Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

LOIS ET REGLEMENTS

2e Civ., 20 mai 2021, n° 20-13.210, (P)

Annulation

Application dans le temps – Loi de forme ou de procédure – Application immédiate – Domaine d'application – Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 – Interprétation nouvelle par la Cour de cassation – Portée

Faits et procédure

1. Selon les décisions attaquées (Bastia, 18 décembre 2018 et 29 janvier 2020), M. [R] a relevé appel, le 6 mars 2018, du jugement d'un tribunal de commerce ayant déclaré prescrite son action tendant à la nullité de la cession des parts sociales de la société U Muvrone et déclaré irrecevable sa demande en paiement des dividendes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

5. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que le dispositif des conclusions de M. [R] tend uniquement à dire et juger que l'acte de cession des parts en date du 23 mai 1986 est nul et de nul effet, de constater que la SARL U Muvrone prise en la personne de sa gérante a renoncé à se prévaloir de la prescription, à condamner la SARL U Muvrone à lui payer la somme de 122 783 euros au titre des dividendes qu'il aurait dû percevoir, ainsi qu'à la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sans préciser, au préalable, qu'il demandait l'infirmation du jugement entrepris.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 6 mars 2018, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. [R] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 18 décembre 2018 ;

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Boulloche ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 542 et 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull. 2020, (rejet) ; 2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 19-22.316, Bull. 2021, (annulation).

2e Civ., 20 mai 2021, n° 19-22.316, (P)

Annulation

Application dans le temps – Loi de forme ou de procédure – Application immédiate – Domaine d'application – Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 – Interprétation nouvelle par la Cour de cassation – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 10 juillet 2019), M. et Mme [I] ont relevé appel, le 6 juillet 2017, du jugement d'un tribunal de grande instance ayant, d'une part, condamné in solidum M. [N] et la société Calypso à payer une certaine somme à M. [I] et à l'Agent judiciaire de l'Etat et, d'autre part, rejeté les demandes de Mme [I].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

5. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que le dispositif des conclusions de M. et Mme [I] comporte des demandes tendant à « fixer », « condamner », « dire et juger », mais qu'ils s'abstiennent de conclure expressément à la réformation ou à l'annulation du jugement déféré, de sorte que leur appel est dénué d'objet.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 6 juillet 2017, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. et Mme [I] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Articles 542 et 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull. 2020, (rejet).

Com., 12 mai 2021, n° 20-12.670, (P)

Cassation

Non-rétroactivité – Principe – Application en matière civile – Etendue – Détermination

Il résulte de l'article 2 du code civil que la responsabilité extracontractuelle est soumise à la loi en vigueur au jour du fait générateur de responsabilité.

Aux termes de l'article L. 227-1, alinéa 7, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société.

Il en résulte que ce texte n'est applicable que lorsque les statuts de la société ont été signés à compter du 11 décembre 2016, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016.

Non-rétroactivité – Domaine d'application – Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 – Apports en nature – Responsabilité des associés à l'égard des tiers

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 décembre 2019), la société par actions simplifiée LCF a été mise en redressement judiciaire le 6 décembre 2016, puis en liquidation judiciaire le 24 janvier 2017. Un arrêt a ensuite fixé les créances de la société Axyo au passif de la procédure collective de la société LCF au titre de factures impayées antérieures.

2. Invoquant une surévaluation des apports en nature effectués par MM. [M] et [B] [J], coassociés de la société LCF lors de la constitution de la société, la société Axyo les a assignés en paiement des sommes dues au titre de ces factures, sur le fondement des articles 2285 du code civil et L. 223-9 du code de commerce.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 2 du code civil et l'article L. 227-1, alinéa 7, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 :

4. Selon le premier de ces textes, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. Il en résulte que la responsabilité extracontractuelle est soumise à la loi en vigueur au jour du fait générateur de responsabilité.

5. Aux termes du second de ces textes, lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société.

6. Il en résulte que ce texte n'est applicable que lorsque les statuts de la société ont été signés à compter du 11 décembre 2016, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016.

7. Pour rejeter les demandes formées par la société Axyo, l'arrêt se fonde sur l'article L. 227-1, alinéa 7, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, la société LCF étant une société par actions simplifiée.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société LCF avait été mise en redressement judiciaire le 6 décembre 2016, de sorte que la constitution de la société LCF était nécessairement antérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme de Cabarrus - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Article 2 du code civil ; article L 227-1, alinéa 7, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016.

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