RESPONSABILITE CONTRACTUELLE
1re Civ., 5 mai 2021, n° 19-20.579, (P)
Rejet
Applications diverses – Assistance – Convention d'assistance bénévole – Dommage causé par un assistant à un autre assistant ou à un tiers – Faute délictuelle de l'assistant – Faute contractuelle de l'assisté – Partage de responsabilité – Possibilité
En présence d'une convention d'assistance bénévole, la faute délictuelle de l'assistant à l'origine du dommage subi par un autre assistant n'est pas exclusive de la responsabilité contractuelle de l'assisté au titre de ses propres manquements à l'égard de l'assistant victime, ce qui peut conduire à un partage de responsabilité.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 juin 2019), le 17 septembre 2011, alors qu'il procédait bénévolement à la demande de M. [E], au tri et au rangement d'affaires se trouvant au domicile de ce dernier, avec Mme [O] et M. [G], M. [P] a été gravement blessé par un carton jeté par M. [G] depuis le balcon du deuxième étage alors qu'il se trouvait en dessous.
2. Après avoir alloué une provision à M. [P] et remboursé les prestations fournies par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accident, la société Gan assurances (la société Gan), assureur de M. [E], a assigné en responsabilité M. [G] ainsi que Mme [O], dont la responsabilité a été écartée, et son assureur, la Caisse meusienne d'assurances mutuelles qui a été mis hors de cause.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. La société Gan fait grief à l'arrêt, de limiter la condamnation de M. [G] à lui payer les sommes de 4 350 euros et de l'équivalent en euros de 55 807,02 francs suisses, alors :
« 1°/ que, dans le cadre d'une convention d'assistance bénévole, l'assisté ne peut être tenu à réparation en cas de faute commise par l'assistant au préjudice d'un autre assistant ; qu'en condamnant M. [E] en sa qualité d'assisté à la convention d'assistance bénévole le liant à M. [G], à réparer le préjudice subi par M. [P], après avoir constaté que les dommages subis par ce dernier résultaient de la faute de M. [G], lequel avait jeté un carton depuis le balcon sans s'assurer de l'absence de danger pour les personnes se trouvant en dessous, la cour d'appel a violé les articles 1135 et 1147, devenus 1194 et 1231-1, du code civil ;
2°/ que le manquement de l'assisté à ses obligations contractuelles envers l'assistant ne permet pas de le condamner, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à réparer le dommage causé à un autre assistant ; qu'après avoir constaté que les dommages subis par M. [P] résultaient de la faute de M. [G], lequel avait jeté un carton depuis le balcon sans s'assurer de l'absence de danger pour les personnes se trouvant en dessous, la cour d'appel a retenu que M. [E] devait être tenu pour responsable, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, du préjudice subi par M. [P], dès lors que M. [E] avait lui-même commis une faute en donnant à M. [G] un ordre dont les conséquences pouvaient être dangereuses pour les personnes, sans l'accompagner de consignes de sécurité ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1135 et 1147, devenus 1194 et 1231-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir constaté l'existence d'une convention d'assistance bénévole entre M. [E] et M. [P], l'arrêt retient, d'abord, que M. [G] a commis une faute délictuelle en jetant le carton sans s'assurer qu'il pouvait le faire sans danger pour les personnes se trouvant au rez-de-chaussée, ensuite, que M. [E], en tant qu'assisté et organisateur des travaux entrepris dans son intérêt, a commis une faute contractuelle en donnant à M. [G] un ordre dont les conséquences pouvaient être dangereuses pour les personnes, sans l'accompagner d'une quelconque consigne de sécurité et, enfin, que ces fautes ont toutes deux concouru à la réalisation du dommage subi par M. [P] à hauteur respectivement de 70 % pour M. [E] et 30 % pour M. [G].
6. La cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la faute commise par M. [G] n'était pas exclusive de la responsabilité contractuelle de M. [E] au titre de ses propres manquements à l'égard de M. [P] et qu'en conséquence la réparation à la charge de M. [G] devait être limitée dans la proportion qu'elle a fixée.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat(s) : SCP Lévis ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -
Textes visés :
Articles 1194 et 1147 du code civil.