Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

CONFLIT DE LOIS

1re Civ., 25 mai 2022, n° 20-50.035, (B), FS

Cassation partielle

Statut personnel – Filiation – Etablissement – Loi applicable – Loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 08 septembre 2020), le ministère public a assigné Mme [O] [M], née en 1984 à [Localité 4], Anjouan (Comores), aux fins de constater son extranéité.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 3 et 311-14 du code civil et l'article 84 du code de la nationalité, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 :

3. Il résulte du premier de ces textes qu'en matière de droits indisponibles, il incombe au juge français de mettre en oeuvre les règles de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle.

4. Aux termes du deuxième, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant.

5. Il résulte du troisième que l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française ne s'étend qu'aux enfants dont la filiation a été établie avant cette acquisition par leur auteur.

6. Pour dire que Mme [Z] [O] [M] est française, l'arrêt retient que son acte de naissance établit sa filiation à l'égard de M. [O] [M] et qu'elle bénéficie de l'effet collectif attaché à la déclaration d'acquisition de la nationalité française souscrite par celui-ci le 12 juin 1989.

7. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de rechercher si, au regard des règles d'établissement de la filiation paternelle selon la loi de la mère, désignée par la règle de conflit, la filiation de Mme [Z] [O] [M] avait été établie avant l'acquisition par son père de la nationalité française, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la procédure régulière, l'arrêt rendu le 08 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou-Mayotte ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Melka-Prigent-Drusch -

Textes visés :

Articles 3 et 311-14 du code civil ; article 84 du code de la nationalité, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 18 janvier 2012, pourvoi n° 10-30.910, Bull. 2012, I, n° 6 (rejet).

1re Civ., 18 mai 2022, n° 21-11.106, (B), FS

Rejet

Statut personnel – Mariage – Conditions – Conditions de fond – Consentement – Loi applicable

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 25 novembre 2020) et les productions, le 6 juillet 2012, Mme [V] et M. [P], tous deux de nationalité tunisienne, se sont mariés en Tunisie.

2. Mme [V] a assigné son époux en nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles tenant à l'absence d'intention matrimoniale de celui-ci.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. Mme [V] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en nullité du mariage et en paiement de diverses sommes, alors « qu'il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre la règle de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle ; que l'erreur sur la personne ou les qualités essentielles du conjoint commise par un époux s'apprécie en considération selon sa loi nationale ; qu'en l'espèce, Mme [V], de nationalité tunisienne, invoquait, à l'appui de son action en nullité, non seulement l'absence d'intention matrimoniale de M. [P], mais également l'erreur qu'elle avait commise sur les qualités essentielles de ce dernier ; qu'en appréciant cette erreur selon le droit français et non selon le droit tunisien, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 202-1 du code civil, les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle. Quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l'article 146 et du premier alinéa de l'article 180.

6. L'article 146 dispose :

« Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. »

7. La cour d'appel a relevé que Mme [V] se prévalait d'un défaut d'intention matrimoniale de M. [P].

8. Il en résulte que l'action était en réalité fondée sur l'article 146 du code civil, de sorte que la loi française était applicable.

9. Par ce motif de pur droit substitué à celui critiqué, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles 146, 180, alinéa 1, 202-1 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 18 mars 2020, pourvoi n° 19-11.573, Bull., (rejet).

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