Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2021

CAUTIONNEMENT

Com., 5 mai 2021, n° 19-17.736, (P)

Rejet

Action des créanciers contre la caution – Redressement ou liquidation judiciaire du débiteur principal – Irrégularité de la déclaration de créance – Portée – Rejet de la créance (non)

Se prononçant dans une instance opposant le créancier à la caution du débiteur principal à l'égard duquel a été ouverte une procédure collective, le juge du cautionnement ne statue pas en application de l'article L. 624-2 du code de commerce, relatif aux décisions que le juge-commissaire peut rendre à l'issue de la procédure de vérification des créances, de sorte que si ce juge retient que la déclaration de créance est irrégulière, sa décision sur ce point ne constitue pas une décision de rejet de la créance entraînant l'extinction de celle-ci.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 11 avril 2019), par des actes sous seing privé du 3 septembre 2012 et 29 mai 2013, la société Lyonnaise de banque (la banque) a consenti à la société ICT (la société) des prêts garantis par les cautionnements de MM. [Z], [X] et [Y].

2. La société ayant été mise en redressement judiciaire le 3 avril 2015, converti en liquidation judiciaire le 15 juillet 2015, la banque a assigné les cautions en paiement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [Z], M. [X] et M. [Y] font grief à l'arrêt de les condamner, en qualité de cautions de la société, à payer chacun à la banque la somme de 23 827,14 euros en principal, alors :

« 1°/ que l'irrégularité de la déclaration de créance emporte l'extinction de la créance, et donc de la sûreté qui la garantissait ; qu'en retenant au contraire que « la défaillance du créancier dans la déclaration de créance n'a pas pour effet d'éteindre la créance », la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce, ensemble l'article 2289 du code civil ;

2°/ que lorsque le créancier n'a pas régulièrement déclaré sa créance, la caution qui aurait pu tirer un avantage effectif du droit d'être admis dans les répartitions et dividendes peut être déchargée de ses obligations ; qu'en retenant pourtant en l'espèce que la défaillance du créancier dans la déclaration de créance n'a pas pour effet d'éteindre la dette et ne constitue pas une exception inhérente à la dette que peut invoquer la caution, sans rechercher si l'irrégularité de la déclaration n'était pas de nature à permettre aux fidéjusseurs d'invoquer le bénéfice de cession d'actions, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 2314 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Le juge du fond, qui statue dans l'instance en paiement opposant le créancier à la caution du débiteur principal à l'égard duquel a été ouverte une procédure collective, ne fait pas application de l'article L. 624-2 du code de commerce. Il en résulte que la décision par laquelle le juge du cautionnement retient que la déclaration de la créance est irrégulière ne constitue pas une décision de rejet de cette créance, entraînant, dès lors, l'extinction de celle-ci.

5. Ayant relevé qu'il n'était pas prétendu que la créance déclarée par la banque eut fait l'objet d'une admission au passif de la société, la cour d'appel, qui s'est prononcée elle-même, à tort, sur la régularité de la déclaration de créance, l'a jugée irrégulière pour absence de justification de la délégation de pouvoir du préposé déclarant. Cependant, s'il n'existait pas de décision du juge-commissaire admettant la créance, il n'existait pas davantage de décision de ce juge la rejetant pour irrégularité, dont la caution eût pu se prévaloir.

Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision, qui condamne la caution, se trouve légalement justifiée.

6. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 624-2 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens, à rapprocher : Com., 10 mars 2021, pourvoi n° 19-22.395, Bull. 2021, (rejet).

Com., 5 mai 2021, n° 20-14.672, (P)

Rejet

Caution – Pluralité de cautions – Recours de la caution ayant acquitté la dette – Recours contre un cofidéjusseur – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 28 janvier 2020), la société Caisse d'épargne de Picardie (la banque) a consenti des prêts à la SCI California, pour lesquels se sont rendus cautions M et Mme [X], ainsi que la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC).

Les 14 décembre 2010 et 17 janvier 2012, la liquidation judiciaire qui avait été prononcée à l'égard de la société Double GT Int le 26 octobre 2010 a été étendue à M. [X] puis à la SCI California.

2. Après l'admission au passif de la liquidation des créances de la banque, la société CEGC a réglé à cette dernière la totalité des sommes garanties.

3. Après la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire étendue, la société CEGC a déposé une requête auprès du président du tribunal de la procédure pour obtenir un titre exécutoire contre M. [X], en application de l'article L. 643-11, II, du code de commerce.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

5. La société CEGC fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors « que la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur ; qu'indépendamment de la confusion des patrimoines, le caractère accessoire du cautionnement implique que la notion de débiteur au sens de l'article L. 643-11, II, du code de commerce, soit dans le cadre d'une poursuite engagée au terme d'une procédure de liquidation judiciaire, inclut la caution du débiteur principal ; qu'au cas présent, la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande de paiement de la CEGC aux motifs qu'à défaut de démontrer la confusion des patrimoines de la société California et de M. [X], ce dernier ne pouvait être considéré comme le débiteur au sens de l'article L. 643-11 du code de commerce ; qu'en ayant exclu cette qualification en dépit du caractère accessoire du cautionnement dont il résulte une unicité de la dette, la cour d'appel a violé les articles L. 643-11 et R. 643-20 du code de commerce et l'article 2306 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. L'article L. 643-11, II, du code de commerce, qui autorise les coobligés et personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie à poursuivre le débiteur après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, s'ils ont payé à la place de celui-ci, ne permet pas à la caution qui a acquitté la dette principale d'exercer dans les conditions prévues par ce texte un recours contre un cofidéjusseur, en application de l'article 2310 du code civil, à moins que le patrimoine de celui-ci soit confondu avec celui du débiteur principal, ce qui n'est pas le cas.

7. Le moyen qui postule le contraire n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; Me Descorps-Declère -

Textes visés :

Article 2310 du code civil ; article L. 643-11, II, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur le recours de la caution contre le débiteur principal en cas de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, à rapprocher : Com., 28 juin 2016, pourvoi n° 14-21.810, Bull. 2016, IV, n° 98 (rejet).

Com., 5 mai 2021, n° 19-14.486, (P)

Cassation

Caution – Recours contre le débiteur principal – Recours subrogatoire – Prescription – Point de départ – Détermination

Il résulte des dispositions combinées des articles 2224 et 2306 du code civil, que la caution qui est subrogée dans les droits du créancier ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, de sorte que son action en paiement contre le débiteur est soumise à la prescription applicable à l'action dont disposait le créancier et commence à courir du jour où ce dernier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 juin 2018), par un acte du 5 août 2003, la société Caisse d'épargne Languedoc Roussillon (la banque) a consenti à Mme [O] deux prêts de 72 000 euros et de 35 000 euros, garantis par l'engagement de caution solidaire de M. [J]. Mme [O], ayant été défaillante dans l'exécution de ses obligations, la banque a mis en demeure le 22 juin 2010, M. [J], qui lui a ensuite payé la somme 63 233,06 euros contre remise d'une quittance subrogative, le 13 décembre 2010. Ayant vainement mis en demeure Mme [O] de le rembourser, M. [J] a assigné cette dernière le 5 décembre 2015.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. Mme [O] fait grief à l'arrêt de déclarer l'action introduite par M. [J] recevable, de la condamner à payer la somme de 68 233,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2015 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que l'action subrogatoire de la caution est soumise à la prescription applicable à l'action du créancier contre le débiteur ; que par suite, la prescription de l'action subrogatoire commence à courir au même moment que la prescription de l'action principale ; qu'en l'espèce, l'action de la banque était soumise à une prescription quinquennale qui a couru à compter du jour où elle a connu les faits lui permettant d'exercer son recours ; qu'en retenant, pour juger recevable le recours de M. [J], que la prescription de son action subrogatoire n'avait couru qu'à compter de la délivrance de la quittance subrogative, soit le 13 décembre 2010, alors que ce délai avait commencé à courir dès que la banque avait eu connaissance de la défaillance du débiteur, soit le 22 juin 2010 au plus tard, la cour d'appel a violé l'article 2306 du code civil, ensemble l'article 2224 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 et 2306 du code civil :

3. Aux termes du second de ces textes, la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur et il résulte du premier que le créancier dispose, pour agir contre ce dernier, d'un délai de cinq ans à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action.

4. Pour déclarer l'action de M. [J] recevable et condamner Mme [O] à lui payer la somme 68 233,63 euros, l'arrêt retient que l'action subrogatoire exercée par M. [J] est une action personnelle soumise à une prescription de cinq ans en application de l'article 2224 du code civil à compter du jour où il a connu les faits lui permettant de l'exercer, soit après le paiement effectué en exécution du contrat de cautionnement, à compter de la date de délivrance de la quittance subrogative, le 13 décembre 2010.

5. En statuant ainsi alors que la caution qui est subrogée dans les droits du créancier ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, de sorte que l'action subrogatoire de la caution contre le débiteur est soumise à la même prescription que celle applicable à l'action du créancier contre le débiteur, laquelle ne commence à courir que du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Guerlot - Avocat(s) : SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles 2224 et 2306 du Code civil.

Com., 5 mai 2021, n° 19-21.468, (P)

Rejet

Conditions de validité – Mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation – Défaut – Fraude de la caution – Sanction – Interdiction de se prévaloir de la nullité de l'engagement

Il résulte du principe Fraus omnia corrumpit que la fraude commise par la caution dans la rédaction des mentions manuscrites légales, prescrites, à peine de nullité du cautionnement, par les articles L. 341-2 et L. 341-3, devenus L. 331-1, L. 343-2, L. 331-2 et L. 343-3, du code de la consommation interdit à cette dernière de se prévaloir de ces dispositions.

La caution qui, dans le but d'échapper à son engagement, fait rédiger par un tiers la mention manuscrite prévue par la loi, en dépit de l'indication claire dans l'acte selon laquelle cette mention doit précéder sa signature, détourne sciemment le formalisme protecteur et commet une faute intentionnelle l'empêchant d'invoquer la nullité de son engagement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 mai 2019), par un acte du 1er avril 2005, la société Franfinance a conclu avec la société [Personne physico-morale 1] (la société) un contrat de crédit-bail portant sur divers matériels. A la suite d'impayés de loyers, le crédit-bailleur a accordé à la société des échéanciers, par avenant du 5 novembre 2010.

Par un acte du 9 décembre 2010, M. [L], dirigeant de la société, s'est rendu caution solidaire du paiement des sommes dues au titre du contrat de crédit-bail.

2. De nouveaux loyers étant restés impayés, le crédit-bailleur et le crédit-preneur ont conclu, le 19 avril 2013, un protocole de règlement, se substituant à l'avenant du 5 novembre 2010. Ce protocole n'ayant pas été respecté, le crédit-bailleur a assigné la société et la caution en paiement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches

Enoncé du moyen

3. La société et M. [L] font grief à l'arrêt de déclarer recevable et bien fondée la société Franfinance en toutes ses demandes, de les déclarer mal fondés en tous leurs moyens et prétentions, de déclarer valide l'acte de cautionnement souscrit par M. [L] et, en conséquence, de condamner solidairement la société et M. [L] à payer à la société Franfinance la somme de 304 509,28 euros au titre de la créance en principal, des pénalités et intérêts de retard, alors :

« 1° / qu'est nul l'engagement de caution solidaire, pris par acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas les mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3, devenus L. 331-1 et L. 331-2, du code de la consommation ; qu'en refusant de prononcer la nullité de l'acte de cautionnement solidaire du 9 décembre 2010, après avoir relevé que les mentions manuscrites portées sur ledit acte n'avaient pas été rédigées de la main de M. [L], la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

2°/ qu'est nul l'engagement de caution solidaire, pris par acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas les mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3, devenus L. 331-1 et L. 331-2, du code de la consommation ; que l'éventuel aveu de la caution ne peut pallier le défaut de régularité formelle de l'acte tiré de l'absence d'apposition par la caution des mentions manuscrites requises par la loi ; qu'en refusant de prononcer la nullité de l'acte de cautionnement solidaire du 9 décembre 2010, après avoir constaté que les mentions manuscrites portées sur ledit acte n'avaient pas été rédigées de la main de M. [L], au prétexte que ce dernier avait reconnu en être le véritable signataire, la cour d'appel a violé les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

3°/ que, dans conclusions d'appel, M. [L] contestait, preuve à l'appui, être le signataire de l'acte de cautionnement solidaire du 9 décembre 2010 et demandait qu'une expertise graphologique soit ordonnée ; qu'en affirmant qu'il ressortait des conclusions d'appel de M. [L] que celui-ci reconnaissait être le signataire de l'acte de cautionnement litigieux, la cour d'appel, qui a dénaturé ces écritures, a violé le principe selon lequel le juge a l'interdiction de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4°/ qu'en affirmant qu'il ressortait des pièces versées aux débats que M. [L] reconnaissait être le signataire de l'acte de cautionnement solidaire du 9 décembre 2010, sans indiquer sur quel élément de preuve elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte du principe fraus omnia corrumpit que la fraude commise par la caution dans la rédaction des mentions manuscrites légales, prescrites, à peine de nullité du cautionnement, par les articles L. 341-2 et L. 341-3, devenus L. 331-1 et L. 343-2 et L. 331-2 et L. 343-3, du code de la consommation interdit à cette dernière de se prévaloir de ces dispositions.

5. Ayant constaté, par motifs adoptés, que les signatures de M. [L] figurant sur l'acte de cautionnement et sur la fiche de renseignements étaient strictement identiques et que M. [L] ne pouvait donc alléguer n'avoir pas signé l'acte de cautionnement, puis relevé, par motifs propres, s'agissant des mentions manuscrites, qu'en dépit des précisions données dans l'acte, lequel comporte trois pages, toutes paraphées par le souscripteur, dont la dernière précise de manière très apparente et en caractères gras, que la signature de la caution doit être précédée de la mention manuscrite prévue par la loi, M. [L] a néanmoins « cru devoir faire » rédiger ladite mention par sa secrétaire, au lieu d'y procéder lui-même, détournant ainsi sciemment le formalisme de protection dont il se prévaut désormais pour tenter de faire échec à la demande en paiement, la cour d'appel, abstraction faite du motif critiqué par la troisième branche, a exactement déduit de la faute intentionnelle dont elle a ainsi retenu l'existence dans l'exercice de son pouvoir souverain, que la caution ne pouvait invoquer la nullité de son engagement.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Énoncé du moyen

7. La société et M. [L] font encore grief à l'arrêt de déclarer recevable et bien fondée la société Franfinance en toutes ses demandes, de les déclarer mal fondés en tous leurs moyens et prétentions et, en conséquence, de condamner solidairement la société et M. [L] à payer à la société Franfinance la somme de 304 509,28 euros au titre de la créance au principal, des pénalités et intérêts de retard, alors « qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'en se fondant, pour juger que M. [L] ne rapportait pas la preuve du caractère disproportionné de son engagement de caution au jour de sa souscription, sur la fiche de renseignements signée le 9 mars 2011, soit trois mois après la date de conclusion du cautionnement, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des considérations impropres à établir l'absence de disproportion du cautionnement avec les biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

8. Loin de se fonder sur la seule fiche de renseignements signée par M. [L] le 9 mars 2011, l'arrêt retient que le salaire annuel de 27 000 euros indiqué sur cette fiche, postérieure à la date du cautionnement de trois mois seulement, corroborait le niveau de rémunération résultant des fiches de paie afférentes à l'année 2010, mentionnant un salaire d'environ 2 250 euros par mois, et que, s'agissant du patrimoine immobilier détenu par la caution, cette dernière s'est abstenue de justifier de sa consistance précise et chiffrée, les documents produits par M. [L] étant insuffisants, en l'absence de précisions complémentaires, à démontrer l'inadéquation existant, à la date de la signature de l'acte de cautionnement, soit au 9 décembre 2010, entre la valorisation du patrimoine immobilier de la caution et le montant de son engagement.

En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a retenu que M. [L] ne rapportait pas la preuve de la disproportion manifeste alléguée, à la date de son engagement, a légalement justifié sa décision.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches

Enoncé du moyen

10. La société et M. [L] font enfin grief à l'arrêt de déclarer recevable et bien fondée la société Franfinance en toutes ses demandes, de les déclarer mal fondés en tous leurs moyens et prétentions et de débouter M. [L] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement par la société Franfinance à son obligation de mise en garde, alors :

« 1° / que le crédit-bailleur est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie ; que la qualification de caution avertie ne peut se déduire ni de la seule qualité de dirigeant de la société débitrice principale ni de l'âge de la caution ; qu'en qualifiant M. [L] de caution avertie au regard de sa seule qualité de gérant de la société [Personne physico-morale 1] et de ce qu'il était âgé de plus de 35 ans au jour de la signature du contrat de cautionnement, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que la caution était avertie, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le crédit-bailleur est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque son engagement n'est pas, à la date de sa souscription, adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti et résultant de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; qu'en jugeant que la société Franfinance n'était pas débitrice d'une obligation particulière de mise en garde vis-à-vis de la caution au prétexte que le contrat de crédit-bail ne constitue pas un concours financier en tant que tel, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que le crédit-bailleur est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque son engagement n'est pas, à la date de sa souscription, adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti et résultant de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; qu'en se fondant, pour juger que la société Franfinance n'était pas débitrice d'une obligation particulière de mise en garde vis-à-vis de la caution, sur la circonstance que l'engagement de caution a été accepté par M. [L] cinq années après la signature du contrat de crédit-bail et concomitamment à la signature d'un aménagement de l'échéancier qui a permis à la société débitrice de conserver le matériel objet du contrat et ainsi de maintenir son activité, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que le crédit-bailleur est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque son engagement n'est pas, à la date de sa souscription, adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti et résultant de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; qu'en jugeant, par motifs réputés adoptés, que la société Franfinance avait satisfait à son devoir de mise en garde, après avoir relevé qu'il n'apparaît nullement que celle-ci ait, lors de la souscription par M. [L] de son engagement de caution, délivré à ce dernier une quelconque mise en garde, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 « février 2016. »

Réponse de la Cour

11. Le crédit-bailleur est tenu à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou qu' il existe un risque de l'endettement né de la conclusion du crédit-bail garanti, lequel résulte de l'inadaptation dudit contrat aux capacités financières du crédit-preneur. Ayant relevé que M. [L] était le gérant de la société cautionnée depuis de nombreuses années, faisant ressortir son expérience de la vie des affaires, la cour d'appel, qui ne s'est pas ainsi fondée sur la seule qualité de gérant, abstraction faite des motifs critiqués par les deuxième, troisième et quatrième branches, a pu retenir le caractère averti de la caution, dispensant le crédit-bailleur de toute obligation de mise en garde à son égard.

12. Le moyen, pour partie inopérant, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Lévis -

Textes visés :

Articles L. 341-2 et L. 341-3, devenus L. 331-1, L. 343-2, L. 331-2 et L. 343-3, du code de la consommation.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.