Numéro 5 - Mai 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2020

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 20 mai 2020, n° 18-23.529, (P)

Rejet

Crédit à la consommation – Crédit affecté – Interdépendance du contrat principal et du crédit accessoire – Contrat principal – Résolution ou annulation – Effets – Obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté – Limites – Cas – Faute du prêteur – Déduction d'une somme sur le capital à rembourser

Ayant relevé que les parties à un contrat de crédit affecté, dont elle avait prononcé la résolution, avaient chacune commis une faute, une cour d'appel a pu décider que les emprunteurs seraient tenus de rembourser le capital prêté, sous déduction d'une certaine somme dont elle a souverainement estimé qu'elle réparerait le préjudice subi par eux du fait de la faute du prêteur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 mars 2018), suivant offre acceptée le 7 mai 2013, la société Sygma banque, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (la banque), a consenti à M. et Mme Y... (les emprunteurs) un prêt de 18 500 euros destiné à financer la vente et la pose de panneaux photovoltaïques par la société Compagnie énergie solaire (le vendeur).

2. Invoquant l'absence de raccordement de l'installation, les emprunteurs ont assigné le vendeur, pris en la personne de son liquidateur judiciaire, et la banque en résolution des contrats et en réparation de leur préjudice.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner à rembourser à la banque le capital emprunté et de condamner celle-ci à leur payer la seule somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que, dans un contrat de crédit affecté, le prêteur qui commet une faute lors de la libération des fonds ne peut prétendre au remboursement du capital prêté ; que la cour d'appel a constaté que la banque avait commis une faute lors de la libération des fonds, puisqu'aucun contrat n'avait été signé à ce moment ; qu'en condamnant néanmoins les emprunteurs à rembourser le capital, peu important à cet égard leur légèreté prétendue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 311-31 et L. 311-32 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir constaté la livraison des panneaux photovoltaïques, mais l'absence de démarches en vue de leur raccordement au réseau, et prononcé en conséquence la résolution du contrat de vente et celle du crédit affecté, ainsi que la déchéance du droit aux intérêts, l'arrêt relève, d'abord, que la banque a libéré les fonds sans s'assurer que les emprunteurs avaient régularisé le contrat principal, lequel a été conclu le 24 octobre 2013, postérieurement au certificat de livraison signé le 6 août 2013 par M. Y... et le 9 octobre suivant par son épouse, et qu'elle a ainsi engagé sa responsabilité.

5. Il retient, ensuite, que les emprunteurs ont eux-mêmes fait preuve de légèreté en acceptant la mise en oeuvre à leur domicile de l'installation, avant même la signature du contrat de vente, et en certifiant, d'une part, l'exécution d'un contrat en réalité inexistant, d'autre part, l'exécution d'une prestation en vérité inachevée.

6. Ayant ainsi déduit de ces constatations que les parties avaient chacune commis une faute, la cour d'appel a pu décider que les emprunteurs étaient tenus de rembourser le capital prêté, sous déduction de la somme de 9 000 euros dont elle a souverainement estimé qu'elle réparerait le préjudice subi par eux du fait de la faute de la banque.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : Me Occhipinti ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 311-31 et L. 311-32 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

1re Civ., 20 mai 2020, n° 19-13.461, (P)

Cassation

Prescription – Prescription biennale – Domaine d'application – Exclusion – Prêt consenti pour les besoins d'une activité professionnelle – Coemprunteur étranger à l'activité professionnelle – Absence d'influence

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 8 janvier 2019), par acte authentique du 8 septembre 2000, la société BNP Paribas (la banque) a consenti un prêt professionnel à M. et Mme X... (les emprunteurs). Puis, suivant actes authentiques des 25 août et 2 octobre 2003, la banque leur a consenti une ouverture de crédit par découvert en compte.

2. Se prévalant d'une créance au titre de ces actes, la banque a engagé une procédure aux fins de saisie des rémunérations de Mme X.... Cette dernière a soulevé la prescription de la demande en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable comme prescrite, alors « que l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation qui énonce que « l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans », n'est pas applicable aux prêts « destiné[s] à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire » ; que, lorsqu'un prêt est souscrit par deux époux pour les besoins de l'activité professionnelle de l'un seul d'entre eux, l'autre ne peut pas se prévaloir de la prescription biennale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les conventions sur lesquelles la banque fondait sa demande en saisie des rémunérations de Mme X... avaient été conclues « pour les besoins de l'activité professionnelle du mari viticulteur » ; qu'en retenant néanmoins, au prétexte que Mme X..., « agent commercial, était étrangère à cette activité », que l'action de la banque se prescrivait par deux ans en application de l'article L. 137-2, devenu l'article L. 218-2, du code de la consommation, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation :

4. Aux termes de ce texte, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Il en résulte que cette prescription ne s'applique pas aux actions fondées sur un prêt consenti pour les besoins d'une activité professionnelle.

5. Pour déclarer prescrite la demande de la banque, après avoir constaté que les actes des 8 septembre 2000, 25 août et 2 octobre 2003 avaient été conclus pour les besoins de l'activité professionnelle de M. X..., viticulteur, et que Mme X... était étrangère à cette activité, l'arrêt retient que celle-ci, intervenue aux actes en tant que consommateur, pouvait se prévaloir des dispositions prévues par l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation.

6. En statuant ainsi, alors qu'est sans effet sur la qualification professionnelle d'un crédit la circonstance qu'un coemprunteur est étranger à l'activité pour les besoins de laquelle il a été consenti, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation.

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