Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

TRANSPORTS EN COMMUN

2e Civ., 12 mai 2021, n° 20-14.887, (P)

Cassation

Communes hors région parisienne – Redevance de transport (loi du 11 juillet 1973) – Entreprises assujetties – Critères d'assujettissement

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 janvier 2020), la société Comdata Holding France (la société), qui vient aux droits de la société B2S Développement et de la société CRM04, dont le siège social est à Gennevilliers (92), et qui a repris l'activité de la société T Systèmes France en engageant cent-dix salariés issus de cette entreprise qu'elle a déployés chez un de ses clients, dont les locaux sont situés à Villers-Cotterêts (Aisne), a sollicité de l'URSSAF [Localité 1] (l'URSSAF), les 4 décembre 2013 et 24 février 2014, le remboursement d'une certaine somme au titre du versement de transport sur la période d'avril 2012 à décembre 2013, une exonération totale jusqu'en décembre 2015 et un assujettissement progressif sur les années 2016, 2017 et 2018.

2. Après que l'URSSAF a procédé à un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS au sein de la société pour la période du 2 avril 2012 au 31 décembre 2013 et qu'elle lui a adressé une lettre d'observations le 26 janvier 2015, la société a saisi d'un recours le 25 juin 2015 une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de la déclarer mal fondée en son recours, de la débouter de ses demandes de remboursement tant au principal qu'au subsidiaire et de confirmer la décision de la commission de recours amiable du 9 février 2016, notifiée le 17 mars 2016, alors « que le critère d'assujettissement au versement transport n'est pas le lieu d'implantation géographique de l'employeur, mais le lieu effectif de travail des salariés ; que selon l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, « en dehors de la région [Localité 1], les personnes physiques ou morales, publiques ou privées (?), peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés (?.) » ; que selon l'article D. 2333-91 alinéa 2 du même code « pour la détermination des effectifs du mois, il est tenu compte des salariés dont le lieu de travail est situé dans le périmètre de l'une des zones mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 2333-64 (?) » ; qu'en vertu de ces textes, le périmètre du versement transport s'apprécie au regard du « lieu de travail » des salariés et non en fonction de l ?adresse du siège social de l'entreprise ou de l'établissement auquel ils sont rattachés ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt qu'une partie des salariés de la société exposante avait pour lieu de travail effectif la commune de Villers-Cotterêts située dans l'Aisne (arrêt p. 4 dernier §) ; que la société exposante soutenait que ses salariés travaillant sur la commune de Villers-Cotterêts devaient se voir appliquer la législation et le taux de cotisation de versement transport en vigueur dans cette zone géographique (à savoir 0,6 %) ; que la cour d'appel a retenu au contraire que la société exposante, bien que ne comptant qu'un seul établissement implanté dans les Hauts-de-Seine (Gennevilliers), était redevable pour l'ensemble de ses salariés de la contribution versement transport selon le taux applicable dans la zone [Localité 1] (2,6 %), y compris pour ses salariés travaillant sur la commune de Villers-Cotterêts en dehors de cette zone ; qu'en statuant ainsi alors que le versement transport devait être calculé selon le taux applicable dans la zone correspondant au lieu de travail effectif des salariés, à savoir la zone de transport de Villers-Cotterêts, la cour d'appel a violé les articles L. 2333-64, L.2531-2, R.2531-7 et D. 2333-91 du code général des collectivités territoriales en leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2333-64, L. 2531-2, R. 2531-7 et D. 2333-91 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des taxes locales :

4. Selon le troisième de ces textes pris pour l'application du deuxième, les personnes assujetties au versement de transport sont celles qui, employant plus de neuf salariés, dont le lieu de travail est situé dans la région [Localité 1], sont tenues de payer des cotisations de sécurité sociale ou d'allocations familiales.

5. Un salarié ne peut être pris en compte pour l'assujettissement de son employeur au versement de transport que si son lieu effectif de travail, à l'exclusion de l'établissement auquel il est rattaché, se situe dans le périmètre où est institué ce versement.

6. Pour débouter la société de sa demande de remboursement en raison du différentiel du taux de versement de transport en vigueur, la cour d'appel, après avoir exactement rappelé que pour les entreprises dont le seul établissement est situé dans un département de la région parisienne, le versement de transport est dû pour tous les employés au taux en vigueur dans ce département, même si certains employés travaillent effectivement dans un autre département de la région, a énoncé que lorsqu'une entreprise ne compte qu'un seul établissement implanté dans la région [Localité 1], comme en l'espèce, elle est redevable de la contribution versement transport au taux applicable dans le département où elle est implantée, pour l'ensemble de ses salariés, et ce quel que soit le taux applicable dans le département constituant le lieu effectif de travail.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les salariés disposaient de leur lieu de travail effectif dans la zone de transport de Villers-Cotterêts, ce dont il résultait qu'il ne pouvait être pris en compte pour l'assujettissement de la société au versement de transport en [Localité 1], la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 2333-64, L. 2531-2, R. 2531-7 et D. 2333-91 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Soc., 3 juin 1993, pourvoi n° 91-12.065, Bull. 1993, V, n° 159 (rejet).

2e Civ., 12 mai 2021, n° 20-14.992, (P)

Cassation

Communes hors région parisienne – Versement de transport – Montant – Taux du versement – Opposabilité – Conditions

Il résulte des articles 2 du code civil et L. 2333-67, alinéas 6 et 8, du code général des collectivités territoriales, ce dernier dans ses rédactions successivement applicables aux années d'imposition litigieuses, que si le versement de transport est applicable de plein droit, au taux fixé par l'établissement public, en cas d'extension du périmètre de transports urbains résultant de l'extension du périmètre d'un établissement public de coopération intercommunale doté de fiscalité propre, sur le territoire des communes intégrées dans ce dernier, le taux du versement, qui prend effet à la date du 1er janvier ou du 1er juillet qui suit l'entrée en vigueur de l'arrêté portant approbation de l'extension du périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale, n'est opposable aux assujettis situés sur le territoire des communes nouvellement incluses qu'après leur avoir été communiqué par l'organisme de recouvrement au plus tard le 1er décembre ou le 1er juin de l'année considérée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 février 2020), par délibération du 14 décembre 2009, l'assemblée délibérante de Saint-Étienne Métropole (la métropole), autorité organisatrice des transports, a fixé à 1,8 % le taux du versement de transport applicable aux employeurs compris dans le périmètre de l'agglomération. Ce dernier ayant été étendu, par délibération du 1er octobre 2012, approuvée par arrêté préfectoral du 8 novembre 2012, au territoire des communes [Localité 2] et [Localité 3], l'assemblée délibérante de la métropole a, par une délibération du 28 décembre 2012, fixé à 1,3 % le taux du versement applicable, pour l'année 2003, aux entreprises sises sur le territoire des deux communes incluses dans le périmètre de la métropole.

2. Cette dernière délibération ayant été annulée par un jugement d'un tribunal administratif, l'URSSAF [Localité 1] (l'URSSAF) a notifié à la société Lactalis Nestlé Ultra-frais Marques (la société), qui a son siège sur le territoire des communes susmentionnées, un complément de versement en raison de l'annulation de la réduction du taux applicable en 2003.

La société a demandé le remboursement du versement de transport qu'elle estimait avoir indûment réglé pour les années 2013 à 2019.

3. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que le taux de versement destiné au financement des transports en commun est fixé ou modifié par délibération du conseil municipal ou de l'organisme compétent de l'établissement public de coopération intercommunale doté de fiscalité propre ; qu'en cas d'extension d'un périmètre de transports urbains résultant de l'extension du périmètre d'un établissement public de coopération intercommunale doté de fiscalité propre, le taux de versement transport en vigueur sur le territoire de l'établissement public devient de plein droit applicable aux communes nouvellement incluses ; que, pour être opposable aux assujettis situés sur le territoire de ces communes, le nouveau taux de versement transport, qui entre en vigueur au 1er janvier ou au 1er juillet de chaque année, doit leur être communiqué par l'organisme de recouvrement au plus tard le 1er décembre ou le 1er juin de chaque année ; que, pour débouter la société Lactalis Nestlé Ultra-frais Marques de ses demandes de remboursement et dire qu'elle était redevable d'un complément de cotisation au titre du versement transport pour l'année 2013, la cour d'appel a retenu que l'extension du périmètre de la communauté d'agglomération Saint-Etienne Métropole aux communes [Localité 2] et [Localité 3] emportait, de plein droit, application aux entreprises situées sur leur territoire du taux de versement transport de 1,80 % fixé par délibération du conseil de communauté de Saint-Etienne Métropole du 14 décembre 2009, mais que, pour autant, la délibération du 1er octobre 2012 par laquelle ce conseil de communauté s'était prononcé en faveur de l'extension du périmètre de la communauté d'agglomération auxdites communes n'avait pas à être notifiée aux entreprises situées sur le territoire de celles-ci, dès lors qu'elle ne fixait ni ne modifiait le taux de versement transport ; qu'en statuant ainsi, cependant que, la délibération du conseil de communauté du 1er octobre 2012 emportant de plein droit application aux communes [Localité 2] et [Localité 3] du taux de versement transport de 1,80 % en vigueur dans la communauté d'agglomération Saint-Etienne Métropole, elle fixait par là-même, implicitement mais nécessairement, et modifiait également, le taux de versement transport applicable aux assujettis situés sur le territoire de ces communes, dont la société Lactalis Ultra-frais Marques, en conséquence de quoi ce nouveau taux de 1,80 % devait leur être notifié par l'URSSAF [Localité 1] au plus tard le 1er décembre 2012 pour leur être opposable à compter du 1er janvier 2013, tandis qu'il ne l'avait été, selon les constatations adoptées du premier juge, que le 4 avril 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 2333-66 et L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 du code civil et L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales, ce dernier dans ses rédactions successivement applicables aux années d'imposition litigieuses :

5. Selon l'alinéa 6 de ce texte, en cas d'extension du périmètre d'un établissement public de coopération intercommunale doté de fiscalité propre, de la métropole de Lyon ou d'un syndicat mixte auquel a adhéré un établissement public de coopération intercommunale doté de fiscalité propre, le taux de versement destiné au financement des transports en commun applicable sur le territoire des communes incluses peut être réduit ou porté à zéro par décision de l'organe délibérant de l'établissement public ou du syndicat mixte, pour une durée maximale de douze ans à compter de cette inclusion, par rapport au taux applicable sur le territoire des autres communes, lorsque le versement de transport n'était pas institué sur le territoire de communes nouvellement incluses ou l'était à un taux inférieur.

6. Selon le dernier alinéa du même texte, toute modification du taux du versement destiné au financement des transports en commun, prévu par l'article L. 2333-64 du même code, entre en vigueur au 1er janvier ou au 1er juillet de chaque année et la délibération fixant le nouveau taux est transmise par l'autorité organisatrice des transports aux organismes de recouvrement avant, respectivement, le 1er novembre ou le 1er mai de chaque année.

Les organismes de recouvrement communiquent le nouveau taux aux assujettis au plus tard un mois après ces dernières dates.

7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si le versement de transport est applicable de plein droit au taux fixé par l'établissement public, en cas d'extension du périmètre de transports urbains résultant de l'extension du périmètre d'un établissement public de coopération intercommunale doté de fiscalité propre, sur le territoire des communes intégrées dans ce dernier, le taux du versement, qui prend effet à la date du 1er janvier ou du 1er juillet qui suit l'entrée en vigueur de l'arrêté portant approbation de l'extension du périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale, n'est opposable aux assujettis situés sur le territoire des communes nouvellement incluses qu'après leur avoir été communiqué par l'organisme de recouvrement au plus tard le 1er décembre ou le 1er juin de l'année considérée.

8. Pour rejeter les demandes en remboursement de cotisations indues de la société et dire qu'elle était redevable d'un complément de cotisation au titre de l'année 2013, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales que l'extension du périmètre de la communauté d'agglomération aux communes d'Andrézieux-Bouthéon et La Fouillouse[Localité 2] et [Localité 3] emportait, de plein droit, application aux entreprises se trouvant dans le périmètre étendu, du taux de versement de transport prévue pour la communauté d'agglomération et précédemment fixée à 1,80 %, à compter du 1er janvier 2010, selon délibération du même conseil du 14 décembre 2009 et reprise dans la lettre circulaire ACOSS du 18 mars 2010. Il ajoute que la délibération du 1er octobre 2012 décidant de cette extension ne prévoyait ni une fixation ni une modification du taux du versement de transport et la délibération fixant le taux de 1,20 % pour l'année 2013 avait été définitivement annulée. Il retient que l'annulation de la délibération du 28 décembre 2012 ayant minoré le versement de transport à 1,20 % à compter du 1er janvier 2013, n'a pas eu pour effet de l'exonérer du versement de transport applicable, jusqu'à nouvelle délibération.

9. Il en déduit que le taux résultant de la délibération de 2009 avait donc vocation à s'appliquer, à compter du 1er janvier 2013, sans que soit nécessaire ni de prendre une nouvelle délibération ni de notifier la délibération du 1er octobre 2012 aux entreprises concernées, laquelle ne prévoyait ni une fixation ni une modification du taux de versement de transport.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales ; article 2 du code civil.

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