Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 20 mai 2021, n° 20-13.210, (P)

Annulation

Conclusions – Conclusions d'appel – Appelant n'ayant conclu ni à l'infirmation ni à l'annulation du jugement – Portée

Faits et procédure

1. Selon les décisions attaquées (Bastia, 18 décembre 2018 et 29 janvier 2020), M. [R] a relevé appel, le 6 mars 2018, du jugement d'un tribunal de commerce ayant déclaré prescrite son action tendant à la nullité de la cession des parts sociales de la société U Muvrone et déclaré irrecevable sa demande en paiement des dividendes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

5. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que le dispositif des conclusions de M. [R] tend uniquement à dire et juger que l'acte de cession des parts en date du 23 mai 1986 est nul et de nul effet, de constater que la SARL U Muvrone prise en la personne de sa gérante a renoncé à se prévaloir de la prescription, à condamner la SARL U Muvrone à lui payer la somme de 122 783 euros au titre des dividendes qu'il aurait dû percevoir, ainsi qu'à la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sans préciser, au préalable, qu'il demandait l'infirmation du jugement entrepris.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 6 mars 2018, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. [R] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 18 décembre 2018 ;

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Boulloche ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 542 et 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull. 2020, (rejet) ; 2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 19-22.316, Bull. 2021, (annulation).

2e Civ., 20 mai 2021, n° 19-22.316, (P)

Annulation

Conclusions – Conclusions d'appel – Appelant n'ayant conclu ni à l'infirmation ni à l'annulation du jugement – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 10 juillet 2019), M. et Mme [I] ont relevé appel, le 6 juillet 2017, du jugement d'un tribunal de grande instance ayant, d'une part, condamné in solidum M. [N] et la société Calypso à payer une certaine somme à M. [I] et à l'Agent judiciaire de l'Etat et, d'autre part, rejeté les demandes de Mme [I].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

5. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que le dispositif des conclusions de M. et Mme [I] comporte des demandes tendant à « fixer », « condamner », « dire et juger », mais qu'ils s'abstiennent de conclure expressément à la réformation ou à l'annulation du jugement déféré, de sorte que leur appel est dénué d'objet.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 6 juillet 2017, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. et Mme [I] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Articles 542 et 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull. 2020, (rejet).

3e Civ., 20 mai 2021, n° 20-15.082, (P)

Rejet

Demande – Objet – Modification – Modification par le juge – Exclusion – Cas – Servitude – Passage – Enclave – Détermination de l'assiette – Fixation judiciaire – Conditions – Instance réunissant les propriétaires des fonds voisins

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Nîmes, 8 novembre 2018, rectifié le 19 décembre 2019), [R] [O], aux droits de laquelle viennent Mmes [D] et [O] [U], a, après expertise ordonnée en référé, assigné le syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2], Mme [R] et MM. [I], [V] et [E] [R] (les consorts [R]), et M. et Mme [K] en désenclavement de ses parcelles cadastrées AE [Cadastre 1] et [Cadastre 2], en demandant que la servitude de passage soit fixée selon le tracé n° 1 proposé par l'expert.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens du pourvoi incident, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. Les consorts [R] font grief à l'arrêt rectifié de constater que l'héritage dont Mmes [U] sont propriétaires est enclavé, d'instituer, suivant le tracé n° 3 qu'a défini l'expert judiciaire, une servitude de passage grevant leur héritage, de condamner in solidum Mmes [U] à leur payer une somme de 17 790 euros, de réserver leur droit à obtenir une indemnité complémentaire dans le cas où Mmes [U] obtiendraient le permis de construire sur leur héritage un immeuble collectif ou plus de deux maisons d'habitation, de les autoriser à clôturer leurs héritage à condition de remettre aux propriétaires du fonds dominant une clé ou tout autre dispositif d'ouverture, et d'ordonner sa publication, aux frais de Mmes [U], à la conservation des hypothèques, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé : qu'en cause d'appel, les demandes des parties sont exprimées dans le seul dispositif des conclusions d'appel des parties, de sorte que la cour d'appel ne statue que sur les demandes énoncées dans ce dispositif : que l'article 683 du code civil n'ouvre pas d'exception dans ces règles ; qu'en fixant l'assiette de la servitude pour enclave qu'elle institue au profit du fonds de Mmes [D] et [O] [U] suivant un autre tracé que celui que celles-ci réclamaient dans le dispositif de leurs écritures d'appel, la cour d'appel, qui a méconnu le principe dispositif, a violé les articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 683 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Lorsque les propriétaires intéressés sont parties à l'instance, le juge qui constate l'état d'enclave d'un fonds est légalement tenu de déterminer, conformément aux dispositions de l'article 683 du code civil, l'assiette de la servitude de passage en faveur de ce fonds.

5. C'est par conséquent sans modifier l'objet du litige que la cour d'appel a fixé, selon le tracé n° 3 proposé par l'expert, l'assiette de la servitude de passage bénéficiant au fonds enclavé de Mmes [U] sur les parcelles appartenant au syndicat des copropriétaires et aux consorts [R], parties à l'instance.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Béghin - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Delamarre et Jehannin ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 683 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 4 janvier 1991, pourvoi n° 89-18.492, Bull. 1991, III, n° 7 (rejet), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 23 avril 1992, pourvoi n° 90-13.071, Bull. 1992, III, n° 142 (cassation).

2e Civ., 27 mai 2021, n° 19-24.508, (P)

Rejet

Fin de non-recevoir – Action en justice – Irrecevabilité – Défaut de qualité – Appréciation – Moment

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 septembre 2019), [B] [N], salarié de la société SLTC, aux droits de laquelle vient la société Kéolis (la société), est décédé des suites d'un cancer broncho-pulmonaire, dont l'origine professionnelle a été reconnue par décision du 23 avril 2012 de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1].

Les ayants droit de [B] [N] ont saisi le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), qui leur a fait une offre d'indemnisation, qu'ils ont acceptée les 6 et 13 mai 2013.

Le FIVA a saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale d'une action subrogatoire le 16 juillet 2013, en application de l'article 53-VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, afin de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.

Sur le moyen

Enoncé du moyen

2. La société fait grief à l'arrêt de déclarer la demande du FIVA subrogé dans les droits de [B] [N] recevable, de dire que la maladie professionnelle de [B] [N] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, de fixer à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime, en application des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et dire que cette majoration de rente lui sera versée directement par l'organisme social, de fixer l'indemnisation des préjudices personnels de [B] [N] à la somme de 78 900 euros au titre des souffrances morales et 25 500 euros au titre des souffrances physiques, de fixer l'indemnisation des préjudices moraux de ses ayant droits à la somme totale de 41 300 euros se décomposant comme suit : 32 600 euros à Mme [Q] [N] (conjoint survivant) et 8 700 euros à Mme [C] [B] (fille), de dire que la caisse primaire d'assurance maladie devra verser ces sommes au FIVA et de dire que la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] pourra récupérer auprès de la société le montant de l'ensemble des sommes allouées au titre de l'indemnisation des préjudices subis par [B] [N] et ses ayants droit, alors « que l'action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; que l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures ; que selon l'article 53-VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, le FIVA est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes ; que si l'intervention volontaire du FIVA dans une action déjà engagée en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est recevable dès l'existence d'une demande d'indemnisation, la recevabilité de l'action principale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, fondée sur la subrogation, est subordonnée à la condition du versement effectif des fonds ; qu'ainsi, lorsque l'action en reconnaissance de la faute inexcusable n'a pas été engagée par la victime ou ses ayants droit mais a été introduite par le FIVA, l'action n'est recevable que si le FIVA démontre avoir procédé au versement effectif des fonds à la date à laquelle la juridiction de sécurité sociale a été saisie ; qu'à défaut, l'action est irrecevable, le FIVA n'ayant pas bénéficié de la qualité de subrogé à la date de la saisine de la juridiction ; qu'une telle irrecevabilité ne peut être régularisée par le paiement effectif des fonds après la saisine du tribunal, l'existence du droit d'agir en justice s'appréciant à la date de la demande introductive d'instance et ne pouvant être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que le FIVA a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société le 16 juillet 2013 (arrêt, p. 2) ; que les fonds ont été versés de manière effective par le FIVA les 6 août et 14 novembre 2013 (arrêt, p. 5), soit postérieurement à la saisine, par le FIVA, du TASS ; qu'il s'en déduisait que l'action du FIVA en reconnaissance de la faute inexcusable de la société était irrecevable, le FIVA n'ayant pas eu la qualité de subrogé au moment de la saisine du tribunal ; qu'en jugeant pourtant l'action du FIVA recevable au motif qu'il importait peu « que le paiement ne soit pas intervenu avant la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale » et que « l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société constitue une fin de non-recevoir fondée sur le défaut de qualité à agir et en application de l'article 126 du code de procédure civile, l'irrecevabilité peut être écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue », la cour d'appel a violé l'article 53-VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et les articles 31, 122 et 126 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. En application de l'article 126 du code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

4. Le défaut de qualité à agir du FIVA, en l'absence de paiement à la victime ou à ses ayants droit de l'indemnité, préalablement à l'engagement de l'action subrogatoire, donnant lieu à une fin de non-recevoir, peut être régularisé jusqu'au jour où le juge statue.

5. Ayant relevé que le FIVA avait justifié, au cours de la procédure engagée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, s'être acquitté du paiement des sommes offertes et acceptées au titre de l'indemnisation consécutive à la maladie professionnelle de [B] [N], la cour d'appel a exactement décidé que la situation ayant donné lieu à la fin de non-recevoir, tirée de l'absence de paiement préalable à la saisine de cette juridiction, avait été régularisée et que l'action subrogatoire exercée par le FIVA était recevable.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article 126 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 28 février 2018, pourvoi n° 17-14.239, Bull. 2018, I, n° 38 (cassation) ; En sens contraire : Com., 6 décembre 2005, pourvoi n° 04-10.287, Bull. 2005, IV, n° 245 (cassation).

2e Civ., 20 mai 2021, n° 20-15.098, (P)

Rejet

Instance – Interruption – Causes – Décès d'une partie – Assimilation – Dissolution d'une personne morale (non)

La dissolution d'une personne morale, même assortie d'une transmission universelle de son patrimoine, qui n'est pas assimilable au décès d'une personne physique, même lorsque l'action est transmissible, ne constitue pas une cause d'interruption de l'instance au sens de l'article 370 du code de procédure civile.

La transmission universelle de son patrimoine à une personne morale par une société dissoute étant indissociablement liée à sa dissolution, la perte de sa capacité juridique n'interrompt pas le délai de forclusion pour saisir la juridiction de renvoi après cassation, qui continue à courir. Ce délai devient, par l'effet de la transmission de ses droits par la société absorbée, opposable à la société absorbante, qui acquiert de plein droit, à la date de l'assemblée générale ayant approuvé l'opération de fusion-absorption, la qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Paris, 29 janvier 2020), la société Publi Expert a interjeté appel du jugement d'un tribunal de commerce qui l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts à la société Nobilas France.

2. La société Nobilas France a formé un pourvoi contre l'arrêt qui a déclaré irrecevable son action en indemnisation.

3. Cet arrêt ayant été cassé, (1re Civ., 6 septembre 2017, pourvoi n° 16-26.459), l'arrêt de la Cour de cassation a été signifié à la société Publi Expert le 26 septembre 2017.

4. Le 22 novembre 2017, la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion, associée unique de la société Publi Gestion a constaté le caractère définitif de la dissolution sans liquidation de celle-ci, aucune opposition n'ayant été formulée dans le délai légal.

5. La société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion a déposé une déclaration de saisine au greffe de la cour d'appel de renvoi le 5 décembre 2017.

6. La société Nobilas France a soulevé l'irrecevabilité de la déclaration de saisine pour tardiveté.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la saisine de la cour d'appel de renvoi en date du 5 décembre 2017 et, en conséquence, de conférer force de chose jugée au jugement rendu le 23 décembre 2014 par le tribunal de commerce, alors « que la perte par une société dissoute de sa personnalité morale à l'issu du délai de trente jours conféré aux éventuels créanciers pour faire opposition, combinée à la transmission universelle simultanée de l'ensemble de ses droits et obligations à une société absorbante, permet à cette dernière d'invoquer la cause d'interruption de l'instance pour cause de succession à l'action d'une partie définitivement éteinte, visée à l'article 370 du code de procédure civile ; qu'en refusant de décider de la sorte, au motif totalement inopérant que le délai de forclusion de deux mois visé à l'article 1034 du code de procédure civile courrait encore à la date du 18 novembre 2017, à laquelle la société Publi Expert avait perdu sa personnalité morale et à laquelle la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion avait obtenu la transmission de son patrimoine universel et de l'ensemble de ses droits et obligations, quand ce fait permettait au contraire de constater que le délai de forclusion n'étant pas écoulé à la date de la succession, l'interruption pouvait encore jouer, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 370 et 1034 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. D'une part, la dissolution d'une personne morale, même assortie d'une transmission universelle de son patrimoine, qui n'est pas assimilable au décès d'une personne physique, même lorsque l'action est transmissible, ne constitue pas une cause d'interruption de l'instance au sens de l'article 370 du code de procédure civile.

9. D'autre part, la transmission universelle de son patrimoine à une personne morale par une société dissoute étant indissociablement liée à sa dissolution, la perte de sa capacité juridique n'interrompt pas le délai de forclusion pour saisir la juridiction de renvoi après cassation, qui continue à courir. Ce délai devient, par l'effet de la transmission de ses droits par la société absorbée, opposable à la société absorbante, qui acquiert de plein droit, à la date de l'assemblée générale ayant approuvé l'opération de fusion-absorption, la qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée.

10. Ayant relevé que l'annonce de la dissolution anticipée sans liquidation de la société Publi Expert avait été publiée le 19 octobre 2017 et n'avait provoqué, dans le délai de trente jours, aucune opposition, la cour d'appel, qui a constaté que la disparition de la personnalité morale de la société Publi Expert assortie de la transmission universelle de son patrimoine, composé de l'ensemble de ses droits, à la société absorbante Publi Expert GestionPubli Expert Gestion s'était produite le 18 novembre 2017, en a exactement déduit que, si la société Publi Expert avait la capacité de la saisir entre le 26 septembre 2017 et le 18 novembre 2017, la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion avait recueilli cette capacité dès le 19 novembre 2017, de sorte qu'en déposant la déclaration de saisine au greffe de la cour d'appel après l'expiration, le 26 novembre 2017, du délai de forclusion, qui n'avait pas été interrompu, elle avait agi tardivement.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 370 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 8 juillet 2004, pourvoi n° 02-20.213, Bull., 2004, II, n° 399 (cassation).

2e Civ., 20 mai 2021, n° 19-21.994, (P)

Cassation

Notification – Notification en la forme ordinaire – Notification à partie – Validité – Preuve – Défaut – Effets – Nullité des actes de la procédure d'exécution forcée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 2 juillet 2019), sur le fondement d'un jugement de divorce du 22 février 2012, condamnant notamment M. [Z] à payer à Mme [Y] une prestation compensatoire de 30 000 euros, Mme [Y] a fait pratiquer, le 23 novembre 2016, une saisie-attribution sur le compte de M. [Z] pour une somme de 30 920,65 euros, dont 30 000 euros au titre de la prestation compensatoire. Cette saisie a été fructueuse à hauteur de 1 601,32 euro et dénoncée à M. [Z] le 1er décembre suivant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. [Z] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 23 novembre 2016, de cantonner la saisie à la somme de 27 920,65 euros, dont 27 000 euros au titre du solde restant dû de la prestation compensatoire en principal, et de le condamner à payer à Mme [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile alors « que les jugements, même passés en force de chose jugée, ne peuvent être exécutés, contre ceux auxquels ils sont opposés, qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire ; que la preuve d'une signification ne peut être rapportée que par la production de l'acte dressé par l'huissier de justice ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier, comme elle y était invitée par M. [Z], si la mainlevée de la saisie ne devait pas être ordonnée dès lors qu'elle avait été pratiquée sans que le jugement de divorce, servant de fondement aux poursuites, lui ait été notifié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 503 du code de procédure civile et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 503 du code de procédure civile :

3. Aux termes de cet article, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.

4. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt retient que le juge de l'exécution a justement relevé que M. [Z] ne contestait pas avoir eu connaissance de ce jugement, prononcé contradictoirement, dont il avait interjeté appel le 11 janvier 2013, avant de se désister le 28 février 2013 de son recours, déclaré irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 mars 2013, et que le jugement était ainsi devenu définitif et exécutoire, Mme [Y] étant fondée à s'en prévaloir.

5. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la décision servant de fondement aux poursuites avait été préalablement notifiée à M. [Z], la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 503 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 25 février 1998, pourvoi n° 96-12.438, Bull. 1998, II, n° 60 (cassation) ; 2e Civ., 29 janvier 2004, pourvoi n° 02-15.219, Bull. 2004, II, n° 33 (cassation) ; 2e Civ., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-19.679, Bull. 2006, II, n° 383 (rejet).

1re Civ., 26 mai 2021, n° 20-12.512, (P)

Cassation sans renvoi

Procédure orale – Moyens – Moyens contradictoirement débattus – Présomption – Partie non comparante – Application (non)

En procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience.

Il doit alors ressortir soit de la décision soit des pièces de la procédure que la partie présente a été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d'office.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Rouen, 5 décembre 2019), et les pièces de la procédure, le 13 avril 2017, M. [T] a été admis en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du directeur d'établissement et à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique. Plusieurs programmes de soins se sont ensuite succédé, avec une période d'hospitalisation complète à compter du 16 octobre 2019, qui a donné lieu à une décision du juge des libertés et de la détention du 25 octobre.

Le 14 novembre, alors qu'un programme de soins était en cours depuis le 4 novembre, le directeur d'établissement a pris une décision de réadmission en hospitalisation complète.

2. Le 18 novembre, celui-ci a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande aux fins de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [T] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande tendant à l'annulation de son hospitalisation complète et de décider de la poursuite de celle-ci, alors « que dans le cas où il est saisi, sur le fondement de l'article L. 3211-12-du code de la santé publique, pour statuer sur la réadmission en hospitalisation complète d'un patient ayant fait l'objet d'un programme de soins qui s'est révélé insuffisant, le juge peut contrôler la régularité des décisions antérieure ayant décidé puis maintenu le programme de soins ultérieurement transformé en hospitalisation, à la condition que cette régularité soit contestée devant lui, même pour la première fois en cause d'appel ; qu'en l'espèce, M. [T] faisait valoir que les décisions du 12 septembre, 11 octobre et 08 novembre 2019 se fondaient toutes sur une décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers prise le 13 avril 2017, laquelle était irrégulière ab initio, de même qu'étaient irrégulières les décisions susvisées, d'une part, pour avoir été prises après que M. [T] ait fait l'objet pendant de nombreux mois de soins psychiatriques sans aucune base légale, et d'autre part, pour être toutes intervenues en violation des dispositions du code de la santé publiques destinées à assurer le principe du contradictoire et le respect des droit du patient ; qu'en jugeant M. [T] irrecevable à invoquer ces irrégularités aux motifs qu'elles étaient antérieures à une décision du juge des libertés et de la détention de Dieppe en date du 25 octobre 2019 ayant purgé toutes les irrégularités précédentes qui pouvaient affecter la mesure d'hospitalisation sous contrainte, cependant qu'aucune des parties n'invoquait ni ne produisait cette décision, entièrement étrangère aux débats, la cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen tiré de la chose jugée par cette décision sans recueillir au préalable les observations des parties, a violé les articles 4, 5, 12 et 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

5. En procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience (2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-15.985, publié).

6. Pour décider de la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [T], l'ordonnance retient que sont irrecevables les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure antérieure au 25 octobre 2019, date à laquelle le juge des libertés et de la détention a statué, par une décision définitive ayant autorité de la chose jugée, sur la régularité d'une précédente hospitalisation complète.

7. En statuant ainsi, alors que le curateur de M. [T] et le directeur du centre hospitalier n'avaient pas comparu à l'audience et qu'il ne ressort ni de la décision ni des pièces de la procédure que la partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur ce moyen relevé d'office, le premier président a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de

procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit statué sur le fond dès lors que, les délais pour statuer étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 décembre 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rouen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : Me Soltner ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Article 16 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens, à rapprocher : 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-15.985, Bull. 2020, (cassation).

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