, son employeur lui a notifié la rupture de son contrat de travail pour motif économique à compter du 13 octobre 2017.

6. Contestant cette rupture, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 32 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1° / que la loi, qui est l'expression de la volonté générale, est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; que la cour d'appel, qui a écarté l'application du barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail au motif que celui-ci, déclaré conforme à l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT par deux avis de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 17 juillet 2019, ne le serait pas en l'occurrence, en raison des circonstances particulières de l'espèce et qu'il serait dès lors possible de l'écarter dans le cas particulier de la salariée, a violé les principes constitutionnels de sécurité juridique et d'égalité des citoyens devant la loi, ensemble les articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 10 de la Convention n° 158 de l'OIT et L. 1235-3 du code du travail.

2°/ qu'en n'appliquant pas le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail quand la salariée n'entrait dans aucune des exceptions prévues par ce texte qui permettaient de ne pas en faire application, la cour d'appel, qui a refusé d'appliquer la loi, a méconnu son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur :

9. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

10. En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

11. Aux termes de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (l'OIT), si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

12. Les stipulations de cet article 10 qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne (voir également : Assemblée plénière, avis de la Cour de cassation, 17 juillet 2019, n° 19-70.010 et n° 19-70.011).

En effet, la Convention n° 158 de l'OIT précise dans son article 1er : « Pour autant que l'application de la présente convention n'est pas assurée par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, elle devra l'être par voie de législation nationale. »

13. Selon la décision du Conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail, ayant adopté en 1997 le rapport du Comité désigné pour examiner une réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par plusieurs organisations syndicales alléguant l'inexécution par le Venezuela de la Convention n° 158, le terme « adéquat » visé à l'article 10 de la Convention signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

14. A cet égard, il convient de relever qu'aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 de ce code n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

15. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la qualification de liberté fondamentale est reconnue à la liberté syndicale, en vertu de l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (Soc., 2 juin 2010, pourvoi n° 08-43.277 ; Soc., 9 juillet 2014, pourvois n° 13-16.434, 13-16.805, Bull. 2014, V, n° 186), au droit de grève protégé par l'alinéa 7 du même Préambule (Soc., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-20.527, Bull. 2015, V, n° 236), au droit à la protection de la santé visé par l'alinéa 11 du même Préambule (Soc., 11 juillet 2012, pourvoi n° 10-15.905, Bull. 2012, V, n° 218 ; Soc., 29 mai 2013, pourvoi n° 11-28.734, Bull. 2013, V, n° 136), au principe d'égalité des droits entre l'homme et la femme institué à l'alinéa 3 du même Préambule (Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-21.862, publié), au droit à un recours juridictionnel en vertu de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-11.122, publié), à la liberté d'expression, protégée par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Soc., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-10.557, Bull. 2016, V, n° 140 ; Soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-10.057, publié).

16. En application de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une discrimination en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

17. Les protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13 du code du travail concernent la protection de la grossesse et de la maternité, la prise d'un congé d'adoption, d'un congé de paternité, d'un congé parental, d'un congé pour maladie d'un enfant et la protection des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

18. Par ailleurs, selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

19. Il en résulte, d'une part, que les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

20. Il en résulte, d'autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.

21. Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

22. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

23. Pour condamner l'employeur au paiement d'une somme supérieure au montant maximal prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail, l'arrêt constate, d'une part, que ce texte prévoit, pour une ancienneté inférieure à 4 ans, une indemnité de licenciement injustifié comprise entre 13 211 et 17 615 euros, et, d'autre part, que la salariée justifie, en raison de sa qualité de demandeur d'emploi jusqu'en août 2019 et déduction faite des revenus perçus de Pôle emploi, d'une perte supérieure à 32 000 euros.

L'arrêt retient que ce montant représente à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières de la salariée et ne permet donc pas, compte tenu de la situation concrète et particulière de la salariée, âgée de 53 ans à la date de la rupture, une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

24. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait seulement d'apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DECLARE IRRECEVABLES les interventions volontaires du Syndicat des avocats de France (SAF) et du syndicat d'Avocats d'entreprise en droit social (Avosial) ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Pleyel centre de santé mutualiste à payer à Mme [E] la somme de 32 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 16 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

Arrêt rendu en formation plénière de chambre.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Barincou et Mme Prache, assisttés de Mme Safatian, auditeur au service de documentation, des études et du rapport - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Zribi et Texier ; Me Haas ; Me Ridoux -

Textes visés :

Article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) ; article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Rapprochement(s) :

Sur l'applicabilité directe en droit interne de la Convention internationale du travail n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), à rapprocher : Soc., 26 mars 2013, pourvoi n° 11-25.580, Bull. 2013, V, n° 82 (cassation partielle), et l'arrêt cité. Sur la compatibilité des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail avec l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), à rapprocher : Avis de la Cour de cassation, 17 juillet 2019, n° 19-70.010 (4) ; Avis de la Cour de cassation, 17 juillet 2019, n° 19-70.011 (3). Sur l'application par le juge du barème issu des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, permettant la détermination du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à rapprocher : Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.782 (1), Bull., (cassation partielle sans renvoi) ; Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-15.247 (2), Bull., (rejet).

Soc., 25 mai 2022, n° 21-11.478, (B), FRH

Rejet

Licenciement – Indemnités – Indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse – Demande qui en est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire – Demande en paiement d'heures supplémentaires (non) – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 décembre 2020), M. [T] a été engagé le 3 janvier 2000 par la fédération [6] en qualité de directeur.

La relation de travail s'est ensuite poursuivie avec l'association de gestion du centre social et culturel [6], devenue l'association [Adresse 5].

2. Le salarié a été licencié le 20 janvier 2017 pour insuffisance professionnelle. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande d'heures supplémentaires présentée pour la première fois en cause d'appel, alors « que ne constituent pas des demandes nouvelles les demandes qui sont l'accessoire la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge ; que la cour d'appel a énoncé que la demande d'heures supplémentaires n'était ni l'accessoire ni la conséquence ni le complément des prétentions soumises au conseil de prud'homme et qu'il n'était pas suffisant que M. [T] soutienne à l'appui de sa demande d'heures supplémentaires qu'il n'était pas cadre dirigeant alors qu'il avait fondé sa demande d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail sur le retrait d'attributions et d'autonomie ; qu'en statuant de la sorte alors que la perte d'autonomie et le retrait d'attributions avaient pour conséquence la perte du statut de cadre dirigeant et en conséquence le droit au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article 564 et l'article 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

6. La cour d'appel, qui a constaté que les demandes formées par le salarié devant les premiers juges étaient limitées à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail, en a exactement déduit que la demande au titre du paiement des heures supplémentaires formulée pour la première fois en appel n'était pas l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire des prétentions originaires et qu'elle était irrecevable.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 566 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la non-application de l'article 566 du code de procédure civile aux instances prud'homales introduites avant le 1er août 2016, à rapprocher : Soc., 1er juillet 2020, pourvoi n° 18-24.180, Bull., (cassation partielle).

Soc., 18 mai 2022, n° 21-10.118, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Licenciement – Salarié protégé – Mesures spéciales – Inobservation – Indemnisation – Etendue – Détermination – Office du juge – Cas – Salarié protégé dont le licenciement est nul – Salarié ne demandant pas sa réintégration ou dont la réintégration est impossible – Portée

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Appréciation – Exclusion – Cas – Salarié protégé – Action en indemnisation du salarié dont le licenciement est nul – Salarié ne demandant pas sa réintégration ou dont la réintégration est impossible – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 novembre 2020), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 16-25.764), M. [H] a été engagé par la société Brink's le 14 décembre 2005, en qualité d'agent de sécurité, et son contrat a été transféré en dernier lieu à la société Fiducial Private Security. Il a été désigné en qualité de délégué syndical le 28 juin 2010 jusqu'au 15 mars 2012, la période de protection s'achevant le 15 mars 2013. Ce même jour, son employeur l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement prévu le 5 avril 2013. Son licenciement lui a été notifié le 3 mai 2013 sans autorisation administrative préalable.

2. Le 2 juillet 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en sollicitant, notamment, la nullité de son licenciement et sa réintégration.

3. Il a fait valoir ses droits à la retraite le 1er décembre 2014.

Examen des moyens

Sur le premier moyen complémentaire, le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen initial, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen complémentaire

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation des conséquences financières de son licenciement, alors « que lorsque la réintégration d'un salarié protégé, dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé en violation du statut protecteur, est impossible dès lors qu'il avait décidé unilatéralement de faire valoir ses droits à la retraite, ce salarié ne peut pas prétendre au paiement de dommages-intérêts en réparation des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail en plus des sommes dues au titre de la violation du statut protecteur ; qu'en l'espèce, M. [H] a lui-même rendu impossible sa réintégration en prenant sa retraite le 2 juillet 2014 avant que la cour d'appel ne statue ; que cependant, la cour d'appel de renvoi a accordé au salarié « l'indemnisation de sa perte d'emploi à 62 ans » en prenant en compte « le fait que ce non-emploi a eu une incidence sur le calcul du montant de sa demi-pension », outre l'indemnisation due au titre du statut protecteur correspondant » à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la date de son départ à la retraite » ; qu'en statuant ainsi, bien que l'employeur faisait valoir en cause d'appel qu'il ne lui incombait pas d'assumer les conséquences du choix du salarié de faire valoir ses droits à la retraite, la cour d'appel de renvoi a violé l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 24 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article L. 2411-1 et de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, que le salarié protégé dont le licenciement est nul, qui ne demande pas sa réintégration ou dont la réintégration est impossible, est en droit d'obtenir, outre l'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur, les indemnités de rupture ainsi qu'une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, sans que le juge ait à se prononcer sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

7. La cour d'appel, qui a alloué au salarié, en sus d'une indemnité pour violation du statut protecteur, des dommages-intérêts en réparation de sa perte d'emploi, a statué à bon droit.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de la violation de son statut protecteur, alors « que le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite ; qu'en l'espèce, il était constant que M. [H], licencié par lettre du 3 mai 2013, était resté le salarié de la société Fiducial Private Security jusqu'à l'issue de son préavis de deux mois le 5 juillet 2013, et qu'il était parti à la retraite à compter du 1er décembre 2014, comme l'a constaté la cour d'appel ; que le salarié ne pouvait donc pas percevoir, au titre de la violation du statut protecteur, une indemnité supérieure à dix-sept mois de salaire, tel qu'il l'admettait d'ailleurs lui-même ; qu'en accordant cependant à M. [H] une indemnité correspondant à vingt mois de salaire, la cour d'appel a violé la règle susvisée et l'article L. 2411-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au 3 mai 2013. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2411-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable :

10. Lorsque le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration. Cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié. Toutefois, dans cette dernière hypothèse, le salarié qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite.

11. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 35 260 euros au titre de la violation de son statut protecteur, l'arrêt retient que cette indemnité correspond à vingt mois de salaire.

12. En statuant ainsi, après avoir énoncé que le salarié avait fait valoir ses droits à la retraite le 1er décembre 2014, et alors que celui-ci indiquait dans ses écritures que son éviction était intervenue le 5 juillet 2013, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. Le salarié a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite, d'un montant de 29 971 euros, correspondant à dix-sept mois de salaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'employeur à payer au salarié la somme de 35 260 euros au titre de la violation de son statut protecteur, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Fiducial Private Security à payer à M. [H] la somme de 29 971 euros d'indemnité au titre de la violation du statut protecteur.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ollivier - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles L. 2411-1 et L. 1235-3, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue de l'indemnité due au salarié protégé dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration ou dont la réintégration est impossible, à rapprocher : Soc., 25 novembre 1997, pourvoi n° 94-43.651, Bull. 1997, V, n° 405 (rejet), et les arrêts cités ; Soc., 30 novembre 2004, pourvoi n° 01-44.739, Bull., 2004, V, n° 309 (cassation), et les arrêts cités ; Soc., 10 mai 2006, pourvoi n° 04-40.901, Bull. 2006, V, n° 173 (1) (cassation partielle), et les arrêts cités ; Avis de la Cour de cassation, 15 décembre 2014, n° 14-70.009, Bull. 2014, Avis, n° 9 ; Soc., 15 avril 2015, pourvoi n° 13-24.182, Bull. 2015, V, n° 86 (cassation partielle) ; Soc., 15 mai 2019, pourvoi n° 18-11.036, Bull., (cassation partielle) ; Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 17-31.291, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 11 mai 2022, n° 20-21.103, (B), FS

Rejet

Rupture conventionnelle – Homologation par l'autorité administrative – Décès postérieur du salarié – Effets – Créance de l'indemnité de rupture – Naissance – Moment – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail que la créance d'indemnité de rupture conventionnelle, si elle n'est exigible qu'à la date fixée par la rupture, naît dès l'homologation de la convention.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 septembre 2020), [R] [C] a été engagé par la société Stein Heurtey à compter du 23 janvier 2006 et a conclu un avenant de détachement avec la société Fives Stein.

2. Les parties ont signé une convention de rupture le 11 septembre 2015, fixant la date de la rupture au 21 octobre 2015.

3. L'autorité administrative a homologué la convention le 9 octobre 2015.

4. [R] [C] est décédé le [Date décès 2] 2015.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [C], conjoint survivant, MM. [Y] et [T] [C], enfants du défunt, en leur qualité d'ayants droit d'[R] [C], une somme à titre d'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, avec intérêts au taux légal partant de la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation, et d'ordonner la remise aux ayants droit [C] de tous documents sociaux utiles et conformes à l'arrêt, alors " que d'une part, la convention de rupture conventionnelle fixe la date de rupture et que d'autre part, le contrat de travail est rompu par le décès du salarié ; qu'en condamnant la société Fives Stein à payer l'indemnité de rupture conventionnelle aux ayants droit du salarié décédé d'un accident du travail avant la date de rupture stipulée dans la convention de rupture, aux motifs inopérants qu'elle avait été homologuée et que le formulaire de demande d'homologation évoque une « date envisagée » de rupture de contrat, de sorte que celle stipulée n'aurait été que « purement indicative » et « théorique », la cour d'appel a violé les articles L. 1237-13 et L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 devenu 1103 et 1148, devenu 1218, du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 1237-11 du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat.

7. Aux termes de l'article L. 1237-13 du même code, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation.

8. Selon l'article L. 1237-14 du même code, la validité de la convention est subordonnée à son homologation.

9. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la créance d'indemnité de rupture conventionnelle, si elle n'est exigible qu'à la date fixée par la rupture, naît dès l'homologation de la convention.

10. La cour d'appel, qui a constaté que la convention de rupture, conclue le 11 septembre 2015, avait été homologuée le 9 octobre 2015, en a exactement déduit que la créance d'indemnité de rupture conventionnelle était entrée dans le patrimoine antérieurement au décès du salarié survenu le [Date décès 2] 2015, de sorte que ses ayants droit étaient fondés à en réclamer le paiement.

11. Le moyen n'est en conséquence pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail.

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