Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

MAJEUR PROTEGE

1re Civ., 12 mai 2021, n° 20-13.307, (P)

Cassation sans renvoi

Curatelle – Effets – Acte de procédure – Convocation – Défaut – Portée

L'omission de convocation par le greffe du curateur de la personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement constitue une nullité pour irrégularité de fond, qui peut être soulevée en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 4 décembre 2019), et les pièces de la procédure, Mme [B] a été admise en soins psychiatriques sans consentement, à la demande de sa mère, par décision du 7 novembre 2019 du directeur de l'établissement, prise sur le fondement de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique.

2. Par requête du 14 novembre, le directeur de l'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention, sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code, aux fins de poursuite de la mesure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 468, dernier alinéa, du code civil, R. 3211-13 du code de la santé publique, 117 et 118 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes que lorsque la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques sans consentement est sous curatelle, le greffier convoque, par tout moyen, le curateur à l'audience.

L'omission de convocation du curateur constitue une nullité pour irrégularité de fond, qui peut être soulevée en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel.

5. Pour dire irrecevable le moyen tiré de l'absence de convocation du curateur de Mme [B] à l'audience du juge des libertés et de la détention, l'ordonnance retient qu'il n'a pas été soulevé in limine litis conformément à l'article 74 du code de procédure civile.

6. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen relevé d'office

7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 3211-12-1, I, R. 3211-7, R. 3211-10 du code de la santé publique, 122 et 123 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que la requête adressée au juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure de soins sans consentement est signée par le directeur d'établissement ou le représentant de l'Etat dans le département.

Le défaut de qualité du signataire constitue une fin de non-recevoir, qui peut être soulevée en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel.

9. Pour dire irrecevable le moyen tiré du défaut de qualité du signataire de la requête ayant saisi le juge, l'ordonnance retient qu'il n'a pas été soulevé in limine litis conformément à l'article 74 du code de procédure civile.

10. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 4 décembre 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Article 468, alinéa 3, du code civil ; article R. 3211-13 du code de la santé publique ; articles 117 et 118 du code de procédure civile ; articles L. 3211-12-1, I, R. 3211-7 et R. 3211-10 du code de la santé publique ; articles 122 et 123 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 11 octobre 2017, pourvoi n° 16-24.869, Bull. 2017, I, n° 215 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité. 1re Civ., 22 février 2017, pourvoi n° 16-13.824, Bull. 2017, I, n° 44 (cassation sans renvoi).

2e Civ., 6 mai 2021, n° 19-22.141, (P)

Rejet

Tutelle – Effets – Représentation du majeur – Domaine d'application – Gestion du patrimoine – Actes nécessitant une autorisation du juge des tutelles – Définition – Cas – Convention d'honoraires de résultat

Il résulte de la combinaison des articles 465, 4°, et 505, alinéa 1, du code civil, qu'à peine de nullité de plein droit de l'acte, le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée.

Selon l'annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes en curatelle ou en tutelle, constitue un acte de disposition soumis à l'autorisation du juge les conventions d'honoraires d'avocat proportionnels en tout ou partie à un résultat, indéterminés ou aléatoires.

Dès lors, c'est par une exacte application de ces dispositions, et sans avoir à procéder à un contrôle des conséquences de ces actes sur le patrimoine de la personne protégée, que le premier président, constatant que les conventions d'honoraires de résultat litigieuses n'avaient pas été autorisées par le juge, les a déclarées nulles.

Tutelle – Fonctionnement – Tuteur – Pouvoirs – Acte nécessitant une autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles – Applications diverses – Convention d'honoraires de résultat

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Montpellier, 11 juillet 2019), Mme [O], en sa qualité de tutrice de [K] [L], a conclu, les 6 mai 2011 et 19 octobre 2015, avec M. [F], avocat (l'avocat), trois conventions d'honoraires pour assurer la défense des intérêts de [K] [L] dans le cadre de plusieurs procédures judiciaires.

2. Deux de ces conventions prévoyaient, outre des honoraires de diligence, des honoraires de résultat, celle du 6 mai 2011, concernant la procédure en résolution judiciaire d'une vente contre rente viagère, stipulant un honoraire de résultat de 9 % HT de la valeur du bien immobilier récupéré, et la seconde convention, du 19 octobre 2015 relative à une action en paiement des loyers, prévoyant des honoraires de résultat à hauteur de 10 % HT des sommes perçues ou économisées par la cliente.

3. Ces conventions ont été conclues sans l'accord du juge des tutelles.

4. M. [F] a saisi, le 9 novembre 2017, le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation des honoraires de diligence et de résultat dus par Mme [A] [O] et M. [C] [O], héritiers de [K] [L].

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'avocat fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires qui lui sont dus à la seule somme de 36 099 euros TTC, puis de les condamner en conséquence à payer ce dernier, compte tenu des sommes déjà versées, la seule somme de 26 517 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance alors « que la convention d'honoraires de résultat constitue un acte de disposition si et seulement si elle engage le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire ; qu'en retenant, pour décider que les conventions d'honoraires de résultat conclues entre l'avocat et Mme [O], ès qualité de tutrice de [K] [L], constituaient des actes de disposition soumis à autorisation du juge des tutelles conformément à l'annexe 1, colonne 2, IX, du décret du 22 décembre 2008, que la somme de plus de 50 000 euros sollicitée par l'avocat au titre des honoraires de résultat constituait une amputation conséquente du capital de [K] [L], le premier président de la cour d'appel, qui a procédé à une appréciation globale et purement théorique de l'effet de l'exécution de l'ensemble des conventions d'honoraires de résultat sur le patrimoine de [K] [L], au lieu d'examiner distinctement l'impact du paiement de chacun des honoraires de résultat réclamés sur le patrimoine de celle-ci, en rapportant le montant de chacun d'eux à la valeur de l'immeuble et aux sommes que les procédures diligentées par Me [F] avait permis à [K] [L] de récupérer, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 465, 496, 504, 505 du code civil, ainsi que des articles 1 et 2 et de l'annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de la combinaison des articles 465, 4°, et 505, alinéa 1er, du code civil, qu'à peine de nullité de plein droit de l'acte, le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée.

7. Selon l'annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, constitue un acte de disposition soumis à l'autorisation du juge les conventions d'honoraires proportionnels en tout ou partie à un résultat, indéterminés ou aléatoires.

8. C'est donc par une exacte application de ces dispositions, et sans avoir à procéder à un contrôle des conséquences de ces actes sur le patrimoine de la personne protégée, que le premier président, constatant que les conventions d'honoraires de résultat n'avaient pas été autorisées par le juge, les a déclarées nulles.

9.Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 465, 4°, et 505, alinéa 1, du code civil ; annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 3 juillet 2001, pourvoi n° 98-16.854, Bull. 2001, I, n° 195 (rejet).

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