Numéro 5 - Mai 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2020

BAIL COMMERCIAL

3e Civ., 28 mai 2020, n° 19-10.056, (P)

Rejet

Bail verbal – Prix – Paiement – Action en paiement – Taxe foncière – Charge – Transfert au preneur – Conditions – Accord des parties – Constatations nécessaires

Dans un bail commercial verbal, le transfert au preneur de la charge de la taxe foncière résulte de l'accord des parties dont l'existence est souverainement constatée par les juges du fond.

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 septembre 2018), que la société Ocean a acquis le fonds de commerce de la société Prestor en vertu d'un jugement du 7 janvier 2014 ayant ordonné à son profit la cession partielle des actifs de cette société, dont la procédure de redressement judiciaire avait été ouverte le 29 janvier 2013, ainsi que le transfert du bail commercial que lui avait consenti la SCI LT le 10 janvier 2008 sans contrat écrit ; que la SCI LT a assigné la société Ocean en paiement d'une somme au titre de la taxe foncière pour les années 2014 à 2017 ;

Attendu que la société Ocean fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit qu'en présence d'un bail verbal, il convenait de rechercher l'existence d'un accord des parties sur le transfert au preneur de la charge de la taxe foncière et relevé qu'il était établi que la société Prestor avait réglé à la SCI LT la taxe foncière jusqu'en 2011, que la taxe 2012 avait fait l'objet d'une déclaration de créance admise par le juge commissaire et que l'administrateur judiciaire avait validé le paiement de la taxe 2013, la cour d'appel, qui a souverainement constaté l'accord des parties au bail initial sur ce point, antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du preneur, en a exactement déduit que la société Ocean était tenue de prendre en charge les taxes foncières après la cession du bail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Corbel - Avocat général : Mme Valdès-Boulouque (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SARL Cabinet Briard -

3e Civ., 28 mai 2020, n° 19-15.001, (P)

Cassation partielle

Domaine d'application – Extension conventionnelle – Droit au renouvellement – Conditions – Immatriculation au registre du commerce et des sociétés (non)

La condition tenant à l'immatriculation du preneur pour bénéficier du statut des baux commerciaux n'est pas exigée en cas de soumission volontaire des parties à ce statut, même si le preneur est commerçant.

Renouvellement – Conditions – Immatriculation au registre du commerce et des sociétés – Soumission conventionnelle du bail au statut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 7 février 2019), le 9 mai 2008, M. R... et Mme H... ont donné à bail à la société anonyme Open sud gestion (la société), pour une durée de neuf années entières, une villa meublée avec terrain, terrasse et piscine, destinée à une activité d'exploitation hôtelière et/ou para-hôtelière consistant en la sous-location meublée de locaux situés dans le même ensemble immobilier avec mise à disposition de services ou prestations para-hôtelière à la clientèle.

2. Le 3 novembre 2016, M. R... et Mme H... ont délivré à la société un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour le 27 mai 2017.

3. Puis, déniant à la locataire le droit à indemnité d'éviction pour défaut d'immatriculation régulière au registre du commerce et des sociétés à l'adresse du bien loué, ils l'ont assignée en validation du congé et en expulsion.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de juger qu'elle ne bénéficie pas du droit au renouvellement du bail, en conséquence, de rejeter sa demande d'indemnité d'éviction, d'ordonner son expulsion et de la condamner à verser à M. R... et à Mme H... une certaine somme au titre d'une indemnité d'occupation, alors « que le juge ne peut pas dénaturer les termes clairs et précis des contrats ; qu'en l'espèce, l'acte en date du 9 mai 2008 signé entre la société Open sud gestion et les consorts R... H... stipule à son article 2 que « les soussignés affirment et déclarent leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu'il résulte des articles L. 145-1 du code de commerce et des textes subséquents ; et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu'il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d'application dudit statut » ; qu'en affirmant, pour refuser le droit à une indemnité d'éviction du preneur, qu'il n'est pas stipulé au contrat de bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » (sic) au RCS, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 2 de l'acte du 9 mai 2008 et a violé l'article 1134, devenu 1192, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

6. Pour rejeter la demande de la société en paiement d'une indemnité d'éviction, l'arrêt retient qu'il n'est pas stipulé au bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » au registre du commerce et des sociétés, de sorte que cette condition était requise à la date du congé.

7. En statuant ainsi, alors que le bail stipulait que les parties déclaraient « leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu'il résulte des articles L. 145-1 du code de commerce et des textes subséquents, et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu'il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d'application de ce statut », la cour d'appel, qui a dénaturé cette convention claire et précise, dont il résulte que le bailleur avait renoncé à se prévaloir de la condition d'immatriculation, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il valide le congé, l'arrêt rendu le 7 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Corbel - Avocat général : Mme Valdès-Boulouque - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Colin-Stoclet -

Textes visés :

Article L. 145-1 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur les effets d'une soumission conventionnelle au statut des baux commerciaux, à rapprocher : 3e Civ., 9 février 2005, pourvoi n° 03-17.476, Bull. 2005, III, n° 33 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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