Numéro 5 - Mai 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2019

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 29 mai 2019, n° 16-26.989, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Arrêt des poursuites individuelles – Domaine d'application – Cas – Action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent – Convention homologuée lors du divorce – Action exercée par l'ex-conjoint visant à être relevé et garanti des sommes pouvant être mis à sa charge

La demande formée par une personne divorcée contre son ex-conjoint mis en liquidation judiciaire et visant à être relevée et garantie des sommes pouvant être mises à sa charge au titre de crédits et emprunts, fondée sur la convention homologuée, lors du divorce, prononcé, sur leur consentement mutuel, avant l'ouverture de la procédure collective, tend à la condamnation du débiteur au paiement de sommes d'argent pour une cause antérieure à l'ouverture de la procédure collective, de sorte qu'elle est soumise à l'interdiction des poursuites en application des articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce.

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la propriété d'un immeuble a été attribuée à M. X..., dans le cadre de son divorce d'avec Mme V... prononcé, sur leur consentement mutuel, le 30 juin 2009 à charge pour lui de procéder au remboursement de crédits et emprunts ; que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 18 septembre 2012 ; que, poursuivie par divers créanciers, Mme V... l'a assigné en garantie de toutes les sommes qui pourraient être mises à sa charge à ce titre ;

Attendu que pour confirmer cette décision, l'arrêt retient que la demande principale présentée par Mme V... n'est pas une demande en paiement de sommes d'argent, s'agissant d'une action en garantie, de sorte qu'elle ne peut être soumise à l'interdiction des poursuites ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de Mme V... visant à être relevée et garantie par le débiteur en liquidation de sommes pouvant être mises à sa charge au titre de crédits et emprunts, fondée sur l'engagement pris par M. X... lors de son divorce, tendait à la condamnation de ce dernier au paiement de sommes d'argent pour une cause antérieure à l'ouverture de la procédure collective, de sorte qu'elle était soumise à l'interdiction des poursuites, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, l'arrêt rendu le 30 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce.

Com., 15 mai 2019, n° 15-17.435, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Réalisation de l'actif – Eléments incorporels – Cession de gré à gré – Autorisation du juge-commissaire – Ordonnance passée en force de chose jugée – Applications diverses – Obligations nées de contrats transférés comme accessoires du fonds de commerce

Si la vente de gré à gré n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui ordonne la cession du bien, elle n'en n'est pas moins parfaite dès l'ordonnance, sous la condition suspensive que celle-ci acquière force de chose jugée. Il en résulte que la prise de possession effective du fonds de commerce dont le juge-commissaire a ordonné la cession oblige son bénéficiaire à exécuter les obligations nées des contrats dont il n'est pas contesté qu'ils ont été transférés comme accessoires du fonds.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 5 mars 2015), rendu en matière de référé, que la société Librairies du savoir exploitait un fonds de commerce dans un local qu'elle occupait en vertu d'une convention de sous-location conclue avec la SCI Espace culturel (la SCI), celle-ci étant elle-même liée par un crédit-bail immobilier à la société Lease Natixis ; qu'après la liquidation judiciaire de la société Librairies du savoir ouverte le 16 décembre 2013, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 10 février 2014, ordonné la cession du fonds de commerce à M. W... et a autorisé ce dernier à se substituer toute personne physique ou morale dont il resterait solidaire des engagements dans les termes de son offre ; que M. W..., qui a pris possession du local le 11 février 2014, n'a pas signé les actes de cession ; qu'aux fins de reprise du fonds, il a créé et fait immatriculer le 10 avril 2014 la Société Nouvelle les trois épis Brive, dont il est devenu le gérant ; que, n'étant pas réglée des loyers pour la période du 11 février au 30 avril 2014, la SCI, après avoir adressé à M. W... un commandement de payer visant la clause résolutoire, l'a assigné en référé aux fins de constatation de l'acquisition de la clause, d'expulsion et du paiement du loyer échu, outre une indemnité d'occupation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. W... fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement du loyer pour la période du 11 février au 1er mai 2014 et d'une indemnité d'occupation à compter de cette date jusqu'à la libération effective des lieux alors, selon le moyen :

1°/ que la vente de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui l'autorise ; qu'en affirmant que M. W... avait la qualité de propriétaire du fonds de commerce cédé et de locataire du local loué bien que l'acte de cession autorisée par ordonnance du juge-commissaire n'ait pas été régularisé, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 642-19 du code de commerce ;

2°/ que la question de la réalisation d'une vente d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire, en l'absence d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui l'autorise, soulève une contestation sérieuse ; qu'en affirmant que M. W... avait la qualité de propriétaire du fonds de commerce et de locataire du local loué bien que l'acte de cession autorisé par ordonnance du juge commissaire n'ait pas été régularisé, la cour d'appel, statuant en référé, a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu que si la vente de gré à gré n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui ordonne la cession du bien, elle n'en n'est pas moins parfaite dès l'ordonnance, sous la condition suspensive que celle-ci acquière force de chose jugée ; qu'il en résulte que la prise de possession effective du fonds de commerce dont le juge-commissaire a ordonné la cession oblige son bénéficiaire à exécuter les obligations nées des contrats dont il n'est pas contesté qu'ils ont été transférés comme accessoires du fonds ; qu'ayant constaté que M. W... avait pris possession du fonds le lendemain de l'ordonnance du juge-commissaire, l'arrêt retient exactement, sans trancher une contestation sérieuse, qu'il était devenu débiteur des obligations mises à sa charge au titre de la convention de sous-location ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. W... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que si l'offre de cession assortie d'une faculté de substitution ne décharge pas son auteur de l'obligation d'exécuter le plan, cette garantie ne s'étend pas à l'exécution des engagements résultant des contrats cédés par le plan ; qu'en mettant néanmoins à la charge de M. W..., en sa qualité d'auteur de l'offre initiale de reprise autorisée par le juge-commissaire, les loyers dus en vertu du contrat de bail après la substitution de la Société Nouvelle les trois épis Brive, la cour d'appel a violé l'article L. 642-9 du code de commerce ;

2° / que la question de la garantie, par l'auteur d'une offre de reprise assortie d'une faculté de substitution, de l'exécution des engagements résultant des contrats cédés par le plan, soulève une contestation sérieuse ; qu'en affirmant néanmoins que M. W... était, en sa qualité d'auteur de l'offre initiale de reprise autorisée par le juge-commissaire, tenu de payer les loyers dus en exécution du contrat de bail après la substitution de la Société Nouvelle les trois épis Brive, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la personne physique qui, désignée par une ordonnance du juge-commissaire pour acquérir un fonds de commerce avec faculté de substitution par une société qu'elle se propose de créer et de diriger, prend elle-même immédiatement possession du fonds sans passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession ni les faire passer par la société, ne peut prétendre, en se fondant sur son abstention, échapper personnellement aux obligations nées de son entrée en jouissance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Richard de la Tour - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer -

Com., 15 mai 2019, n° 17-23.753, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Réalisation de l'actif – Immeuble – Vente de gré à gré – Conditions – Existence d'une ou plusieurs offres d'achat préalables

L'autorisation de vendre de gré à gré un bien immobilier dépendant de la liquidation judiciaire, dans les conditions de l'article L. 642-18 du code de commerce, suppose qu'une ou plusieurs offres d'achat aient été préalablement présentées.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 4 mai 2017), que la société Immobilier Morvan a été mise en liquidation judiciaire le 2 mars 2011, la société Z... A... étant désignée liquidateur ; que sur requête de cette dernière, un juge-commissaire a ordonné la vente aux enchères d'un immeuble dont la société était propriétaire ;

Attendu que la société Immobilier Morvan fait grief à l'arrêt d'autoriser le liquidateur à procéder à la vente d'un bien dépendant de sa liquidation judiciaire selon les formes de la saisie immobilière alors, selon le moyen :

1°/ que pour déterminer s'il y a lieu d'autoriser une vente de gré à gré, les juges du fond doivent s'expliquer, indépendamment des offres reçues, sur la consistance des biens et leur emplacement et le point de savoir s'ils permettent d'envisager une cession dans les meilleures conditions ; qu'en s'abstenant d'évoquer la consistance du bien et son emplacement, pour déterminer si une cession dans de meilleures conditions pouvait être envisagée, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 642-18 du code de commerce ;

2°/ que pour se décider, les juges du fond doivent considérer, non pas l'existence d'offres d'ores et déjà formulées, mais la possibilité de réaliser le bien aux meilleures conditions eu égard à ses caractéristiques et à son emplacement ; qu'en se fondant sur un motif inopérant, lié à l'absence de proposition d'achat, formulée par une personne déterminée pour un prix défini, les juges du fond ont violé l'article L. 642-18 du code de commerce ;

Mais attendu que l'autorisation de vendre de gré à gré un bien immobilier dépendant de la liquidation judiciaire supposant qu'une ou plusieurs offres d'achat aient été préalablement présentées, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel qui relevait, d'un côté, que le bien ne faisait l'objet d'aucune proposition d'achat consentie par une personne déterminée pour un prix défini, de sorte qu'elle n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée par la première branche, et, de l'autre, que la vente par adjudication amiable n'était pas demandée ni ses conditions réunies, a ordonné la vente par voie d'adjudication judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article L. 642-18 du code de commerce.

Com., 7 mai 2019, n° 17-21.047, (P)

Déchéance

Prévention des difficultés – Détection par le président du tribunal de commerce – Injonction de déposer les comptes annuels – Inexécution – Ordonnance liquidant l'astreinte – Condamnation à titre personnel du représentant légal de la personne morale

Sur la déchéance du pourvoi, relevée d'office après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 978 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte des articles L. 611-2, II, R. 611-13, R. 611-14 et R. 611-16 du code de commerce que lorsque le président d'un tribunal de commerce, ayant enjoint sous astreinte au représentant légal d'une personne morale de déposer les comptes annuels, constate le défaut d'exécution et liquide l'astreinte, le représentant légal est condamné à titre personnel ;

Attendu que M. F... a régulièrement formé, en son nom personnel, un pourvoi en cassation contre une ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 25 avril 2017 qui le condamne, en application des textes précités, à payer la somme de 3 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ; que cependant, il a remis au greffe un mémoire, contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée, qu'il a établi en sa qualité de représentant légal de la société Sanifirst ; que ce mémoire, en ce qu'il est présenté au nom d'une société qui n'est pas partie à l'instance en cassation, sans que cette désignation ne procède d'une simple erreur matérielle, est irrecevable, de sorte que la déchéance du pourvoi est encourue, faute de mémoire régulièrement déposé dans les conditions prévues par le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CONSTATE la déchéance du pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Guerlot - Avocat général : Mme Beaudonnet - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 611-2, II, R. 611-13, R. 611-14 et R. 611-16 du code de commerce.

Com., 15 mai 2019, n° 18-12.441, (P)

Irrecevabilité

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exercice – Pourvoi en cassation – Qualité pour l'exercer – Liquidateur désigné dans la seconde procédure collective (non)

Le liquidateur désigné dans la nouvelle procédure collective ouverte après résolution du plan de redressement n'a pas qualité pour se pourvoir en cassation contre un arrêt rendu sur une demande de report de la date de cessation des paiements formée dans le cadre de la précédente procédure collective dont les opérations ont pris fin et qui a été clôturée.

Sur la recevabilité du pourvoi, examinée d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 31 du code de procédure civile et l'article L. 626-27 du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 21 décembre 2017), que la société Les Toits du Béarn a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 22 juillet 2014 qui a désigné la société B... C... en qualité de mandataire judiciaire ; qu'en cette qualité, la société B... C... a, le 2 juillet 2015, demandé le report de la date de cessation des paiements ; qu'un plan de redressement a été arrêté le 21 juillet 2015, la société B... C... étant nommée commissaire à l'exécution du plan ; que, statuant sur la demande de report de la date de cessation des paiements, le tribunal, par un jugement du 2 février 2016, a fixé cette dernière au 31 décembre 2013 ; que la société Les Toits du Béarn a interjeté appel de cette décision ; qu'un jugement du 12 avril 2016 a résolu le plan et prononcé la liquidation judiciaire, en désignant la société B... C... en qualité de liquidateur ; que l'arrêt attaqué ayant infirmé le jugement du 2 février 2016, la société B... C... a formé un pourvoi en cassation en qualité de liquidateur ;

Mais attendu que le liquidateur désigné dans la nouvelle procédure collective ouverte après résolution du plan de redressement n'ayant pas qualité pour se pourvoir en cassation contre un arrêt rendu, sur une demande de report de la date de cessation des paiements formée dans le cadre de la précédente procédure collective, dont les opérations ont pris fin et qui a été clôturée, son pourvoi n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 31 du code de procédure civile ; article L. 626-27 du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire.

Com., 29 mai 2019, n° 18-14.911, (P)

Rejet

Sauvegarde – Mandataire judiciaire – Discussion d'une créance – Possibilité d'exprimer un avis différent devant le juge-commissaire et de relever appel des décisions rendues en matière d'admission des créances

Il n'est pas interdit au mandataire judiciaire, organe de la procédure de vérification du passif, qui a avisé le créancier de la discussion de sa créance, en application de l'article R. 624-1 du code de commerce, de soutenir devant le juge-commissaire une autre proposition et de relever appel de toute décision de celui-ci rendu en matière d'admission des créances.

Sauvegarde – Détermination du patrimoine – Vérification et admission des créances – Vérification par le mandataire judiciaire – Discussion d'une créance – Cas – Contestation – Créance réciproque (non)

Au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce, une créance n'est discutée que lorsqu'elle est contestée dans son existence, son montant ou sa nature appréciés au jour du jugement d'ouverture. Il en résulte que, lorsqu'une cour d'appel constate que le débiteur ne discute pas la créance déclarée, mais se contente d'alléguer une créance réciproque au titre de l'indemnisation d'un préjudice, elle en déduit à bon droit que la lettre du mandataire judiciaire, ne valant pas contestation, n'a pas fait courir le délai de réponse du créancier.

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 2 février 2017 et 8 février 2018), que la société Études et développement immobiliers (la société EDIM) a été mise en redressement judiciaire le 13 janvier 2009, M. K... étant désigné mandataire judiciaire ; que l'association Société protectrice des animaux (la SPA) a déclaré, par l'intermédiaire de son conseil, une première créance au titre d'un trop versé pour l'exécution de travaux de construction de refuges animaliers, puis, après la notification de la résiliation des marchés par l'administrateur, une seconde créance au titre de l'indemnité de résiliation ; que le mandataire judiciaire a adressé à l'avocat déclarant une lettre de contestation à laquelle la SPA n'a répondu que sept mois plus tard ; que le mandataire judiciaire et la SPA ont chacun formé appel de l'ordonnance du juge-commissaire qui a déclaré irrecevable la déclaration de créance ; que la société EDIM a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident, en faisant valoir que les appels étaient irrecevables ; que la cour d'appel, par le premier arrêt attaqué, rendu sur le déféré de l'ordonnance de ce magistrat, a déclaré les appels recevables, puis, par le second, a déclaré recevable la déclaration de créance, dit que l'avis de contestation adressé par le mandataire judiciaire n'avait pas fait courir le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27 du code de commerce contre la SPA et a sursis à statuer sur l'admission de la créance déclarée par cette dernière ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu que la société EDIM fait grief à l'arrêt du 2 février 2017 de déclarer recevable l'appel du mandataire judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ que s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles résultant d'un contrat de travail, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications ; que le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire ; que la proposition ultérieure du mandataire judiciaire devant le juge-commissaire, fondée sur l'argumentation hors délai du créancier, qui a pour objet et pour effet de permettre à ce créancier de contourner le délai impératif légal, dans l'intérêt exclusif de celui-ci et en contrariété avec l'intérêt collectif des créanciers que le mandataire judiciaire a pour seule mission de défendre, est irrecevable et en tout état de cause inopérante ; qu'en décidant néanmoins que M. K..., mandataire judiciaire, pouvait, au vu de nouveaux éléments communiqués par le créancier hors le délai légal impératif de trente jours, exprimer devant le juge-commissaire un avis autre que celui qui avait fait l'objet de la notification de la contestation de la créance déclarée, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce, ensemble l'article L. 622-20 du code de commerce ;

2°/ que le mandataire judiciaire a pour seule mission de défendre l'intérêt commun des créanciers ; qu'en retenant que le mandataire judiciaire a qualité, en vertu de divers textes, pour interjeter appel de la décision du juge-commissaire, sans rechercher, comme la société EDIM le lui demandait expressément, si l'ordonnance en cause du juge-commissaire ne faisait pas grief à un unique créancier, la SPA, dont l'intérêt individuel s'oppose à l'intérêt collectif des créanciers de la société EDIM, et que le mandataire n'a pas pour mission de défendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-20 du code de commerce, ensemble des articles 31 et 546 du code de procédure civile et L. 624-3, alinéa 1, du code de commerce ;

3°/ que le mandataire judiciaire n'a pas qualité pour veiller de façon abstraite au respect de la loi indépendamment de tout intérêt collectif des créanciers ; que le mandataire judiciaire, n'avait donc pas qualité pour interjeter appel de la décision du juge commissaire au prétexte d'une violation par celui-ci du périmètre de sa saisine, alors que cette prétendue violation ne nuisait en rien à l'intérêt collectif des créanciers ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L. 622-20 du code de commerce, ensemble des articles 31 et 546 du code de procédure civile et L. 624-3, alinéa 1, du code de commerce ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article R. 624-1 du code de commerce, si une créance est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L. 622-27 du même code ; qu'il n'est pas interdit au mandataire judiciaire, organe de la procédure collective chargé de la vérification du passif, de soutenir devant le juge-commissaire une autre proposition et de relever appel de toute décision de celui-ci rendu en matière d'admission des créances ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen pris en ses première et troisième branches :

Attendu que la société EDIM fait grief à l'arrêt du 2 février 2017 de déclarer recevable l'appel de la SPA alors, selon le moyen :

1°/ qu'il y a discussion de la créance au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce notamment lorsqu'il est soutenu que la créance en cause est éteinte en tout ou partie par suite d'une compensation avec une créance réciproque et connexe ; que par son courrier du 16 mai 2011, le mandataire informait la SPA de ce qu'il proposait le rejet total de la créance qu'elle avait déclarée et qui était liée pour partie à la prétendue inexécution des contrats de maîtrise d'oeuvre ayant lié la SPA et la société EDIM et pour partie à la résiliation de ces mêmes contrats par l'administrateur judiciaire de la société EDIM, en raison des dommages et intérêts dus à la société EDIM par la SPA du fait de sa propre inexécution desdits contrats, à l'origine de leur résiliation ; qu'il invoquait donc l'extinction totale de la créance déclarée par la SPA à la procédure collective de la société EDIM, par suite de sa compensation avec la créance connexe de la société EDIM sur la SPA ; qu'en refusant néanmoins de considérer que le courrier du 16 mai 2011 comportait une contestation de la créance déclarée, au motif qu'il se borne à invoquer l'existence d'une créance qui serait née d'une situation juridique différente, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce ;

2°/ qu'en retenant que, pour l'application de l'article L. 624-3 du code de commerce, il y a lieu de prendre en compte la proposition du mandataire judiciaire soutenue devant le juge commissaire saisi de la contestation, ce qui revenait, dans notre espèce, à prendre en compte une proposition ouvertement fondée sur des arguments invoqués hors délai par le créancier et contraire à la proposition initiale du mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé ce texte ;

Mais attendu qu'il n'y a discussion de la créance, au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce, que lorsque la créance déclarée est contestée dans son existence, son montant ou sa nature, appréciés au jour du jugement d'ouverture ; qu'ayant relevé que la société EDIM ne contestait la créance de la SPA qu'au motif qu'elle-même était créancière au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de règlement des situations de travaux contraignant l'administrateur à résilier les contrats, l'arrêt en déduit que la lettre du mandataire se bornait à invoquer l'existence d'une créance réciproque sur le débiteur qui serait née d'une situation juridique différente ; que par ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que la discussion ne portait pas sur la créance déclarée, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la lettre, ne valant pas contestation, n'avait pas fait courir le délai de réponse du créancier ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société EDIM fait grief à l'arrêt du 8 février 2018 de dire que l'avis de contestation adressé par M. K..., ès qualités, le 16 mai 2011 n'avait pas fait courir le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27 du code de commerce contre la SPA alors, selon le moyen :

1°/ que le mandataire de la SPA, chargé par celle-ci de procéder à ses déclarations de créances, était la société Ernst & Young et non pas les membres de celle-ci, à cet égard interchangeables comme le montre le fait que, selon l'arrêt attaqué lui-même, les deux déclarations successives ont été signées, pour la première, par Maîtres I... et L... C..., et pour la seconde par Maîtres L... C... et et W... ; que le mandataire pouvait donc adresser l'avis de discussion soit à la SPA en sa qualité de créancière, soit, comme il l'a fait, à la société Ernst & Young en sa qualité de mandataire de la SPA ; qu'ainsi, en refusant de retenir que la SPA. a reçu cet avis faute de mention du nom de l'un des avocats signataires des déclarations de créances, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce ;

2°/ qu'il y a discussion de la créance au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce notamment lorsqu'il est soutenu que la créance en cause est éteinte en tout ou partie par suite d'une compensation avec une créance réciproque et connexe ; que par son courrier du 16 mai 2011, le mandataire informait la SPA de ce qu'il proposait le rejet total de la créance qu'elle avait déclarée et qui était liée pour partie à la prétendue inexécution des contrats de maîtrise d'oeuvre ayant lié la SPA et la société EDIM et pour partie à la résiliation de ces mêmes contrats par l'administrateur judiciaire de la société EDIM, en raison des dommages et intérêts dus à la société EDIM par la SPA. Du fait de sa propre inexécution desdits contrats, à l'origine de leur résiliation ; qu'il invoquait donc l'extinction totale de la créance déclarée par la SPA à la procédure collective de la société EDIM, par suite de sa compensation avec la créance connexe de la société EDIM sur la SPA ; qu'en retenant néanmoins que le courrier du 16 mai 2011 ne comporte pas à proprement parler la contestation de la créance déclarée mais l'allégation d'une créance réciproque qui serait née de la résiliation du contrat par l'administrateur, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce ;

3°/ que la SPA n'ayant pas répondu à l'avis de discussion du 16 mai 2011 dans le délai légal de trente jours à compter de sa réception, elle ne pouvait plus faire valoir ses arguments contraires devant le juge commissaire ni directement, ni indirectement, en soumettant hors délai ses arguments au mandataire judiciaire et en obtenant en conséquence de celui-ci, qui de surcroît n'a pas qualité pour défendre l'intérêt individuel d'un créancier, qu'il soumette lesdits arguments au juge commissaire et revienne sur sa proposition de rejet ; que la seconde proposition du mandataire judiciaire était donc inopérante et irrecevable comme fondée sur l'argumentation hors délai de la SPA et, en outre, comme visant à défendre l'intérêt individuel et exclusif d'un créancier en méconnaissance des limites de la mission du mandataire judiciaire, tenant à la défense de l'intérêt collectif des créanciers ; qu'ainsi, en retenant que le mandataire judiciaire n'avait pas maintenu sa proposition de rejet devant le juge commissaire mais avait au contraire sollicité l'admission de la créance, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une proposition inopérante et irrecevable, a violé l'article L. 622-27 du code de commerce et l'article L. 624-3 du même code ;

Mais attendu que le troisième moyen développant contre l'arrêt du 8 février 2018 la même argumentation que celle présentée par le deuxième contre l'arrêt du 2 février 2017, qui a été rejetée, n'est pas davantage fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Bénabent ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article R. 624-1 du code de commerce ; article L. 622-27 du code de commerce.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.