Numéro 5 - Mai 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2019

PRESCRIPTION CIVILE

1re Civ., 9 mai 2019, n° 18-14.736, (P)

Cassation partielle

Interruption – Acte interruptif – Action en justice – Actions tendant aux mêmes fins – Portée

Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en juillet 2009, la société civile d'exploitation agricole Château d'Escot (l'acquéreur) a acquis auprès de la société Claas réseau agricole (le vendeur) une machine à vendanger et un pulvérisateur fabriqués par la société Grégoire (le fabricant) ; qu'à la suite d'importants dysfonctionnements de la machine, l'acquéreur a, par acte du 19 juillet 2011, assigné le vendeur en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés devant le tribunal de grande instance qui a ordonné une expertise ; que, par acte du 20 avril 2012, le vendeur a agi contre le fabricant en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées au profit de l'acquéreur devant le tribunal de commerce qui a étendu la mission de l'expert, lequel a déposé son rapport le 25 juin 2013 ; que le fabricant est intervenu à l'instance engagée par l'acquéreur ; que, par conclusions du 7 novembre 2014, le vendeur a sollicité le rejet de la demande de l'acquéreur et, subsidiairement la résolution de la vente conclue avec le fabricant dans l'hypothèse où la vente consentie à l'acquéreur serait résolue ; que le fabricant a opposé la prescription ; que, la résolution de la vente entre l'acquéreur et le vendeur ayant été prononcée, ce dernier a été condamné à restituer à l'acquéreur le prix acquitté ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 2241 du code civil ;

Attendu que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable, comme prescrite, l'action en garantie des vices cachés exercée par le vendeur contre le fabricant, après avoir retenu que la prescription biennale avait commencé à courir le 19 juillet 2011, date de l'assignation délivrée par l'acquéreur, l'arrêt énonce que l'assignation en garantie, signifiée le 20 avril 2012 et fondée sur l'article 1134 du code civil, n'a pas le même objet que l'action en résolution de la vente pour vices cachés formée par conclusions du 7 novembre 2014, et en déduit qu'elle n'a pas eu d'effet interruptif sur cette action ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action engagée par le vendeur contre le fabricant le 20 avril 2012, bien que fondée sur l'article 1134 du code civil, tendait, comme celle formée le 7 novembre 2014, à la garantie du fabricant en conséquence de l'action en résolution de la vente intentée par l'acquéreur contre le vendeur sur le fondement des vices cachés et au paiement par le fabricant du prix de la vente résolue, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation ainsi prononcée entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt rejetant l'action en garantie du vendeur contre le fabricant ;

Et attendu qu'il y a lieu de mettre hors de cause, sur sa demande, l'acquéreur dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'est pas nécessaire à la solution du litige ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit l'action rédhibitoire en garantie des vices cachés exercée par la société Class réseau agricole à l'encontre de la société Grégoire irrecevable comme prescrite et en ce qu'il rejette son action en garantie dirigée contre celle-ci, l'arrêt rendu le 1er février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Met hors de cause la société Château d'Escot.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Duval-Arnould - Avocat général : MM. Sudre et Lavigne - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; Me Bertrand ; SCP de Nervo et Poupet -

Textes visés :

Article 2241 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'extension de l'effet interruptif de la prescription à deux actions qui, bien qu'ayant des causes distinctes, tendent aux mêmes fins, à rapprocher : 3e Civ., 22 septembre 2004, pourvoi n° 03-10.923, Bull. 2004, III, n° 152 (rejet) ; 1re Civ., 5 octobre 2016, pourvoi n° 15-25.459, Bull. 2016, I, n° 189 (3) (cassation partielle), et les arrêts cités.

2e Civ., 9 mai 2019, n° 18-10.909, (P)

Cassation

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Domaine d'application – Recours de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse au titre de la législation professionnelle (non)

Donne acte à la société MDBA France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 2224 du code civil, R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que si la décision de la caisse primaire qui reconnaît le caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute fait grief à l'employeur qui est recevable à en contester l'opposabilité ou le bien-fondé dans les conditions fixées par les deux derniers de ces textes, le recours de l'employeur ne revêt pas le caractère d'une action au sens du premier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie du Cher (la caisse) ayant pris en charge le 23 mai 2005, au titre de la législation professionnelle, la maladie d'un des salariés de la société MDBA France (l'employeur), celle-ci, après avoir infructueusement saisi le 5 mai 2015 la commission de recours amiable de la caisse en demandant que cette décision lui soit inopposable, a porté son recours devant une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour déclarer l'action prescrite, l'arrêt énonce qu'en l'absence de délai de prescription spécifique à l'action visant à voir reconnaître le caractère inopposable à l'employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du salarié, la caisse primaire est fondée à se prévaloir de la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Cadiot - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 2224 du code civil ; articles R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.

3e Civ., 9 mai 2019, n° 16-24.701, (P)

Rejet

Prescription quinquennale – Article 2277 du code civil – Exclusion – Bail commercial – Cas – Action en répétition de charges de copropriété indues

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 septembre 2016), que, le 2 décembre 1980, les consorts B..., aux droits desquels vient la SCI JGMC, ont donné à bail à la société Erteco, devenue la société Dia France, des locaux commerciaux dépendant d'un immeuble en copropriété ; que, le 31 mai 2013, la société Dia France a assigné la SCI JGMC en restitution de charges indûment versées ;

Attendu que la SCI JGMC fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Dia France une certaine somme, alors, selon le moyen, que, conformément à l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 18 janvier 2005, les actions en répétition des loyers et des charges locatives sont prescrites par cinq ans ; qu'en retenant, pour décider qu'en l'espèce, la répétition des charges acquittées par la société Dia France obéissait au droit commun et que la prescription en était trentenaire avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, que les charges n'étaient pas locatives mais des charges de copropriété, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les charges de copropriété n'étaient pas stipulées au bail comme étant supportées par le preneur, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action en répétition de ces charges indûment payées n'était pas soumise à la prescription abrégée édictée par l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 18 janvier 2005 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux premières branches du moyen unique qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Corbel - Avocat général : Mme Valdès-Boulouque (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Article 2277 du code civil.

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