Numéro 5 - Mai 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2019

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Com., 15 mai 2019, n° 17-28.875, (P)

Cassation

Cautionnement – Mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation – Absence de date – Portée

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Vu les articles 2292 du code civil et L. 341-2 du code de la consommation, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 21 septembre 2007, la société Banque populaire du Nord (la banque) a conclu avec la société Winner Plast (la société) deux contrats de crédit-bail portant sur des matériels, M. L... se rendant caution de leur exécution ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution, qui a invoqué la nullité de ses engagements pour absence de date ;

Attendu que pour annuler les actes de cautionnement souscrits par M. L..., l'arrêt, après avoir rappelé les termes des textes susvisés, retient que si la datation de l'engagement de caution n'est pas une mention prescrite à peine de nullité, il n'en demeure pas moins qu'elle a une incidence sur le point de départ de la durée déterminée de l'engagement, qui doit être précisée dans la mention manuscrite, qu'aucune des clauses des actes de cautionnement ne précise ce point de départ ni n'indique qu'il correspondrait à la date d'exécution du contrat cautionné, qu'aucun élément ne permet d'établir à quelle date la caution a reproduit la mention manuscrite, de sorte qu'il n'est même pas certain qu'au moment de son engagement, elle connaissait la date de début du contrat, et que l'omission portant sur la datation des actes de cautionnement a nécessairement affecté la compréhension de la portée des engagements de la caution, puisqu'il n'était pas possible de déterminer le point de départ de la durée de ceux-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de date sur l'acte de cautionnement ou dans la mention manuscrite n'est pas une cause de nullité de cet acte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l'arrêt en ce qu'il annule les deux actes de cautionnement souscrits par M. L... entraîne, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt du chef de dispositif qui condamne la banque à payer, au titre de la répétition de l'indu, à M. L... la somme de 52 087,72 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011 ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 341.2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016.

1re Civ., 22 mai 2019, n° 17-23.663, (P)

Rejet

Clauses abusives – Caractère abusif – Office du juge – Etendue – Détermination – Portée

Saisie de l'action en responsabilité exercée par un emprunteur à l'encontre de la banque lui ayant consenti un prêt d'un montant correspondant à la contre-valeur en francs suisses d'une certaine somme en euros, une cour d'appel n'est pas tenue d'examiner d'office le caractère abusif de la clause portant intérêts conventionnels ou de celle stipulant les commissions de change, dès lors qu'il ne résulte pas des éléments de droit et de fait débattus devant elle que l'emprunteur aurait formulé des prétentions ou des moyens relatifs à ces clauses.

N'étant saisie d'aucune demande relative à la clause de paiement en monnaie étrangère stipulée dans un prêt, une cour d'appel n'est pas tenue de relever, au besoin d'office, la nullité d'une telle clause.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 3 mai 2017), que, suivant acte notarié du 25 novembre 2004, la caisse régionale de Crédit agricole Alsace Vosges (la banque) a consenti à Mme U... (l'emprunteur) et à M. L... un prêt d'un montant correspondant à la contre-valeur en francs suisses de la somme de 260 000 euros, remboursable en quatre-vingts échéances trimestrielles moyennant un taux d'intérêt annuel révisable fixé initialement à 1,67 % ; qu'invoquant un manquement de la banque à son devoir de conseil, de mise en garde et d'information, ainsi que le caractère ruineux du prêt, l'emprunteur a assigné la banque en déchéance du droit aux intérêts et en remboursement des sommes indûment versées ;

Attendu que Mme U... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que tel est le cas de la clause figurant dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère et remboursable dans cette même devise, consenti par une banque à un particulier, qui stipule que « le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur, conformément aux dispositions de la règlementation des changes [...] l'emprunteur reconnaît à cet égard avoir été informé par le prêteur l'avisant du risque particulier lié à ce type de prêt, notamment par la notice d'information sur le prêt en devises, ci-annexée » ; qu'en l'espèce, la clause litigieuse se bornait à mentionner que l'emprunteur consentait à supporter le risque de change mais ne faisait aucunement référence, pas plus que l'offre de prêt, aux conséquences économiques concrètes liées à la réalisation du risque de change sur la situation et les obligations financières de l'emprunteur ; que, notamment, n'étaient pas explicitées les conséquences résultant mécaniquement d'une variation du taux de change sur l'augmentation potentielle de la contre-valeur en euros du capital restant dû et du montant en euros des échéances de remboursement, de sorte qu'à la lecture de cette clause, l'emprunteur, consommateur non averti, ne pouvait anticiper les conséquences économiques qu'impliquerait un décrochage de l'euro par rapport au franc suisse ; qu'en ce qu'elle aboutit à faire peser de manière significative sur le consommateur un risque de change dont il n'était manifestement pas en mesure d'apprécier la nature et la portée au jour de la souscription de l'offre de prêt, eu égard à sa situation personnelle et aux mentions figurant dans l'offre de prêt, une telle clause, qui ne saurait être regardée comme suffisamment claire et compréhensible, a pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; qu'en jugeant néanmoins qu'une telle clause n'était pas abusive au motif qu'elle ne créait « en elle-même » aucun déséquilibre significatif entre le prêteur et l'emprunteur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

2°/ que, pour juger que la clause de risque de change n'était pas abusive, la cour d'appel s'est bornée à constater que celle-ci ne créait « en elle-même » aucun déséquilibre significatif entre le prêteur et l'emprunteur et que, notamment, elle ne mettait pas à la seule charge de celui-ci toute évolution du taux de change ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si la banque avait informé la demanderesse, qui ne percevait aucun revenus en francs suisses, des conséquences économiques auxquelles, en cas de réalisation du risque de change, l'exposerait la perte des ressources en francs suisses dont le coemprunteur, avec qui elle s'était engagée solidairement à rembourser le prêt, bénéficiait au jour de la souscription de celui-ci, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

3°/ que le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès lors qu'il dispose des éléments de fait et de droit pour le faire ; qu'en l'espèce, la clause portant intérêts conventionnels contenue dans l'offre de prêt litigieuse n'indiquait de manière claire et précise ni la nature du taux ni le taux d'intérêt appliqué ; qu'il ressortait de surcroît de cette clause que le taux d'intérêt conventionnel présentait un caractère révisable cependant qu'aux termes des stipulations de l'offre de prêt relatives aux conditions de remboursement du prêt, le taux d'intérêt conventionnel était présenté comme fixe ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette clause ne créait pas au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif et ne revêtait pas ainsi un caractère abusif, en ce qu'elle aboutit à réserver au seul professionnel le droit d'appliquer un taux fixe ou variable et de choisir, dans cette dernière hypothèse, l'indice de référence, la date ainsi que l'heure du taux faisant évoluer la charge de remboursement des emprunteurs, sans contrepartie pour ce dernier, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article L. 132-1 du code de la consommation, ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

4°/ que le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès lors qu'il dispose des éléments de fait et de droit pour le faire ; qu'en l'espèce, la clause relative aux commissions de change contenue dans l'offre de prêt litigieuse prévoyait la perception par la banque de commissions de change sans que les barèmes en vigueurs à la date de l'offre ne soient contenus dans l'offre ou annexés ou joints à celle-ci et sans que l'offre ne détermine les modalités suivant lesquelles les emprunteurs sont avisés des barèmes en vigueur ou peuvent y avoir accès pendant toute la durée du prêt ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette clause ne créait pas au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif et ne revêtait pas ainsi un caractère abusif, en ce qu'elle aboutit à priver celui-ci des informations lui permettant d'exercer en toute connaissance de cause son choix quant à l'intermédiaire requis pour les opérations de change, sans contrepartie pour ce dernier, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article L. 132-1 du code de la consommation, ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

5°/ qu'en tout état de cause, dans un contrat de droit interne, la stipulation d'une obligation en monnaie étrangère est illicite et frappée de nullité absolue dès lors que cette monnaie est prévue non comme unité de compte mais comme instrument de paiement ; qu'il appartient au juge saisi pour apprécier la régularité d'une clause de paiement en espèces étrangères stipulée aux termes d'un contrat de droit interne de prononcer, au besoin d'office, la nullité d'une telle clause en tant qu'elle contrevient aux dispositions d'ordre public relatives à l'indexation des prix ; qu'en l'espèce, il est constant que le contrat de prêt litigieux constituait un contrat de droit interne et stipulait que son remboursement devait intervenir en monnaie étrangère, soit par débit des sommes figurant au compte en devises ouvert au nom de l'emprunteur, soit, à défaut d'un approvisionnement suffisant de ce compte, par l'achat de devises par le biais de son compte en euros ; qu'il appartenait par conséquent à la cour d'appel, saisie pour apprécier le caractère abusif de la clause relative au taux de change stipulée aux termes du contrat de prêt litigieux, de prononcer, au besoin d'office, la nullité d'une telle clause ayant pour effet d'imposer le franc suisse comme monnaie de paiement dans un contrat de droit interne ; qu'en s'abstenant de procéder de la sorte, la cour d'appel a méconnu son office en violation de l'article 12 du code de procédure civile et a violé l'article 1243 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il était expressément convenu dans le contrat que le risque de change serait supporté en totalité par l'emprunteur, conformément aux dispositions de la réglementation des changes, et qu'en conséquence, le prêt ne pourrait faire l'objet d'une couverture du risque de change par achat à terme par l'emprunteur que dans la mesure où la réglementation des changes l'autoriserait, et que l'emprunteur reconnaissait avoir été informé par le prêteur du risque particulier lié à ce type de prêt, notamment par la notice d'information sur le prêt en devises qui était annexée au contrat ; qu'il retient que la disposition relative au risque de change avait pour seul objet d'attirer l'attention de l'emprunteur sur le fait qu'il devrait intégralement supporter le risque en cas d'évolution défavorable du taux de change, mais qu'elle ne crée en elle-même aucun déséquilibre significatif entre le prêteur et l'emprunteur, dès lors qu'elle ne met pas à la seule charge de celui-ci toute évolution du taux de change ; que, de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a fait ressortir l'absence de caractère abusif de la clause litigieuse ;

Attendu, ensuite, qu'il ne résulte pas des éléments de droit et de fait débattus devant elle que l'emprunteur aurait formulé des prétentions ou des moyens relatifs à la clause portant intérêts conventionnels ou à celle stipulant les commissions de change, de sorte que la cour d'appel n'était pas tenue de procéder aux recherches dont l'omission est alléguée ;

Attendu, enfin, que, n'étant saisie d'aucune demande relative à la clause de paiement en monnaie étrangère, elle n'était pas tenue de relever, au besoin d'office, la nullité d'une telle clause ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Avel - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 ; article L. 132-1 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-27.231, Bull. 2017, I, n° 77 (2) (cassation partielle), et les arrêts cités.

3e Civ., 23 mai 2019, n° 18-14.212, (P)

Cassation partielle

Clauses abusives – Définition – Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties – Exclusion – Clause prévoyant le doublement du temps de livraison en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu en l'état futur d'achèvement

La clause d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'oeuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 janvier 2018), que la société civile immobilière de construction vente Marseille 9e boulevard de la Fabrique (la SCCV) a vendu en l'état futur d'achèvement à M. et Mme N... un appartement et deux boxes ; que la livraison, prévue au plus tard au cours du deuxième trimestre 2009, est intervenue le 26 janvier 2010 ; que M. et Mme N... ont, après expertise, assigné la SCCV en indemnisation des préjudices résultant du retard de livraison ;

Attendu que, pour déclarer abusive et, en conséquence, nulle et de nul effet la clause figurant pages 14 et 15 de l'acte de vente du 28 décembre 2006 conclu entre la SCCV et M. et Mme N..., sous le titre « causes légitimes de suspension du délai de livraison », en ce qu'il y était stipulé qu'en cas de survenance des événements relatés, « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier » et, en conséquence, condamner la SCCV à payer à M. et Mme N... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison, l'arrêt retient que la clause ayant pour objet de doubler la durée des jours de retard non indemnisés par le vendeur s'analyse en une clause réduisant de façon importante l'indemnisation due aux acquéreurs, contredisant la portée d'une obligation essentielle du vendeur d'immeuble en l'état futur d'achèvement de livrer le bien acheté à la date convenue, et, en cas de retard non justifié contractuellement, de devoir l'indemniser, permettant ainsi au vendeur de limiter les conséquences d'un retard de livraison et de réduire très sensiblement l'indemnisation accordée à l'acquéreur, créant ainsi, au détriment de ce dernier, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de vente, et qu'elle constitue donc une clause abusive en ce qu'elle permet un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés et, à ce titre, doit être réputée non écrite ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'oeuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare abusive et en conséquence, nulle et de nul effet la clause figurant pages 14 et 15 de l'acte de vente du 28 décembre 2006 conclu entre la SCCV et M. et Mme N..., sous le titre « causes légitimes de suspension du délai de livraison », en ce qu'il y était stipulé qu'en cas de survenance des événements relatés, « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier » et, en ce qu'il condamne la SCCV à payer à M. et Mme N... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison, l'arrêt rendu le 18 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

Sur la validité d'une clause de prorogation de délai en matière de vente en l'état futur d'achèvement, à rapprocher : 3e Civ., 24 octobre 2012, pourvoi n° 11-17.800, Bull. 2012, III, n° 152 (cassation).

1re Civ., 22 mai 2019, n° 18-16.150, (P)

Rejet

Crédit à la consommation – Crédit affecté – Interdépendance du contrat principal et du crédit accessoire – Contrat principal – Exécution du contrat – Effets – Obligation pour l'emprunteur de restituer les fonds prêtés – Cas – Litige portant sur la signature de l'attestation de livraison – Absence d'influence

En matière de crédit affecté, ne peut être privé de sa créance de restitution des fonds prêtés, l'établissement de crédit qui a versé ces fonds au vendeur sur la foi d'une attestation de livraison portant une signature litigieuse, dés lors que, le contrat principal ayant été exécuté, il n'en résulte aucun préjudice pour l'emprunteur.

Crédit à la consommation – Emprunteur – Obligations – Point de départ – Exécution complète de la prestation de services financée – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 15 mars 2018), qu'à la faveur d'un démarchage à domicile, M. et Mme F... (les emprunteurs) ont, suivant bon de commande du 10 septembre 2012, acquis de la société Rev'solaire (le vendeur) des panneaux photovoltaïques, un kit éolien et l'isolation des combles de leur habitation, pour le prix de 56 400 euros financé par un contrat de crédit affecté souscrit, le même jour, auprès de la société Financo (le prêteur) ; que, soutenant que l'attestation de fin de travaux comportait des réserves et que les fonds avaient été débloqués en vertu d'une attestation dont ils n'étaient pas signataires, les emprunteurs ont assigné le prêteur en résolution du contrat de prêt ; que celui-ci les a assignés en remboursement de sa créance, tout en limitant, en cause d'appel, sa demande au remboursement du seul capital, dans l'hypothèse où une faute serait retenue à sa charge lors de sa remise des fonds au vendeur ;

Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer au prêteur la somme de 56 400 euros, augmentée des intérêts au taux légal, sous déduction des échéances déjà versées, alors, selon le moyen :

1°/ que le prêteur qui commet une faute lors de la libération des fonds ne peut prétendre au remboursement du capital emprunté, peu important que l'emprunteur n'ait subi aucun préjudice ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que le prêteur s'est libérée des fonds à tort, en exécution d'une attestation de livraison constitutive d'un faux grossier ; qu'en décidant que le contrat principal avait été correctement exécuté par la livraison de l'installation photovoltaïque dont les emprunteurs demeuraient propriétaires et que les combles de leur maison avaient été aménagés, sous réserve de désordres mineurs, après avoir affirmé que les articles L. 312-48 et L. 312-49 du code de la consommation n'édictaient pas une sanction de déchéance du droit à réclamer paiement des sommes dues lorsque la livraison du bien ou la fourniture de la prestation est réellement intervenue, qu'une faute, quelle qu'elle soit, n'entraînait une sanction que lorsqu'elle a causé un préjudice né et actuel, et que l'établissement de crédit n'était privé de sa créance de restitution du capital emprunté que dans la seule hypothèse où le bien n'avait pas été livré, ce qui n'était pas le cas des emprunteurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que le prêteur était privé de sa créance de restitution du capital emprunté du seul fait qu'il avait commis une faute en libérant à tort les fonds versés, peu important que les emprunteurs ne justifient pas du préjudice qu'il leur avait causé par sa faute ; qu'ainsi, elle a violé les articles L. 312-48 et L. 312-49 du code de la consommation ;

2°/ que le prêteur qui commet une faute lors de la libération des fonds ne peut prétendre au remboursement du capital emprunté, peu important que l'emprunteur n'ait pas obtenu l'annulation du contrat principal ; qu'en affirmant que la faute de la banque n'était pas sanctionnée par la perte de créance de restitution du capital emprunté dans l'hypothèse où le contrat principal avait été correctement exécuté par la livraison de l'installation photovoltaïque dont les emprunteurs demeuraient propriétaires, à défaut d'en avoir obtenu l'annulation, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation des articles L. 312-48 et L. 312-49 du code de la consommation ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le contrat de vente a été correctement exécuté et n'est pas annulé, l'arrêt constate que les emprunteurs ne contestent pas bénéficier des travaux d'isolation des combles et d'une installation en parfait état de marche, pour laquelle ils ont obtenu une attestation de conformité du consuel ; qu'ayant souverainement déduit de ces constatations que les emprunteurs ne subissaient aucun préjudice consécutif au versement des fonds par le prêteur sur la foi d'une attestation portant une signature litigieuse et, statuant dans la limite de la demande de celui-ci, à l'encontre duquel elle retenait une faute d'imprudence, la cour d'appel n'a pu que condamner les emprunteurs à rembourser le capital emprunté, assorti des intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Dazzan-Barel - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles L. 312-48 et L. 312-49 du code de la consommation.

1re Civ., 22 mai 2019, n° 17-28.418, (P)

Rejet

Crédit à la consommation – Crédit affecté – Interdépendance du contrat principal et du crédit accessoire – Opération commerciale unique – Définition – Différence d'identité entre la personne ayant souscrit le contrat de crédit et celle ayant conclu le contrat à financer – Absence d'influence

Une opération commerciale unique, au sens de l'article L. 311-1, 9°, devenu L. 311-1, 11°, du code de la consommation, existe dès lors qu'un crédit sert exclusivement à financer le contrat de fourniture d'un bien ou d'une prestation de services, sans que la personne ayant souscrit le contrat de crédit soit nécessairement celle ayant conclu le contrat à financer.

Crédit à la consommation – Crédit affecté – Interdépendance du contrat principal et du crédit accessoire – Opération commerciale unique – Conditions – Exclusion – Mention spécifique des biens ou des services concernés

Si l'article L. 311-1, 9°, devenu L. 311-1, 11°, du code de la consommation, présume qu'une opération commerciale unique existe lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés, il ne subordonne toutefois pas l'existence d'une telle opération à la présence de cette mention.

Crédit à la consommation – Crédit affecté – Interdépendance du contrat principal et du crédit accessoire – Opération commerciale unique – Existence – Présomption – Cas – Mention spécifique des biens ou des services concernés – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 septembre 2017), que, le 29 mars 2011, Mme U... L... a conclu avec la société Forum des énergies (la société) un contrat de vente et d'installation d'une pompe à chaleur, financé par un crédit d'un montant de 16 500 euros souscrit le 3 mai 2011 par Mme N... L... auprès de la société Crédit industriel et commercial (la banque) ; que Mmes U... et N... L... ont assigné la société et la banque aux fins de voir prononcer la résolution du contrat de vente et l'annulation consécutive du contrat de crédit ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'annuler le contrat de crédit en conséquence de la résolution du contrat de vente et d'installation, alors, selon le moyen, que l'existence d'une opération commerciale unique suppose que la personne physique qui souscrit le crédit soit celle qui a conclu le contrat relatif à la fourniture des biens particuliers à financer ; qu'en prononçant la nullité du contrat de prêt souscrit le 3 mai 2011 par Mme N... L..., seule, auprès de la banque en suite du prononcé de la résolution du contrat passé entre Mme U... L..., seule, et la société, aux motifs erronés que le prêt litigieux est un crédit lié, les deux contrats constituant une opération commerciale unique, la cour d'appel a violé les articles L. 311-1, 9°, et L. 311-32 du code de la consommation ;

Mais attendu qu'une opération commerciale unique, au sens de l'article L. 311-1, 9°, devenu L. 311-1, 11°, du code de la consommation, existe dès lors qu'un crédit sert exclusivement à financer le contrat de fourniture d'un bien ou d'une prestation de services, sans que la personne ayant souscrit le contrat de crédit soit nécessairement celle ayant conclu le contrat à financer ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la banque fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'un prêt n'est soumis aux dispositions relatives au contrat de crédit affecté ou au contrat de crédit lié que lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés ; que, pour prononcer la nullité du prêt souscrit le 3 mai 2011 par Mme N... L... auprès de la banque en conséquence de la résolution judiciaire du contrat conclu par Mme U... L... avec la société, l'arrêt retient que le prêt litigieux est un crédit lié, les deux contrats constituant une opération commerciale unique ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant que l'offre de prêt ne portait pas mention spécifiquement des biens ou services financés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 311-1, 9°, et L. 311-32 du code de la consommation ;

Mais attendu que, si l'article L. 311-1, 9°, devenu L. 311-1, 11°, du code de la consommation, présume qu'une opération commerciale unique existe lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés, il ne subordonne pas l'existence d'une telle opération à la présence de cette mention ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les premier et second moyens, chacun pris en sa seconde branche, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat(s) : Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 311-1, 9°, devenu L. 311-1, 11°, du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

Sur la portée de la présomption de l'existence d'une opération commerciale unique en cas de mention spécifique des biens ou des services concernés en matière de crédit affecté, à rapprocher : 1re Civ., 7 février 2006, pourvoi n° 04-11.185, Bull. 2006, I, n° 58 (rejet), et l'arrêt cité.

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