Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS

1re Civ., 26 mai 2021, n° 19-23.723, (P)

Rejet

Effets – Liquidation du régime matrimonial – Créance d'un époux contre l'autre – Demande – Moment – Détermination – Portée

Lorsque la liquidation des intérêts pécuniaires d'époux a été ordonnée par une décision de divorce passée en force de chose jugée, la liquidation à laquelle il est procédé englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties, y compris les créances nées avant le mariage. Il appartient dès lors à l'époux qui se prétend créancier de l'autre de faire valoir sa créance contre son conjoint lors de l'établissement des comptes s'y rapportant.

Après avoir relevé que le jugement de divorce avait fait application de l'ancien article 264-1 du code civil, applicable du 1er février 1994 au 31 décembre 2004, selon lequel, en prononçant le divorce le juge aux affaires familiales ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux, et énoncé à bon droit que cette liquidation englobe tous les rapports pécuniaires existant entre les époux et qu'il appartient à l'époux qui se prétend créancier de son ancien conjoint de faire valoir sa créance lors de l'établissement des opérations de comptes et liquidation, une cour d'appel en a déduit exactement que l'ancien époux n'était plus recevable à agir après le jugement ayant statué sur les intérêts patrimoniaux et après la signature de l'acte de partage.

Créance d'un époux contre l'autre – Demande formée après le jugement ayant statué sur les intérêts patrimoniaux et après l'acte de partage – Recevabilité (non)

Règles spécifiques au divorce – Effets du divorce – Effets à l'égard des époux – Effets quant aux biens – Point de départ – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 6 août 2019), M. [U] et Mme [T] ont vécu en concubinage jusqu'à leur mariage, le [Date mariage 1] 1991, sans contrat préalable.

2. Un jugement du 20 janvier 2000 a prononcé leur divorce et ordonné le partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Le 9 avril 2008, le notaire désigné a dressé un procès-verbal de difficultés.

Le juge commis a constaté la non-conciliation des parties et les a renvoyées devant le tribunal qui, par un jugement du 6 avril 2010, a statué sur les désaccords persistants.

Le 24 septembre 2010, les parties ont signé l'acte de partage établi par le notaire.

3. Le 27 octobre 2015, M. [U] a assigné Mme [T] aux fins d'obtenir une indemnité sur le fondement de l'enrichissement sans cause, pour avoir financé, avant le mariage, la maison dont celle-ci est seule propriétaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [U] fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables, alors :

« 1°/ que d'une part, en matière de partage judiciaire, l'irrecevabilité des demandes formulées pour la première fois devant le tribunal n'est encourue que si le notaire en charge du projet d'état liquidatif a établi un procès-verbal de difficultés et si le juge commis a transmis un rapport au tribunal ; qu'en retenant qu'en s'abstenant de faire état, tant devant le notaire que devant le tribunal ayant statué le 6 avril 2010, de la créance objet du présent litige, alors même qu'il ne soutient ni ne démontre que le fondement de ses prétentions aurait été révélé postérieurement à la saisine du tribunal, M. [U] n'est plus recevable à agir dans le cadre d'une demande distincte postérieure au partage, en application du principe de concentration des demandes prévu à l'article 1374 du code de procédure civile, pour en déduire que par conséquent, il sera déclaré irrecevable dans ses demandes, la cour d'appel qui n'a pas constaté que le notaire commis avait établi un procès-verbal de dires et de difficultés ni qu'un juge avait été commis et qu'il aurait, après réception du procès-verbal de difficultés, établi un rapport au tribunal des points de désaccords subsistant entre les parties, a violé les articles 1373 et 1374 du code de procédure civile ;

2°/ que d'autre part et subsidiairement, en matière de partage judiciaire, l'irrecevabilité des demandes formulées pour la première fois devant le tribunal n'est encourue que si le notaire en charge du projet d'état liquidatif a établi un procès-verbal de difficultés et si le juge commis a transmis un rapport au tribunal ; qu'en retenant qu'en s'abstenant de faire état, tant devant le notaire que devant le tribunal ayant statué le 6 avril 2010, de la créance objet du présent litige, alors même qu'il ne soutient ni ne démontre que le fondement de ses prétentions aurait été révélé postérieurement à la saisine du tribunal, M. [U] n'est plus recevable à agir dans le cadre d'une demande distincte postérieure au partage, en application du principe de concentration des demandes prévu à l'article 1374 du code de procédure civile, pour en déduire que par conséquent, il sera déclaré irrecevable dans ses demandes, quand seule l'existence d'un procès-verbal de dires et de difficulté établi par le notaire commis et transmis au juge commis en vue de l'établissement d'un rapport au tribunal des points de désaccords subsistant entre les parties, était susceptible de rendre irrecevables les demandes de l'exposant, la cour d'appel qui oppose à l'exposant le fait de s'être abstenu de faire état, tant devant le notaire que devant le tribunal ayant statué le 6 avril 2010, de la créance objet du présent litige, a violé les articles 1373 et 1374 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Lorsque la liquidation des intérêts pécuniaires d'époux a été ordonnée par une décision de divorce passée en force de chose jugée, la liquidation à laquelle il est procédé englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties, y compris les créances nées avant le mariage. Il appartient dès lors à l'époux qui se prétend créancier de l'autre de faire valoir sa créance contre son conjoint lors de l'établissement des comptes s'y rapportant.

6. Après avoir relevé que le jugement de divorce du 20 janvier 2000 avait fait application de l'article 264-1 du code civil, alors en vigueur, selon lequel, en prononçant le divorce, le juge aux affaires familiales ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux et énoncé, à bon droit, que la liquidation, à laquelle il est procédé à la suite du divorce, englobe tous les rapports pécuniaires existant entre les époux et qu'il appartient à celui qui se prétend créancier de son conjoint de faire valoir sa créance lors de l'établissement des opérations de comptes et liquidation, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par le moyen, que M. [U] n'était plus recevable à agir postérieurement au jugement du 6 avril 2010 et à l'acte de partage.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Mouty-Tardieu - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article 264-1 du code civil, dans sa rédaction applicable du 1er février 1994 au 31 décembre 2004.

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