Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 5 mai 2021, n° 20-14.390, n° 20-14.391, n° 20-14.393, (P)

Rejet

Employeur – Pouvoir de direction – Etendue – Organisation de l'entreprise – Congés payés – Fixation de la période – Fractionnement à l'initiative de l'employeur – Fractionnement fixé par le contrat de travail – Effets – Renonciation par avance du salarié – Possibilité (non)

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-14.390, 20-14.391 et 20-14.393 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 18 décembre 2019), la société Sofrabrick (la société) est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de pâtes traditionnelles brick et filo. Afin de pouvoir apposer l'estampille « casher » sur ses produits, elle doit respecter les règles essentielles du judaïsme parmi lesquelles l'interdiction de travailler ou de faire travailler les samedis et durant les fêtes juives.

3. Les contrats de travail conclus avec les salariés indiquent que la société étant sous le contrôle du consistoire israëlite, les jours de fermeture exceptionnelle liés aux fêtes juives sont obligatoirement décomptés des congés payés.

4. M. [Z] et vingt-trois autres salariés de la société ont saisi la juridiction prud'homale afin de demander la condamnation de leur employeur au paiement de dommages-intérêts pour privation de leurs droits à congés.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses deuxième à sixième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, réunis

Enoncé du moyen

6. Par son premier moyen l'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer diverses sommes aux salariés à titre de dommages-intérêts pour privation du congé annuel légal, avec les intérêts légaux capitalisés dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil, alors :

« 1°/ qu'en application de l'article L. 3141-18 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque le congé principal est d'une durée supérieure à douze jours ouvrables et au plus égale à 24 jours ouvrables, il peut être fractionné par l'employeur avec l'accord du salarié ; que si l'acceptation par le salarié doit être expresse et ne peut résulter de la seule exécution du contrat de travail sans contestation, cette acceptation peut se prouver par tous moyens ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il était constant que les contrats de travail des salariés stipulaient que la société étant sous contrôle du consistoire israélite, les jours de fermeture exceptionnelle liés aux fêtes religieuses étaient obligatoirement décomptés des congés payés ; qu'en jugeant que faute de préciser la liste des fêtes concernées et leur durée dont la date variait chaque année, cette stipulation qu'elle relevait n'était pas suffisamment précise pour valoir agrément des salariés au fractionnement de leur congé principal, lorsqu'il en résultait l'expression par ces derniers d'une volonté claire et non équivoque de voir toutes les fêtes juives décomptées de leurs congés payés et donc leur accord au fractionnement desdits congés qui en découlait, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil ;

2°/ que lorsque le congé s'accompagne de la fermeture de l'établissement, le fractionnement peut être réalisé par l'employeur sur avis conforme des délégués du personnel ou, à défaut, avec l'agrément des salariés ; que ces conditions sont alternatives ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il était constant que les contrats de travail des salariés stipulaient que la société étant sous contrôle du consistoire israélite, les jours de fermeture exceptionnelle liés aux fêtes religieuses étaient obligatoirement décomptés des congés payés ; qu'en jugeant qu'en tout état de cause, l'employeur ne justifiait pas d'un avis conforme exprès des délégués du personnel, lorsque les mentions du contrat de travail relevées par l'arrêt, qui valaient agrément des salariés au fractionnement de leurs congés payés, avec fermeture de l'entreprise, autorisaient en elles-mêmes le recours à une telle pratique, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-20 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

3°/ que lorsque le congé s'accompagne de la fermeture de l'établissement, le fractionnement peut être réalisé par l'employeur sur avis conforme des délégués du personnel ; que l'accord individuellement donné par tous les salariés, y compris ceux titulaires d'un mandat électif, à voir les fêtes juives décomptées de leurs congés payés vaut avis conforme de ces derniers au fractionnement des congés payés ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-20 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil. »

7. Par son second moyen, l'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariés des sommes à titre de dommages-intérêts pour privation des deux jours supplémentaires dus au fractionnement, outre les intérêts légaux capitalisés dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil à compter de la date de la demande de capitalisation, alors « qu'il résulte de l'article L. 3141-19, dernier alinéa, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que le salarié peut donner son accord individuel pour renoncer à l'octroi de jours de congés supplémentaires en raison du fractionnement de la prise des congés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était constant que les contrats de travail des salariés stipulaient que les société étant sous contrôle du consistoire israélite, les jours de fermeture exceptionnelle liés aux fêtes religieuses étaient obligatoirement décomptés des congés payés ; que cette stipulation relevée par l'arrêt valait renonciation des salariés à l'octroi de congés supplémentaires du fait du fractionnement des congés qui découlait de la fermeture de l'entreprise lors des fêtes religieuses juives ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article L. 3141-18 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque le congé ne dépasse pas douze jours ouvrables, il doit être continu. Lorsque le congé principal est d'une durée supérieure à douze jours ouvrables et au plus égale à vingt-quatre jours ouvrables, il peut être fractionné par l'employeur avec l'accord du salarié. Dans ce cas, une des fractions est au moins égale à douze jours ouvrables continus compris entre deux jours de repos hebdomadaire.

9. Selon l'article L. 3141-19 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, des jours supplémentaires de congé sont dus quand des congés d'une certaine durée sont pris en dehors de la période légale, à moins que des dérogations ne soient intervenues par accord individuel, convention collective ou accord collectif d'établissement.

10. Le droit à des congés supplémentaires naît du seul fait du fractionnement, que ce soit le salarié ou l'employeur qui en ait pris l'initiative.

11. Le salarié ne pouvant pas renoncer par avance au bénéfice d'un droit qu'il tient de dispositions d'ordre public avant que ce droit ne soit né, il ne peut renoncer dans le contrat de travail à ses droits en matière de fractionnement du congé principal.

12. Examinant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a estimé, d'une part, que les salariés n'avaient ni donné leur agrément au fractionnement du congé principal ni renoncé à leurs droits à des jours de congés supplémentaires du fait de ce fractionnement, d'autre part, que l'employeur ne justifiait pas d'un avis conforme des délégués du personnel au fractionnement du congé consécutif à la fermeture de l'établissement lors des fêtes religieuses juives.

13. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 3141-18 et L. 3141-19 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel un salarié ne peut valablement renoncer, tant que son contrat de travail est en cours, aux avantages qu'il tire d'une convention collective ou de dispositions statutaires d'ordre public, à rapprocher : Soc., 13 janvier 1960, pourvoi n° 58-40.814, Bull. 1960, V, n° 36 (1) (2) (cassation) ; Soc. 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-21.867, Bull. 2019, (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 27 mai 2021, n° 19-16.117, (P)

Rejet

Employeur – Pouvoir disciplinaire – Prescriptions du guide mémento des règles de gestion RH PX 10 de La Poste – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 11 mars 2019), Mme [A] a été engagée par La Poste selon contrat d'apprentissage du 1er septembre 2012, puis selon contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 14 août 2014 en qualité de chargée développement clientèle.

2. Le 10 juillet 2015, elle a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable prévu le 22 juillet 2015.

Le 20 août 2015, elle a été invitée à se présenter le 1er septembre devant la commission consultative paritaire de La Poste, puis a été licenciée pour faute grave le 4 septembre 2015.

3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement n'est pas nul et de la débouter de ses demandes, alors :

« 1°/ que lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt que les fautes reprochées à la salariée à l'appui de la lettre de licenciement du 4 septembre 2015, à savoir de nombreux mouvements de compte à compte entre le mois de janvier et le mois de juin 2015 et deux augmentations de seuil de découvert autorisé les 11 et 18 février 2015, ont été commis, pour la plupart d'entre eux, plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, le 10 juillet 2015 ; qu'en retenant, dès lors, pour écarter le moyen tiré de la prescription des faits fautifs, soulevé par la salariée qui soulignait avoir prévenu la cellule risque dès le 24 avril 2015, qu'il n'est pas démontré que l'employeur a eu connaissance des faits à l'origine du licenciement avant le signalement du 1er juillet 2015, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article L. 1332-4 du code du travail, ensemble l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

2° / qu'il résulte de l'article 221 du guide mémento PX 10, qui constitue une norme collective contraignante qui s'impose dans l'entreprise La Poste en qualité de droit disciplinaire conventionnel et accorde une garantie de fond au salarié, que la convocation à l'entretien préalable « doit indiquer l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. Elle doit donc mentionner, ou[tre] la ou les faute(s) reprochée(s), qu'une mesure disciplinaire autre que l'avertissement et le blâme est envisagée et ne pas se borner à viser l'éventualité d'une sanction. Lorsqu'un licenciement est envisagé, le salarié doit en être informé » ; qu'en retenant, dès lors, pour écarter le moyen tiré de la violation des droits de la défense, que la « lettre de convocation à un entretien préalable s'accompagnant d'une mise à pied conservatoire » du 10 juillet 2010 ne comportait pas l'énoncé de la ou des faute(s) reprochée(s), peu important qu'elle renvoie à la remise en main propre de la mise à pied conservatoire intervenue le même jour, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

6. D'abord, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait qui lui étaient soumis, a, sans inverser la charge de la preuve, constaté que l'employeur n'avait eu connaissance des faits reprochés à la salariée que le 1er juillet 2015.

7. Elle en a exactement déduit que les poursuites, engagées le 10 juillet 2015, par la convocation à l'entretien préalable au licenciement, l'avaient été dans le délai de deux mois prévu à l'article L. 1332-4 du code du travail.

8. Ensuite, le guide mémento des règles de gestion RH PX 10 de La Poste constitue un document interne à cette entreprise se bornant à expliciter les règles de droit, à destination des délégataires du pouvoir disciplinaire en charge de les appliquer.

9. La cour d'appel a dès lors retenu à bon droit, par motifs adoptés, que l'absence d'indication des fautes reprochées dans la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, en méconnaissance du point 221 du guide mémento précité, n'était pas de nature à affecter la validité de ladite mesure.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prache - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 1332-4 du code du travail.

Soc., 27 mai 2021, n° 19-17.587, (P)

Rejet

Employeur – Pouvoir disciplinaire – Sanction – Prononcé – Modification du contrat de travail – Notification d'un délai de réflexion – Silence du salarié – Prescription des faits fautifs – Point de départ de la prescription – Détermination – Portée

Lorsque l'employeur notifie, après l'engagement de la procédure disciplinaire, une proposition de modification de contrat de travail soumise au salarié, et fixe un délai à l'expiration duquel le silence de celui-ci vaudrait refus de la sanction, le délai de prescription de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail court, en l'absence de réponse, à compter du terme du délai fixé par l'employeur, peu important le refus du salarié réitéré de façon expresse ultérieurement.

Employeur – Pouvoir disciplinaire – Modification du contrat de travail – Fixation d'un délai de réflexion par l'employeur – Réponse du salarié postérieure au délai – Ecoulement de la prescription – Effets – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 4 avril 2019), M. [X], employé par la société Esso raffinage, s'est vu notifier le 2 mai 2013 une mutation disciplinaire par l'employeur qui lui a donné un délai expirant le 10 mai suivant pour faire connaître sa position, lui précisant que l'absence de réponse dans ce délai vaudrait refus.

Le salarié a exprimé son refus le 18 mai 2013.

2. Le salarié a été convoqué le 16 juillet 2013 à un nouvel entretien préalable en vue d'une nouvelle sanction, fixé au 23 juillet 2013. Il lui a été notifié par courrier du 29 juillet 2013 une rétrogradation disciplinaire, qu'il a expressément acceptée.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'annulation de la sanction de rétrogradation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler la sanction, de dire n'y avoir lieu d'impartir un délai à la société pour prononcer une nouvelle sanction d'un degré moindre et d'ordonner que le salarié soit rétabli dans ses droits éludés, alors « que le refus d'une mutation disciplinaire par le salarié interrompt le délai de prescription prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail, de sorte que l'employeur dispose d'un nouveau délai de deux mois, à compter de ce refus, pour convoquer le salarié à un entretien en vue d'une autre sanction disciplinaire ; que le délai de deux mois court à compter du refus exprimé par le salarié, peu important que ce refus soit postérieur au délai qui lui a été imparti par l'employeur pour se prononcer ; que pour annuler en l'espèce la rétrogradation disciplinaire prononcée par la société Esso raffinage contre M. [X], la cour d'appel a jugé que seul l'accord du salarié à la rétrogradation disciplinaire devait être exprès, que le 2 mai 2013, l'employeur avait notifié au salarié son intention de le muter à titre disciplinaire et lui a donné un délai jusqu'au 10 mai suivant pour faire connaître son accord et que faute de réponse à cette date, il appartenait alors à l'employeur, soit de prendre une autre sanction dans le délai d'un mois à compter de l'entretien préalable du 5 avril 2013, soit s'il faisait le choix de convoquer le salarié à un nouvel entretien, de le faire dans les deux mois du refus du salarié résultant de son absence de réponse avant le 10 mai, ainsi qu'expressément indiqué dans la lettre du 2 mai 2013, i.e avant le 10 juillet 2013, ce alors que le salarié n'avait été convoqué au second entretien préalable que le 16 juillet 2013 pour le 23 juillet suivant ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que le salarié n'avait exprimé son refus de la sanction disciplinaire litigieuse que par courrier du 18 mai 2013, ce dont il se déduisait que la convocation du salarié au second entretien, le 16 juillet suivant, était intervenue dans le délai de prescription de deux mois qui n'avait commencé à courir qu'à compter de l'envoi de ce courrier par le salarié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 1332-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. La notification par l'employeur, après l'engagement de la procédure disciplinaire, d'une proposition de modification de contrat de travail soumise au salarié, interrompt le délai de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail qui court depuis la convocation à l'entretien préalable.

Le refus de cette proposition par le salarié interrompt à nouveau ce délai. Il s'ensuit que la convocation du salarié par l'employeur à un entretien préalable en vue d'une autre sanction disciplinaire doit intervenir dans les deux mois de ce refus.

6. La cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait fixé au 10 mai 2013 le délai à l'expiration duquel l'absence de réponse du salarié vaudrait refus de la sanction disciplinaire proposée, a retenu à bon droit qu'en l'absence de réponse du salarié, le délai de prescription de deux mois courait à partir de cette date, peu important le refus de l'intéressé réitéré de façon expresse postérieurement, et que dès lors, la nouvelle convocation à un entretien préalable, le 16 juillet 2013, était intervenue postérieurement à l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Le Lay - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 1332-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'interruption du délai de prescription des faits fautifs à la suite du refus de la sanction disciplinaire par le salarié, en l'absence de délai de réflexion fixé par l'employeur, à rapprocher : Soc., 15 janvier 2013, pourvoi n° 11-28.109, Bull. 2013, V, n° 7 (cassation), et l'arrêt cité.

Soc., 19 mai 2021, n° 19-25.614, (P)

Rejet

Maladie du salarié – Maladie ou accident non professionnel – Inaptitude au travail – Inaptitude consécutive à la maladie – Constat d'inaptitude du médecin du travail – Modalités – Compétence du conseil médical de l'aviation civile en matière d'inaptitude des personnels navigants titulaires d'un titre aéronautique – Portée

Les dispositions spéciales du code de l'aviation civile et du code des transports prévoyant la compétence du Conseil médical de l'aviation civile (CMAC) pour se prononcer sur le caractère définitif des inaptitudes des personnels navigants titulaires d'un titre aéronautique n'ont pas le même objet que les dispositions d'ordre public du code du travail, de sorte que le médecin du travail doit se prononcer sur l'inaptitude du salarié.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 2019), M. [M] a été engagé le 21 septembre 1979 en qualité d'officier pilote de ligne par la société Air France. Il exerçait, en dernier lieu, les fonctions de commandant de bord.

2. Le 8 novembre 2012, le centre d'expertise médicale du personnel navigant a déclaré le salarié inapte définitif.

Le 5 décembre 2012, le conseil médical de l'aéronautique civile (CMAC) l'a déclaré « inapte définitivement à exercer sa profession de navigant comme classe 2 ».

3. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 28 février 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de solde d'indemnité de licenciement, de solde d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis, de dommages-intérêts pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et une somme à titre de dommages-intérêts au titre de préjudice moral et pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « qu'aux termes des dispositions spécifiques du code des transports et du code de l'aviation civile, le conseil médical de l'aéronautique civile (le CMAC) composé de quinze médecins qualifiés, agréés par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), dispose d'une compétence exclusive pour se prononcer sur l'inaptitude d'un salarié à exercer ses fonctions de pilote ; que cette procédure spéciale n'a pas le même objet que celle prévue par le code du travail aux termes duquel le médecin du travail dispose d'une compétence générale pour apprécier l'aptitude d'un salarié à exercer son précédent emploi, mais aussi pour évaluer les possibilités de son reclassement dans un autre emploi ; qu'il résulte de cette différence d'objet que le médecin du travail n'est pas compétent pour se prononcer sur l'inaptitude d'un salarié à exercer des fonctions de pilote ; que le médecin du travail peut seulement apprécier l'aptitude d'un pilote déclaré inapte par le CMAC à voler, à occuper un emploi au sol, sous la réserve qu'un emploi au sol puisse lui être proposé ; que pour prononcer la nullité du contrat de travail du salarié, la cour d'appel a estimé que s'il est établi que le CMAC a, en date du 5 décembre 2012, dans les conditions légalement prévues, prononcé l'inaptitude définitive classe 1 de M. [M] à exercer des fonctions de pilote, c'est à bon droit que ce dernier soutient qu'il n'a pas été organisé de visite de reprise à l'issue de son arrêt maladie auprès du médecin du travail aux fins de constat de son inaptitude ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles R. 4624-23 et R. 4624-31 du code du travail dans leur rédaction en vigueur, les articles L. 6511-4 et L. 6521-6 du code des transports et l'article D. 424-2 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction en vigueur. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a exactement décidé que les dispositions spéciales du code de l'aviation civile et du code des transports prévoyant la compétence du CMAC pour se prononcer sur le caractère définitif des inaptitudes des personnels navigants titulaires d'un titre aéronautique n'ont pas le même objet que les dispositions d'ordre public du code du travail, de sorte que le médecin du travail doit se prononcer sur l'inaptitude du salarié.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ricour - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles L. 1132-1, dans sa rédaction applicable en la cause, et L. 1132-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que, à rapprocher : Soc., 18 septembre 2019, pourvoi n° 17-22.863, Bull. 2019, (cassation partielle).

Soc., 5 mai 2021, n° 19-25.699, (P)

Rejet

Règlement intérieur – Contenu – Adjonction – Formalités légales – Accomplissement – Effets – Moment – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L. 1321-5 du code du travail, les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 sont, lorsqu'il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre.

Il s'ensuit qu'un tel document, s'il a été soumis à l'avis des institutions représentatives du personnel, a été transmis à l'inspecteur du travail et a fait l'objet des formalités de dépôt et de publicité prévues par les textes pour le règlement intérieur, constitue une adjonction à celui-ci, et est opposable au salarié à la date de son entrée en vigueur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2019), M. [S] a été engagé à compter du 4 juin 2012 en qualité de directeur investissement, par la société Cdc entreprise, aux droits de laquelle vient la société Bpifrance investissement, puis a été nommé selon avenant du 13 mai 2013, directeur du « pôle capital développement mezzanine ».

2. Le salarié a été licencié le 6 juillet 2015. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter toutes ses demandes, alors « qu'un ensemble de règles éthiques destinées à gouverner la conduite des salariés et susceptibles d'être sanctionnées par l'employeur, doit nécessairement être intégré au règlement intérieur de l'entreprise ; que le respect d'un document édictant de telles règles ne peut donc être imposé aux salariés du seul fait que les règles de forme et de publicité du règlement intérieur lui ont été appliquées, si le règlement n'a pas été formellement modifié par l'annexion de ce document ; que la cour d'appel a constaté que le règlement intérieur, tel que modifié par l'annexion du code de déontologie, n'avait été déposé auprès du conseil de prud'hommes que le 1er juillet 2015 et n'était ainsi applicable qu'à compter du 1er août 2015 ; qu'en considérant néanmoins que le code de déontologie était applicable à M. [S] dès le mois de juin 2015, la cour d'appel a violé les articles L. 1321-1 et L. 1321-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 533-10 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013, les prestataires de services d'investissement doivent mettre en place des règles et procédures permettant de garantir le respect par les personnes placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte, des dispositions applicables aux prestataires eux-mêmes ainsi qu'à ces personnes, en particulier les conditions et limites dans lesquelles ces dernières peuvent effectuer pour leur propre compte des transactions personnelles. Ces conditions et limites sont reprises dans le règlement intérieur et intégrées au programme d'activités du prestataire.

6. Aux termes de l'article L. 1321-5 du code du travail, les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 sont, lorsqu'il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre.

7. Il s'ensuit qu'un tel document, s'il a été soumis à l'avis des institutions représentatives du personnel, a été transmis à l'inspecteur du travail et a fait l'objet des formalités de dépôt et de publicité prévus par les textes pour le règlement intérieur, constitue une adjonction à celui-ci, et est opposable au salarié à la date de son entrée en vigueur.

8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que le code de déontologie avait été soumis pour avis au comité d'entreprise et au CHSCT le 24 juillet 2014, puis transmis à l'inspecteur du travail le 30 juillet 2014, et déposé au greffe du conseil des prud'hommes le 1er août 2014, se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : Mme Molina (avocat général référendaire) - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1321-1, L. 1321-2 et L. 1321-5 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la nature des notes de service pouvant constituer ou non selon le cas une adjonction au règlement intérieur, cf. : CE, 11 juin 1999, n° 195706, publié au Recueil Lebon ; CE, 27 juillet 2005, n° 254600, publié au Recueil Lebon. A rapprocher : Soc., 28 mai 2008, pourvoi n° 07-15.744, Bull. 2008, V, n° 120 (cassation partielle), et l'arrêt cité. Sur la nécessité de soumettre aux formalités légales les notes de service postérieures au règlement intérieur pour les rendre opposables aux salariés : Soc., 9 mai 2012, pourvoi n° 11-13.687, Bull. 2012, V, n° 134 (rejet).

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