Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

CAUTIONNEMENT

1re Civ., 25 mai 2022, n° 21-11.045, (B), FRH

Cassation partielle

Caution – Information annuelle – Preuve – Mode

Il résulte de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier qu'il appartient aux établissements de crédit et aux sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, de justifier de l'accomplissement des formalités légalement prévues et que la seule production de la copie de lettres d'information ne suffit pas à justifier de leur envoi.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 23 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 27 mars 2019, pourvoi n° 17-28.944), à la suite d'une procédure de saisie immobilière d'un bien en copropriété, engagée par un syndicat de copropriétaires à l'encontre de Mme [F] en raison de charges demeurées impayées, la Caisse de crédit mutuel Valdoie Giromagny (la banque), qui avait, par actes notariés des 21 novembre 2005 et 13 octobre 2006, consenti trois prêts à la société civile immobilière Floriana (la SCI), a demandé au juge de l'exécution l'autorisation de poursuivre la procédure de saisie immobilière par voie de subrogation, en se prévalant du cautionnement de ces prêts consenti par Mme [F] (la caution).

Examen des moyens

Sur le premier moyen

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caution et la SCI reprochent à l'arrêt de rejeter la demande de la caution en déchéance du droit aux intérêts pour non-respect de l'obligation d'information de la caution, alors « que le créancier professionnel doit adresser chaque année à la caution personne physique les informations prévues à l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ; que la seule production par le créancier de la copie d'une lettre d'information ne suffit pas à justifier de son envoi ; que la cour d'appel énonce que « la banque justifie par les courriers qu'elle verse aux débats avoir adressé à la caution l'information requise pour les années 2011 à 2018 pour les deux prêts n° 20188704 et n°20188705 » ; qu'en se bornant ainsi à faire état de la seule production par la banque de la copie de lettres d'information, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à justifier de l'envoi de ces courriers, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier :

4. Il résulte de ce texte qu'il appartient aux établissements de crédit et aux sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, de justifier de l'accomplissement des formalités légalement prévues et que la seule production de la copie de lettres d'information ne suffit pas à justifier de leur envoi.

5. Pour retenir que la banque a satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution, l'arrêt relève que la banque justifie, par les lettres qu'elle verse aux débats, avoir adressé à la caution l'information requise pour les années 2011 à 2018 pour les deux prêts n° 20188704 et n° 20188705.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à justifier de l'accomplissement des formalités prévues par le texte susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [F] en déchéance du droit aux intérêts pour non-respect de l'obligation d'information de la caution, l'arrêt rendu le 23 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 313-22 du code monétaire et financier.

Rapprochement(s) :

Com., 28 octobre 2008, pourvoi n° 06-17.145, Bull. 2008, IV, n° 176 (cassation partielle) ; Com 9 février 2016, pourvoi n° 14-22.179, Bull. 2016, IV, n° 24 (cassation partielle).

1re Civ., 25 mai 2022, n° 20-21.488, n° 20-22.355, (B), FRH

Cassation partielle

Caution – Recours contre le débiteur principal – Recours personnel – Exercice – Etendue – Détermination

L'absence de déchéance du terme à l'égard de l'un des débiteurs solidaires ne prive pas la caution de son droit d'exercer son recours personnel à l'encontre de celui-ci.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-21.488 et 20-22.355 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 3 septembre 2020, complété le 19 novembre 2020), la société Caisse d'épargne Rhône-Alpes (la banque) a consenti à M. [W] et Mme [S] (les emprunteurs) deux prêts immobiliers garantis par le cautionnement solidaire de la société Compagnie européenne des garanties et cautions (la caution).

3. Une ordonnance du 3 octobre 2016 a ordonné la suspension de l'exécution des obligations de Mme [S] pour une durée de douze mois.

4. Le 7 février 2017, à la suite d'échéances impayées, la banque a mis en demeure M. [W] puis, les 23 et 24 février suivants, a prononcé la déchéance du terme.

5. Après avoir payé à la banque les sommes réclamées, la caution a assigné les emprunteurs en remboursement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La caution fait grief aux arrêts de déclarer son action contre Mme [S] irrecevable, alors « que lorsque la caution exerce son recours personnel après paiement, le débiteur ne peut pas lui opposer les exceptions et moyens de défense dont il aurait disposé à l'égard du créancier ; qu'au cas présent, la caution ayant payé la dette des emprunteurs, elle ne pouvait se voir opposer, dans l'exercice de son recours personnel contre les débiteurs, l'exception tirée de l'absence de déchéance du terme à l'égard de Mme [S] ; qu'en jugeant néanmoins que la demande de la caution à l'encontre de Mme [S] était irrecevable aux motifs que « la caution étant subrogée dans les droits de la banque, ne peut avoir plus de droits que cette dernière », et « qu'ainsi, l'absence de déchéance du terme lui est opposable par Mme [S]", la cour d'appel a violé l'article 2305 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2305, 2307 et 2308, alinéa 2, du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 :

7. Selon le premier de ces textes, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal.

8. Selon le deuxième, lorsqu'il y a plusieurs débiteurs principaux solidaires d'une même dette, la caution qui les a tous cautionnés a, contre chacun d'eux, le recours pour la répétition du total de ce qu'elle a payé.

9. Il résulte du troisième que, si un débiteur peut faire valoir à sa caution qu'il aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu'elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l'absence de déchéance du terme de sa dette, celle-ci n'étant pas une cause d'extinction de ses obligations.

10. Il s'en déduit que l'absence de déchéance du terme à l'égard de l'un des débiteurs solidaires ne prive pas la caution de son droit d'exercer à son encontre son recours personnel.

11. Pour déclarer l'action de la caution contre Mme [S] irrecevable après avoir relevé qu'au moment de la délivrance des mises en demeure à M. [W], Mme [S] bénéficiait d'une mesure de suspension de ses obligations résultant des deux prêts pour une durée de douze mois notifiée à la banque le 4 octobre 2016, l'arrêt retient qu'aucune déchéance du terme ne pouvait être prononcée à son encontre avant le 4 octobre 2017, de sorte que la caution, subrogée dans les droits de la banque, ne pouvait avoir plus de droits que cette dernière.

12. En statuant ainsi, alors que la caution exerçait son recours personnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déclarent irrecevable l'action de la société Compagnie européenne des garanties et cautions à l'encontre de Mme [S], les arrêts rendus les 3 septembre 2020 et 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Serrier - Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats -

Textes visés :

Articles 2305, 2307 et 2308, alinéa 2, du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

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