Numéro 5 - Mai 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2020

ASSURANCE (règles générales)

2e Civ., 20 mai 2020, n° 19-11.538, (P)

Rejet

Garantie – Exclusion – Faute intentionnelle ou dolosive – Définition – Autonomie

Une cour d'appel énonce exactement que la faute intentionnelle et la faute dolosive au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, sont autonomes, chacune justifiant l'exclusion de garantie dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire.

Ayant retenu que le fait pour un assuré de mettre fin à ses jours, en installant une cuisinière à gaz et deux bouteilles de gaz dans un séjour, témoignait de la volonté de provoquer une forte explosion et que si l'incendie n'avait pas pour principale motivation la destruction de tout ou partie de l'immeuble, celle-ci était inévitable et ne pouvait être ignorée de l'incendiaire, la cour d'appel a pu en déduire que celui-ci avait commis une faute dolosive excluant la garantie de son assureur.

Garantie – Exclusion – Faute intentionnelle ou dolosive – Faute dolosive – Cas – Suicide par explosion au gaz dans un immeuble

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 décembre 2018), dans la nuit du..., un incendie s'est produit dans l'appartement de R... V... et a provoqué le décès de ce dernier ainsi que d'importants dommages à l'immeuble.

2. La société Axa France IARD, assureur de la copropriété, après avoir indemnisé les frais de réparations, s'est retournée contre la société Macif, assureur de R... V..., qui a refusé sa garantie au motif que ce dernier s'était suicidé et avait cherché à causer le dommage à la copropriété.

3. Le 30 janvier 2014, la société Axa France IARD a assigné la société Macif en garantie.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Axa France IARD fait grief à l'arrêt de dire que la faute commise par R... V... est une faute dolosive, de dire que l'exclusion de garantie légale de l'article « L. 113-2, alinéa 2 ", du code des assurances doit s'appliquer et de la débouter de toutes ses demandes, alors :

« 1°/ que la faute intentionnelle ou dolosive implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu ; qu'en retenant dès lors que M. V... avait commis une faute dolosive inassurable après avoir pourtant constaté que sa motivation première était le suicide et non la destruction des biens, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ qu'à supposer que la faute dolosive soit distincte de la faute intentionnelle, la première implique un comportement de son auteur ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque ; qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que la destruction de tout ou partie de l'immeuble était inéluctable lors même que les moyens mis en oeuvre dépassaient largement ce qui était nécessaire à la réalisation du suicide de M. V..., puisque celui-ci ne pouvait d'ailleurs apprécier l'importance réelle et définitive des dommages que son comportement occasionnerait ; d'où il suit que la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute dolosive et a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir exactement énoncé que la faute intentionnelle et la faute dolosive, au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, sont autonomes, chacune justifiant l'exclusion de garantie dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire, la cour d'appel a retenu que les moyens employés par R... V..., en installant une cuisinière à gaz et deux bouteilles de gaz dans le séjour, « dépassaient très largement ce qui était nécessaire pour uniquement se suicider » et témoignaient de la volonté de provoquer une forte explosion et que si l'incendie n'avait pas pour motivation principale la destruction de matériels ou de tout ou partie de l'immeuble, celle-ci était inévitable et ne pouvait pas être ignorée de l'incendiaire, même s'il était difficile d'en apprécier l'importance réelle et définitive.

6. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que R... V... avait commis une faute dolosive excluant la garantie de son assureur et a légalement justifié sa décision.

7. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 113-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Sur la distinction entre les fautes intentionnelle et dolosive au regard de l'article L. 113-1 du code des assurance, à rapprocher : 2e Civ., 25 octobre 2018, pourvoi n° 16-23.103, Bull. 2018, II (rejet), et les arrêts cités.

2e Civ., 20 mai 2020, n° 19-14.306, (P)

Rejet

Garantie – Exclusion – Faute intentionnelle ou dolosive – Faute dolosive – Défaut – Caractérisation

Justifie légalement sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances et caractérise l'absence de faute dolosive une cour d'appel qui relève qu'en se jetant sous un train arrivant en gare, l'intention d'un assuré était de mettre fin à ses jours et que rien ne permettait de conclure qu'il avait conscience des conséquences dommageables de son acte pour la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), ce dont il se déduisait que l'assurance n'avait pas perdu tout caractère aléatoire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 novembre 2018), le 5 juillet 2011, un train a percuté Y... R..., à hauteur de Saint-Cyr l'Ecole et a entraîné son décès.

2.L'enquête diligentée a conclu au suicide, Y... R... s'étant jeté sous le train lors de l'arrivée de celui-ci en gare.

3. Cet accident ayant entraîné des dommages matériels et immatériels,

L'EPIC SNCF Mobilités (SNCF Mobilités) a sollicité la réparation de son préjudice auprès de la société Macif, assureur de la responsabilité civile de Y... R... (l'assureur).

4. L'assureur ayant refusé sa garantie, la SNCF Mobilités l'a assigné en réparation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

5. La société Macif fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SNCF Mobilités la somme de 62 039,90 euros avec intérêts au taux légal, alors :

« 1°/ que constitue une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur le comportement délibéré de l'assuré, qui a rend inéluctable la réalisation du dommage et fait disparaître le caractère aléatoire du risque garanti ; qu'en retenant, pour juger que la Macif était tenue de garantir la SNCF des préjudices causés par le suicide de son assuré, que ce dernier n'avait pas volontairement créé le dommage tel qu'il était survenu, de sorte que celui-ci n'avait pas pour origine une faute intentionnelle et dolosive de sa part, et que la discussion relative au caractère alternatif ou cumulatif des fautes intentionnelle et frauduleuse était inopérante, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances, par fausse interprétation.»

2°/ qu' en toute hypothèse, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (cf. conclusions d'appel de la Macif, p. 4-5), si le comportement de l'assuré ne caractérisait pas une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur, dès lors qu'il ne pouvait ignorer que son geste, procédant de la méconnaissance des obligations incombant aux passagers, rendait inéluctable la réalisation du dommage de la SNCF et faisait disparaître le caractère aléatoire du risque garanti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. Ayant relevé par motifs propres et adoptés, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, qu'en se jetant sous le train qui arrivait en gare, l'intention de Y... R... était de mettre fin à ses jours et que rien ne permettait de conclure qu'il avait conscience des conséquences dommageables de son acte pour la SNCF, ce dont il se déduisait que l'assurance n'avait pas perdu tout caractère aléatoire, la cour d'appel, qui a caractérisé l'absence de faute dolosive, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article L. 113-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Sur la distinction entre les fautes intentionnelles et dolosives au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances, à rapprocher : 2e Civ., 25 octobre 2018, pourvoi n° 16-23.103, Bull. 2018, II (rejet), et les arrêts cités ; 2e Civ., 20 mai 2020, pourvoi n° 19-11.538, Bull. 2020, (rejet).

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