Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

SURETES REELLES IMMOBILIERES

3e Civ., 12 mai 2021, n° 19-25.393, (P)

Rejet

Hypothèque – Hypothèque conventionnelle – Inscription – Purge – Paiement ou consignation du prix – Défaut – Cas – Versement du prix de vente par le notaire sur son compte de dépôt obligatoire à la Caisse des dépôts et consignations

Le versement du prix de vente effectué par le notaire sur son compte de dépôt obligatoire ouvert à la Caisse des dépôts et consignations n'équivaut pas à la consignation de ce prix prévue par l'article 2481 du code civil.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 octobre 2019), par acte authentique du 24 février 2014, la société Capimo 121 a acquis de M. et Mme [V] un appartement grevé de deux hypothèques au profit, l'une, de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord-de-France, l'autre, de la Compagnie européenne de garanties et de cautions.

2. La société Capimo 121 a engagé une procédure de purge puis assigné les vendeurs et les créanciers hypothécaires afin de constater qu'elle avait souscrit aux formalités de purge, d'ordonner en conséquence la radiation des inscriptions, de constater la consignation du prix de vente et de faire désigner un séquestre avec mission de procéder à la distribution amiable du prix.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Capimo 121 fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables, alors :

« 1°/ que les sommes détenues par les notaires pour le compte de tiers à quelque titre que ce soit, sont déposées sur des comptes de disponibilités courantes ouverts à la Caisse des dépôts et consignations et les sommes qui restent détenues sur un tel compte à l'issue d'un délai de trois mois sont transférées sur des comptes de dépôts obligatoires également ouverts à la Caisse des dépôts et consignations ; que chaque versement sur un compte de dépôts obligatoires donne lieu à l'établissement par la Caisse d'un avis de versement adressé au notaire ; qu'un tel avis de versement est de nature à établir la consignation opérée auprès de ladite Caisse ; qu'en retenant au contraire, pour en déduire une absence de consignation du prix de vente de l'immeuble litigieux auprès de la Caisse des dépôts et consignations, que seul un récépissé de consignation tel que prévu par l'article R. 518-31 du code monétaire et financier serait de nature à établir la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations, à l'exclusion d'un avis d'opéré d'une consignation, délivré par ladite Caisse à un notaire titulaire d'un compte ouvert dans les livres de cette dernière, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 2481 du code civil, ensemble l'article R. 518-31 du code monétaire et financier, par fausse application, et les articles 15 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 pris pour l'application du statut du notariat et 5 de l'arrêté du 30 novembre 2000 relatif au dépôt et au retrait des sommes versées par les notaires sur leurs comptes de disponibilités courantes et sur leurs comptes de dépôts obligatoires à la Caisse des dépôts et consignations, par refus d'application ;

2°/ que l'avis d'opéré produit aux débats par la société Capimo 121 mentionnait qu'une somme de 116 400 euros avait été consignée par le notaire sur son compte ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations et concernait une « vente » réalisée par « M. Mme [Z] [H] », de sorte que ce document émis par la Caisse des dépôts et consignations énonçait sommairement l'acte ou, à tout le moins la cause, qui donnait lieu à la consignation, conformément aux exigences de l'article R. 518-31 du code monétaire et financier ; qu'en retenant pourtant que cet avis d'opéré n'était pas un récépissé de consignation tel que prévu par ce dernier texte, la cour d'appel, qui a dénaturé l'avis d'opéré, a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause. »

Réponse de la Cour

4. La Cour de cassation a jugé que le versement à la Caisse des dépôts et consignations du prix de la vente n'équivalait pas à la consignation prévue par l'article 2435, alinéa 3, du code civil (3e Civ., 28 janvier 2015, pourvoi n° 13-24.040, Bull. 2015, III, n° 14).

5. De même, le versement du prix de vente effectué par le notaire sur son compte de dépôt obligatoire ouvert à la Caisse des dépôts et consignations n'équivaut pas à la consignation de ce prix prévue par l'article 2481 du code civil.

6. Ayant exactement retenu que seul le récépissé de consignation prévu par l'article R. 518-31 du code monétaire et financier permettait d'établir la consignation du prix de vente, la cour d'appel, qui a relevé, sans dénaturation, que l'avis d'opéré faisant état du versement du prix sur le compte du notaire n'était pas un récépissé de consignation, en a exactement déduit que, en l'absence de consignation du prix à la Caisse des dépôts et consignations, il y avait lieu de constater l'absence de purge des inscriptions.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 2481 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 28 janvier 2015, pourvoi n° 13-24.040, Bull. 2015, III, n° 14 (rejet).

3e Civ., 12 mai 2021, n° 19-16.514, (P)

Cassation sans renvoi

Hypothèque – Hypothèque judiciaire – Extinction – Fondement – Extinction de la créance principale – Cas – Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs – Prescription

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 20 novembre 2018), suivant acte notarié du 16 juin 1995, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Morbihan, aux droits de laquelle vient la société Intrum Justitia Debt Finance (société Intrum), a consenti un prêt à M. et Mme [C].

2. Le 5 avril 2000, la société Intrum a inscrit, sur un immeuble appartenant à M. [C], une hypothèque judiciaire provisoire à laquelle a été substituée, le 12 mai 2000, une inscription définitive.

3. La société Intrum ayant délivré aux emprunteurs un commandement de payer valant saisie immobilière, le juge de l'exécution a déclaré prescrite l'action en paiement et nul le commandement.

4. M. [C] a assigné la société Intrum aux fins d'obtenir la radiation de l'inscription hypothécaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. [C] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que les hypothèques s'éteignent par l'extinction de l'obligation principale ; que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ; qu'après avoir constaté la prescription biennale de l'action en paiement du professionnel prononcée par un jugement définitif en date du 2 août 2016, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les articles L. 137-2 du code de la consommation, 2488 et 2219 du code civil, rejeter la demande de radiation de l'hypothèque litigieuse en considérant que l'obligation principale aurait survécu à la prescription de l'action en paiement. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 2488, 1° et 4°, deuxième alinéa, du même code :

6. Selon le premier de ces textes, les obligations s'éteignent par la prescription.

7. En application du second, les privilèges et hypothèques s'éteignent par l'extinction de l'obligation principale, sous réserve du cas prévu par l'article 2422 du code civil, et la prescription est acquise au débiteur, quant aux biens qui sont dans ses mains, par le temps fixé pour la prescription des actions qui donnent l'hypothèque ou le privilège.

8. En précisant que la prescription est acquise au débiteur resté détenteur de l'immeuble hypothéqué par le temps fixé pour la prescription de l'action qui naît de l'obligation principale dont l'hypothèque ou le privilège est l'accessoire, les rédacteurs du code civil ont souhaité proscrire la règle de l'ancien droit, selon laquelle l'action hypothécaire survivait à la prescription de l'action personnelle en devenant l'accessoire d'une obligation naturelle, et faire, au contraire, coïncider la prescription de la créance et l'extinction de l'hypothèque.

9. Admettre que l'hypothèque ou le privilège puisse survivre à la prescription de l'action en exécution de l'obligation principale remettrait en cause cet objectif, en permettant l'exercice de l'action hypothécaire après prescription de l'action personnelle.

10. Il en résulte que la prescription, qu'elle concerne l'obligation principale ou l'action en paiement emporte, par voie de conséquence, l'extinction de l'hypothèque ou du privilège.

11. Pour rejeter la demande de radiation, l'arrêt retient que la prescription de l'action en paiement résultant de l'application des dispositions de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation n'éteint pas le droit du créancier, auquel elle interdit seulement d'exiger l'exécution de l'obligation, et que cette prescription n'a pas non plus pour effet d'éteindre le titre constatant la créance.

12. En statuant ainsi, alors que l'acquisition de la prescription biennale de l'action du professionnel contre le consommateur entraîne, par voie de conséquence, l'extinction de l'hypothèque qui constitue l'accessoire de la créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. L'acquisition de la prescription biennale de l'action de la société Intrum entraînant la prescription de l'hypothèque, il y a lieu d'accueillir la demande de radiation.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE la radiation de l'hypothèque judiciaire définitive inscrite sur l'immeuble situé à [Adresse 3][Localité 1], lieudit [Localité 2], cadastré section [Cadastre 1] pour une contenance de 4 a 35 ca.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 2488, 1° et 4°, alinéa 2, du code civil.

3e Civ., 12 mai 2021, n° 19-16.515, (P)

Cassation sans renvoi

Hypothèque – Hypothèque judiciaire – Extinction – Fondement – Extinction de la créance principale – Cas – Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs – Prescription

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 20 novembre 2018), suivant acte notarié du 16 juin 1995, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Morbihan, aux droits de laquelle vient la société Intrum Justitia Debt Finance (société Intrum), a consenti à M. et Mme [O] un prêt garanti par une hypothèque sur un immeuble leur appartenant.

2. La société Intrum ayant délivré aux emprunteurs un commandement de payer valant saisie immobilière, le juge de l'exécution a dit prescrite l'action en paiement et nul le commandement.

3. M. et Mme [O] ont assigné la société Intrum aux fins d'obtenir la radiation de l'inscription hypothécaire.

Examen du moyen

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, « alors que les hypothèques s'éteignent par l'extinction de l'obligation principale ; que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ; qu'après avoir constaté la prescription biennale de l'action en paiement du professionnel prononcée par un jugement définitif en date du 2 août 2016, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les articles L. 137-2 du code de la consommation, 2488 et 2219 du code civil, rejeter la demande de radiation de l'hypothèque litigieuse en considérant que l'obligation principale aurait survécu à la prescription de l'action en paiement. » Réponse de la Cour

Vu l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 2488, 1° et 4°, deuxième alinéa, du même code :

5. Selon le premier de ces textes, les obligations s'éteignent par la prescription.

6. En application du second, les privilèges et hypothèques s'éteignent par l'extinction de l'obligation principale, sous réserve du cas prévu par l'article 2422 du code civil, et la prescription est acquise au débiteur, quant aux biens qui sont dans ses mains, par le temps fixé pour la prescription des actions qui donnent l'hypothèque ou le privilège.

7. En précisant que la prescription est acquise au débiteur resté détenteur de l'immeuble hypothéqué par le temps fixé pour la prescription de l'action qui naît de l'obligation principale dont l'hypothèque ou le privilège est l'accessoire, les rédacteurs du code civil ont souhaité proscrire la règle de l'ancien droit, selon laquelle l'action hypothécaire survivait à la prescription de l'action personnelle en devenant l'accessoire d'une obligation naturelle, et faire, au contraire, coïncider la prescription de la créance et l'extinction de l'hypothèque.

8. Admettre que l'hypothèque ou le privilège puisse survivre à la prescription de l'action en exécution de l'obligation principale remettrait en cause cet objectif, en permettant l'exercice de l'action hypothécaire après prescription de l'action personnelle.

9. Il en résulte que la prescription, qu'elle concerne l'obligation principale ou l'action en paiement emporte, par voie de conséquence, l'extinction de l'hypothèque ou du privilège.

10. Pour rejeter la demande de radiation, l'arrêt retient que la prescription de l'action en paiement résultant de l'application des dispositions de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation n'éteint pas le droit du créancier, auquel elle interdit seulement d'exiger l'exécution de l'obligation, et que cette prescription n'a pas non plus pour effet d'éteindre le titre constatant la créance.

11. En statuant ainsi, alors que l'acquisition de la prescription biennale de l'action du professionnel contre le consommateur entraîne, par voie de conséquence, l'extinction de l'hypothèque qui constitue l'accessoire de la créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. L'acquisition de la prescription biennale de l'action de la société Intrum entraînant la prescription de l'hypothèque, il y a lieu d'accueillir la demande de radiation.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE la radiation de l'hypothèque inscrite sur l'immeuble situé commune de Nouaillé-Maupertuis, cadastré section D, numéro [Cadastre 1].

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 2488, 1° et 4°, alinéa 2, du code civil.

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