Numéro 5 - Mai 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2020

ASSURANCE RESPONSABILITE

2e Civ., 20 mai 2020, n° 19-13.309, (P)

Cassation partielle

Assurance obligatoire – Véhicule terrestre à moteur – Indemnisation – Offre de l'assureur – Défaut – Sanction – Majoration du taux d'intérêt – Assiette – Rente – Intérêts appliqués aux arrérages

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2018), M. J... a été victime, le 3 mars 2010, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. E..., assuré par la société GMF (l'assureur).

2. M. J... a assigné M. E... et l'assureur aux fins d'être indemnisé de l'ensemble de ses préjudices, en présence de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, la Caisse des dépôts et consignations, l'établissement public université Paris Diderot et la mutuelle Mutualité familiale du corps médical Français.

3. Plusieurs membres de la famille de M. J... (les consorts J... B...) sont intervenus volontairement à l'instance.

4. L'assureur a adressé en cours de procédure à M. J... une offre d'indemnisation, par lettre du 4 juillet 2012.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche,

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. J... des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur une somme en capital de 242 565,88 euros du 4 novembre 2010 au 4 juillet 2012 alors « que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte tardivement par l'assureur à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai jusqu'au jour de l'offre ; que si l'assureur a proposé une indemnisation sous la forme d'une rente annuelle viagère, l'assiette de calcul de la sanction du doublement de l'intérêt légal s'applique à la rente et aux arrérages qui auraient été perçus pendant cette période, et non au capital servant de base à la détermination de son montant ; qu'en condamnant dès lors la société GMF assurances à paiement de la somme de 242 565,88 euros au titre du double des intérêts au taux légal, en prenant pour assiette le montant de 202 907,88 euros correspondant au capital constitutif de la rente annuelle viagère offerte par l'assureur au titre de l'assistance tierce personne, quand cette sanction, qui avait en réalité pour assiette la rente annuelle viagère d'un montant de 8 760 euros, devait s'appliquer aux seuls arrérages qui auraient dû être perçus par l'assuré après l'expiration du délai de l'offre jusqu'au jour de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Les consorts J... B... contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que la critique de l'assureur est nouvelle, en l'absence d'une discussion engagée devant la cour d'appel sur l'assiette à retenir pour le calcul des intérêts au taux doublé.

7. Cependant, le moyen, qui soutient que la cour d'appel ne pouvait pas légalement calculer les intérêts au taux légal doublé sur le capital constitutif de la rente alors qu'elle avait constaté que l'offre de paiement de l'assureur était constituée d'une rente et non pas d'un capital, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit et, partant, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :

9. Lorsque l'offre prévue par le premier de ces textes n'a pas été faite dans les délais impartis, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal. Si l'assureur offre de payer une rente, le doublement du taux s'applique non pas au capital servant de base à son calcul mais aux arrérages qui auraient été perçus à compter de l'expiration du délai de l'offre jusqu'au jour de celle-ci, si elle intervient, ou jusqu'à la décision définitive.

10. Après avoir constaté que l'offre d'indemnisation de l'assureur comprenait une rente indemnisant le besoin d'assistance par une tierce personne de la victime, après consolidation, la cour d'appel a condamné l'assureur à payer à M. J... les intérêts au double du taux de l'intérêt légal pour la période du 4 novembre 2010 au 4 juillet 2012 sur une somme incluant le capital constitutif de cette rente, d'un montant de 202 907,88 euros ;

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société GMF à payer à M. J... des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur une somme en capital de 242 565,88 euros du 4 novembre 2010 au 4 juillet 2012, l'arrêt rendu le 12 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SCP Didier et Pinet ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 février 2008, pourvoi n° 07-10.297, Bull. 2008, II, n° 24 (cassation) et les arrêts cités.

2e Civ., 20 mai 2020, n° 19-14.306, (P)

Rejet

Garantie – Exclusion – Faute intentionnelle ou dolosive – Faute dolosive – Défaut – Caractérisation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 novembre 2018), le 5 juillet 2011, un train a percuté Y... R..., à hauteur de Saint-Cyr l'Ecole et a entraîné son décès.

2.L'enquête diligentée a conclu au suicide, Y... R... s'étant jeté sous le train lors de l'arrivée de celui-ci en gare.

3. Cet accident ayant entraîné des dommages matériels et immatériels,

L'EPIC SNCF Mobilités (SNCF Mobilités) a sollicité la réparation de son préjudice auprès de la société Macif, assureur de la responsabilité civile de Y... R... (l'assureur).

4. L'assureur ayant refusé sa garantie, la SNCF Mobilités l'a assigné en réparation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

5. La société Macif fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SNCF Mobilités la somme de 62 039,90 euros avec intérêts au taux légal, alors :

« 1°/ que constitue une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur le comportement délibéré de l'assuré, qui a rend inéluctable la réalisation du dommage et fait disparaître le caractère aléatoire du risque garanti ; qu'en retenant, pour juger que la Macif était tenue de garantir la SNCF des préjudices causés par le suicide de son assuré, que ce dernier n'avait pas volontairement créé le dommage tel qu'il était survenu, de sorte que celui-ci n'avait pas pour origine une faute intentionnelle et dolosive de sa part, et que la discussion relative au caractère alternatif ou cumulatif des fautes intentionnelle et frauduleuse était inopérante, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances, par fausse interprétation.»

2°/ qu' en toute hypothèse, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (cf. conclusions d'appel de la Macif, p. 4-5), si le comportement de l'assuré ne caractérisait pas une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur, dès lors qu'il ne pouvait ignorer que son geste, procédant de la méconnaissance des obligations incombant aux passagers, rendait inéluctable la réalisation du dommage de la SNCF et faisait disparaître le caractère aléatoire du risque garanti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. Ayant relevé par motifs propres et adoptés, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, qu'en se jetant sous le train qui arrivait en gare, l'intention de Y... R... était de mettre fin à ses jours et que rien ne permettait de conclure qu'il avait conscience des conséquences dommageables de son acte pour la SNCF, ce dont il se déduisait que l'assurance n'avait pas perdu tout caractère aléatoire, la cour d'appel, qui a caractérisé l'absence de faute dolosive, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article L. 113-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Sur la distinction entre les fautes intentionnelles et dolosives au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances, à rapprocher : 2e Civ., 25 octobre 2018, pourvoi n° 16-23.103, Bull. 2018, II (rejet), et les arrêts cités ; 2e Civ., 20 mai 2020, pourvoi n° 19-11.538, Bull. 2020, (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.