Numéro 5 - Mai 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2019

URBANISME

3e Civ., 16 mai 2019, n° 17-24.474, (P)

Rejet

Logements – Changement d'affectation – Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation – Local à usage d'habitation – Affectation à d'autres fins – Violation – Qualité pour s'en prévaloir – Loi du 18 novembre 2016 – Application dans le temps

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2017), que M. et Mme C..., usufruitiers d'un appartement à usage d'habitation, ont, le 22 juillet 2015, été assignés en référé par le procureur de la République en paiement d'une amende civile, sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué ce logement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l'article L. 637-7 du même code ; que, par ordonnance du 21 septembre 2015, ils ont été condamnés à payer une amende de 2 500 euros ; que, le 10 novembre 2015, le procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance ; que la Ville de Paris est intervenue volontairement à l'instance ;

Attendu que M. et Mme C... font grief à l'arrêt de recevoir la Ville de Paris en son intervention volontaire et de les condamner à payer une amende de 15 000 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est irrecevable en intervention volontaire un appel dans le cadre d'un appel principal irrecevable comme tardif ; que l'appel du parquet étant irrecevable comme tardif, aucune intervention ne pouvait être reçue ; que la cour d'appel a violé les articles 329, 490, 528 et 550 du code de procédure civile ;

2°/ que, dans leurs conclusions d'appel, ils invoquaient la tardiveté de l'appel du parquet, appelant principal, en soulevaient l'irrecevabilité et faisaient valoir l'irrecevabilité de l'intervention de la Ville de Paris ; que le moyen, tiré du lien entre tardiveté de l'appel principal et l'irrecevabilité de l'intervention, était dans la cause, et que la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile et méconnu le cadre du litige ;

3°/ que la modification de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, confiant désormais au maire de la commune le soin de saisir le tribunal de grande instance en cas d'infraction aux règles sur la destination des locaux ne peut s'appliquer qu'aux procédures ouvertes après son entrée en vigueur ; que l'action ayant été introduite par le parquet le 22 juillet 2015 soit antérieurement à la loi nouvelle, elle continuait à être régie par la loi ancienne ; qu'en permettant la substitution de la Ville de Paris au parquet en cause d'appel, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu, d'une part, que les dispositions de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en ce qu'elles confèrent qualité au maire de la commune ou à l'Agence nationale de l'habitat pour saisir le président du tribunal de grande instance en cas de violation des règles sur le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation, revêtent le caractère d'une loi de procédure et sont, à ce titre, d'application immédiate aux instances en cours ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu à bon droit que, lorsque l'intervenant se prévaut d'un droit propre, le sort de son intervention n'est pas lié à celui de l'action principale et relevé que l'intervention volontaire de la Ville de Paris était une intervention principale puisqu'elle agissait pour son propre compte et non pas pour soutenir la prétention du ministère public, la cour d'appel a exactement déduit, de ces seuls motifs, que l'irrecevabilité de l'appel du procureur de la République était sans incidence sur la recevabilité de l'intervention principale de la Ville de Paris ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.

3e Civ., 16 mai 2019, n° 17-31.757, (P)

Rejet

Plan d'occupation des sols – Infraction – Droits exercés par la commune – Démolition ou mise en conformité – Nature de l'action – Effets – Préjudice personnel et direct – Preuve – Nécessité (non)

L'article L. 480-14 du code de l'urbanisme attribue à la commune une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulières.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 12 octobre 2017), que, reprochant à la SCI [...] (la SCI), propriétaire d'une parcelle située en zone [...] du plan d'occupation des sols, réservée aux activités agricoles, d'avoir implanté sans autorisation sur cette parcelle une maison d'habitation, une piscine, des boxes pour chevaux, un « mobil home » et un cabanon, la commune de Lovagny l'a assignée en démolition sur le fondement de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme ;

Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :

Attendu que la commune de Lovagny soutient que la SCI n'est pas recevable à soulever pour la première fois devant la Cour de cassation la fin de non-recevoir tirée de son défaut d'intérêt à agir faute de justification d'un préjudice personnel ;

Mais attendu que, la SCI ayant soutenu devant la cour d'appel que la demande de la commune de Lovagny devait être rejetée dès lors que celle-ci ne justifiait pas d'un préjudice, le moyen n'est pas nouveau ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en démolition, alors, selon le moyen, que la commune n'a intérêt à la démolition d'un ouvrage construit sans permis de construire que si elle subit un préjudice personnel directement causé par ladite construction ; qu'en retenant qu'en l'absence de toute précision par le législateur, la commune dispose d'une action autonome en démolition ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice causé par les constructions édifiées sans permis de construire, la cour d'appel a violé l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'action attribuée à la commune par l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, qui a pour objet la démolition ou la mise en conformité, est destinée à faire cesser une situation illicite ;

Que la volonté du législateur d'attribuer une action spécifique au profit de la commune serait compromise si cette action obéissait à la même condition de preuve d'un préjudice que l'action de droit commun ouverte à tout tiers victime de la violation de règles d'urbanisme ;

Attendu, dès lors, qu'ayant retenu à bon droit que la commune disposait d'une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulières, la cour d'appel, qui a constaté l'irrégularité des ouvrages construits par la SCI sans avoir obtenu, ni même sollicité, un permis de construire ou une autorisation préalable, dans une zone qui faisait l'objet d'une protection particulière pour le maintien d'une activité agricole, en a exactement déduit que la demande en démolition devait être accueillie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article L. 480-14 du code de l'urbanisme.

Rapprochement(s) :

Sur la preuve de l'existence d'un préjudice en cas d'action de la commune, à rapprocher : 3e Civ., 25 mars 1998, pourvoi n° 96-12.410, Bull. 1998, III, n° 75 (rejet) ; Crim., 9 avril 2002, pourvoi n° 01-82.687, Bull. crim. 2002, n° 81 (rejet).

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