Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 12 mai 2021, n° 20-12.827, (P)

Rejet

Cotisations – Taux – Fixation – Taux individuel – Accidents ou maladies professionnelles prises en considération – Exclusion – Agression d'un tiers non-identifié au moyen d'une arme

Selon l'article D. 242-6-7, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, l'accident du travail résultant d'une agression perpétrée au moyen d'armes ou d'explosifs n'est pas imputé au compte de l'employeur lorsque celle-ci est attribuable à un tiers qui n'a pu être identifié.

Des énonciations et constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur des éléments de fait et de preuve débattus par les parties, la cour d'appel a pu déduire que l'accident du travail résultait d'une agression perpétrée au moyen d'une arme par destination, au sens de l'article 132-75, alinéa 2, du code pénal, par un tiers qui n'avait pu être identifié, de sorte que les dépenses afférentes à cet accident du travail ne devaient pas être inscrites au compte de l'employeur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 novembre 2019), la caisse régionale d'assurance maladie [Localité 1] (la caisse) ayant rejeté sa contestation de l'imputation sur son compte employeur des dépenses afférentes à l'accident du travail dont a été victime l'un de ses salariés, le 16 décembre 2017, la société Transports Marne et Morin (l'employeur) a saisi d'un recours la juridiction de la tarification.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La caisse fait grief à l'arrêt de faire droit au recours, alors :

« 1° / que l'accident du travail résultant d'une agression perpétrée au moyen d'armes ou d'explosifs n'est pas imputé au compte de l'employeur lorsque celle-ci est attribuable à un tiers qui n'a pas pu être identifié ; que la notion d'arme doit être ici entendue en son sens littéral, une arme étant tout objet qui sert à attaquer ou à se défendre ; que, dès lors que le texte du code de la sécurité sociale ne se réfère pas au code pénal, la notion spécifique « d'arme par destination » adoptée par le droit pénal n'est pas applicable ; qu'en jugeant néanmoins en l'espèce que le salarié avait été victime d'une agression au moyen d'une arme par destination constituée par un sac rempli de bouteilles d'alcool, quand un tel objet ne constitue pas une arme au sens littéral du terme, la cour d'appel a violé l'article D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que, subsidiairement, constitue une arme par destination au sens du droit pénal tout objet susceptible de présenter un danger pour les personnes, dès lors qu'il est utilisé pour tuer, blesser ou menacer ou qu'il est destiné, par celui qui en est porteur, à tuer, blesser ou menacer ; que c'est à ce titre le comportement de l'utilisateur de l'objet qui est déterminant et non la situation de danger dans laquelle ont pu se trouver les victimes dès lors que de tels effets auraient pu tout aussi bien être produits par une involontaire maladresse dans l'utilisation de l'objet ; qu'en l'espèce, pour dire que le salarié avait été victime d'une agression perpétrée au moyen d'une arme, la cour d'appel s'est contentée de relever que l'homme qui descendait du bus par l'avant lui avait mis un coup de sac dans la tête ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser une intention de la part de cet homme d'utiliser son sac comme une arme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale et 132-75 du code pénal ;

3°/ qu'en tout état de cause l'accident du travail résultant d'une agression perpétrée au moyen d'armes ou d'explosifs n'est pas imputé au compte de l'employeur lorsque celle-ci est attribuable à un tiers qui n'a pas pu être identifié ; qu'il en résulte que seule une agression commise au moyen de plusieurs armes ou de plusieurs explosifs est susceptible d'exclure l'imputation de l'accident au compte employeur ; que, même à supposer qu'un sac à dos puisse être qualifié d'arme, le seul fait pour un salarié d'avoir été heurté par un unique sac à dos ne constitue pas une agression perpétrée au moyen de plusieurs armes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

3. Selon l'article D. 242-6-7, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, l'accident du travail résultant d'une agression perpétrée au moyen d'armes ou d'explosifs n'est pas imputé au compte de l'employeur lorsque celle-ci est attribuable à un tiers qui n'a pu être identifié.

4. L'arrêt retient qu'il résulte de la plainte déposée le 18 décembre 2017 que le salarié a été agressé par un homme, qui descendant du bus par l'avant, lui a porté à la tête un coup de sac de randonnée contenant des bouteilles d'alcool et que le parquet de Meaux, par courrier du 9 avril 2019, a précisé que l'affaire avait été déclarée sans suite, l'auteur étant inconnu.

5. De ces énonciations et constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus par les parties, la cour d'appel a pu déduire que l'accident du travail résultait d'une agression perpétrée au moyen d'une arme par destination, au sens de l'article 132-75, alinéa 2, du code pénal, par un tiers qui n'avait pu être identifié, de sorte que les dépenses afférentes à cet accident du travail ne devaient pas être inscrites au compte de l'employeur.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 12 mai 2021, n° 20-15.102, (P)

Rejet

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Examen ou enquête complémentaire – Information sur les éléments recueillis – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Pour l'application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, le délai de dix jours francs qu'il prévoit court à compter de la réception par les destinataires de l'information communiquée par l'organisme.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 février 2020), salariée de la société Bellière (la société), Mme [F] a déclaré, le 29 septembre 2015, une pathologie que la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] (la caisse) a prise en charge, le 12 janvier 2016, au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles.

2. Contestant l'opposabilité, à son égard, de cette décision, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours, alors :

« 1°/ que la caisse met l'employeur en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief lorsqu'elle l'avise, dix jours au moins avant la prise de décision, par tout moyen permettant d'en établir la date de réception, de la fin de l'instruction et de la possibilité de prendre connaissance du dossier et de formuler des observations ; qu'en décidant que la caisse n'avait pas respecté le principe du contradictoire quand ils constataient que par lettre recommandée avec avis de réception du 23 décembre 2015, présentée à l'employeur le 26 décembre 2015, elle a informé l'employeur de la fin de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier et de formuler des observations avant la décision devant intervenir le 12 janvier 2016, les juges du fond ont violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction postérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ;

2°/ qu'en se fondant sur la circonstance que la lettre recommandée du 23 décembre 2015, présentée à l'employeur le 26 décembre 2015, n'a été retirée par l'employeur que le 6 janvier 2016 pour cause de congés de ce dernier, quand cette circonstance, propre à l'entreprise, ne pouvait entraîner une violation du principe du contradictoire, les juges du fond ont violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction postérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ;

3°/ que les dispositions des articles 665 à 670-3 du code de procédure civile ne sont pas applicables à la procédure d'instruction menée par la caisse ; que dès lors, la lettre recommandée avisant l'employeur de la possibilité de consulter le dossier à l'issue de l'instruction produit ses effets, dès sa date de présentation, si même elle est réclamée postérieurement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction postérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ;

4°/ que le délai de dix jours dans lequel l'employeur a la possibilité de consulter le dossier à l'issue de l'instruction est un délai franc ; qu'en se fondant sur la circonstance que l'employeur n'avait eu que trois jours ouvrés effectifs pour consulter le dossier, la cour d'appel a violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction postérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, dans les cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de faire grief ainsi que sur la possibilité de venir consulter le dossier.

5. Pour l'application de ce texte, le délai de dix jours francs qu'il prévoit court à compter de la réception par les destinataires de l'information communiquée par l'organisme.

6. L'arrêt relève, d'une part, que le courrier du 23 décembre 2015, adressé en lettre recommandée avec accusé de réception, par lequel la caisse notifie à l'employeur la fin de l'instruction du dossier ainsi que la possibilité de venir le consulter et fixe la date de sa décision, a été présenté à la société le 26 décembre, mais n'a été retiré par celle-ci que le 6 janvier 2016, d'autre part, que la décision de la caisse est intervenue le 12 janvier 2016.

7. De ces constatations relevant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, et dont il résultait que la caisse n'avait pas satisfait à son obligation d'information, la cour d'appel a exactement déduit que la décision de prise en charge était inopposable à la société.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009.

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