Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

AUTOMOBILE

1re Civ., 11 mai 2022, n° 20-19.732, (B), FS

Cassation partielle

Garagiste – Responsabilité contractuelle – Réparation d'un véhicule – Faute – Présomption

Il résulte des articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.

Dès lors, viole ces textes la cour d'appel qui, par des motifs impropres à écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et celle du lien causal, rejette la demande du client au titre du coût de la remise en état du véhicule, en retenant que, si les interventions du garagiste n'ont pas permis de mettre fin aux dysfonctionnements, ceux-ci ne sont pas imputables à ses défaillances et que le garagiste n'a manqué à ses obligations qu'en ce qu'il n'a pas su déceler le vice pour proposer les solutions adéquates.

Garagiste – Responsabilité contractuelle – Réparation d'un véhicule – Présomptions de faute et de causalité – Condition – Survenance ou persistance des désordres

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 février 2020), Mme [U] (le client), ayant acquis de M. [O] (le vendeur) un véhicule d'occasion présentant des pannes récurrentes, l'a confié à plusieurs reprises à la société Bayern Landes Pays Basque (le garagiste).

2. En raison de la persistance de dysfonctionnements et après la réalisation d'expertises, le vendeur a versé une indemnisation au client qui a ensuite assigné le garagiste en responsabilité et indemnisation.

3. Le garagiste a été condamné à payer au client différentes sommes au titre des travaux facturés, du préjudice de jouissance et des frais d'expertise.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le client fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation du coût de la remise en état du véhicule, alors « que l'obligation de résultat, qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage ; qu'en déboutant Mme [U] de sa demande d'indemnisation au titre de la remise en état du véhicule, tout en constatant que les interventions de la société Bayern Landes Pays Basque n'ont pas été suffisantes pour diagnostiquer la cause exacte des pannes, puis pour en tirer les conséquences en procédant aux réparations adéquates, ce qui a causé des dépenses inutiles, sans remédier aux défauts, quand, si la réparation réalisée ne permet pas un emploi normal du véhicule, le garagiste doit supporter le coût de la remise en état du véhicule, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil :

5. Il résulte de ces textes que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.

6. S'il a été précédemment mis à la charge du garagiste une obligation de résultat (1re Civ., 2 février 1994, pourvoi n° 91-18.764, Bull. 1994, I, n° 41 ; 1re Civ., 8 décembre 1998, pourvoi n° 94-11.848, Bull.1998, I, n° 343) et une responsabilité de plein droit (1re Civ., 28 mars 2008, pourvoi n° 06-18.350, Bull. 2008, I, n° 94 ; 1re Civ., 31 octobre 2012, pourvoi n° 11-24.324, Bull. 2012, I, n° 227) et jugé que c'est l'obligation de résultat auquel le garagiste est tenu qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage (1re Civ., 8 décembre 1998, précité ; 1re Civ., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-16.717, Bull. 1197, I, n° 279), la référence à une telle obligation et un tel régime de responsabilité n'est pas justifiée dès lors qu'il a été admis que la responsabilité du garagiste pouvait être écartée, même si le résultat n'a pas été atteint, en prouvant qu'il n'a pas commis de faute (1re Civ., 2 février 1994, précité ; 1re Civ., 17 février 2016, pourvoi n° 15-14.012). Il y a donc lieu d'opérer une telle clarification.

7. Pour rejeter la demande formée par le client au titre du coût de la remise en état du véhicule, l'arrêt retient que les désordres sont dus à un défaut d'entretien du vendeur, que les interventions du garagiste n'ont pas permis d'y mettre fin, ce qui a causé des dépenses inutiles, que le vendeur du véhicule a indemnisé l'acquéreur en concluant une transaction avec lui et que les défauts ne sont pas imputables aux défaillances du garagiste qui n'a manqué à ses obligations qu'en ce qu'il n'a pas su déceler le vice pour fournir les solutions adéquates.

8. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et celle du lien causal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [U] formée contre la société Bayern Landes Pays Basque au titre du coût de la remise en état du véhicule et renvoie les parties à procéder aux rétablissements de comptes résultant de l'infirmation partielle qui vaut titre de restitution, l'arrêt rendu le 25 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Dazzan - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-18.867, Bull., (cassation).

1re Civ., 11 mai 2022, n° 20-18.867, (B), FS

Cassation

Garagiste – Responsabilité contractuelle – Réparation d'un véhicule – Faute – Présomption

Il résulte des articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.

Dès lors, prive sa décision de base légale le tribunal qui, par des motifs impropres à écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et celle du lien causal, condamne le client à payer le solde de la facture en retenant que le garagiste est intervenu à deux reprises sur le système de climatisation, mais qu'en l'absence d'élément technique objectif ou d'expertise contradictoire, la production de la facture ne permet pas d'établir que la défectuosité alléguée de ce dernier soit reliée à son intervention.

Garagiste – Responsabilité contractuelle – Réparation d'un véhicule – Présomptions de faute et de causalité – Condition – Survenance ou persistance des désordres

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Evreux, 15 juin 2020), rendu en dernier ressort, M. [X] (le client) a fait opposition à une injonction de payer du 13 juillet 2018, le condamnant à payer à la société Carrosserie Le Cam (le garagiste), cessionnaire depuis le 30 juin 2016 du fonds de commerce de la société Electricité Auto, la somme de 1 320,40 euros au titre du solde d'une facture du 3 novembre 2017 et a formé reconventionnellement des demandes d'indemnisation, en invoquant avoir confié son véhicule à ces sociétés à la suite de dysfonctionnements du système de climatisation non résolus.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Le client fait grief au jugement de le condamner à payer au garagiste la somme de 1 320,40 euros au titre de la facture du 3 novembre 2017, outre les intérêts légaux, et de rejeter ses demandes reconventionnelles, alors « que l'obligation de résultat, qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage ; qu'en exigeant de M. [X] qu'il rapporte la preuve que le défaut ait un lien avec l'intervention du garagiste et en décidant que la seule production de la facture intitulée « atelier [X] » ne permettait pas d'établir que la défectuosité alléguée du système de climatisation était reliée à l'intervention de la société Carrosserie Le Cam, en l'absence de tout élément technique objectif ou d'élément d'expertise contradictoire, après avoir posé en principe que « la responsabilité de plein droit qui pèse sur la garagiste réparateur ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat », le tribunal a violé les articles 1147 et 1315 du code civil dans leur rédaction antérieure à la réforme du droit des obligations.»

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil :

3. Il résulte de ces textes que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.

4. S'il a été précédemment mis à la charge du garagiste une obligation de résultat (1re Civ., 2 février 1994, pourvoi n° 91-18.764, Bull. 1994, I, n° 41 ; 1re Civ., 8 décembre 1998, pourvoi n° 94-11.848, Bull.1998, I, n° 343) ou une responsabilité de plein droit (1re Civ., 28 mars 2008, pourvoi n° 06-18.350, Bull. 2008, I, n°94 ; 1re Civ., 31 octobre 2012, pourvoi n° 11-24.324, Bull. 2012, I, n° 227) et jugé que c'est l'obligation de résultat auquel le garagiste est tenu qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage (1re Civ., 8 décembre 1998, précité ; 1re Civ., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-16.717, Bull. 1197, I, n° 279), la référence à une telle obligation et un tel régime de responsabilité n'est pas justifiée dès lors qu'il a été admis que la responsabilité du garagiste pouvait être écartée, même si le résultat n'a pas été atteint, en prouvant qu'il n'a pas commis de faute (1re Civ., 2 février 1994, précité ; 1re Civ., 17 février 2016, pourvoi n° 15-14.012). Il y a donc lieu d'opérer une telle clarification.

5. Pour condamner le client à payer au garagiste le solde de la facture et rejeter ses demandes reconventionnelles, le jugement retient que, si le garagiste est intervenu à deux reprises pour recharger la climatisation, la production de la facture ne permet pas d'établir que la défectuosité alléguée du système de climatisation soit reliée à son intervention en l'absence de tout élément technique objectif ou d'expertise contradictoire et que la recherche de panne effectuée ensuite, à la demande du client, au sein d'un autre établissement, ne prouve pas un manquement du garagiste.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et celle du lien causal, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 15 juin 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Evreux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Rouen.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Dazzan - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Boullez -

Textes visés :

Articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 2 février 1994, pourvoi n° 91-18.764, Bull. 1994, I, n° 41 (cassation) ; 1re Civ., 8 décembre 1998, pourvoi n° 94-11.848, Bull. 1998, I, n° 343 (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.