Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

Soc., 12 mai 2021, n° 20-60.118, (P)

Rejet

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Listes de candidatures – Alternance des candidats – Représentation équilibrée des femmes et des hommes – Modalités – Calcul – Moment – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 2314-13, L. 2314-30 et L. 2314-31 du code du travail que la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral doit figurer dans le protocole préélectoral en fonction des effectifs connus lors de la négociation du protocole. A défaut, elle est fixée par l'employeur en fonction de la composition du corps électoral existant au moment de l'établissement de la liste électorale, sous le contrôle des organisations syndicales.

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Protocole d'accord préélectoral – Contenu – Fixation de la proportion d'hommes et de femmes composant chaque collège électoral – Modalités – Calcul – Moment – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rouen, 31 janvier 2020), un protocole préélectoral a été signé le 2 mai 2019 en vue des élections des membres du comité social et économique de la société Castorama Barentin prévues les 4 et 18 octobre 2019.

Le protocole mentionnait « à titre indicatif » pour le premier collège la présence dans les effectifs arrêtés au 31 janvier 2019 de 43,40 hommes et 40,90 femmes, mais précisait que les effectifs servant à l'organisation des élections arrêtés à la date du 30 juin 2019 seraient communiqués aux organisations syndicales ayant participé à la négociation du protocole.

Le 9 septembre 2019, les listes électorales affichées comportaient pour le premier collège 44 femmes et 43 hommes, soit, pour cinq sièges à pourvoir, la nécessité de présenter sur les listes trois femmes et deux hommes.

Le syndicat CGT commerce distribution services (le syndicat CGT) a présenté lors du premier puis lors du second tour des élections une liste comportant deux hommes et une femme, tant au titre des titulaires que des suppléants. A l'issue du second tour, M. [T] et M. [O], en première position respectivement sur la liste CGT des titulaires et des suppléants, ont été élus.

2. Par requête en date du 24 octobre 2019, MM. [J] et [M], salariés de la société Castorama, ont saisi le tribunal d'une demande d'annulation de l'élection des deux élus de la liste CGT pour non respect de la règle relative à la représentation équilibrée des hommes et des femmes sur les listes électorales.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le syndicat CGT fait grief au jugement d'annuler l'élection de MM. [T] et [O], alors :

« 1° / qu'en retenant que l'employeur pouvait décider d'arrêter la proportion des hommes et des femmes au sein de chaque collège à la date du 6 septembre sauf avis contraire de la majorité des organisations syndicales, le tribunal a violé les articles L. 2314-13 et L. 2314-21 du code du travail.

2°/ qu'en retenant que la CGT ne pouvait pas valablement se fonder sur la liste établie le 26 septembre 2019 qui est postérieure à la date limite de dépôt des candidatures dès lors que le protocole préélectoral stipulait clairement que « les listes d'électeurs sont établies pour les deux tours » et ne prévoyait aucune modification de la proportion hommes femmes en cas d'éventuelle modification de la liste devant être arrêtée définitivement au 30 septembre 2019, le tribunal s'est contredit et a violé l'article L. 2314-30 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. En vertu de l'article L. 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale.

Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.

5. L'article L. 2314-13 du code du travail précise en ses deux premiers alinéas que la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6. Cet accord mentionne la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral.

L'article L. 2314-31 énonce que, dès qu'un accord ou une décision de l'autorité administrative ou de l'employeur sur la répartition du personnel est intervenu, l'employeur porte à la connaissance des salariés, par tout moyen permettant de donner une date certaine à cette information, la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral.

6. Il résulte de ces textes que la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral doit figurer dans le protocole préélectoral en fonction des effectifs connus lors de la négociation du protocole. A défaut, elle est fixée par l'employeur en fonction de la composition du corps électoral existant au moment de l'établissement de la liste électorale, sous le contrôle des organisations syndicales.

7. En l'espèce, le tribunal a relevé que le protocole préélectoral signé le 2 mai 2019 renvoyait expressément, s'agissant de la proportion des femmes et des hommes pour l'établissement des listes de candidatures à la liste électorale telle qu'elle devait être établie, sous le contrôle des organisations syndicales ayant négocié le protocole, en fonction des effectifs de l'entreprise à arrêter au 30 juin 2019. Ayant constaté qu'au regard de cette liste électorale portée à la connaissance des organisations syndicales le 12 septembre 2019 sans contestation de leur part, les listes de candidatures devaient comprendre, pour cinq postes à pourvoir, trois femmes et deux hommes, et que la liste présentée par le syndicat CGT tant pour les sièges de titulaires que pour les sièges de suppléants, comportait deux hommes et une femme, le tribunal a, à bon droit, dit que, peu important les modifications de la liste électorale intervenues postérieurement, il y avait lieu à annulation de l'élection de l'élu titulaire et de l'élu suppléant.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier -

Textes visés :

Articles L. 2314-13, L. 2314-30 et L. 2314-31 du code du travail.

Soc., 12 mai 2021, n° 19-23.428, (P)

Cassation partielle partiellement sans renvoi

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Régularité – Contestation – Contestation antérieure aux élections – Possibilité – Cas – Demande en annulation des élections formée dans la même déclaration qu'une demande en annulation du protocole préélectoral – Conditions – Détermination – Portée

L'article R. 2314-24 du code du travail prévoit que lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n'est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation.

Il résulte de ce texte que celui qui saisit le tribunal d'instance, avant les élections, d'une demande d'annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander, dans la même déclaration, l'annulation des élections à venir en conséquence de l'annulation du protocole préélectoral sollicitée, sans avoir à réitérer cette demande après les élections.

Doit dès lors être cassée la décision du tribunal d'instance qui, pour déclarer irrecevable la demande d'annulation des élections professionnelles qui se sont tenues en application d'un protocole d'accord préélectoral contesté formée par un syndicat, relève que cette demande a été formulée avant les élections alors que le délai pour une telle contestation n'était pas encore ouvert et que le syndicat n'a pas formé de demande d'annulation des élections dans le délai de 15 jours suivant celles-ci.

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Régularité – Contestation – Délai – Délai prévu pour contester la régularité de l'élection – Application – Exclusion – Cas – Demande en annulation des élections formée dans la même déclaration qu'une demande en annulation du protocole préélectoral – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Etienne, 1er octobre 2019) et les productions, dans la perspective de la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissements au sein de la société Distribution Casino France (la société), des négociations ont été menées entre la direction de la société et les organisations syndicales représentatives entre février et mai 2018 en vue de déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts. Elles sont restées infructueuses.

2. Les mandats représentatifs des membres des comités d'entreprise, qui arrivaient initialement à terme le 31 décembre 2018, ont été prorogés, par accord collectif du 8 mars 2018, « au maximum jusqu'au 16 juin 2019 ».

3. Par décision unilatérale du 29 juin 2018, l'employeur a fixé le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de la société en application de l'article L. 2313-4 du code du travail s'agissant des branches hypermarchés, supermarchés, direction des systèmes d'information, direction des approvisionnements, fonctions amont. Cette décision ne comporte aucune disposition relative à la branche « proximités » regroupant les gérants non salariés.

4. Par décision du 13 septembre 2018, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte), statuant sur recours de plusieurs syndicats contre la décision unilatérale de l'employeur du 29 juin 2018 précitée, a décidé que :

« sont considérés comme établissements distincts en matière d'élection professionnelle :

 - tous les hypermarchés et supermarchés ;

 - la direction des systèmes d'information ;

 - la direction des approvisionnements ;

 - la direction amont ;

 - les quatre directions régionales regroupant les gérants mandataires non-salariés ».

5. Au cours de la réunion extraordinaire du comité central d'entreprise du 29 janvier 2019 a été votée la réorganisation de la branche « proximités » par le passage de quatre régions à trois assimilées à des établissements.

6. Un protocole d'accord préélectoral a été conclu le 16 avril 2019 prévoyant trois établissements pour la branche « proximités » regroupant les gérants non-salariés.

7. Le syndicat CGT des gérants non-salariés a saisi le tribunal d'instance de Saint-Etienne le 13 mai 2019 de demandes tendant à l'annulation du protocole préélectoral, à l'annulation du premier tour de l'élection des membres des comités de représentation des gérants mandataires non salariés, et à ce qu'il soit ordonné sous astreinte à la société de convoquer les organisations syndicales intéressées à la négociation d'un nouveau protocole préélectoral en vue de la mise en place de comités au sein de chacun des quatre établissements distincts regroupant les gérants non-salariés tels que fixés par le direccte [Localité 1] dans sa décision du 13 septembre 2018.

8. Les élections ont eu lieu le 28 mai 2019.

Examen des moyens

Sur le second moyen, qui est préalable : Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

14. Le syndicat CGT des gérants non-salariés fait grief au jugement de déclarer irrecevable la demande d'annulation de l'élection professionnelle, alors « que si l'article R. 2314-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, fixe une date limite au-delà de laquelle la régularité de l'élection ne peut plus être contestée, il n'interdit pas de formuler le recours dès que l'irrégularité est apparue, même antérieurement à l'élection, en sorte que le syndicat était recevable à solliciter l'annulation de l'élection contestée ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé, par fausse application, l'article R. 2314-24 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 2314-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause :

15. Il résulte de ce texte, qui prévoit que lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n'est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation, que celui qui saisit le tribunal d'instance, avant les élections, d'une demande d'annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander l'annulation des élections à venir en conséquence de l'annulation du protocole préélectoral sollicitée.

16. Pour déclarer irrecevable la demande d'annulation des élections professionnelles qui se sont tenues en application du protocole d'accord préélectoral contesté, le tribunal d'instance relève que le délai pour contester la régularité de l'élection a commencé à courir à compter du 29 mai 2019 et que le syndicat, qui avait sollicité l'annulation de l'élection dans la déclaration au greffe du 13 mai 2019 alors que le délai pour une telle contestation n'était pas encore ouvert, n'a pas formé de demande d'annulation des élections entre le 29 mai 2019 et le 13 juin 2019.

17. En statuant ainsi, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

20. Le syndicat CGT des gérants non-salariés qui a sollicite l'annulation du protocole préélectoral était recevable à solliciter, dans la même déclaration, l'annulation des élections à intervenir en application de ce protocole sans avoir à réitérer cette demande après les élections.

21. Cependant, le rejet du premier moyen, qui critique le chef du dispositif de la décision ayant rejeté la demande tendant à l'annulation du protocole préélectoral et les demandes subséquentes, rend sans objet la contestation par le syndicat du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'annulation des élections professionnelles fondée sur l'irrégularité du protocole préélectoral en application duquel elles ont été organisées.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande d'annulation des élections le jugement rendu le 1er octobre 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Saint-Etienne ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE le syndicat CGT des gérants non-salariés recevable en sa demande d'annulation des élections ;

DÉBOUTE le syndicat CGT des gérants non-salariés de sa demande d'annulation des élections.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article R. 2314-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

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