Numéro 5 - Mai 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2019

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 22 mai 2019, n° 17-31.517, (P)

Cassation partielle

Repos et congés – Congés payés – Indemnité – Attribution – Reliquat de jours de congés payés – Cas – Clause incluant les congés payés dans la rémunération globale – Validité – Conditions – Déterminatin – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. O... a été engagé le 1er octobre 2008 par la société Fidal en qualité d'avocat salarié moyennant une rémunération incluant les congés payés ; qu'après avoir démissionné courant décembre 2013, il a quitté les effectifs de l'entreprise le 17 mars 2014 ; qu'il a saisi le bâtonnier de son ordre de demandes en paiement à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, de bonus et de prime d'objectif ;

Sur le deuxième moyen : Publication sans intérêt

Sur le troisième moyen : Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

Attendu que s'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l'imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 5 des conditions générales du contrat liant les parties, la rémunération a un caractère global et inclut la rémunération de la totalité des congés payés afférents à la période de référence légale, qu'aux termes de l'article 1 des conditions particulières du contrat, la rémunération annuelle est composée d'une partie fixe d'un montant annuel de 70 200 euros bruts, indemnité de congés payés de la période de référence incluse, qu'à défaut d'une clause plus favorable au salarié, l'indemnité de congés payés est égale, en vertu de l'article L. 3141-24 du code du travail, au dixième de la rémunération perçue par le salarié au cours de la période de référence qui est en l'espèce l'exercice 2013-2014 jusqu'au départ du salarié, que les dispositions du contrat de travail liant les parties concernant les congés payés sont claires, expresses et compréhensibles par le salarié, que les clauses susvisées concernant les congés payés apparaissent donc valables, que l'employeur produit le guide du calcul des congés payés en cas de départ en cours d'exercice, que dans le bulletin de salaire du 1er mars 2014 au 17 mars 2014, date à laquelle le salarié a quitté l'entreprise, figure une indemnité compensatrice de congés payés acquis de 3 600 euros et une rémunération brute de 7 453,33 euros, que dans le décompte de rémunération pour l'exercice 2013/2014, la rémunération brute est de 34 981 euros, que le salarié, qui conteste pas que les sommes susvisées ont été portées sur les documents cités, n'apporte pas non plus de preuve qu'elles seraient erronées, que le montant de l'indemnité de congés payés est supérieur à 10 % de la rémunération brute ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'elle avait constaté que le contrat de travail, en ses conditions générales et particulières, se bornait à stipuler que la rémunération globale du salarié incluait les congés payés, ce dont il résultait que cette clause du contrat n'était ni transparente ni compréhensible, d'autre part, qu'il n'était pas contesté que, lors de la rupture, le salarié n'avait pas pris effectivement un reliquat de jours de congés payés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. O... de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés, l'arrêt rendu le 24 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Lévis -

Textes visés :

Articles L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité d'une clause incluant l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire, à rapprocher : Soc., 14 novembre 2013, pourvoi n° 12-14.070, Bull. 2013, V, n° 272 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 9 mai 2019, n° 17-21.162, (P)

Rejet

Repos et congés – Repos hebdomadaire – Repos dominical – Dérogations – Conditions – Applications diverses – Exercice d'une activité de réservation et vente d'excursions ou de places de spectacles ou d'accompagnement de clientèle

En application de l'article L. 3132-12 et de l'article R. 3132-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2014-302 du 7 mars 2014, dans le secteur du tourisme et des loisirs, le repos hebdomadaire peut être attribué par roulement aux salariés ayant une activité de réservation et vente d'excursions ou de places de spectacles ou d'accompagnement de clientèle.

Doit être approuvée une cour d'appel qui refuse à une société relevant de la catégorie des établissements de tourisme le bénéfice d'une dérogation permanente de droit à la règle du repos dominical, après avoir constaté que les salariés concernés étaient employés à des activités commerciales de vente de billets d'avion ou de séjours et géraient les appels des membres du programme de fidélisation d'une compagnie aérienne, ce dont elle a exactement déduit qu'ils n'étaient pas affectés à des tâches de réservation et vente d'excursions ou de places de spectacle et d'accompagnement de clientèle.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2017), que le syndicat national Sud aérien, contestant l'existence d'un cas de dérogation permanente de droit au repos dominical, a saisi un tribunal de grande instance pour qu'il soit fait interdiction à la société Bluelink (la société) d'employer ses conseillers-clientèle le dimanche ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'ordonner la cessation sous astreinte du travail le dimanche de ses salariés, alors, selon le moyen :

1°/ que le bénéfice de la dérogation de droit au repos dominical est accordé aux entreprises de tourisme et de loisirs qui exercent, à titre principal, une activité d'accompagnement de clientèle ainsi qu'aux entreprises d'assistance de services qui exercent une activité d'assistance téléphonique ; que la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'objet de la société Bluelink qui relevait de la convention collective du personnel des agents de voyage et du tourisme, était la vente par téléphone de billets d'avions et de produits d'hôtellerie ; que la cour d'appel a également constaté que la société Bluelink gérait à distance les relations entre le groupe Accor (spécialisé dans l'hôtellerie) et ses clients en effectuant notamment la réservation des hôtels ainsi que les appels des membres du programme de fidélisation d'Air France KLM Flying Blue afin de répondre à l'ensemble des besoins en matière d'information, de réservation, de réclamation, de support internet, de fidélisation, d'aide en ligne et de conseil ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que la société Bluelink, entreprise de tourisme, de loisirs et d'assistance de services qui exerçait à titre principal des activités d'accompagnement de clientèle et une activité d'assistance téléphonique dans le secteur aérien, bénéficiait d'une dérogation de droit au repos dominical ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 3132-12 et l'article R. 3132-5 du code du travail dans leur rédaction en vigueur ;

2°/ que l'accompagnement de clientèle dans le secteur du tourisme et des loisirs, activité expressément visée comme permettant une dérogation de droit au repos dominical inclut nécessairement l'activité d'agence de voyage ; que la cour d'appel a relevé que la société Bluelink pouvait invoquer des activités d'agence de voyage et de tourisme ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que la société Bluelink exerçait une activité d'accompagnement de clientèle ; que la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 3132-12 et l'article R. 3132-5 du code du travail dans leur rédaction en vigueur ;

3°/ que l'activité d'accompagnement de clientèle pour les entreprises de tourisme et de loisirs qui permet une dérogation de droit au repos le dimanche inclut nécessairement l'activité de gestion des relations clients/entreprises de tourisme ou d'hôtellerie, notamment la réservation des hôtels ; que la cour d'appel qui a décidé par motifs adoptés, que la société Bluelink n'exerçait pas une activité principale d'accompagnement de clientèle en matière de tourisme et de loisirs puisqu'elle n'assurait que la gestion des relations clients à distance pour le groupe Accor (spécialisé dans l'hôtellerie) a à nouveau, violé l'article L. 3132-12 et l'article R. 3132-5 du code du travail dans leur rédaction en vigueur ;

4°/ que l'assistance téléphonique, activité expressément visée comme permettant une dérogation de droit au repos dominical inclut nécessairement les activités d'information, de réclamation, de réservation et de vente par téléphone de billets d'avion ; que la cour d'appel a relevé que la société Bluelink pouvait invoquer une activité de centre d'appels ; que la cour d'appel a cependant décidé, par motifs adoptés, que la société Bluelink n'exerçait pas une activité principale d'assistance téléphonique, l'activité « d'aide en ligne » étant seule constitutive de l'activité d'assistance téléphonique qui n'était pas effectuée à titre principal par l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a encore violé l'article L. 3132-12 et l'article R. 3132-5 du code du travail dans leur rédaction en vigueur ;

5°/ subsidiairement, que les dérogations au principe du repos dominical prévues par les articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du code du travail sont de droit, c'est-à-dire automatiques dès lors que l'entreprise en cause répond aux conditions légales et réglementaires fixées ; qu'est donc indifférente la signature d'un accord collectif sur l'aménagement, l'organisation et la réduction du temps de travail prévoyant que cet accord ne serait effectif qu'une fois obtenues les autorisations administratives nécessaires au travail le dimanche ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du code du travail dans leur rédaction applicable ;

Mais attendu qu'en application de l'article L. 3132-12 et de l'article R. 3132-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2014-302 du 7 mars 2014, dans le secteur du tourisme et des loisirs, le repos hebdomadaire peut être attribué par roulement aux salariés ayant une activité de réservation et vente d'excursions ou de places de spectacles ou d'accompagnement de clientèle ;

Et attendu qu'ayant retenu que la société relevait de la catégorie des établissements de tourisme et de loisirs, la cour d'appel, qui a constaté, par motifs adoptés, que les salariés concernés étaient employés à des activités commerciales de vente de billets d'avion ou de séjours et géraient les appels des membres du programme de fidélisation d'une compagnie aérienne, en a exactement déduit qu'ils n'étaient pas affectés à des tâches de réservation et vente d'excursions, de places de spectacle et d'accompagnement de clientèle au sens des textes susvisés, de sorte que l'employeur ne pouvait bénéficier d'une dérogation permanente de droit à la règle du repos dominical ;

D'où il suit que le moyen, qui critique des motifs surabondants en sa cinquième branche, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Schamber - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : Me Le Prado -

Textes visés :

Articles L. 3132-12 du code du travail et R. 3132-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2014-302 du 7 mars 2014.

Soc., 9 mai 2019, n° 17-20.740, (P)

Cassation partielle

Travail effectif – Temps assimilé à du travail effectif – Exclusion – Cas – Temps de déplacement au sein de l'entreprise vers le poste de travail – Détermination – Déplacement à l'intérieur de l'enceinte sécurisée d'une infrastructure aéroportuaire – Portée

Selon l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

La circonstance que le salarié soit astreint de se déplacer vers son lieu de travail, à l'intérieur de l'enceinte sécurisée d'une infrastructure aéroportuaire, au moyen d'une navette, ne permet pas de considérer que ce temps de déplacement constitue un temps de travail effectif.

Travail effectif – Temps assimilé à du travail effectif – Qualification – Critères – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Total Fina Elf raffinage marketing a engagé M. C... en qualité d'avitailleur à compter du 1er novembre 2000, avec reprise d'ancienneté au 1er août 2000 ; qu'en janvier 2012 la société Total Fina Elf raffinage marketing et la société BP France ont créé la Société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation (Sasca), à laquelle elles ont cédé leurs branches d'activité d'avitaillement d'aéronefs ; que M. C... a saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation de la société Sasca au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié : Publication sans intérêt

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :

Vu l'article L. 3121-1 du code du travail ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de sommes à titre de rappel de salaire pour la période du 12 octobre 2007 au 28 février 2017, de congés payés et de treizième mois afférents, en invitant les parties à imputer sur les sommes dues le ou les deux jours de congés annuels supplémentaires versés depuis 2012 et pour dire que l'employeur devra régler à compter du mois de mars 2017 le salaire dû pour le temps de transport, à hauteur de vingt minutes par quart effectué, l'arrêt retient qu'en vertu de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, que si le temps de trajet pour se rendre à son lieu de travail n'est pas considéré comme un temps de travail, il en est autrement quand, comme en l'espèce, le salarié, lorsqu'il arrive à son lieu de travail, est contraint de se soumettre d'une part, au contrôle de sécurité, d'autre part, à l'utilisation d'un véhicule spécifique, ces contraintes résultant de la spécificité de son emploi et de ses conditions de travail, qu'en effet, le salarié n'a d'autre choix que de se soumettre aux règles de sécurité applicables dans l'enceinte où est situé son lieu de travail et ne dispose pas de la liberté de vaquer à ses occupations personnelles, que la demande du salarié est donc fondée dans son principe mais que le temps d'attente moyen sera évalué à dix minutes, soit vingt minutes par jour ;

Attendu, cependant, que selon l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que la circonstance que le salarié soit astreint de se déplacer vers son lieu de travail, à l'intérieur de l'enceinte sécurisée de l'infrastructure aéroportuaire, au moyen d'une navette, ne permet pas de considérer que ce temps de déplacement constitue un temps de travail effectif ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à caractériser que le salarié se trouvait à la disposition de son employeur et devait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation au paiement des sommes de 9 309,05 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 12 octobre 2007 au 28 février 2017, de 930,90 euros bruts au titre des congés payés et de 775,75 euros bruts au titre du treizième mois afférents, les parties étant invitées à imputer sur ces sommes le ou les deux jours de congés annuels supplémentaires versés depuis 2012, et en ce qu'il dit que la société devra régler, à compter du mois de mars 2017, le salaire dû pour le temps de transport, à hauteur de vingt minutes par quart effectué, l'arrêt rendu le 3 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Schamber - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 3121-1 du code du travail.

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