Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

COMPENSATION

1re Civ., 11 mai 2022, n° 21-16.600, (B), FS

Cassation partielle

Compensation légale – Exception – Article 1347-2 du code civil – Application en cas de demande de compensation judiciaire (non)

Il résulte des articles 1347-2 et 1348 du code civil que les exceptions aux règles de la compensation légale énumérées par le premier d'entre eux ne s'étendent pas aux créances et dettes qui font l'objet d'une demande de compensation judiciaire sur le fondement du second et dont l'appréciation incombe aux juges du fond.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 février 2021) et les productions, [W] [B] est décédé le 3 juin 1992, en laissant pour lui succéder sa fille, Mme [B], et sa concubine, Mme [C], instituée légataire de la plus large quotité disponible par testament du 1er septembre 1989.

2. Un jugement du 26 février 1998, devenu irrévocable, a ordonné le partage de la succession, retenu que Mme [C] avait recelé des sommes au préjudice de la succession et ordonné leur réintégration dans la succession.

3. Un jugement du 25 mai 2012 a autorisé Mme [B] à faire procéder à la saisie des rémunérations de Mme [C].

4. Reprochant à Mme [B] d'occuper sans droit ni titre une maison dont elle est propriétaire, Mme [C] l'a assignée en expulsion et indemnisation. Mme [B] a formé une demande de compensation entre les sommes dues par elle au titre de l'indemnité d'occupation et celles dues par Mme [C] au titre du recel successoral.

5. Mme [B] a été condamnée à payer à Mme [C] une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 13 février 2013 jusqu'à la libération effective des lieux.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Mme [B] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de compensation judiciaire, alors « que les exceptions aux règles de la compensation légale énumérées par l'article 1347-2 du code civil ne s'étendent pas aux créances et dettes faisant l'objet d'une demande en compensation judiciaire, dont l'appréciation appartient aux juges du fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que Mme [B] formulait une demande de compensation judiciaire ; que dès lors, en se bornant à appliquer les dispositions de l'article 1347-2 du code civil pour rejeter la demande de compensation, sans apprécier si la compensation pouvait être prononcée en justice, la cour d'appel a violé les articles 1347-2 et 1348 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1347-2 et 1348 du code civil :

7. Il résulte de ces textes que les exceptions aux règles de la compensation légale énumérées par le premier d'entre eux ne s'étendent pas aux créances et dettes qui font l'objet d'une demande de compensation judiciaire sur le fondement du second et dont l'appréciation incombe aux juges du fond.

8. Pour rejeter la demande de compensation judiciaire formée par Mme [B], l'arrêt retient qu'en application de l'article 1347-2 du code civil, la compensation ne peut s'opérer dans le cas d'une demande de restitution d'une chose dont le propriétaire a été injustement dépouillé et que la demande de compensation porte, d'une part, sur une indemnité d'occupation d'un bien sans droit ni titre dont la propriétaire est privée de la jouissance, qui n'a pas consenti à la compensation, d'autre part, sur des sommes dues au titre d'un recel successoral.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de compensation formée par Mme [B] entre la créance que Mme [C] détient sur elle au titre de l'indemnité d'occupation et celle que Mme [B] détient au titre du recel successoral, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : Me Ridoux -

Textes visés :

Articles 1347-2 et 1348 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 12 juillet 1956, pourvoi n° 1.429, Bull. 1956, I, n° 301 (cassation) ; 1re Civ., 10 avril 1973, pourvoi n° 72-10.025, Bull. 1973, I, n° 134 (cassation partielle).

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