Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE

Soc., 27 mai 2021, n° 19-18.089, (P)

Cassation partielle

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Consultation – Consultation pour avis – Projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité des salariés ou les conditions de travail – Recours à un expert – Décision du comité – Délai – Régime applicable – Détermination – Portée

Le délai de consultation fixé par l'article R. 4614-5-3 du code du travail court à compter de la date à laquelle le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a reçu une information le mettant en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée et de saisir le président du tribunal s'il estime que l'information communiquée est insuffisante.

Un accord collectif de droit commun ou un accord entre l'employeur et le CHSCT peut cependant fixer d'autres délais que ceux prévus à l'article R. 4614-5-3 précité, les prolonger, ou modifier leur point de départ.

L'absence de remise du rapport par l'expert, tenu pour exécuter la mesure d'expertise de respecter un délai qui court du jour de sa désignation, n'a pas pour effet de prolonger le délai de consultation du CHSCT.

Il en résulte que doit être censurée la cour d'appel qui ordonne à La Poste de poursuivre la procédure de consultation des CHSCT et de transmettre à l'expert désigné par ces derniers divers documents, alors que les CHSCT n'avaient pas saisi le juge dans le délai préfix de deux mois qui leur était imparti pour donner leur avis à l'effet d'obtenir la communication d'informations complémentaires et la suspension du délai de consultation, tel que fixé par l'article R. 4614-5-3 précité, jusqu'à la communication de ces éléments complémentaires, d'autre part qu'il ne résultait pas de ses constatations que les délais de consultation des CHSCT avaient été prolongés d'un commun accord conclu entre ces derniers et La Poste.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 avril 2019), statuant en référé, le 4 février 2017, la société La Poste (La Poste) a conclu avec plusieurs organisations syndicales représentatives un accord national portant « sur l'amélioration des conditions de travail et sur l'évolution des métiers de la distribution et des services des factrices/facteurs et de leurs encadrantes/encadrants de proximité », pour une durée de quatre ans.

2. Par délibérations des 4, 10 et 12 mai 2017, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements Tech Méditerranée Saint-Génis, Millas Porte de Catalogne et Perpignan Catalane (les CHSCT), ont décidé de recourir à un expert agréé en raison de l'existence d'un projet important sur le fondement de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail, en désignant le cabinet Emergences.

3. Par ordonnances du 13 septembre 2017, le président du tribunal de grande instance a débouté La Poste de sa demande d'annulation des délibérations des CHSCT.

4. Les 22 et 29 septembre 2017, les CHSCT ont désigné le cabinet d'expertise Ergonomnia en lieu et place du cabinet Emergences.

5. Le 2 février 2018,

La Poste a informé les CHSCT de l'organisation d'une réunion d'information consultation sur les mesures prévues par l'accord du 7 février 2017, fixée au 23 février 2018. A cette date, les CHSCT ont exprimé l'impossibilité pour eux d'émettre un avis, en l'absence de restitution du rapport d'expertise.

6. Le 26 février 2018,

La Poste a sollicité du cabinet d'expertise l'arrêt de sa mission, puis a informé les établissements relevant du périmètre des CHSCT de l'application en leur sein, à compter du 5 mars 2018, des mesures prévues par l'accord du 7 février 2017.

7. Le 15 mars 2018, les CHSCT ont saisi le président du tribunal de grande instance de demandes tendant notamment à dire que le délai de consultation n'avait pas commencé à courir, ordonner à La Poste de poursuivre la procédure de consultation et lui faire interdiction, sous astreinte, de mettre en oeuvre l'accord du 7 février 2017 dans les établissements relevant de leur compétence.

Le cabinet Ergonomnia est intervenu à l'instance pour faire juger notamment que le délai d'expertise n'avait pas commencé à courir, faute de transmission par La Poste des documents nécessaires, et ordonner la transmission de ces documents sous astreinte.

8. Aucune des parties n'a soulevé l'incompétence du juge des référés.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

10. La Poste fait grief à l'arrêt de dire que le délai préfix de deux mois de consultation des CHSCT, prévu par les articles R. 4614-5-2 et R. 4614-5-3 du code du travail, n'a pas commencé à courir et qu'il ne courra qu'à compter de l'obtention du rapport d'expertise, d'ordonner en conséquence à La Poste de poursuivre la procédure de consultation des CHSCT en permettant au cabinet Ergonomnia de remplir sa mission et d'ordonner pour ce faire à La Poste de transmettre au cabinet Ergonomnia divers documents sous astreinte, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article R. 4614-5-2 du code du travail, le délai de consultation du CHSCT court à compter de la communication par l'employeur des informations prévues par le présent code pour la consultation ou de l'information par l'employeur de leur mise à disposition dans la base de données ; que selon l'article R. 4614-5-3 du même code, pour l'exercice de ses attributions consultatives mentionnées à l'article L. 4612-8, à défaut d'accord, le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date fixée à l'article R. 4614-5-2, ce délai étant porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert ; qu'enfin, l'article R. 4614-18 du même code fixe à un mois le délai imparti à l'expert pour effectuer sa mission, délai qui peut être prolongé pour les nécessités de l'expertise sans excéder quarante cinq jours ; que ce délai court à compter de la désignation de l'expert ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le délai de deux mois imparti au CHSCT pour rendre son avis doit commencer à courir à compter de la date à laquelle, ayant reçu de l'employeur les informations nécessaires à l'exercice de sa mission, il a considéré qu'il devait recourir à une expertise et procédé à la désignation de l'expert ; qu'en retenant, par voie de confirmation de l'ordonnance entreprise, que « ce délai ne peut commencer à courir qu'à compter du moment où le CHSCT est en possession de l'expertise sollicitée, sauf à priver de toute portée de recours à expertise » la cour d'appel a violé les articles L. 4612-8, L. 4612-8-1, L. 4614-12, R. 4614-5-2, R. 4614-5-3 et R. 4614-18 du code du travail, ensemble l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ subsidiairement que le CHSCT qui a eu recours à un expert dans le cadre de la procédure de consultation sur un projet important est réputé avoir rendu un avis négatif au bout d'un délai de deux mois ; que l'absence de dépôt du rapport ou la prolongation de l'expertise n'a pas pour effet de prolonger ce délai ; qu'en se déterminant aux termes de motifs inopérants, selon lesquels La Poste se serait rendue l'auteur d'un « revirement brutal » en notifiant aux CHSCT le 31 janvier 2018, soit plus de quatre mois après le point de départ de la consultation et la désignation de l'expert intervenue les 22 et 23 septembre précédents, la fin de la procédure d'information/consultation après avoir accepté de repousser la date de « démarrage » de l'expertise, mettant ainsi l'expert « dans l'impossibilité de déposer ses rapports », quand le déroulement des opérations d'expertise et l'acceptation éventuelle de leur prolongation par l'employeur n'étaient pas de nature à prolonger le délai à l'issue duquel les CHSCT étaient réputés avoir émis un avis négatif, la cour d'appel a violé les articles R. 4614-5-3 du code du travail et 809 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en se déterminant aux termes de motifs inopérants, dont il ne résulte pas que La Poste aurait donné aux CHSCT son accord exprès ou tacite pour la prolongation du délai d'information/consultation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4612-8, L. 4614-13, R. 4614-5-2, R. 4614-5-3, R. 4614-18, alinéa 1er, et R. 4614-19 du code du travail, demeurant applicables à La Poste :

11. Selon l'article L. 4612-8 du code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.

12. En vertu de l'article R. 4614-5-2 du code du travail, le délai de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail court à compter de la communication par l'employeur des informations prévues par le présent code pour la consultation ou de l'information par l'employeur de leur mise à disposition dans la base de données dans les conditions prévues aux articles R. 2323-1-5 et suivants.

13. Aux termes de l'article R. 4614-5.3 du code du travail, pour l'exercice de ses attributions consultatives mentionnées à l'article L. 4612-8, à défaut d'accord, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date fixée à l'article R. 4614-5-2, ce délai étant porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert.

14. Selon l'article R. 4614-18, alinéa 1er, du code du travail, l'expertise faite en application du 2° de l'article L. 4614-12 est réalisée dans le délai d'un mois. Ce délai peut être prolongé pour tenir compte des nécessités de l'expertise.

Le délai total ne peut excéder quarante-cinq jours.

15. En vertu de l'article L. 4614-13 du code du travail, dans les autres cas que celui de l'expert désigné dans le cadre de la consultation sur un projet de restructuration ou de compression des effectifs sur le fondement de l'article L. 4614-12-1, l'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel de l'expertise tel qu'il ressort, le cas échéant, du devis, l'étendue ou le délai de l'expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1.

Le juge statue, en la forme des référés, en premier et dernier ressort, dans les dix jours suivant sa saisine. Cette saisine suspend l'exécution de la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, ainsi que les délais dans lesquels ils sont consultés en application de l'article L. 4612-8, jusqu'à la notification du jugement.

16. L'article R. 4614-19 du code du travail précise que les contestations de l'employeur relèvent de la compétence du président du tribunal de grande instance.

17. Il résulte des articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du code du travail, applicables à La Poste, que le président du tribunal de grande instance, devenu président du tribunal judiciaire, seul habilité à se prononcer en la forme des référés sur la nécessité de l'expertise, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, est seul compétent pour statuer sur les demandes du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

18. Le délai de consultation fixé par l'article R. 4614-5-3 du code du travail court à compter de la date à laquelle le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a reçu une information le mettant en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée et de saisir le président du tribunal s'il estime que l'information communiquée est insuffisante.

19. Un accord collectif de droit commun ou un accord entre l'employeur et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut cependant fixer d'autres délais que ceux prévus à l'article R. 4614-5-3 précité, les prolonger, ou modifier leur point de départ.

20. L'absence de remise du rapport par l'expert, tenu pour exécuter la mesure d'expertise de respecter un délai qui court du jour de sa désignation, n'a pas pour effet de prolonger le délai de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail fixé par l'article R. 4614-5-3 du code du travail.

21. Pour ordonner à La Poste de poursuivre la procédure de consultation des CHSCT et de transmettre au cabinet Ergonomnia divers documents sous astreinte, la cour d'appel a retenu que le délai imparti à l'expert par l'article R. 4614-18 du code du travail ne peut courir qu'à compter du jour où l'employeur lui a fourni les informations nécessaires à l'exercice de sa mission, que le délai préfix de deux mois de consultation des CHSCT, prévu par les articles R. 4614-5-2 et R. 4614-5-3 du code du travail, ne peut courir qu'à compter de l'obtention du rapport d'expertise, qu'il ressort d'un courriel d'un représentant de La Poste du 29 janvier 2018 que jusqu'à cette date les parties étaient dans un processus préparatoire de l'expertise et non dans l'expertise elle-même dont la date de démarrage avait été fixée dans ce même courriel au 31 janvier 2018, qu'or dès le 30 janvier 2018,

La Poste a écrit à l'expert pour lui indiquer que le délai de réalisation de l'expertise était dépassé et pour le mettre en demeure de rendre ses rapports, alors qu'elle ne pouvait ignorer que cette demande constituait un revirement au regard du courriel du 29 janvier 2018 et que le cabinet Ergonomnia était dans l'impossibilité de déposer ses rapports, puisqu'à cette date les informations nécessaires ne lui avaient pas été fournies.

22. En statuant ainsi, par des motifs inopérants relatifs au point de départ tant du délai de consultation de l'instance représentative fixé par l'article R. 4614-5-3 du code du travail que du délai imparti à l'expert pour exécuter la mesure d'expertise, alors, d'une part que les CHSCT n'avaient pas saisi le juge dans le délai qui leur était imparti pour donner leur avis à l'effet d'obtenir la communication d'informations complémentaires et la suspension du délai de consultation, tel que fixé par l'article R. 4614-5-3 susvisé, jusqu'à la communication de ces éléments complémentaires, d'autre part qu'il ne résultait pas de ses constatations que les délais de consultation des CHSCT avaient été prolongés d'un commun accord conclu entre ces derniers et La Poste, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements Tech Méditerranée Saint-Génis, Millas Porte de Catalogne et Perpignan Catalane recevables en leurs demandes, en ce qu'il déclare le cabinet Ergonomnia recevable en son intervention volontaire et en ce qu'il condamne la société La Poste à verser aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements Tech Méditerranée Saint-Génis, Millas Porte de Catalogne et Perpignan Catalane les sommes de 7 834,73 euros TTC et de 1 500 euros TTC au titre des frais de justice exposés en première instance et celles de 7 425,60 euros TTC outre celles de 4 320 euros TTC et de 225 euros au titre des frais de justice exposés en appel, l'arrêt rendu le 18 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 4612-8, L. 4614-13, R. 4614-5-2, R. 4614-5-3, R. 4614-18, alinéa 1, et R. 4614-19 du code du travail.

Soc., 12 mai 2021, n° 20-17.288, (P)

Rejet

Hygiène et sécurité – Principes généraux de prévention – Obligations de l'employeur – Etablissement du document unique d'évaluation des risques – Consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Nécessité (non) – Portée

Il n'existe aucune obligation légale ou réglementaire pour l'employeur de consulter le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur le document unique d'évaluation des risques prévu par l'article R. 4121-1 du code du travail.

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Consultation – Consultation pour avis – Nécessité – Exclusion – Cas – Etablissement du document unique d'évaluation des risques – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 juillet 2020), statuant en référé, la société La Poste (La Poste) a lancé une procédure d'information consultation sur un projet de reprise de son activité sur cinq jours par semaine à compter du 11 mai 2020, avec un samedi travaillé sur quatre, dans le contexte de l'épidémie de covid-19. A cette fin, elle a réuni, le 7 mai 2020, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des plateformes de préparation et distribution du courrier d'[Localité 1] et de [Localité 2] (les CHSCT). Ces derniers ont décidé de recourir à des expertises sur le fondement de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail et les ont confiées à la société Axium expertise (l'expert).

Les 15 et 20 mai 2020,

La Poste a notifié aux CHSCT l'interruption de la procédure d'information consultation.

2. Au Journal Officiel de la République française du 28 mai 2020, ont été publiés l'ordonnance n° 2020-638 du 27 mai 2020 portant diverses dispositions sociales pour faire face à l'épidémie de covid-19 et le décret n° 2020-639 du même jour adaptant temporairement les délais relatifs à la consultation et l'information des comités d'hygiène de sécurité et des conditions de travail de La Poste et de l'instance de coordination de ces comités afin de faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19. Convoqués le 29 mai suivant à se réunir, les 2 et 5 juin 2020, dans le cadre d'une nouvelle procédure d'information consultation relative au même projet de reprise d'activité, les CHSCT ont réitéré leur décision de recourir à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1° et 2°, du code du travail.

3. Invoquant l'irrégularité de la procédure de consultation et l'insuffisance des informations délivrées par l'employeur, les CHSCT et l'expert ont, par ordonnances sur requêtes du 5 juin 2020, obtenu du président du tribunal judiciaire de Versailles l'autorisation d'assigner La Poste en référé d'heure à heure et la prolongation des délais de consultation et de réalisation de l'expertise dans l'attente de l'ordonnance de référé à intervenir.

Le 8 juin 2020, ils ont fait assigner La Poste en référé d'heure à heure afin que lui soit enjoint de transmettre à l'expert les informations manquantes. Ils demandaient également que soient ordonnés la suspension des délais de consultation et le report de la date de consultation, quinze jours après la remise du rapport d'expertise, devant intervenir quarante-cinq jours après la transmission des informations sollicitées. Ils sollicitaient, par voie de conséquence, qu'il soit fait interdiction sous astreinte à La Poste, de mettre en oeuvre l'organisation présentée les 7 mai, 2 et 5 juin 2020 en l'absence d'une dénonciation ou d'une révision régulière des régimes de travail applicables au sein des établissements et que soit ordonnée la suspension de l'organisation mise en oeuvre le 11 mai 2020, dans l'attente d'une consultation régulière des CHSCT.

Le syndicat CGT FAPT 78 (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.

4. Aucune des parties n'a soulevé l'incompétence du juge des référés.

Examen des moyens

Sur le sixième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Les CHSCT, l'expert et le syndicat font grief à l'arrêt de constater l'absence de trouble manifestement illicite dans le déroulement de la procédure de consultation des CHSCT relative à l'évolution des mesures de prévention mises en place dans le cadre du déconfinement progressif décidé par les autorités, de dire n'y avoir lieu à suspendre ou proroger les délais de consultation, de débouter les CHSCT de l'ensemble de leurs demandes et le cabinet Axium expertise de sa demande de communication de pièces et de dire qu'il appartiendra à l'expert de rendre son rapport dans les délais impartis par le décret du 27 mai 2020 qui courront à nouveau à compter de la signification de l'ordonnance, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en jugeant que les exposants échouaient à établir avec l'évidence requise en référé que La Poste n'avait pas respecté son engagement de ne pas mettre en oeuvre son projet d'organisation du travail présenté aux CHSCT le 7 mai 2020, sans examiner les rapports d'expertise provisoires établis par le cabinet Axium et les horaires collectifs applicables à compter du 11 mai 2020, qui démontraient la mise en oeuvre partielle du projet présenté au CHSCT le 7 mai 2020, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en retenant l'absence de trouble manifestement illicite dans le déroulement de la procédure de consultation des CHSCT de la PPDC d'[Localité 1] et de la PPDC de [Localité 2] relative à l'évolution des mesures de prévention mises en place dans le cadre du déconfinement progressif décidé par les autorités, faute pour les exposants d'établir avec l'évidence requise en référé que La Poste n'avait pas respecté son engagement de ne pas mettre en oeuvre son projet d'organisation du travail présenté aux CHSCT le 7 mai 2020, cependant qu'elle constatait que l'organisation mise en place à compter du 11 mai ne correspondait pas à celle qui avait été précédemment mise en place depuis le 20 avril 2020, le nombre et le rythme des jours de travail ayant été modifiés, conformément au projet présenté le 7 mai 2020, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, a violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 1, VI de l'ordonnance du 23 mai 2020. »

Réponse de la Cour

7. Le 1°, du III de l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-638 du 27 mai 2020 portant diverses dispositions sociales pour faire face à l'épidémie de covid-19 prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat définit, par dérogation aux dispositions du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de l'ordonnance du 22 septembre 2017, demeurées applicables à La Poste en vertu de l'article 31-3 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée, ainsi que, le cas échéant, aux stipulations conventionnelles en vigueur, les délais relatifs à la consultation et à l'information du comité sur les décisions de l'employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19.

8. Selon le VI du même article, les dispositions du II et du III s'appliquent aux délais qui commencent à courir entre la date de publication du décret en Conseil d'Etat mentionné au III et une date fixée par décret qui ne peut être postérieure au 31 décembre 2020. Toutefois, lorsque les délais qui ont commencé à courir antérieurement à la date de publication du décret en Conseil d'Etat mentionné au III ne sont pas encore échus, l'employeur a la faculté d'interrompre la procédure en cours et d'engager, à compter de cette même date, une nouvelle procédure de consultation conformément aux règles prévues par la présente ordonnance.

9. L'arrêt constate que pour mettre fin à la procédure d'information consultation engagée le 7 mai 2020, l'employeur a informé les élus de sa décision de suspendre la mise en oeuvre de l'organisation à hauteur de 35 heures de travail en moyenne par semaine, avec un samedi travaillé sur quatre, et de prolonger l'organisation temporaire mise en oeuvre depuis le 21 avril 2020.

L'arrêt relève que, telle que présentée aux CHSCT le 17 avril 2020, cette organisation visait à la réalisation des services de proximité et de portage 6 jours sur 7 et une distribution de la presse quotidienne assurée 6 fois par semaine, avec une durée hebdomadaire de travail de 28 heures et 3 jours non travaillés, dont les dimanche et jours fériés, et possibilité pour les agents de travailler le samedi. Il en déduit que les modifications alléguées étaient déjà envisagées dans l'organisation précédente, en sorte que l'employeur n'avait pas mis en oeuvre le projet de réorganisation, objet de la consultation.

En l'état de ces constatations qui rendaient inopérante la recherche visée par la première branche, la cour d'appel a pu écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. Les CHSCT, l'expert et le syndicat font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'instruction postale CORP-DRHG-2019-067 relative à l'organisation, la composition, aux attributions et au fonctionnement des CHSCT de La Poste du 28 février 2019 revêt un caractère réglementaire ; qu'en jugeant au contraire, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite, qu'une telle instruction, émanant d'une personne morale de droit privé telle que La Poste, société anonyme de droit privé, n'avait pas de valeur juridique et qu'elle ne faisait que préciser comment devaient être appliqués les textes, la cour d'appel a violé l'article 835 du code de procédure civile ;

2°/ que le jugement doit être motivé ; qu'il suit de là qu'en jugeant régulière la procédure d'information consultation et partant en écartant l'existence d'un trouble manifestement illicite, sans répondre aux conclusions des CHSCT soutenant que les règles prévues par l'instruction postale CORP-DRHG-2019-067 du 28 février 2019, imposant la transmission des documents d'information aux membres du CHSCT au moins 15 jours avant la réunion, résultaient d'un engagement unilatéral de l'employeur et s'imposaient dès lors à La Poste, nonobstant les dispositions de l'ordonnance du 27 mai 2020 et le décret du 27 mai 2020, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. Il résulte des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 4612-8 du code du travail, demeuré applicable à La Poste, que sauf dispositions législatives spéciales, un accord collectif d'entreprise conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2232-6 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, le cas échéant, l'instance temporaire de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais, qui ne peuvent être inférieurs à quinze jours, dans lesquels les avis du CHSCT sont rendus. A l'expiration de ces délais, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif.

13. Selon le premier alinéa de l'article R. 4614-3 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-868 du 29 juin 2016, l'ordre du jour de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et, le cas échéant, les documents s'y rapportant sont transmis par le président aux membres du comité et à l'inspecteur du travail huit jours au moins avant la date fixée pour la réunion, sauf cas exceptionnel justifié par l'urgence.

14. L'article R. 4614-5-3 du même code prévoit que pour l'exercice de ses attributions consultatives mentionnées à l'article L. 4612-8, à défaut d'accord, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date fixée à l'article R. 4614-5-2.

En cas d'intervention d'un expert mentionné à l'article L. 4614-12, ce délai est porté à deux mois.

15. Par dérogation à l'article R. 4614-3 précité, le décret n° 2020-639 du 27 mai 2020 prévoit que le délai séparant la transmission de l'ordre du jour, et le cas échéant des documents s'y rapportant, de la date fixée pour la réunion est de deux jours.

16. Selon l'instruction COP-DRHG-2019-067 du 28 février 2019, « l'ordre du jour est transmis par le président aux membres du comité, huit jours (calendaires) au moins avant la date fixée pour la réunion, sauf cas exceptionnel justifié par l'urgence.

N.B.

En cas de consultation avec transmission de documents, les membres doivent disposer de ces informations au moins 15 jours avant, pour pouvoir émettre un avis (cf. 5.1.4.4) ».

17. S'agissant des délais de consultation, cette instruction prévoit que « le président et les représentants du personnel au CHSCT peuvent déterminer ensemble le délai dans lequel le CHSCT doit rendre son avis lorsqu'il est consulté. A défaut d'accord sur ce délai, le CHSCT rend son avis dans un délai de 15 jours minimum et d'un mois maximum (2 mois en cas de recours à un expert), à compter de la réception des documents. S'il ne se prononce pas, le CHSCT est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration de ce délai (d'1 mois ou de 2 mois en cas d'expertise) qui court dès la communication par l'employeur des informations prévues pour la consultation de l'instance (et non pas, en cas d'expertise, à compter de la remise du rapport de l'expertise). »

18. Ayant retenu que les dispositions de l'instruction, dont il résulte que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut rendre son avis dans un délai minimum de quinze jours suivant la transmission des documents se rapportant à l'ordre du jour de la réunion, n'étaient que la mise en application des dispositions du code du travail, en sorte qu'elles étaient comprises dans celles auxquelles l'ordonnance et le décret du 27 mai 2020 dérogeaient, c'est à bon droit que la cour d'appel a dit que les CHSCT ne pouvaient se prévaloir de cette instruction pour écarter l'application dudit décret.

19. Le moyen est dès lors inopérant.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

20. Les CHSCT, l'expert et le syndicat font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen portant sur la procédure d'information et de consultation des CHSCT en date du 7 mai 2020 entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt relatif à la violation du régime horaire conventionnel ;

2°/ que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en écartant l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation du régime horaire conventionnel, cependant qu'elle constatait l'organisation du travail uniforme de 35 heures dérogeait aux accords collectifs relatifs à la durée du travail, toujours en vigueur, faute d'avoir été dénoncés ou révisés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, a manifestement violé l'article 835 du code de procédure civile ;

3°/ que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation du régime horaire conventionnel, que l'organisation du travail dérogatoire mise en place dans le contexte d'urgence sanitaire et de déconfinement progressif ne serait que transitoire et temporaire, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, entachant sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 835 du code de procédure civile ;

4°/ que l'employeur ne peut décider unilatéralement, fut-ce de manière temporaire, de déroger à l'application d'une convention collective à laquelle son entreprise est soumise ; qu'en jugeant le contraire, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation du régime horaire conventionnel, la cour d'appel a violé l'article 835 du code de procédure civile ;

5°/ que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation du régime horaire conventionnel, « qu'il n'est pas démontré que La Poste a voulu, à travers ce projet, déroger aux accords collectifs relatifs à la durée du travail », alors pourtant qu'une telle intention est indifférente dès lors qu'il n'est pas contestable, ni même contesté que l'organisation de travail applicable avant la présentation du projet et celle présentée aux CHSCT contreviennent, toutes deux, aux régimes conventionnels en vigueur, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 835 du code de procédure civile ;

6°/ que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation du régime horaire conventionnel, que « la durée hebdomadaire moyenne de travail reste de 35 heures et que le samedi est, en application de ces accords, un jour travaillé », alors pourtant que la situation induite par le projet modifie de manière importante le régime de travail en vigueur, la cour d'appel, qui a une nouvelle fois statué par des motifs inopérants, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 835 du code de procédure civile ;

7°/ que le jugement doit être motivé ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation du régime horaire conventionnel, que les accords collectifs portant sur la durée du travail applicable au sein des deux établissements permettent à l'employeur sous réserve d'un délai de prévenance de 7 jours calendaires, de modifier les durées journalières de travail, les dates de jours de repos et les horaires de travail en fonction des contraintes de production (article 4 de l'accord susvisé), ce qui peut parfaitement correspondre à la situation actuelle, la cour d'appel, qui a statué par des motifs dubitatifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°/ que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation du régime horaire conventionnel, que les accords collectifs portant sur la durée du travail applicable au sein des deux établissements permettent à l'employeur sous réserve d'un délai de prévenance de 7 jours calendaires, de modifier les durées journalières de travail, les dates de jours de repos et les horaires de travail en fonction des contraintes de production (article 4 de l'accord susvisé), ce qui peut parfaitement correspondre à la situation actuelle, alors même que ces accords permettent seulement de modifier le cycle du travail initialement convenu mais n'autorisent pas l'employeur à substituer un régime de travail uniforme à une organisation sous forme de cycle, la cour d'appel a violé l'article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

21. D'abord, le rejet du premier moyen prive de portée le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il invoque une cassation par voie de conséquence.

22. Ensuite, l'arrêt énonce que l'existence au jour où le premier juge a statué puis la cour à sa suite, du trouble manifestement illicite qui résulterait de la violation des régimes conventionnels concernant la durée de travail au sein des PPDC de [Localité 2] et [Localité 1] n'est pas établie dans la mesure où ces accords, tel celui produit concernant [Localité 1], permettent à l'employeur, sous réserve d'un délai de prévenance de sept jours calendaires, de modifier les durées journalières de travail, les dates de jours de repos et les horaires de travail en fonction des contraintes de production (article 4 de l'accord susvisé).

23. En l'état de ces motifs qui ne sont pas dubitatifs, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième, quatrième et cinquième branches, la cour d'appel a pu en déduire l'absence de trouble manifestement illicite au titre de la violation alléguée des régimes conventionnels relatifs à la durée du travail.

24. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

25. Les CHSCT, l'expert et le syndicat font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le CHSCT reçoit de l'employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l'exercice de ses missions ; qu'en se bornant à relever, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'insuffisance de l'information sur l'évaluation de la charge de travail, que les textes qui régissent la procédure de consultation du CHSCT ne prévoient pas la communication obligatoire d'un tel document, l'ancien article L. 4614-9 du code du travail faisant uniquement obligation à l'employeur de transmettre au comité les informations qui lui seront nécessaires pour l'exercice de ses missions, sans rechercher si, compte tenu de la spécificité de l'organisation du travail au sein de La Poste, l'évaluation de la charge de travail n'était pas indispensable pour permettre aux CHSCT de rendre un avis utile, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard l'article L. 4614-9, alinéa 1erdu code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile ;

2°/ que le CHSCT reçoit de l'employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l'exercice de ses missions ; qu'en écartant l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'insuffisance de l'information sur l'évaluation de la charge de travail, en raison du contexte d'urgence sanitaire et de la reprise progressive des activités dans le cadre du déconfinement, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser le respect par l'employeur de son obligation d'information à l'égard des CHSCT, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 4612-1 et L. 4612-8-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile ;

3°/ que le CHSCT reçoit de l'employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l'exercice de ses missions ; que la qualité de l'information s'apprécie au regard de celle fournie par l'employeur, peu important que le CHSCT ait décidé de recourir à une expertise ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'insuffisance de l'information sur l'évaluation de la charge de travail, que la documentation transmise par La Poste aux CHSCT appelants apparaissait suffisante pour leur permettre d'apprécier l'évolution des conditions de travail des agents résultant de l'organisation annoncée et de donner un avis éclairé, après, si nécessaire, avoir fait appel à un expert, la cour d'appel a violé l'article L. 4614-9, alinéa 1erdu code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile ;

4°/ que le CHSCT reçoit de l'employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l'exercice de ses missions ; qu'en écartant l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'insuffisance de l'information sur l'évaluation de la charge de travail, aux motifs que le projet soumis aux CHSCT n'était pas un projet de réorganisation mais uniquement une étape dans le cadre de la reprise progressive d'activité pour tendre prochainement à une reprise totale selon les modalités en vigueur avant le début de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, la cour d'appel, qui a une nouvelle fois statué par des motifs impropres à caractériser le respect par l'employeur de son obligation d'information à l'égard des CHSCT, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard au regard l'article L. 4614-9, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

5°/ que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les exposants, si l'absence d'évaluation de la charge de travail par La Poste, au-delà de l'insuffisance de l'information des CHSCT, ne caractérisait pas également une violation des articles L. 4221-1 et suivants du code du travail, et partant un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés. »

Réponse de la Cour

26. Il résulte des articles L. 4612-1, L. 4612-2 et L. 4612-3 du code du travail, demeurés applicables à La Poste, que la mission du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est notamment de contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs ainsi qu'à l'amélioration des conditions de travail, de procéder à l'analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l'établissement ainsi qu'à l'analyse des conditions de travail et de contribuer à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l'établissement.

27. Selon l'article L. 4612-8-1 du même code, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.

En application de l'article L. 4614-12, 2°, du même code, il peut alors, avant d'émettre un avis, recourir à un expert agréé.

28. Il résulte de ces dispositions que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut recourir à un expert en application de l'article L. 4614-12, 2°, pour l'éclairer sur la nouvelle organisation du travail et lui permettre d'avancer des propositions de prévention.

29. Il résulte par ailleurs de l'article L. 4614-9 du même code que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail reçoit de l'employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l'exercice de ses missions.

30. L'article R. 4614-5-2 du même code dispose, en outre, que « pour l'exercice de ses attributions consultatives mentionnées à l'article L. 4612-8 pour lesquelles la loi n'a pas fixé de délai spécifique, le délai de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail court à compter de la communication par l'employeur des informations prévues par le présent code pour la consultation ou de l'information par l'employeur de leur mise à disposition dans la base de données dans les conditions prévues aux articles R. 2323-1-5 et suivants ».

31. Après avoir exactement rappelé que les textes qui régissent la procédure de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne prévoient pas la communication systématique d'un document d'évaluation de la charge de travail, la cour d'appel a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments produits au débat, qu'au regard de la nature, du contexte et des implications du projet qu'elle a analysés, les CHSCT avaient reçu des informations précises et suffisantes leur permettant d'appréhender le contenu de la nouvelle organisation et d'en mesurer les conséquences sur l'évolution des conditions de travail des agents, en sorte qu'il n'y avait pas lieu de suspendre le délai de consultation, ni d'enjoindre à l'employeur de produire le document litigieux.

32. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

33. Les CHSCT, l'expert et le syndicat font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le jugement doit être motivé ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite tiré de la non-conformité de l'évaluation des risques épidémiques et professionnels en lien avec l'organisation annoncée, qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'employeur de consulter le CHSCT sur ce document unique qui est simplement mis à sa disposition en application de l'article R. 4121-4 du code du travail et qu'il se déduit de ces dispositions que l'employeur décide seul de la méthode qu'il souhaite mettre en oeuvre pour procéder à l'évaluation des risques et assume seul la mise à jour du document récapitulant les résultats de cette analyse, sans répondre aux conclusions des CHSCT faisant valoir qu'une telle obligation ressortait pourtant clairement de l'ordonnance du 9 avril 2020, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le jugement doit être motivé ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite tiré de la non-conformité de l'évaluation des risques épidémiques et professionnels en lien avec l'organisation annoncée, que les exposants échouent à démontrer l'insuffisance de l'évaluation réalisée par La Poste, dans répondre aux conclusions des exposants démontrant que l'évaluation des risques, identique pour les deux CHSCT, était manifestement standardisée et incomplète, ne prenant pas en considération les spécificités locales et les risques spécifiques, la cour d'appel a violé derechef l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite tiré de la non-conformité de l'évaluation des risques épidémiques et professionnels en lien avec l'organisation annoncée, que le juge des référés n'avait pas à s'immiscer dans le pouvoir de direction de l'employeur, alors pourtant qu'il lui appartenait de faire respecter l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels pesant sur l'employeur, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

34. Selon l'article L. 4612-12 du code du travail, demeuré applicable à La Poste, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté sur les documents se rattachant à sa mission.

35. En application de l'article R. 4121-1 du code du travail et l'article R. 4121-4 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016, l'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède. Ce document est mis à disposition des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

36. Il résulte de ces dispositions que l'employeur a la responsabilité de l'élaboration et de la mise à jour du document unique d'évaluation des risques professionnels simplement tenu à disposition du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lequel peut être amené, dans le cadre de ses prérogatives, à faire des propositions de mise à jour.

37. C'est dès lors à bon droit, sans avoir à répondre à l'argumentation inopérante visée par la première branche, que la cour d'appel a retenu, par motifs propres, qu'il n'existe aucune obligation légale ou réglementaire pour l'employeur de consulter le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur le document unique en tant que tel.

38. La cour d'appel a par ailleurs constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que La Poste avait joint les documents uniques d'évaluation des risques professionnels datés des 29 mai et 3 juin au dossier de présentation du projet d'organisation transmis aux deux CHSCT en vue des réunions des 2 et 5 juin 2020 et que les CHSCT en faisaient la critique sans toutefois préciser les risques épidémiques et professionnels en lien avec l'épidémie et le projet d'organisation du travail qui n'auraient pas été identifiés ou évalués, ni les sites ou services qui auraient pu être oubliés.

39. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a pu déduire l'absence de trouble manifestement illicite tiré d'une violation par l'employeur de ses obligations en matière d'évaluation des risques professionnels.

40. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le sixième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

41. Les CHSCT, l'expert et le syndicat font le même grief à l'arrêt, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le quatrième moyen portant sur le trouble manifestement illicite tiré de l'insuffisance de l'information donnée aux CHSCT concernant l'évaluation de la charge de travail en lien avec l'organisation annoncée entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt relatif à la demande de communication de pièces par l'expert. »

Réponse de la Cour

42. Le rejet du quatrième moyen prive de portée le moyen en ce qu'il invoque une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (président) - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article R. 4121-1 du code du travail et article R. 4121-4 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1908 du 2 décembre 2016.

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