Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

DROIT MARITIME

Com., 19 mai 2021, n° 19-20.155, (P)

Cassation partielle

Navire – Propriété – Copropriété – Parts – Cession – Opposabilité – Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 5114-3, L. 5114-42, R. 5114-6, R. 5114-7 et R. 5114-49 du code des transports que les actes devant être inscrits sur la fiche matricule du navire, tels ceux par lesquels le copropriétaire d'un navire aliène ses quirats, ne sont pas opposables aux tiers avant leur inscription, de sorte que les dettes contractées avant la réalisation de la publicité sont à la charge du cédant.

Navire – Propriété – Preuve – Fiche matricule et acte de francisation – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2019), par un acte du 24 octobre 2012, M. [H] a cédé à M. [D] ses parts dans le navire Voir le Monde dont ils étaient tous deux copropriétaires.

Par un jugement du 2 décembre 2014, M. [D] a été condamné à présenter les originaux de l'acte de francisation et de l'acte de cession de ses parts au quartier des affaires maritimes de [Localité 2].

Considérant que la cession des parts ne lui était opposable qu'à compter du 29 janvier 2015, date à laquelle les modifications résultant de cet acte avaient été portées sur l'acte de francisation, la Chambre de commerce et de l'industrie territoriale du Var (la CCI du Var) a assigné M. [H] et M. [D] en paiement de redevances dues pour l'amarrage du navire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La CCI du Var fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement du 19 septembre 2016 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné M. [H] solidairement avec M. [D] à lui payer la somme de 9 126,20 euros, statuant à nouveau sur ce point, de rejeter l'intégralité de ses demandes à l'encontre de M. [H] et, ajoutant à ce jugement, de rejeter le surplus de ses demandes, alors :

« 1°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en expliquant, dans ses motifs, qu'il y avait lieu d'infirmer le jugement du 19 septembre 2016 en tant seulement que celui-ci avait condamné M. [H] au paiement de la somme de 9 126,20 euros, tout en infirmant ensuite le jugement en toutes ses dispositions, en ce compris celles par lesquelles M. [D] avait été condamné au paiement d'une somme de 6 392,10 euros au titre des redevances dues depuis le 1er février 2015, ainsi qu'à retirer le navire du plan d'eau de la darse gérée par la CCI du Var sous astreinte de 50 euros par jour, la cour d'appel qui a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans le dispositif de ses dernières conclusions, M. [H] demandait à la cour d'appel de débouter la CCI du Var de sa demande tendant à la condamnation de M. [H] au paiement de la somme de 9 126,20 euros correspondant aux redevances portuaires dues pour la période des années 2013-2014 » sans remettre en cause les condamnations prononcées en première instance à l'encontre de M. [D] ; qu'en infirmant néanmoins le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y compris celles par lesquelles M. [D] avait été condamné au paiement d'une somme de 6 392,10 euros au titre des redevances dues depuis le 1er février 2015 et enjoint sous astreinte à retirer le navire du plan d'eau de la darse gérée par la CCI du Var, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ que l'appel ne défère aux juges du second degré que la connaissance des chefs de jugement expressément critiqués et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, il ressortait de la procédure que l'appel de M. [H] ne portait que sur sa condamnation au paiement de la somme de 9 126,20 euros au titre des redevance d'amarrage échues entre le 1er avril 2013 et le 28 janvier 2015, aucune des deux parties représentées à l'instance d'appel n'ayant remis en cause les condamnations prononcées en première instance à l'encontre de M. [D] ; qu'en infirmant néanmoins le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y compris celles par lesquelles M. [D] avait été condamné au paiement d'une somme de 6 392,10 euros au titre des redevances dues depuis le 1er février 2015 et enjoint sous astreinte à retirer le navire du plan d'eau de la darse gérée par la CCI du Var, la cour d'appel a méconnu l'effet dévolutif de l'appel, en violation de l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. La contradiction et les vices allégués par le moyen procèdent d'une erreur purement matérielle dont la rectification sera ci-après ordonnée.

4. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. La CCI du Var fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes dirigées contre M. [H], alors :

« 1°/ que l'opposabilité aux tiers de la cession d'un droit réel portant sur un navire est subordonnée à la mention de cette cession sur la fiche matricule du navire ; que si cette même mention fait naître une présomption qui peut être renversée quant à la situation juridique des droits et obligations affectant le navire, l'établissement de cette preuve contraire reste sans effet à l'égard des tiers, dont les droits restent protégés par la publicité à laquelle donne lieu toute cession de droit réel sur un navire ; qu'en l'espèce, il était constant que la cession de la quote-part de copropriété de M. [H] conclue le 24 octobre 2012 n'avait été publiée par mention sur la fiche matricule du bateau Voir le Monde qu'à la suite de la modification de l'acte de francisation intervenue le 29 janvier 2015 ; qu'en se fondant néanmoins sur la circonstance que l'absence de publicité de la cession faisait naître une simple présomption que M. [H] pouvait renverser en justifiant de la cession effective de sa quote-part le 24 octobre 2012, quand le litige ne portait pas sur l'existence de cette cession mais sur son opposabilité aux tiers, laquelle était subordonnée à la modification de l'acte de francisation du navire et à l'inscription subséquente de la cession sur la fiche matricule, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant son arrêt de base légale au regard des articles L. 5114-38, L. 5514-42, R. 5114-7 et R. 5114-49 du code des transports ;

2°/ que l'opposabilité aux tiers de la cession d'un droit réel portant sur un navire est subordonnée à la mention de cette cession sur la fiche matricule du navire ; que l'impossibilité dans laquelle se serait trouvé le cédant de faire procéder à cette mesure de publicité n'est pas de nature à rendre la cession non publiée opposable aux tiers du jour de sa conclusion ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 5114-38, L. 5514-42, R. 5114-7 et R. 5114-49 du code des transports ;

3°/ que la mention sur la fiche matricule du navire de la cession d'un droit réel portant sur ce dernier est subordonnée à la présentation d'un acte de francisation faisant état de cette cession ; que l'annotation de l'acte de francisation est elle-même subordonnée à la présentation de l'acte de cession au service des douanes ; qu'en estimant en l'espèce qu'il suffisait que le commandant du port ait été informé de la cession par courrier pour que les formalités de publicité aient été respectées par les parties à l'acte de cession, la cour d'appel a violé les articles L. 5114-38, L. 5514-42, R. 5114-7 et R. 5114-49 du code des transports, ensemble les articles R. 5114-9 du même code et 231, § 2, du code des douanes. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 5114-3, L. 5114-42, R. 5114-6, R. 5114-7 et R. 5114-49 du code des transports :

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que les actes devant être inscrits sur la fiche matricule du navire, tels ceux par lesquels le copropriétaire d'un navire aliène ses quirats, ne sont pas opposables aux tiers avant leur inscription, de sorte que les dettes contractées avant la réalisation de la publicité sont à la charge du cédant.

7. Pour rejeter les demandes formées par la CCI du Var contre M. [H], l'arrêt énonce qu'il résulte de la combinaison des articles L. 5114-32, L. 5114-38 et L. 5114-42 du code des transports que chaque copropriétaire d'un navire reste tenu des dettes générées par celui-ci jusqu'à la publicité de l'aliénation réalisée dans les conditions fixées par ce même code mais que la solidarité repose sur une présomption simple de copropriété, susceptible d'être combattue par tout moyen. Puis il retient que M. [H] établit avoir été dans l'impossibilité de fournir aux autorités compétentes les pièces nécessaires aux formalités de publicité de la cession du fait de la résistance du cessionnaire et avoir averti le gestionnaire du port de la vente de ses parts, le jour de celle-ci. Il en déduit que M. [H] justifie de la cession effective du bien au 24 octobre 2012 et donc de la cessation de la solidarité et ce, malgré la présomption tirée de l'absence de publicité de l'acte.

8. En statuant ainsi, alors que l'acte de cession de parts consenti par M. [H] à M. [D] n'était pas opposable à la CCI du Var avant son inscription sur la fiche matricule du navire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

RECTIFIE l'arrêt n° RG 16/17493 rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et dit que, dans son dispositif, au lieu de lire :

« infirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulon dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné M. [H] à verser à la Chambre de commerce et d'industrie territoriale du [Localité 1] solidairement avec M. [D] la somme de 9 126,20 euros »,

il faut lire :

« confirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulon dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné M. [H] à verser à la Chambre de commerce et d'industrie territoriale du [Localité 1] solidairement avec M. [D] la somme de 9 126,20 euros » ;

DIT que le présent arrêt sera transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt rectifié ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la Chambre de commerce et d'industrie territoriale du [Localité 1] de l'intégralité de ses demandes dirigées contre M. [H], l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Kass-Danno - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 5114-3, L. 5114-42, R. 5114-6, R. 5114-7 et R. 5114-49 du code des transports.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de publication d'affrètement coque nue conclue pour une durée de plus d'un an, à rapprocher : Com., 28 avril 1998, pourvoi n° 97-11.795, Bull. 1998, IV, n° 140 (rejet).

Com., 5 mai 2021, n° 19-21.688, (P)

Rejet

Port – Droits de port et de navigation – Droit de port – Navires de commerce – Taxe de stationnement – Perte de la qualité d'armateur – Date – Détermination

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société [Personne physico-morale 1], agissant en qualité de liquidateur de la société Seafrance, du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Euro-Transmanche et Euro-Transmanche 3BE.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 6 juin 2019), par des contrats du 29 juin 2012, les sociétés Euro-Transmanche et Euro-Transmanche 3BE (les sociétés Euro-Transmanche) ont conclu, chacune, avec la société Seafrance un contrat d'affrètement coque nue, portant respectivement sur les navires Rodin et Berlioz, pour une durée de trois ans renouvelable, à compter de la livraison du navire, les contrats pouvant être dénoncés au moins trente jours avant leur terme.

Par un jugement du 10 avril 2015, la société Seafrance a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.

Le 27 mai 2015, les sociétés Euro-Transmanche ont mis fin aux contrats avec effet au 1er juillet 2015, à minuit.

Par des jugements des 11 juin et 31 juillet 2015, la société Seafrance a été mise en redressement puis liquidation judiciaire et M. [X] a été désigné en qualité de liquidateur.

3. Par une ordonnance du 29 juin 2015, le juge des référés d'un tribunal de commerce a dit n'y avoir lieu d'ordonner la suspension des effets de la résiliation des contrats d'affrètement coque nue. Faisant valoir qu'à compter du 2 juillet 2015, la société Seafrance avait perdu la qualité d'affréteur et d'armateur des navires dont la garde juridique avait été transférée aux sociétés Euro-Transmanche qui en étaient propriétaires, M. [X] a assigné l'administration des douanes et droits indirects (l'administration des douanes) et les sociétés Euro-Transmanche en restitution de la consignation constituée pour garantir le paiement des contributions indirectes et des droits de port pour la période du 2 juillet 2015 au 13 septembre 2015.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa septième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

5. M. [X], ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de l'administration des douanes à lui payer la somme de 249 126 euros, avec intérêts capitalisés, alors :

« 1°/ que la redevance de stationnement au titre des droits de port est à la charge de l'armateur ; qu'en cas d'affrètement, tel que défini par les dispositions de l'article L. 5423-1 du code des transports, l'affréteur devient l'armateur du navire ; que l'affréteur perd sa qualité d'armateur à la date d'expiration du contrat d'affrètement, nonobstant la possession du navire, qui est une simple situation factuelle ne modifiant pas la durée du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les deux contrats d'affrètement conclus entre la société Seafrance, affréteur, et les sociétés Euro-Transmanche, fréteurs respectifs des navires Rodin et Berlioz, prévoyaient, en leurs articles 3.1/3.2/3.3, que l'affrètement était conclu pour une durée de trois ans à compter de la livraison du navire à l'affréteur et qu'il serait renouvelé par tacite reconduction à l'expiration de cette période pour une durée identique, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties trente jours avant son échéance ; qu'elle a également relevé que par lettre recommandée du 27 mai 2015, les sociétés Euro-Transmanche avaient mis fin aux contrats d'affrètement à effet au 1er juillet 2015 à minuit ; qu'il en ressortait qu'à compter du 1er juillet 2015 à minuit, les contrats d'affrètement arrivaient à expiration ; qu'en affirmant néanmoins qu'à raison de la possession du navire, la société Seafrance n'avait perdu la qualité d'armateur que le 12 septembre 2015, et qu'elle était redevable des droits de port jusqu'à cette date, la cour d'appel a violé les articles L. 5321-1, L. 5411-2, R. 5321-1 et R. 5321-19 du code des transports ;

2°/ que la redevance de stationnement au titre des droits de port est à la charge de l'armateur ; qu'en cas d'affrètement, tel que défini par les dispositions de l'article L. 5423-1 du code des transports, l'affréteur devient l'armateur du navire ; qu'en affirmant que le fait que les sociétés Euro-Transmanche aient conclu de nouveaux contrats d'affrètement sur les navires avec une société tierce, signés en juin 2015 et prévoyant la mise à disposition des navires pour le nouvel armateur le 2 juillet 2015, était sans incidence sur la détermination du redevable des droits de port, la cour d'appel a violé les articles L. 5321-1, L. 5411-2, R. 5321-1 et R. 5321-19 du code des transports ;

3°/ que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les deux contrats d'affrètement conclus entre la société Seafrance, affréteur, et les sociétés Euro-Transmanche, fréteurs respectifs des navires Rodin et Berlioz, prévoyaient, en leurs articles 3.1/3.2/3.3, que l'affrètement était conclu pour une durée de trois ans à compter de la livraison du navire à l'affréteur et qu'il serait renouvelé par tacite reconduction à l'expiration de cette période pour une durée identique, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties trente jours avant son échéance ; que la cour d'appel n'a relevé, parmi les stipulations contractuelles relatives à la restitution du navire, mentionnées aux articles 5.1/5.2/5.3/5.4 des contrats, l'existence d'aucune clause de prolongation de la durée des contrats d'affrètement ; qu'en affirmant que la relation contractuelle ne prenait pas fin à la date d'expiration du contrat mais à la date à laquelle le fréteur avait repris possession du navire, et que cette reprise se traduisait par l'établissement d'un procès-verbal de restitution, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ qu'un procès-verbal de restitution établi contradictoirement par les cocontractants se borne à constater une situation de fait et ne conditionne pas la restitution elle-même ; qu'en affirmant que la restitution des navires ne pouvait être caractérisée par la simple mise à disposition des navires mais était conditionnée à la signature par les parties d'un procès-verbal de restitution, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que la restitution d'une chose mise à disposition est effective à la date de remise en possession de la chose au propriétaire ; qu'en l'espèce, en estimant que la société Seafrance n'avait pas remis les sociétés Euro-Transmanche en possession des navires dès le 2 juillet 2015, en se bornant à relever que les navires étaient occupés par des salariés de la société Seafrance et des tiers, sans rechercher comme elle y était invitée si la société Seafrance n'avait pas donné son accord sur le lieu et le jour de la restitution et sur l'identité de l'expert chargé de l'inventaire, si elle n'avait pas désarmé les navires, si elle n'avait pas désactivé les badges de l'équipage, et si l'occupation des navires, malgré la présence de salariés de la société Seafrance, n'était pas une occupation illicite réalisée sans autorisation et hors de son chef, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

6°/ que la restitution d'une chose mise à disposition est effective à la date de réalisation des opérations contradictoires de remise en possession de la chose au propriétaire, et non à la date de la signature du procès-verbal constatant ces opérations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les expertises contradictoires prévues aux contrats d'affrètement étaient intervenues les 2, 3, 4 et 7 septembre 2015 et que ce n'est que le 12 septembre 2015 que les sociétés Euro-Transmanche avaient pris acte des redélivraisons ; qu'en jugeant que les navires avaient été restitués le 12 septembre 2015, soit à une date dépendant exclusivement du bon-vouloir des sociétés Euro-Transmanche, plutôt qu'au 7 septembre 2015, date de fin de réalisation des expertises contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles R. 5321-19 du code des transports ou R. 212-2 du code des ports maritimes que la redevance de stationnement est à la charge de l'armateur, c'est-à-dire de celui qui exploite le navire en son nom, qu'il en soit ou non propriétaire. Après avoir exactement énoncé que l'armateur s'entend de l'affréteur en cas d'affrètement coque nue, l'arrêt constate d'abord que les contrats d'affrètement litigieux ont été dénoncés par les sociétés Euro-Transmanche avec effet au 1er juillet 2015 à minuit, que, postérieurement à cette date, les navires sont restés occupés par des salariés de la société Seafrance et des tiers non déterminés et qu'aux termes d'un protocole de sortie de crise du 31 août 2015, les représentants des salariés de la société Seafrance se sont engagés à libérer les navires au plus tard le 2 septembre 2015. Il relève ensuite que la société Seafrance était tenue contractuellement de restituer les navires à la date d'expiration des contrats et, en cas de retard, de payer une indemnité et retient que les parties avaient prévu que la date d'expiration du contrat et celle de la restitution du navire pussent ne pas coïncider. Il en déduit justement que les contrats expirés ont continué à produire des effets et que la société Seafrance, qui avait conservé « la garde de la structure et du comportement » des navires jusqu'à leur restitution, n'avait perdu sa qualité d'armateur qu'à la date de cette restitution.

7. Après avoir constaté que les parties avaient prévu que la restitution des navires serait matérialisée par un procès-verbal de restitution dûment signé, auquel serait annexé le rapport d'expertise contradictoire des navires, que les expertises contradictoires n'avaient pu intervenir que les 2, 3, 4 et 7 septembre 2015 et que, le 12 septembre 2015, les sociétés Euro-Transmanche avaient pris acte de la redélivraison non conforme des navires, l'arrêt en déduit justement qu'en dépit de la conclusion par les sociétés Euro-Transmanche de nouveaux contrats d'affrètement prévoyant une mise à disposition des navires le 2 juillet 2015, date à laquelle les navires auraient dû leur être restitués, la restitution n'a eu lieu que le 12 septembre 2015, de sorte que la société Seafrance restait redevable des droits de port jusqu'à cette date.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Kass-Danno - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article R. 5321-19 du code des transports ; article R. 212-2 du code des ports maritimes.

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