Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

BAIL COMMERCIAL

3e Civ., 11 mai 2022, n° 21-15.389, (B), FS

Rejet

Domaine d'application – Bail d'une durée égale ou inférieure à deux ans – Congé délivré par le preneur – Effet

Un congé, délivré antérieurement au terme du dernier des baux dérogatoires successifs, dont la durée cumulée ne dépasse pas la durée légale, et qui manifeste la volonté des bailleurs de ne pas laisser le locataire se maintenir dans les lieux, le prive de tout titre d'occupation à l'échéance de ce bail.

Dès lors, une cour d'appel, qui relève qu'un contrat de bail dérogatoire comprend une clause de renouvellement tacite et que les bailleurs ont fait connaître leur volonté de ne pas poursuivre le bail tacitement renouvelé, en a exactement déduit que le locataire ne pouvait se prévaloir d'un défaut de respect des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, applicables aux seuls baux commerciaux statutaires.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 30 octobre 2020), M. et Mme [F] (les bailleurs), propriétaires d'une parcelle de terrain sur laquelle sont édifiés une maison et deux chalets meublés, ont consenti à la société L'R du Lac (la locataire) une location commerciale, dérogatoire au statut des baux commerciaux, pour une durée d'un an à compter du 1er juillet 2015, renouvelable tacitement pour la même durée dans la limite de trois années au total.

2. Les bailleurs ont signifié à la locataire, le 28 juin 2017, un congé à effet du 30 juin 2017, puis l'ont assignée en libération des lieux et en paiement d'une indemnité d'occupation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La locataire fait grief à l'arrêt de la déclarer occupante sans droit ni titre depuis le terme du bail, le 30 juin 2017, d'ordonner sous astreinte la libération des locaux occupés, au besoin par voie d'expulsion et de fixer l'indemnité d'occupation due aux bailleurs, alors « qu'il résulte des articles L. 145-5 et L. 145-9 du code de commerce et 1738 du code civil que, quelle que soit la durée du bail dérogatoire ou du maintien dans les lieux, si le preneur reste et est laissé en possession au-delà du terme contractuel, le congé alors donné par le bailleur est régi par les dispositions des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, peu important l'existence d'une tacite reconduction qui n'est pas une prorogation du terme du bail principal ; qu'au cas présent, un bail dérogatoire était consenti par les consorts [F] à la Sarl L'R du Lac pour une durée d'une année, avec tacite reconduction, commençant à courir du 1er juillet 2015 pour se terminer le 30 juin 2016 et la Sarl L'R du Lac ayant après ce terme contractuel continué à exploiter son fonds de commerce, le congé donné par le bailleur le 28 juin 2017 devait être annulé faute de respecter les formalités prévues pour les baux commerciaux régis par le statut découlant des articles L.145-1 et suivants du code de commerce ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

5. Un congé, délivré antérieurement au terme du dernier des baux dérogatoires successifs, dont la durée cumulée ne dépasse pas la durée légale, et qui manifeste la volonté des bailleurs de ne pas laisser le locataire se maintenir dans les lieux, le prive de tout titre d'occupation à l'échéance de ce bail.

6. La cour d'appel, qui a relevé, par motifs adoptés, que le contrat de bail dérogatoire prévoyait qu'il était « consenti et accepté pour une durée d'une année qui a commencé à courir rétroactivement du 1er juillet 2015 pour se terminer le 30 juin 2016 et qu'il sera renouvelé tacitement à l'issue de la première année et ainsi chaque année, sans dépasser une durée maximum de trois ans » et qu'aucun délai de prévenance, hormis l'antériorité du congé au regard de la date d'expiration du bail, n'était imposé au bailleur, et qui a retenu, par motifs propres, que les bailleurs avaient fait connaître, par acte d'huissier du 28 juin 2017 antérieur au terme normal du bail, leur volonté de ne pas poursuivre celui-ci, en a exactement déduit que la locataire ne pouvait se prévaloir d'un défaut de respect des dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce, applicables aux seuls baux commerciaux statutaires.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : Me Bouthors ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 145-5, L. 145-9 et L. 145-41 du code de commerce ; article 1738 du code civil.

3e Civ., 11 mai 2022, n° 21-16.348, (B), FS

Rejet

Indemnité d'occupation – Fixation – Installation classée – Arrêt définitif de l'exploitation – Remise en état du site – Inexécution

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 janvier 2021), la société civile immobilière Brunelot (la SCI Brunelot) est propriétaire d'un immeuble dont la zone nord était le terrain d'emprise d'une activité de récupération et de traitement de déchets ferreux et de métaux relevant des installations classées pour la protection de l'environnement, les activités connexes de stockage de véhicules et de bennes, de dépôt de gaz et de station de traitement des eaux usées s'exerçant sur la zone sud.

2. La société Galloo littoral, qui exploitait l'ensemble de ces activités au titre d'un bail commercial, a donné congé à la SCI Brunelot le 12 décembre 2012, avec effet au 30 juin 2013, et a avisé son bailleur du dépôt en préfecture d'un dossier de cessation d'activité conformément aux articles R. 512-39-1 et suivants du code de l'environnement.

3. La direction régionale et interdépartementale de l'environnement (la DREAL) ayant conclu à la nécessité de réaliser des travaux pour permettre la réutilisation du site pour un usage industriel, la SCI Brunelot, après désignation d'un expert judiciaire, a assigné la société Galloo littoral en paiement des travaux de nettoyage et de remise en état du site, en indemnisation de ses divers préjudices et en paiement d'une indemnité d'occupation.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société Galloo littoral fait grief à l'arrêt de la condamner au remboursement des travaux de nettoyage et de remise en état du site, alors :

« 1°/ que l'autorité de la chose jugée suppose que la chose demandée soit la même et que les demandes fondées sur les mêmes causes ; qu'en écartant le moyen pris de ce que la SCI Brunelot avait manifesté, durant les opérations d'expertise, son intention de reprendre l'exploitation du site au motif que par arrêt du 24 janvier 2019, la cour d'appel de Douai avait débouté la société Galloo littoral de sa demande tendant au remboursement du coût des travaux de construction des clôtures et de celle visant à disposer librement des constructions, quand les demandes dont elle était saisie n'étaient pas identiques à celles formées lors de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 24 janvier 2019, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil ;

2°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en se bornant à mettre en avant l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 24 janvier 2019, quand celui-ci n'avait pas tranché dans son dispositif le point de savoir si la SCI Brunelot avait manifesté, au cours des opérations d'expertise, l'intention de reprendre l'exploitation du site, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile ;

3°/ que le dernier exploitant est tenu d'une obligation de remise en l'état lors de la mise à l'arrêt définitive d'une installation classée pour la protection de l'environnement ; que tel n'est pas le cas lorsqu'à la fin du bail, le bailleur manifeste l'intention de reprendre l'exploitation par lui-même ou par l'intermédiaire d'un repreneur ; qu'en retenant que la SCI Brunelot, en sa qualité de bailleur, n'avait pas manifesté l'intention de reprendre l'exploitation du site, sans rechercher, comme l'y invitait la société Galloo littoral, si cette intention ne résultait pas du fait que la SCI Brunelot avait, lors de ses rencontres avec la Préfecture de Calais et des services de la DREAL, évoqué le maintien de l'affectation du site à un usage industriel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 512-6-1 du code de l'environnement ;

4°/ que le dernier exploitant est tenu d'une obligation de remise en l'état lors de la mise à l'arrêt définitive d'une installation classée pour la protection de l'environnement ; que tel n'est pas le cas lorsqu'à la fin du bail, le bailleur manifeste l'intention de reprendre l'exploitation par lui-même ou par l'intermédiaire d'un repreneur ; qu'en retenant que le fait que la société Vessiere exploite désormais le site n'était pas de nature à confirmer l'intention initiale du bailleur de reprendre l'exploitation du site dans la mesure où l'activité exercée par celle-ci l'était sous le régime de la déclaration quand l'activité alors exercée par la société Galloo littoral l'était sous le régime de l'autorisation, sans rechercher comme l'y invitait expressément la société Galloo littoral, si cette différence n'était pas exclusivement justifiée par la superficie de l'exploitation déclarée par la société Vessiere et non par le fait que les activités successivement exploitées étaient différentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 512-6-1 du code de l'environnement. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles L. 512-6-1 et R. 512-39-1 et suivants du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable à l'espèce, que, lorsqu'une installation classée pour la protection de l'environnement est mise à l'arrêt définitif, la mise en sécurité et la remise en état du site incombent au dernier exploitant, les mesures nécessaires devant être prises ou prévues dès l'arrêt de l'exploitation.

7. La cour d'appel a relevé que la société Galloo littoral avait, le 29 mars 2013, déposé en préfecture, sur le fondement des articles R. 512-39-1 et R. 512-39-2 du code de l'environnement, un dossier de cessation définitive d'activité pour l'ensemble des activités exercées sur le site, et en avait informé la SCI Brunelot.

8. Elle a constaté qu'après instruction par la DREAL, l'autorité administrative avait exigé que la société Galloo littoral, au titre de ses obligations environnementales, remette le site en état pour un usage futur comparable à celui de la dernière période d'exploitation et qu'un arrêté de mise en demeure lui avait été adressé le 26 avril 2017.

9. L'intention du propriétaire de reprendre l'exercice de son activité industrielle étant sans incidence sur l'obligation légale particulière de mise en sécurité et remise en état du site pesant sur le dernier exploitant dans l'intérêt général de protection de la santé ou de la sécurité publique et de l'environnement, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs que l'obligation de remettre le site en état s'imposait au locataire exploitant ayant mis l'installation à l'arrêt définitif.

10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. La société Galloo Littoral fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une indemnité d'occupation, alors :

« 1°/ que la réparation du dommage, qui doit être intégrale, ne saurait excéder le montant du préjudice ; qu'ainsi le paiement d'une indemnité d'occupation, calculée sur la valeur locative du bien, suppose qu'à raison de la méconnaissance de ses obligations par le preneur, le bailleur se trouve dans l'impossibilité d'exploiter son bien ; que tel n'est pas le cas lorsque l'inexécution des travaux de remise en état ne s'oppose pas, compte tenu de leur ampleur limitée, à l'exploitation du bien par le bailleur, et notamment à sa relocation ; qu'en retenant que la SCI Brunelot était fondée à solliciter une indemnité d'occupation jusqu'à l'achèvement des travaux de remise en état « et ce quelle que soit l'ampleur des travaux à réaliser », quand elle devait au contraire rechercher si la non réalisation des travaux s'opposait, à raison de leur ampleur, à l'exploitation du site par la SCI Brunelot, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du code civil ;

2°/ que la réparation du dommage, qui doit être intégrale, ne saurait excéder le montant du préjudice ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait la société Galloo littoral, si au regard des circonstances de l'espèce, et notamment de l'ampleur des travaux à réaliser et du fait que la SCI Brunelot n'était pas dans l'impossibilité d'exploiter son bien, notamment en procédant à sa relocation, la condamnation de la société Galloo littoral à verser, pendant une période de plus de trois ans, une indemnité d'occupation calculée sur la valeur locative de l'ensemble du site n'était pas disproportionnée au regard du préjudice subi par la SCI Brunelot, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du code civil, ensemble au regard du principe de proportionnalité. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a retenu que l'exercice d'une activité comparable sur le site à l'issue du bail avait été envisagé par l'expert judiciaire avant les prescriptions ultérieures de travaux complémentaires résultant d'un arrêté préfectoral du 29 juin 2016, après nouvelle inspection de la DREAL, et que cette reprise aurait été subordonnée à un accord avec le nouvel exploitant, inopposable au bailleur, pour que l'enlèvement des déchets se fasse pendant les études et procédures de relocation de droit commun et l'instruction des procédures administratives nécessaires.

13. Elle a relevé qu'un arrêté préfectoral de mise en demeure du 26 avril 2017 avait imposé à la société Galloo littoral la mise en sécurité des regards, le traitement de la cuve de gasoil, la réparation de la dalle béton en zone nord et en zone sud, au niveau des affaissements, pour prévenir l'infiltration des eaux pluviales dans le sol, la réfection des réseaux d'eaux pluviales de parking et des eaux pluviales des anciennes zones d'exploitation, la sécurisation des réseaux de gestion des eaux et des cuves enterrées par la mise en place de plaques métalliques au niveau des regards, ainsi que la mise en place d'une surveillance des eaux souterraines par la pose de piézomètres.

14. Elle a pu en déduire, ayant procédé à la recherche prétendument omise sur l'ampleur des travaux et sans être tenue de procéder à une recherche sur le caractère disproportionné ou non de l'indemnité d'occupation qui n'était pas demandée, que le locataire, n'ayant pas, au jour de son départ, effectué les mesures de mise en sécurité et de remise en état qui lui incombaient au titre de la législation sur les installations classées, était redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'à la date du procès-verbal de récolement établi par l'administration en application de l'article R. 512-39-3, III, du code de l'environnement.

15. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gaschignard -

Textes visés :

Articles L. 512-6-1, R. 512-39-1 et R. 512-39-2 du code de l'environnement dans leur rédaction applicable à l'espèce ; article R. 512-39-3, III, du code de l'environnement.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 2 avril 2008, pourvoi n° 07-12.155, Bull. 2008, III, n° 63 (rejet), et les arrêts cités. 3e Civ., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-15.255, Bull. 2010, III, n° 101 (rejet) ; 3e Civ., 23 juin 2016, pourvoi n° 15-11.440, Bull. 2016, III, n° 81 (cassation partielle).

3e Civ., 11 mai 2022, n° 20-21.651, n° 20-21.652, n° 20-21.689, (B), FS

Cassation partielle

Prix – Révision – Fixation du prix du loyer révisé – Décision exclusive de toute condamnation – Portée

En application de l'article R. 145-23 du code de commerce, la compétence du juge des loyers qui lui permet, après avoir fixé le prix du bail révisé ou renouvelé, d'arrêter le compte que les parties sont obligées de faire, est exclusive du prononcé d'une condamnation.

Prix – Fixation du loyer du bail renouvelé – Valeur locative

Selon l'article L. 145-33, 1°, du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d'accord, cette valeur est notamment déterminée d'après les caractéristiques du local considéré. Selon l'article R. 145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s'apprécient notamment en considération de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux, de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée. Prive sa décision de base légale au regard de ces textes, la cour d'appel qui fixe le loyer commercial à une certaine somme en considération de la surface de vente effectivement exploitée par le locataire compte tenu de la transformation en réserve d'une partie antérieurement utilisée en surface de vente, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'affectation à la vente d'une surface moindre que celle autorisée par le bail pour cette activité ne résultait pas d'un choix de gestion du locataire inopposable au bailleur.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-21.689, 20-21.651 et 20-21.652 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon le premier arrêt attaqué (Pau, 9 septembre 2020, n° 19/00730), la société Besson chaussures, locataire de locaux commerciaux appartenant à la société Dax meubles, a saisi le juge des loyers commerciaux, qui a fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er février 2013, par jugement du 20 février 2019.

3. Selon le second arrêt attaqué (Pau, 9 septembre 2020, n° 19/03611), la société Besson chaussures a fait pratiquer, le 28 juin 2019, sur un compte bancaire ouvert au nom de la société Dax meubles, une saisie-attribution d'une certaine somme, en vertu de la décision du juge des loyers commerciaux.

La société Dax meubles a saisi le juge de l'exécution en annulation de la saisie-attribution invoquant l'inexistence d'un titre exécutoire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° 20-21.689, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi n° 20-21.651

Enoncé du moyen

5. La société Besson chaussures fait grief à l'arrêt n° 19/00730 de dire n'y avoir lieu à condamnation de la société Dax meubles au remboursement du trop-perçu de loyers, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2013, puis à compter de chaque échéance trimestrielle, alors « que le juge des loyers commerciaux qui fixe le prix du loyer révisé à un montant inférieur à celui du loyer versé par le preneur est compétent pour statuer sur la demande de restitution par le bailleur du trop-perçu qui en résulte, cette demande étant accessoire à la demande principale ; qu'en retenant, après avoir fixé le montant du loyer du bail renouvelé, que la condamnation de la société Dax meubles au remboursement du trop-perçu de loyers, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2013, excédait sa compétence, la cour d'appel a violé l'article 1376, devenu l'article 1302-1 du code civil, ensemble l'article R. 145-23 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article R. 145-23 du code de commerce, la compétence du juge des loyers qui lui permet, après avoir fixé le prix du bail révisé ou renouvelé, d'arrêter le compte que les parties sont obligées de faire est exclusive du prononcé d'une condamnation.

7. La cour d'appel, statuant sur l'appel d'une décision du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire, qui a retenu que la locataire sollicitait la condamnation de la bailleresse au paiement d'une certaine somme, a exactement décidé que le prononcé d'une condamnation excédait ses pouvoirs.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen du pourvoi n° 20-21.689

Enoncé du moyen

9. La société Dax meubles fait grief à l'arrêt n° 19/00730 de fixer le loyer commercial à la somme de 185 061,63 euros hors taxes et hors charges, alors « que la décision du locataire de ne pas exploiter certaines surfaces n'est pas opposable au bailleur ; qu'en énonçant que c'était de manière conforme à la réalité qu'en l'espèce, l'expert judiciaire avait déterminé que la surface de vente exploitée par la société Besson chaussures était de 1 571 m², compte tenu de la transformation en réserve, unilatéralement décidée et mise en oeuvre par cette société preneur, d'une partie du local qu'elle utilisait antérieurement comme surface de vente, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33 et R. 145-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-33, 1°, et R. 145-3 du code de commerce :

10. Selon le premier texte, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d'accord, cette valeur est notamment déterminée d'après les caractéristiques du local considéré.

11. Selon le second, les caractéristiques propres au local s'apprécient notamment en considération de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux et de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée.

12. Pour fixer le loyer commercial à une certaine somme, l'arrêt, après avoir constaté que le bail désigne un local à usage commercial représentant une surface de vente en rez-de-chaussée d'environ 2 000 m², retient que la superficie d'exploitation mentionnée au bail ne correspond pas à la surface réellement consacrée par l'exploitant à ses activités de vente à la clientèle mais inclut nécessairement des parties à vocation administrative ou de réserve et que la surface de vente exploitée était en l'espèce de 1 571 m², compte tenu de la transformation en réserve d'une partie antérieurement utilisée en surface de vente.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'affectation à la vente d'une surface moindre, que celle autorisée par le bail pour cette activité, ne résultait pas d'un choix de gestion du locataire inopposable au bailleur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le moyen du pourvoi n° 20-21.652, ci-après annexé

14. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen du pourvoi n° Y 20-21.652, dès lors que la cassation de l'arrêt du 9 septembre 2020 (n° 19/00730) entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 9 septembre 2020 (n° 19/03611) qui est l'exécution de la décision cassée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le loyer au 1er février 2013 à la somme de 185 061,63 euros hors taxes et hors charges, l'arrêt rendu le 9 septembre 2020 (n° 19/00730), entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

ANNULE l'arrêt rendu le 9 septembre 2020 (n° 19/03611), rendu entre les parties, par la cour d'appel de Pau.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article R. 145-23 du code de commerce ; articles L. 145-33, 1°, et R. 145-3 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 18 mars 1992, pourvoi n° 90-14.000, Bull. 1992, III, n° 96 (rejet).

3e Civ., 11 mai 2022, n° 19-13.738, (B), FS

Cassation partielle

Renouvellement – Acceptation du bailleur – Effets – Résolution du bail – Renonciation

Il résulte des articles L. 145-10, alinéa 4, et L. 145-11 du code commerce que l'acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail, sous la seule réserve d'une éventuelle fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé, manifeste la volonté du bailleur de renoncer à la résolution de celui-ci en raison des manquements du locataire aux obligations en découlant et dénoncés antérieurement.

Encourt, dès lors, la censure, l'arrêt qui accueille la demande en constatation de la résiliation du bail alors que le bailleur, en notifiant au locataire l'acceptation du principe du renouvellement du bail postérieurement au commandement visant la clause résolutoire dont les effets n'avaient pas été constatés judiciairement, avait renoncé sans équivoque à se prévaloir des infractions dénoncées à ce commandement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2019), rendu en référé, et les productions, M. et Mme [Y] (les bailleurs) ont, le 1er février 2003, donné à bail commercial à M. [R] et Mme [E] (les preneurs) divers locaux.

2. Le 22 novembre 2017, les bailleurs ont délivré aux preneurs un commandement, visant la clause résolutoire, de payer un arriéré au titre de la régularisation de charges et de justifier d'une assurance contre les risques locatifs.

Le 12 janvier 2018, ils ont accepté, moyennant un loyer plus élevé, le principe du renouvellement du bail commercial, demandé par les preneurs, le 12 octobre 2017.

3. Par acte du 21 décembre 2017, les preneurs ont sollicité des délais de paiement et, le 28 mars 2018, les bailleurs ont demandé, à titre reconventionnel, la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et la condamnation des preneurs au paiement de diverses provisions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, et sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Les preneurs font grief à l'arrêt de constater l'acquisition, à la date du 22 décembre 2017, de la clause résolutoire insérée au bail consenti le 1er février 2003, d'ordonner, à défaut de restitution volontaire, leur expulsion et celle de tout occupant de leur chef des lieux loués, de fixer l'indemnité d'occupation due par les preneurs et de les condamner solidairement au paiement de cette indemnité, alors « qu'en retenant que les bailleurs ne pouvaient être regardés comme ayant renoncé à se prévaloir du commandement en acceptant le principe du renouvellement du bail dès lors que le bail initialement conclu étant résilié de plein droit le 22 décembre 2007, les bailleurs étaient libres de consentir un nouveau contrat, une éventuelle nouvelle convention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-8, L. 145-10, L. 145-11 et L. 145-41 du code de commerce.»

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-10, alinéa 4, et L. 145-11 du code commerce :

6. Selon le premier de ces textes, dans les trois mois de la notification de la demande du preneur en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

7. Selon le second, le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l'article L. 145-9 ou dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l'article L. 145-10, faire connaître le loyer qu'il propose.

8. Il en résulte que l'acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail, sous la seule réserve d'une éventuelle fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé, manifeste la volonté du bailleur de renoncer à la résolution de celui-ci en raison des manquements du locataire aux obligations en découlant et dénoncés antérieurement.

9. Pour accueillir la demande reconventionnelle en constatation de la résiliation du bail, l'arrêt retient que les preneurs ne peuvent valablement soutenir que les bailleurs ont renoncé à se prévaloir du commandement du 22 novembre 2017, dès lors que le bail initialement conclu entre les parties a été résilié de plein droit le 22 décembre 2017, les bailleurs étant libres de consentir un nouveau contrat, les parties ne s'étant d'ailleurs manifestement pas encore entendues sur les termes d'une éventuelle nouvelle convention, et notamment sur le montant du loyer.

10. En statuant ainsi, alors qu'en notifiant aux locataires, le 12 janvier 2018, soit postérieurement au commandement du 22 novembre 2017 visant la clause résolutoire dont les effets n'avaient pas été constatés judiciairement, une acceptation du principe du renouvellement du bail, les bailleurs ont renoncé sans équivoque à se prévaloir des infractions dénoncées au commandement antérieur pour obtenir la résiliation du bail renouvelé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

 - constate l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 22 décembre 2017 ;

 - ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de M. [R] et de Mme [E] et de tout occupant de leur chef des lieux sis [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

 - dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivant du code des procédures civiles d'exécution ;

 - fixe à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par M. [R] et Mme [E], à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné solidairement M. [R] et Mme [E] au paiement de cette indemnité ;

l'arrêt rendu le 16 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 145-10, alinéa 4, et L. 145-11 du code commerce.

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