Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

2e Civ., 20 mai 2021, n° 20-13.633, (P)

Cassation

Mesures d'exécution forcée – Titre – Titre exécutoire – Définition – Acte notarié – Mentions nécessaires

Constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 19 décembre 2019), M. et Mme [Z] ont, par acte authentique reçu, le 13 octobre 2008, par un notaire de Forbach, souscrit auprès de la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) un prêt immobilier pour un certain montant en francs suisses, débloqué et remboursable en euros, le remboursement du crédit étant garanti par l'hypothèque du bien immobilier acquis grâce au prêt.

2. M. et Mme [Z] ayant cessé de rembourser le prêt, la banque a prononcé le déchéance du terme, puis sa résiliation, et leur a fait signifier un commandement de payer portant sur une certaine somme.

3. Par ordonnance du 18 septembre 2017, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné l'exécution forcée.

4. Sur pourvoi immédiat formé par M. et Mme [Z], le tribunal d'instance a, par ordonnance du 28 juin 2018, rétracté l'ordonnance et rejeté la requête à fin d'exécution forcée immobilière.

5. Sur pourvoi immédiat formé par la banque contre cette dernière ordonnance, le tribunal d'instance l'a maintenue et a transmis le dossier à la cour d'appel de Metz.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La banque fait grief à l'arrêt de rétracter la décision du 18 septembre 2017 ayant ordonné l'exécution forcée des biens immobiliers appartenant à M. et Mme [Z] et de rejeter sa requête aux fins d'exécution forcée immobilière à l'encontre de M. et Mme [Z] sur le fondement de l'acte notarié du 13 octobre 2008 reçu par Maître [X] [L], notaire à Forbach, alors « que une loi est interprétative quand elle se borne à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse ; que l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, qui modifie l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution afin d'en préciser le sens et la portée, a été adopté en réaction à quatre arrêts non publiés rendus par la Cour de cassation entre le 6 avril 2016 et le 22 mars 2018, qui, faisaient une interprétation restrictive de ce texte que les juridictions du fond refusaient de reprendre à leur compte ; qu'en retenant, pour refuser de l'appliquer immédiatement aux instances en cours, que l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ne constitue pas une disposition interprétative, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. A défaut de disposition transitoire, l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, modifiant l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, est entré en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel, intervenue le 24 mars 2019, soit le 25 mars 2019.

8. Cet article, procédant d'une loi relative aux procédures civiles d'exécution, dépourvu de caractère interprétatif, est d'application immédiate. Il n'est donc applicable qu'aux actes d'exécution forcée postérieurs à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

9. Les actes d'exécution en cause étant antérieurs au 25 mars 2019, la cour d'appel en a exactement déduit que le litige était soumis à l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 mars 2019.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

10. La banque fait le même grief à l'arrêt alors « que constitue un titre exécutoire l'acte établi par un notaire du Bas-Rhin, du Haut-Rhin ou de la Moselle s'il est dressé au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'acte de prêt notarié du 13 octobre 2008 indiquait que le capital mis à disposition des emprunteurs s'élevait à 266 938,40 francs suisses, soit une contre-valeur de 163 350 euros, que le taux d'intérêt s'élevait à 4,05 % l'an pendant les cinq premières années et serait ensuite révisé tous les cinq ans sur la base de la moyenne mensuelle du taux SWAP francs suisse, que l'amortissement du prêt se ferait par le versement de mensualités en euros convertis en francs suisses pour être imputés au capital, selon le taux de change en vigueur, actuellement fixé à 1 euros contre 1,61 francs suisses, que le coût total du crédit s'élevait à 127 288,74 euros, soit un taux annuel effectif global de 4,99 %, abstraction faite d'éventuelles variations du taux d'intérêts et du taux de change susceptibles d'intervenir au cours de l'exécution, et qu'en cas de déchéance du terme une indemnité de 7 % de solde serait due ; qu'en retenant, pour en déduire que cet acte ne constituait pas un titre exécutoire, que « la créance invoquée à l'appui de la demande d'exécution forcée immobilière ne résulte pas directement de l'acte notarié, sauf à devoir la déterminer, une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir, de l'indemnité forfaitaire de 7 % calculée sur un solde qui n'est pas encore connu et des frais de change », de sorte qu'en l'absence d'arrêté de compte notarié fixant le montant des sommes restant dues par les emprunteurs, pour l'établissement duquel ceux-ci avaient donné mandat à tout représentant habilité de la société BNP Paribas Personal Finance, cette dernière ne pouvait prétendre au bénéfice de la procédure d'exécution forcée immobilière, quand les actes notariés d'Alsace-Moselle sont exécutoires dès lors qu'ils portent sur une créance déterminée sans qu'il soit besoin d'indiquer le montant des sommes restant dues au créancier au jour des poursuites, par définition inconnaissable au moment où l'acte est établi, la cour d'appel a violé l'article L. 111-5 du code des procédures civile d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 :

11. Aux termes de ce texte, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements ou du ressort des cours d'appel de [Localité 1] et de Metz lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate.

12. Il en résulte que constitue un titre exécutoire un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.

13. Pour rejeter la demande de vente par voie d'exécution forcée immobilière, l'arrêt relève qu'il résulte de l'acte authentique de prêt que le montant du crédit exprimé en francs suisses, soit 266 938,40 francs suisses convertis en euros à hauteur de 163 350 euros, est géré, d'une part, en francs suisses (monnaie de compte) pour connaître à tout moment l'état du remboursement du crédit, d'autre part, en euros (monnaie de paiement) pour permettre le paiement des échéances du crédit et que l'amortissement du capital évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels après paiement des charges annexes du crédit, selon les modalités définies au paragraphe « opérations de change ».

14. Il retient que l'amortissement du prêt en francs suisses se fait par conversion des échéances fixes payées en euros selon un taux de change entre le franc suisse et l'euro dont la variation, par définition possible, emporte une incidence sur la durée des remboursements, sur le montant des échéances, et par conséquent, sur la charge totale de remboursement du prêt.

15. Il en déduit, d'une part, que la créance ne résulte pas directement de l'acte notarié, sauf à devoir la déterminer, une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir, de l'indemnité forfaitaire de 7 % calculée sur un solde qui n'est pas encore connu et des frais de change et, d'autre part, qu'en l'absence d'acte complémentaire reçu par acte authentique et formalisant expressément la somme due en exécution de l'acte de prêt réitéré par acte authentique, la créance pour laquelle la vente forcée des biens est poursuivie ne se trouve pas suffisamment déterminée dans l'acte notarié servant de fondement aux poursuites, de sorte que celui-ci ne peut, dès lors, valoir titre exécutoire.

16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'acte notarié du 6 août 2017 mentionnait, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement était poursuivi, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que l'acte valait titre exécutoire, a violé le texte susvisé

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination du titre exécutoire en application de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, à rapprocher : 2e Civ., 25 juin 2020, pourvoi n° 19-23.219, Bull. 2020, (cassation partielle).

2e Civ., 20 mai 2021, n° 19-22.553, (P)

Cassation

Mesures d'exécution forcée – Titre – Titre exécutoire – Formule exécutoire – Nécessité – Exclusion – Cas – Décision à laquelle la loi attache les effets d'un jugement – Décision du premier président de cour d'appel rendant exécutoire le rôle des cotisations dues à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF)

A défaut de dérogation légale, la décision d'un premier président de cour d'appel de rendre exécutoire le rôle des cotisations dues à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), en application de l'article L. 723-9 du code de la sécurité sociale, ne peut faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée, sans présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 juillet 2019), sur le fondement d'une ordonnance du 1er septembre 2016, rendue par le premier président d'une cour d'appel rendant exécutoire le rôle des cotisations dues à la Caisse nationale des barreaux français (la CNBF), cette dernière a fait délivrer à M. [R] un commandement aux fins de saisie-vente et a fait pratiquer une saisie-attribution par acte du 12 janvier 2017, signifié au débiteur le 19 janvier 2017.

2. M. [R] a assigné la CNBF devant un juge de l'exécution à fin de voir annuler ce commandement et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution.

3. Par jugement du 16 octobre 2017, M. [R] a été débouté de ses demandes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [R] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation du commandement aux fins de saisie-vente et des saisies-attributions du 12 janvier 2017 et de sa demande de condamnation de la CNBF au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que les délibérations de l'assemblée générale des délégués de la CNBF fixant le montant de la cotisation prévue à l'article L. 723-5 et le montant des retraites ne deviennent exécutoires que si, dans un délai déterminé à compter du jour où leur texte a été communiqué aux autorités compétentes de l'Etat, aucune de celles-ci n'a indiqué qu'elle s'opposait à leur application, de sorte que le juge de l'exécution, chargé de vérifier le caractère exécutoire du titre, doit s'assurer que le texte des délibérations de la CNBF a été communiqué à l'autorité de tutelle et que celle-ci ne s'est pas opposée à leur application ; qu'en jugeant que M. [R] est « mal fondé à se prévaloir devant la cour statuant comme juridiction d'appel du juge de l'exécution de l'absence de production des procès-verbaux des assemblées générales de la caisse fixant le montant des cotisations et de l'absence de justification de la notification de ces procès-verbaux aux autorités compétentes de l'Etat », la cour d'appel a violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article L. 723-8 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles L. 213-6 du code l'organisation judiciaire et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution qu'il n'entre pas dans les attributions du juge de l'exécution de remettre en cause un titre exécutoire constitué par une décision de justice.

6. Ayant relevé que les contestations relatives à l'absence de production des procès-verbaux des assemblées générales de la CNBF fixant le montant des cotisations et de justification de la notification de ces procès-verbaux aux autorités compétentes de l'Etat relevaient de la compétence du tribunal d'instance en application de l'article R. 723-26 du code de la sécurité sociale et qu'aucune opposition n'avait été formée dans les délais à l'encontre du titre exécutoire délivré le 1er septembre 2016, la cour d'appel, qui statuait sur un recours contre une décision d'un juge de l'exécution, dans les limites des pouvoirs de ce dernier, en a exactement déduit que les contestations de M. [R] tendaient à remettre en cause le titre exécutoire constitué par l'ordonnance du premier président.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. M. [R] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'à moins que la loi n'en dispose autrement, nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire prévue par l'article 1er du décret du 12 juin 1947 relatif à la formule exécutoire ; que l'article L. 723-9 du code de la sécurité sociale selon lequel « le rôle des cotisations est rendu exécutoire par le premier président de chaque cour d'appel, sur l'avis du procureur général » ne dispense aucunement de l'apposition de la formule exécutoire ; qu'en jugeant que puisque le rôle des cotisations est rendu exécutoire par le premier président de chaque cour d'appel, sur l'avis du procureur général, l'apposition de la formule exécutoire résultant des dispositions du décret du 12 juin 1947 n'était pas requise, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 502 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 502 du code de procédure civile, L. 111-3, 1°, du code des procédures civiles d'exécution et 1er du décret n° 47-1047 du 12 juin 1947, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019 :

9. Aux termes de l'article 502 du code de procédure civile, nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement.

10. Il s'ensuit qu'à défaut de dérogation légale, la décision d'un premier président de rendre exécutoire le rôle des cotisations dues à la CNBF, en application de l'article L. 723-9 du code de la sécurité sociale, ne peut faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée, sans présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire.

11. Pour rejeter la demande de nullité des mesures d'exécution forcée, l'arrêt retient que l'article L. 723-9 du code de la sécurité sociale dispose que le rôle des cotisations est rendu exécutoire par le premier président de chaque cour d'appel, sur l'avis du procureur général, et en déduit que l'apposition de la formule exécutoire par le greffe, telle que résultant des dispositions du décret n° 47-1047 du 12 juin 1947, n'est pas requise.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Boulloche -

Textes visés :

Article L. 723-9 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 30 janvier 2014, pourvoi n° 12-29.246, Bull. 2014, II, n° 30 (cassation).

2e Civ., 27 mai 2021, n° 17-11.220, (P)

Cassation partielle

Mesures d'exécutions forcées – Titre – Titre exécutoire – Décision du bâtonnier – Condition – Validation par ordonnance du président du tribunal judiciaire – Exclusion – Recours devant le premier président de la cour d'appel déclaré irrecevable

Il résulte des articles L. 111-2 et L. 111-3, 1° et 6°, du code des procédures civiles d'exécution, 502 du code de procédure civile et 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat que la décision prise par le bâtonnier d'un ordre d'avocats sur une contestation en matière d'honoraires, fût-elle devenue irrévocable par suite de l'irrecevabilité du recours formé devant le premier président de la cour d'appel, ne constitue pas une décision à laquelle la loi attache les effets d'un jugement, de sorte qu'elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée qu'après avoir été rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal judiciaire, seul habilité à cet effet.

Viole ces textes, l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour dire qu'un avocat dispose d'un titre exécutoire pour le recouvrement de sa créance d'honoraires fixée par la décision du bâtonnier de son ordre, relève que cette décision a fait l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel qui, par une ordonnance devenue irrévocable, l'a déclaré irrecevable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 novembre 2016), M. [B], avocat, a défendu jusqu'au mois d'octobre 1996 les intérêts de [G] [V] et des sociétés Azul Résidence et Baticos, que celui-ci dirigeait.

2. Par décision du 1er août 2002, le bâtonnier de son ordre a fixé à une certaine somme le montant des honoraires que [G] [V] et les deux sociétés restaient lui devoir et, par ordonnance du 3 décembre 2003, devenue irrévocable par suite de la déchéance du pourvoi en cassation introduit par ces derniers, le premier président de la cour d'appel a déclaré irrecevable le recours formé contre la décision ordinale, au motif que son auteur n'était ni identifiable, ni expressément mandaté par un pouvoir spécial.

3. À la suite du décès de [G] [V], le 16 avril 2012, M. [B], poursuivant le recouvrement de sa créance à l'encontre de Mmes [Z], [X] et [K] [V], ayants droit du défunt (les consorts [V]), a fait signifier une opposition à partage auprès du notaire chargé du règlement de la succession et inscrire une hypothèque judiciaire sur divers immeubles appartenant aux intéressées ou dépendant de la succession.

4. Les consorts [V], soutenant que M. [B] ne disposait pas d'un titre exécutoire, l'ont fait assigner devant un tribunal en vue d'obtenir la mainlevée des inscriptions d'hypothèque et l'annulation de l'opposition à partage.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Les consorts [V] font grief à l'arrêt de dire que l'ordonnance du 3 décembre 2003 du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence déclarant irrecevable le recours formé contre l'ordonnance du bâtonnier de Nice du 1er août 2002 a conféré à M. [B] un titre exécutoire pour le recouvrement de sa créance d'honoraires arrêtée à la somme de 500 000 euros HT, d'infirmer en conséquence le jugement déféré et de dire que les hypothèques judiciaires définitives prises les 2 août, 6 septembre 2013 et 13 mars 2014 par M. [B] l'ont été valablement dans le délai de dix ans courant à compter du 19 juin 2008, de rejeter en conséquence la demande des consorts [V] tendant à voir constater la prescription de l'action en recouvrement de la créance d'honoraires et à voir annuler l'opposition faite par M. [B] entre les mains de M. [G], notaire à Marseille, le 20 décembre 2013, d'ordonner aux consorts [V] de communiquer à M. [B] le compte d'administration de la succession de M. [V] dans les deux mois de la signification de l'arrêt sous peine d'astreinte, et de rejeter la demande des consorts [V] en paiement de dommages-intérêts, alors « que le premier président de la cour d'appel auquel la décision du bâtonnier statuant sur une contestation d'honoraires a été déférée, ayant par une ordonnance devenue définitive, déclaré ce recours irrecevable « comme étant l'oeuvre d'un tiers au procès, non identifié et non expressément mandaté par un pouvoir spécial » sans examen de la contestation au fond, la décision prise par le bâtonnier devait être rendue exécutoire par le président du tribunal de grande instance à la requête, soit de l'avocat, soit de la partie ; qu'en énonçant que l'ordonnance d'irrecevabilité du premier président de la cour d'appel du 3 décembre 2003, qui se bornait à constater que l'auteur du recours formé contre l'ordonnance de taxe du bâtonnier de Nice du 1er août 2002 n'était pas identifiable, aurait conféré à M. [B] un titre exécutoire, la cour d'appel a violé les articles 178 du décret du 27 novembre 1991 et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 111-2 et L. 111-3, 1° et 6°, du code des procédures civiles d'exécution, 502 du code de procédure civile et 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat :

6. Selon le deuxième de ces textes, ne constituent des titres exécutoires dont un créancier peut, en application du premier, poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur, que, notamment, les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire lorsqu'elles ont force exécutoire et les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement.

7. Aux termes du troisième, nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement.

8. Il résulte du dernier que la décision prise par le bâtonnier d'un ordre d'avocats sur une contestation en matière d'honoraires ne peut être rendue exécutoire que par ordonnance du président du tribunal judiciaire.

9. Pour dire que M. [B] dispose d'un titre exécutoire pour le recouvrement de sa créance d'honoraires fixée par la décision du bâtonnier de son ordre, l'arrêt relève que cette décision a fait l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel qui, par une ordonnance devenue irrévocable, l'a déclaré irrecevable.

10. Il retient ensuite qu'il importe peu que le premier président ne se soit pas prononcé sur le montant des honoraires de M. [B], dès lors que la décision du bâtonnier lui ayant été déférée, l'ordonnance, par laquelle ce magistrat a déclaré le recours irrecevable, a eu pour effet, après déchéance du pourvoi en cassation dont elle a été frappée, de rendre exécutoire la décision déférée, sans que M. [B] eût à saisir, à cet effet, le président du tribunal de grande instance.

11. Il énonce, à cet égard, que l'article 178 du décret du 27 novembre 1991 ne confère au président du tribunal judiciaire le pouvoir de donner force exécutoire à la décision du bâtonnier qu'en l'absence de recours formé devant le premier président de la cour d'appel et que, lorsqu'un tel recours a été introduit, il n'y a pas lieu d'opérer une distinction, que le texte ne prévoit pas, selon que ce recours est jugé recevable ou non, et, dans la négative, d'imposer à l'avocat de saisir le président du tribunal en vue d'obtenir un titre exécutoire, au motif que l'ordonnance du premier président ne vaudrait elle-même titre qu'en cas d'examen au fond de la contestation.

12. En statuant ainsi, alors que la décision prise par le bâtonnier d'un ordre d'avocats sur une contestation en matière d'honoraires, fût-elle devenue irrévocable par suite de l'irrecevabilité du recours formé devant le premier président de la cour d'appel, ne constitue pas une décision à laquelle la loi attache les effets d'un jugement, de sorte qu'elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée qu'après avoir été rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal judiciaire, seul habilité à cet effet, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il confirme le jugement du 26 janvier 2016 du tribunal de grande instance de Draguignan en sa disposition rejetant la demande des consorts [V] en paiement de dommages-intérêts et en ce que, réformant ce jugement et statuant à nouveau, il dit que l'ordonnance du 3 décembre 2003 du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, déclarant irrecevable le recours formé contre l'ordonnance du bâtonnier de Nice du 1er août 2002, a conféré à M. [B] un titre exécutoire pour le recouvrement de sa créance d'honoraires, dit que les hypothèques judiciaires définitives prises les 2 août, 6 septembre 2013 et 13 mars 2014 par M. [B] l'ont été valablement dans le délai de dix ans, courant à compter du 19 juin 2008, résultant de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, rejette la demande des consorts [V] tendant à voir annuler l'opposition faite par M. [B] entre les mains de M. [G], notaire à Marseille, par exploit du 20 décembre 2013, ordonne aux consorts [V] de communiquer à M. [B] le compte d'administration de la succession de [G] [V], dans les deux mois suivant la signification de l'arrêt, sous peine d'astreinte, et condamne les consorts [V] aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [B] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Talabardon - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Articles L. 111-2 et L. 111-3, 1° et 6°, du code des procédures civiles d'exécution ; article 502 du code de procédure civile ; article 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 30 janvier 2014, pourvoi n° 12-29.246, Bull. 2014, II, n° 30 (cassation).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.