Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2022

APPEL CIVIL

2e Civ., 19 mai 2022, n° 21-10.685, (B), FRH

Rejet

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée – Absence d'effet dévolutif

Il résulte de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel, fondée sur ce même grief, aurait été rejetée, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, ayant le pouvoir, en application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile.

Effet dévolutif – Décision sur l'absence d'effet dévolutif – Compétence – Exclusion – Conseiller de la mise en état

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2020), Mme [W] et son fils, M. [T] [W], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [U] [W], ont, par déclaration du 23 novembre 2017, relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance ayant déclaré irrecevable comme prescrite leur action en responsabilité engagée contre M. [X], en son nom personnel et en qualité de liquidateur de la société [X], aux droits desquels viennent la société [Y] [X] représentée par son liquidateur Mme [Z] [X], Mmes [N], [Z] et [D] [X] venant aux droits de [Y] [X], et contre la société MMA IARD.

2. La société Cabinet d'architecture [V] [R] et [C] [H], aux droits de laquelle se trouve la société Atelier l'Echelle, et la société Mutuelle des architectes français ont été appelées en garantie.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [W] et M. [T] [W] font grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, alors :

« 1°/ que, lorsqu'une demande en annulation de la déclaration d'appel, fondée sur l'absence de mention, dans cette déclaration, des chefs du jugement critiqués, est rejetée par le conseiller de la mise en état au motif que, le chef de dispositif que l'appelant a entendu remettre en cause étant aisément identifiable, ce vice de forme ne cause aucun grief à l'intimé, la cour d'appel doit être regardée comme saisie de l'effet dévolutif de l'appel ; que, dans son ordonnance du 3 juillet 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande des intimés tendant à l'annulation de la déclaration d'appel formée par les époux [W], au motif que, le dispositif du jugement attaqué ne comportant, outre les condamnations aux dépens et aux indemnités de procédure, qu'une seule disposition, par laquelle le jugement a déclaré l'action prescrite, l'appel portait nécessairement sur cette disposition, de sorte que les intimés ne justifiaient d'aucun grief résultant de la mention, dans cette déclaration, selon laquelle l'appel était « total » ; qu'en considérant, pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, que la déclaration d'appel ne visait aucun chef de jugement critiqué, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile ;

2°/ que le constat de l'absence d'effet dévolutif de l'appel ne bénéficie qu'à l'intimé qui s'en est prévalu devant la cour d'appel ; que seule la société MAF avait demandé à la cour d'appel de juger que l'acte d'appel des consorts [W] était dépourvu de tout effet dévolutif ; qu'en considérant qu'elle n'était saisie d'aucune demande, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

5. En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

6. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel fondée sur ce même grief aurait été rejetée.

7. En application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile.

8. Ayant relevé que la déclaration d'appel mentionnait au titre de l'objet/portée de l'appel un « appel total » et ne visait aucun chef de jugement critiqué et qu'aucune régularisation de la déclaration d'appel n'était intervenue dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, la cour d‘appel, qui ne pouvait que constater que cette déclaration d'appel était dépourvue d'effet dévolutif, quand bien même le conseiller de la mise en état avait rejeté la demande d'annulation de cette déclaration d'appel fondée sur l'absence de mention des chefs de jugement critiqués faute de grief causé aux intimés, en a exactement déduit qu'elle n'était saisie d'aucune demande, l'absence d'effet dévolutif opérant pour l'ensemble des intimés.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Balat -

Textes visés :

Article 542 et 914 du code de procédure civile ; article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 20 décembre 2017, n° 17-70.034, Bull. 2017, Avis, n° 12.

2e Civ., 19 mai 2022, n° 21-10.423, (B), FRH

Cassation

Acte de procédure – Transmission par voie électronique – Obligation – Limite – Cause étrangère – Cas – Transmission simultanée de l'assignation et des pièces visées dans la requête – Absence d'obligation de limiter la taille des envois et de faire des envois séparés – Portée

Selon l'article 920, alinéa 2, 3 et 4 du code de procédure civile, copies de la requête, de l'ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l'article 919, sont joints à l'assignation. L'assignation informe l'intimé que, faute de constituer avocat avant la date de l'audience, il sera réputé s'en tenir à ses moyens de première instance. L'assignation indique à l'intimé qu'il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l'audience les nouvelles pièces dont il entend faire état.

Il résulte de l'article 922 dudit code que la cour d'appel est saisie par la remise de la copie de l'assignation au greffe.

L'article 930-1 du même code prévoit que dans la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ; l'irrecevabilité sanctionnant cette obligation est écartée lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit ; l'acte est en ce cas remis au greffe sur support papier.

Il en découle qu'aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction et de transmettre, par envois séparés, l'assignation à jour fixe et les pièces visées dans la requête prévue aux articles 918 et 920 du code de procédure civile.

Encourt la cassation un arrêt de cour d'appel, qui, pour constater l'irrecevabilité des assignations et la caducité de l'appel en application des articles 922 et 930-1 du code de procédure civile, retient que la taille de l'envoi de l'appelant correspondant aux assignations et leurs annexes était de 2,8 Mo et que ce n'est qu'en raison de la transmission simultanée des pièces que la taille de l'envoi global dépassait 11 Mo et que dès lors, l'appelant ne justifie pas de la cause étrangère alléguée qui l'aurait empêché de remettre au greffe par le RPVA une copie des assignations signifiées aux intimés.

Procédure à jour fixe – Assignation – Dépôt d'une copie au greffe – Remise par voie électronique – Obligations – Exclusion – Absence d'obligation de limiter la taile des envois et de faire des envois séparés – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 2020), M. [T] a saisi un conseil de prud'hommes aux fins de requalification en contrat de travail de son contrat de prestation de services avec la société Takeeateasy, placée en liquidation judiciaire, puis a relevé appel du jugement du 21 juin 2018 qui a déclaré la juridiction incompétente.

2. Ayant saisi le premier président d'une requête en application de l'article 84, alinéa 2 du code de procédure civile, il a été autorisé à assigner à jour fixe pour l'audience du 19 décembre 2019.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [T] fait grief à l'arrêt de constater la caducité de la déclaration d'appel transmise le 6 mai 2019, sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, ainsi que l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour, alors « que dans le cadre de la procédure à jour fixe, copies de la requête, de l'ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d'appel doivent être joints à l'assignation et qu'aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction ou de transmettre un acte de procédure en plusieurs envois scindés ; qu'en retenant, pour considérer que l'impossibilité de remettre l'assignation accompagnée des pièces essentielles faisant corps avec elle par la voie électronique en raison de la taille du fichier ne constituait pas un dysfonctionnement dans le dispositif de transmission caractérisant une cause étrangère et autorisant la remise au greffe des conclusions sur support papier, que l'obstacle pouvait être surmonté en s'abstenant de transmettre les pièces ou en les transmettant par un message séparé, modalités non prévues par les textes, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 920, 922 et 930-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 920, alinéas 2, 3, 4, 922 et 930-1 du code de procédure civile :

4. Selon le premier de ces textes, copies de la requête, de l'ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l'article 919, sont joints à l'assignation.

L'assignation informe l'intimé que, faute de constituer avocat avant la date de l'audience, il sera réputé s'en tenir à ses moyens de première instance.

L'assignation indique à l'intimé qu'il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l'audience les nouvelles pièces dont il entend faire état.

5. Selon le deuxième, la cour d'appel est saisie par la remise de la copie de l'assignation au greffe.

6. Dans la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ; l'irrecevabilité sanctionnant cette obligation est écartée lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit ; l'acte est en ce cas remis au greffe sur support papier.

7. Pour constater l'irrecevabilité des assignations et la caducité de l'appel en application des articles 922 et 930-1 du code de procédure civile, l'arrêt retient en substance que la taille de l'envoi de l'appelant correspondant aux assignations et leurs annexes était de 2,8 Mo et que ce n'est qu'en raison de la transmission simultanée des pièces que la taille de l'envoi global dépassait 11 Mo et que dès lors, l'appelant ne justifie pas de la cause étrangère alléguée qui l'aurait empêché de remettre au greffe par le RPVA une copie des assignations signifiées aux intimés.

8. En statuant ainsi, alors qu'aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction et de transmettre, par envois séparés, l'assignation à jour fixe et les pièces visées dans la requête prévue aux articles 918 et 920 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles 918, 919, 920, 922 et 930-1 du code de procédure civile.

2e Civ., 19 mai 2022, n° 21-10.580, (B), FRH

Rejet

Délai – Point de départ – Notification – Cas – Erreur matérielle – Décision rectificative – Absence d'effet

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2020), à l'issue de l'instruction de la demande de M. [G], salarié de la société Lactalis Nestlé ultra frais marques (la société Lactalis), la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire (la CPAM) a notifié à celle-ci, le 8 octobre 2015, la prise en charge de la maladie de celui-ci au titre de la législation professionnelle.

2. Après un recours amiable, rejeté, la société Lactalis a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une contestation de cette décision.

3. Par jugement du 7 septembre 2017, notifié le 19 septembre 2017, la juridiction a considéré, dans ses motifs, que la CPAM n'avait pas pleinement respecté la procédure d'instruction de sorte que la décision de prise en charge n'était pas opposable à la société Lactalis. Dans son dispositif était toutefois indiqué que la société Lactalis était déboutée de son recours et que la décision de prise en charge lui était opposable.

4. Le 21 septembre 2017, la société Lactalis a déposé une requête en rectification d'erreur matérielle auprès de la juridiction qui, par jugement du 5 octobre 2017, notifié le 12 octobre suivant, a rectifié la décision en indiquant en lieu et place de ce qui était indiqué dans son dispositif que le recours de la société Lactalis était dit bien fondé et que la décision de prise en charge lui était inopposable.

5. Le 25 octobre 2017, la CPAM a interjeté appel des deux jugements.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La CPAM fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel interjeté par elle le 25 octobre 2017, alors « que la rectification d'une erreur matérielle intervenue après l'expiration du délai pour former appel ouvre un nouveau délai pour former appel à l'encontre du jugement rectifié, lorsque la rectification fait naître l'intérêt pour l'appelant à former appel et ne peut donner lieu à contestation utile en cassation ; qu'en déclarant irrecevable comme tardif l'appel formé le 25 octobre 2017 par la Caisse contre le jugement du 7 septembre 2017, quand, d'une part, celle-ci ne disposait pas d'un intérêt à former appel avant la rectification intervenue le 5 octobre 2017 dès lors qu'en l'état originel du jugement du 7 septembre 2017, la Caisse ne succombait nullement, et d'autre part, la rectification ne pouvait donner lieu à contestation utile en cassation, les juges du fond ont violé les articles 31, 462, 538, 543 et 546 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

7. En application de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

8. La décision rectificative a, quant aux voies de recours, le même caractère et est soumise aux mêmes règles que la décision interprétée.

9. Néanmoins, si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation.

10. Il en résulte que la décision rectificative n'a pas d'effet sur le délai d'appel de la décision rectifiée, qui court depuis sa notification.

11. Ayant relevé, d'une part, que lorsque la caisse avait interjeté appel le 25 octobre 2017, le délai d'appel était expiré, une requête en rectification d'erreur matérielle ne pouvant constituer une cause d'interruption ou de suspension de ce délai, et exactement retenu, d'autre part, que la décision rectifiée, qui était passée en force de chose jugée à la date à laquelle le recours avait été introduit, le 25 octobre 2017, contre la décision rectificative, ne pouvait être attaquée que par un pourvoi en cassation, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 462 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 juillet 1977, pourvoi n° 76-13.542, Bull. 1977, II, n° 188.

Soc., 25 mai 2022, n° 21-11.478, (B), FRH

Rejet

Demande nouvelle – Recevabilité – Conditions – Introduction de l'instance prud'homale après le 1er août 2016 – Effets – Article 566 du code de procédure civile – Demandes qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire d'une prétention – Mise en oeuvre – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 décembre 2020), M. [T] a été engagé le 3 janvier 2000 par la fédération [6] en qualité de directeur.

La relation de travail s'est ensuite poursuivie avec l'association de gestion du centre social et culturel [6], devenue l'association [Adresse 5].

2. Le salarié a été licencié le 20 janvier 2017 pour insuffisance professionnelle. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande d'heures supplémentaires présentée pour la première fois en cause d'appel, alors « que ne constituent pas des demandes nouvelles les demandes qui sont l'accessoire la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge ; que la cour d'appel a énoncé que la demande d'heures supplémentaires n'était ni l'accessoire ni la conséquence ni le complément des prétentions soumises au conseil de prud'homme et qu'il n'était pas suffisant que M. [T] soutienne à l'appui de sa demande d'heures supplémentaires qu'il n'était pas cadre dirigeant alors qu'il avait fondé sa demande d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail sur le retrait d'attributions et d'autonomie ; qu'en statuant de la sorte alors que la perte d'autonomie et le retrait d'attributions avaient pour conséquence la perte du statut de cadre dirigeant et en conséquence le droit au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article 564 et l'article 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

6. La cour d'appel, qui a constaté que les demandes formées par le salarié devant les premiers juges étaient limitées à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail, en a exactement déduit que la demande au titre du paiement des heures supplémentaires formulée pour la première fois en appel n'était pas l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire des prétentions originaires et qu'elle était irrecevable.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 566 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la non-application de l'article 566 du code de procédure civile aux instances prud'homales introduites avant le 1er août 2016, à rapprocher : Soc., 1er juillet 2020, pourvoi n° 18-24.180, Bull., (cassation partielle).

2e Civ., 19 mai 2022, n° 21-14.616, (B), FRH

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Dépôt – Communication et notification aux parties – Sanction – Irrecevabilité – Effets – Pièces versées au soutien des conclusions – Office du juge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2021), ayant découvert fortuitement que le groupe Emera, avec lequel il était lié par un accord de partenariat, faisait l'objet d'une opération de cession de titres au bénéfice d'un tiers, le groupe Aplus, dont la société FJMN est subrogée dans les droits, a assigné le groupe Emera devant un juge des référés aux fins notamment de le voir condamné à communiquer certaines informations relatives à cette opération.

2. Par ordonnance du 27 février 2020, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé.

La société FJMN a interjeté appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. Les sociétés Emera exploitations, Emera, Emera plus santé et M. [X] [E] font grief à l'arrêt de déclarer recevables les pièces et conclusions de la société FJMN, et en conséquence d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication de l'ensemble des pièces sollicitées par la société FJMN, et statuant à nouveau et y ajoutant, de condamner les sociétés Emera exploitations, Emera, Emera plus santé et M. [X] [E] à communiquer à la société FJMN : une copie de la promesse d'achat consentie par la société Newco Emera en date du 24 juillet 2019, une copie des annexes 10 à 14 au contrat de cession et d'acquisition en date du 20 novembre 2019, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti, astreinte courant pendant un délai de quatre mois, alors :

« 1°/ que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ; que l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé avec les pièces visées à peine d'irrecevabilité ; qu'en retenant que les conclusions et les pièces étaient recevables quand bien même les pièces n'avaient pas été produites avec les conclusions d'appel dans le délai d'un mois imparti à l'appelant, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction ;

2°/ que, à tout le moins, le principe de contradiction suppose que l'intimé se soit vu notifier les pièces visées à l'appui de conclusions en demande dans le délai d'un mois qui lui est imparti à compter de la notification de ces conclusions lorsque l'affaire est fixée à bref délai ; qu'en considérant qu'il était suffisant que les pièces visées par les conclusions de l'appelant soient versées avant la clôture, peu important qu'elles n'aient pas été produites dans le délai d'un mois imparti à l'intimé pour y répondre, si bien qu'il n'y avait pas lieu de prononcer l'irrecevabilité de ces conclusions, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 905-2 du code de procédure civile, alinéas 1 et 2, issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

6. Il résulte de l'article 906 que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.

Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.

7. Cet article n'édictant pas de sanction en cas de défaut de communication des pièces simultanément à la notification des conclusions, même lorsque l'affaire est fixée à bref délai en application de l'article 905-1 précité, le juge est toutefois tenu de rechercher si ces pièces ont été communiquées en temps utile.

8. Ayant relevé que les intimés avaient conclu, le 19 juin 2020, dans le délai imparti par l'article 905-2 du code de procédure civile, et que si l'appelante avait communiqué à la partie adverse les pièces, figurant sur son bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions, après l'expiration du délai des intimés pour conclure, la sanction de cette communication tardive ne pouvait, au regard de l'article 906 du même code, être l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante, notifiées dans le délai de l'article 905-2 requis, c'est à bon droit et sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel, après avoir constaté que l'appelante avait communiqué ses pièces le 24 juin, permettant ainsi aux intimés de conclure utilement au fond bien avant la date de clôture fixée au 22 octobre 2020, a déclaré recevables les conclusions et pièces de l'appelante.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Corlay ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 905-1 et 906 du code de procédure civile.

2e Civ., 19 mai 2022, n° 21-10.422, (B), FRH

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Exclusion – Fondement de la caducité – Articles non visés par l'article 911-1 du code de procédure civile

Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues notamment, par l'article 85 du même code. Aux termes de ce dernier texte, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.

Il résulte de l'article 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile que la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie.

Il découle de la combinaison de ces textes que dans une procédure avec représentation obligatoire, la caducité de la déclaration d'appel ne peut être prononcée sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, qui ne sont pas visés par l'article 911-1, alinéa 3, précité.

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Fondement applicable – Portée

Procédure avec représentation obligatoire – Appel de la décision statuant exclusivement sur la compétence – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020), M. [J] a saisi un conseil de prud'hommes aux fins de requalification en contrat de travail de son contrat de prestation de services avec la société Takeeateasy.fr, placée en liquidation judiciaire, puis a relevé appel du jugement du 21 juin 2018 qui a déclaré la juridiction incompétente.

2. Ayant saisi le premier président d'une requête en application de l'article 84, alinéa 2 du code de procédure civile, il a été autorisé à assigner à jour fixe pour l'audience du 19 décembre 2019.

3. Par un premier arrêt du 20 février 2020, une cour d'appel a constaté la caducité de la déclaration d'appel, l'extinction de l'instance et son dessaisissement.

4. Le 20 février 2020, M. [J] a formé une nouvelle déclaration d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [J] fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel formé le 20 février 2020 irrecevable, alors « que seule la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 du code de procédure civile se trouve privée de la possibilité de former un appel principal contre le même jugement en application de l'article 911-1 du même code ; que dès lors, considérant que la caducité de l'appel prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris le 20 février 2020, dont elle a pourtant constaté qu'elle était fondée sur les articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, rendait irrecevable le second appel formé par M. [J] à l'encontre de la même décision, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que la caducité n'avait pas été prononcée sur le fondement des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 du code de procédure civile, a violé l'article 911-1 du même code par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 83, 85, 911-1, alinéa 3 du code de procédure civile et R. 1461-2 du code du travail :

6. Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues notamment par l'article 85 du même code.

Aux termes de ce dernier texte, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.

7. En application de l'article R. 1461-2 du code du travail, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile.

8. Il résulte de l'article 911-1, alinéa 3 du code de procédure civile, que la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie.

9. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que l'article 85 du code de procédure civile, figurant au rang des dispositions qui instituent une voie de recours particulière pour les jugements ayant statué exclusivement sur la compétence, se réfère certes à la procédure à jour fixe pour ce qui est des règles d'instruction et de jugement applicables à cette affaire, mais que cette voie de recours n'est pas une procédure à jour fixe et n'exclut en rien les règles de la procédure ordinaire avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, auxquelles il se réfère expressément, s'agissant du respect des prescriptions de l'article 901 qui ouvre la sous-section 1 et donc, implicitement, des articles suivants.

10. En statuant ainsi, alors que la caducité de la déclaration d'appel avait été prononcée sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, non visés par l'article 911-1, alinéa 3, précité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles 83, 85, 902, 905-1, 905-2, 908, 911-1, alinéa 3, 922, 930-1 et 948 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 10 décembre 2020, pourvoi n° 19-12.257.

2e Civ., 19 mai 2022, n° 21-23.249, (B), FRH

Rejet

Procédure sans représentation obligatoire – Convocation des parties à l'audience – Avis au demandeur – Effectivité de la réception de l'avis – Office du juge – Détermination

Selon l'article 937 du code de procédure civile, applicable à la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, le greffier de la cour convoque le défendeur à l'audience prévue pour les débats par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience.

La cour d'appel qui constate que l'appelant, auquel il appartient de s'enquérir du sort de l'appel qu'il a interjeté, a été destinataire d'une lettre simple de convocation, n'a pas à rechercher s'il a effectivement reçu cet avis.

Procédure sans représentation obligatoire – Convocation des parties à l'audience – Convocation par le greffe – Appelant non comparant – Validité de la convocation par lettre simple

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 mars 2021), Mme [Y] (l'assurée) a bénéficié, à compter du 13 septembre 2011, d'une pension de retraite versée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Nord Picardie (la caisse).

2. Contestant le nombre de trimestres d'assurance retenus par la caisse pour procéder à la liquidation de sa pension de retraite, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'assurée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Arras le 6 juin 2019, alors :

« 1°/ qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience ; que le seul fait que l'appelante ait été destinataire d'une lettre simple de convocation qui, au surplus, n'a pas été produite, ne permet cependant pas de s'assurer que l'appelante ait été réellement touchée par la convocation ; qu'en jugeant pourtant que Mme [Y] aurait été régulièrement convoquée pour la seule raison qu'elle avait été destinataire d'un courrier simple de convocation sans rechercher si l'appelante avait été effectivement touchée par la convocation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 937 du code de procédure civile ;

2°/ que le principe d'égalité des armes, composante du droit à un procès équitable, commande que l'appelant et l'intimé soient traités de manière égale dans le cadre d'une convocation à l'audience d'une procédure sans représentation obligatoire ; que puisque le défendeur doit être convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le demandeur doit l'être également ; qu'en l'espèce, en jugeant que Mme [Y], absente à l'audience d'appel, aurait été régulièrement convoquée car elle aurait été destinataire d'un courrier simple de convocation, la cour d'appel a rompu l'égalité des armes et ainsi violé l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 937 du code de procédure civile, applicable à la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, le greffier de la cour convoque le défendeur à l'audience prévue pour les débats par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience.

5. Ayant relevé que l'appelante avait été destinataire d'une lettre simple de convocation, c'est sans porter atteinte au principe de l'égalité des armes ni encourir les autres griefs du moyen que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher si l'assurée, qui devait s'enquérir du sort de l'appel qu'elle avait interjeté, avait effectivement reçu l'avis, a statué comme elle l'a fait.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent -

Textes visés :

Article 937 du code de procédure civile.

3e Civ., 11 mai 2022, n° 21-15.217, (B), FS

Cassation partielle

Recevabilité – Pluralité d'intimés – Décision rejetant une condamnation in solidum – Litige non indivisible – Défaut d'intimation de toutes les parties – Effet

Un jugement qui rejette une demande de paiement in solidum contre plusieurs défendeurs ne crée aucune indivisibilité entre eux, au sens de l'article 553 du code de procédure civile.

Viole ce texte la cour d'appel qui retient que, les maîtres de l'ouvrage n'ayant pas formé d'appel provoqué pour intimer toutes les parties contre lesquelles ils avaient présenté leur demande en première instance, la disposition du jugement qui a rejeté celle-ci est définitive.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 janvier 2021), M. et Mme [R], qui ont souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), ont confié à M. [X], dont l'activité a été reprise par la société Philarchi, désormais en liquidation judiciaire, tous deux assurés auprès de la MAF, une mission de maîtrise d'oeuvre complète portant sur la réhabilitation d'une construction existante en vue d'y aménager deux logements.

2. Le lot gros oeuvre ravalement a été confié à la société Dematteo, assurée auprès de la SMABTP.

3. Les travaux ont été réceptionnés par lots, certains avec réserves.

4. Se plaignant de désordres, M. et Mme [R] ont, après expertise, assigné en réparation les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La SMABTP fait grief à l'arrêt de condamner la société Dematteo à garantir la MAF, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, à hauteur de la moitié de la condamnation prononcée contre celle-ci, in solidum avec M. [X], au titre du déchaussement des fondations et de l'ensemble des murs périphériques et de refend, à hauteur d'une certaine somme, alors :

« 1°/ que le subrogé ne peut avoir plus de droits que le créancier originaire, de sorte que le premier ne recueille que les droits dont le second était titulaire au moment de la subrogation ; que le débiteur poursuivi peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense que ceux dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire ; que la présomption de responsabilité des constructeurs prévue à l'article 1792 du code civil n'a vocation à jouer qu'en présence de désordres qui portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ou rendent ce dernier impropre à sa destination et qui revêtent un caractère caché lors de la réception ; que, pour accueillir le recours de la MAF en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage à l'encontre de la société Dematteo, la cour a relevé que « le désordre étant de nature décennale ainsi qu'il a été vu au 3.1, la MAF subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage bénéfice de la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil » ; qu'en statuant de la sorte, quand les désordres, qui certes portaient atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendaient impropre à sa destination, n'étaient pas de nature décennale, faute d'avoir été cachés lors de la réception, de sorte que les maîtres de l'ouvrage, M. et Mme [R] n'avaient pu bénéficier de la présomption de responsabilité à l'encontre des constructeurs, ce qui empêchait par conséquent l'assureur dommages-ouvrage subrogé dans leurs droits d'en bénéficier, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 121-12 du code des assurances, 1251 3° et 1252 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, devenus les articles 1346, 1346-3 à 1346-5 et celles de l'article 1792 du code civil ;

2°/ que le subrogé ne peut avoir plus de droits que le créancier originaire, de sorte que le premier ne recueille que les droits dont le second était titulaire au moment de la subrogation ; que le débiteur poursuivi peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire ; que la présomption de responsabilité des constructeurs n'a vocation à jouer qu'en présence de désordres qui portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ou rendent ce dernier impropre à sa destination et qui revêtent un caractère caché lors de la réception ; qu'en l'espèce, la cour d'appel avait elle-même relevé, à deux reprises, que le désordre tenant au déchaussement des fondations et de l'ensemble des murs périphériques de refend avait été purgé en ce qu'il était apparent lors de la réception et qu'il n'avait fait l'objet d'aucune réserve ; qu'en accueillant toutefois le recours de la MAF à l'encontre de la société Dematteo au motif que « le désordre étant de nature décennale ainsi qu'il a été vu au 3.1, la MAF subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage bénéfice de la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil », la cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions des articles L. 121-12 du code des assurances, 1251 3° et 1252 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, devenus les articles 1346, 1346-3 à 1346-5 et celles de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 121-12 du code des assurances et les articles 1251, 3°, et 1252 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. En application du premier de ces textes, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance, fût-ce en exécution d'une décision de justice, est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

7. Il résulte des deux derniers que le subrogé ne peut avoir plus de droits que le subrogeant.

8. Pour condamner la société Dematteo à garantir partiellement la MAF, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, de la condamnation prononcée contre celle-ci au titre du déchaussement des fondations et de l'ensemble des murs périphériques et de refend, l'arrêt retient que le désordre étant de nature décennale, la MAF, subrogée dans les droits des maîtres de l'ouvrage, bénéficie de la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu, par motifs adoptés, que le désordre apparent avait été couvert par la réception sans réserve, de sorte que les maîtres de l'ouvrage ne disposaient d'aucun recours sur aucun fondement à l'encontre de la société Dematteo, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. La SMABTP fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir, sous réserve de la franchise contractuelle, la société Dematteo de la condamnation à garantie prononcée à son encontre au bénéfice de M. [X] et la MAF, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, du chef du déchaussement des fondations et de l'ensemble des murs périphériques et de refend, alors « que relèvent de la garantie décennale, les désordres qui portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ou rendent ce dernier impropre à sa destination dès lors qu'ils sont cachés lors de la réception ; qu'en présence d'un vice connu du maître de l'ouvrage, une réception sans réserve fait obstacle à l'action en garantie décennale ; que la garantie offerte par le contrat d'assurance n'a vocation à jouer que si les conditions en sont réunies ; qu'en l'espèce, la société Dematteo avait sollicité la garantie de la SMABTP compte tenu de la gravité des désordres tenant au déchaussement des fondations et de l'ensemble des murs périphériques et de refend ; que si la gravité desdits désordres n'était pas contestée, ceux-ci étaient toutefois connus du maître de l'ouvrage avant la réception et n'avaient fait l'objet d'aucune réserve, de sorte que la garantie décennale ne pouvait jouer ; qu'en condamnant pourtant la SMABTP à garantir son assurée au titre de la condamnation prononcée au 3.1, « compte tenu de la nature décennale du désordre », la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1792 du code civil, L. 241-1 et L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1792 du code civil et L. 241-1 du code des assurances :

11. En application du premier de ces textes, la responsabilité de plein droit du constructeur d'ouvrage à raison des dommages de nature décennale ne s'applique qu'aux désordres apparus après réception.

12. Selon le second, toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

13. Il résulte de la combinaison de ces deux textes que l'assurance obligatoire de responsabilité décennale ne garantit pas les désordres apparents qui, quel que soit leur degré de gravité, sont couverts par une réception sans réserve.

14. Pour condamner la SMABTP à garantir son assurée au titre du déchaussement des fondations et de l'ensemble des murs périphériques et de refend, l'arrêt retient que le désordre en cause est de nature décennale et que la demande de l'assureur tendant à voir constater que sa garantie n'est pas acquise doit, en l'absence de critique en fait et en droit des dispositions du jugement, être rejetée.

15. En statuant ainsi, après avoir retenu, par motifs adoptés, que les désordres était apparents dans leur ampleur à la date de la réception, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

16. M. et Mme [R] font grief à l'arrêt de constater que la disposition du jugement ayant rejeté leur demande au titre du préjudice de jouissance est devenue définitive en l'absence d'appel provoqué contre les autres parties à l'instance et de rejeter, en conséquence, leur demande formée à ce titre, alors « que l'appel formé contre une partie ne requiert, pour être recevable, la mise en cause d'une autre partie que lorsque le chef de dispositif attaqué créé une indivisibilité entre ces deux parties ; que tel n'est pas le cas lorsque l'appel est formé contre le rejet d'une demande de condamnation in solidum au paiement d'une somme d'argent, une telle condamnation ne créant pas une indivisibilité entre les parties mais une solidarité ; qu'en jugeant irrecevable l'appel formé par les époux [R] contre les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté leur demande de condamnation in solidum des intimés à la réparation de leur préjudice résultant de la perte de jouissance de leur bien immobilier, au motif que toutes les parties à la première instance concernées par le chef de dispositif attaqué n'avaient pas été mises en cause par un appel provoqué, cependant que la disposition attaquée n'était pas indivisible, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 553 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 553 du code de procédure civile :

17. Selon ce texte, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

18. Il est jugé qu'il n'y pas d'indivisibilité lorsque l'exécution d'une décision n'est pas incompatible avec l'exécution de l'autre (Soc., 4 juin 1984, pourvoi n° 82-16.499, Bull. 1984, V, n° 226), seule l'impossibilité d'exécuter à la fois deux décisions contraires caractérisant l'indivisibilité au sens de ce texte (2e Civ., 5 janvier 2017, pourvoi n° 15-28.356).

19. Il en est ainsi en matière de condamnation à paiement d'une somme d'argent prononcée à l'encontre de plusieurs parties (2e Civ., 7 janvier 2016, pourvoi n° 14-13.721, Bull. 2016, II, n° 8) ou d'obligation in solidum (2e Civ., 8 novembre 2001, pourvoi n° 00-14.559).

20. Pour déclarer irrecevable la demande en réparation de leur préjudice de jouissance formée par les maîtres de l'ouvrage, l'arrêt retient que, M. et Mme [R] n'ayant pas formé d'appel provoqué pour intimer toutes les parties contre lesquelles ils avaient présenté leur demande en première instance, la disposition du jugement qui a rejeté celle-ci est définitive.

21. En statuant ainsi, alors qu'un jugement qui rejette une demande de paiement in solidum contre plusieurs défendeurs ne crée aucune indivisibilité entre eux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Dematteo à garantir la Mutuelle des architectes français, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, à hauteur de la moitié de la condamnation prononcée contre celle-ci, in solidum avec M. [X], au titre du déchaussement des fondations et de l'ensemble des murs périphériques et de refend, en ce qu'il condamne la SMABTP à garantir la société Dematteo de la condamnation prononcée contre elle au titre du déchaussement des fondations et de l'ensemble des murs périphériques et de refend et en ce qu'il constate que la disposition du jugement ayant condamné M. et Mme [R] au titre du préjudice de jouissance est devenue définitive en l'absence d'appel provoqué contre les autres parties à l'instance et rejette leur demande de ce chef, l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Boyer - Avocat(s) : SCP Poulet-Odent ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article 553 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Soc., 4 juin 1984, pourvoi n° 82-16.499, Bull. 1984, V, n° 226 (rejet) ; 2e Civ., 10 décembre 1986, pourvoi n° 84-14.165, Bull. 1986, II, n° 178 (cassation partielle) ; 2e Civ., 18 septembre 2003, pourvoi n° 01-14.826, Bull. 2003, II, n° 277 (cassation), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 7 janvier 2016, pourvoi n° 14-13.721, Bull. 2016, II, n° 8 (cassation).

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