Numéro 5 - Mai 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2019

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 9 mai 2019, n° 18-10.618, (P)

Rejet

Maladie – Accident du travail ou maladie professionnelle – Inaptitude au travail – Obligation de reclassement – Obligation de l'employeur – Exclusion – Cas – Inaptitude médicale de l'apprenti

Maladie – Maladie ou accident non professionnel – Inaptitude au travail – Obligation de reclassement – Délai d'un mois – Absence de reclassement ou de licenciement – Sanction – Reprise du paiement du salaire – Exclusion – Cas – Inaptitude médicale de l'apprenti

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 septembre 2016), que, le 3 septembre 2012, M. F... a conclu avec la société Carrefour hyper-marché un contrat d'apprentissage d'une durée de douze mois ; qu'ayant été placé en arrêt de travail, il a été déclaré inapte à son poste d'apprenti par le médecin du travail à l'issue de deux examens des 14 février et 28 février 2013 ; que M. F... a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement des salaires jusqu'au terme du contrat et de dommages-intérêts pour absence de paiement de la rémunération ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ces demandes alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions qui font obligation à l'employeur de reprendre le paiement du salaire du salarié déclaré inapte qui, dans le mois suivant la date de l'examen médical de reprise du travail, n'a été ni reclassé ni licencié, sont applicables au contrat d'apprentissage ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du code du travail, ensemble l'article L. 6222-18 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 ;

2°/ qu'est tenu de reprendre le paiement du salaire de l'apprenti déclaré inapte l'employeur qui n'a pas saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation du contrat d'apprentissage dans le mois suivant la date de l'examen médical de reprise du travail ; qu'en déboutant M. F... de l'ensemble de ses demandes, après avoir relevé que la seconde visite de reprise avait eu lieu le 28 février 2013 et que l'employeur n'avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation du contrat d'apprentissage que le 11 avril 2013, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du code du travail, ensemble l'article L. 6222-18 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 ;

Mais attendu que, compte tenu de la finalité de l'apprentissage, l'employeur n'est pas tenu de procéder au reclassement de l'apprenti présentant une inaptitude de nature médicale ; qu'il en résulte que les dispositions des articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du code du travail ne sont pas applicables au contrat d'apprentissage ;

Et attendu qu'ayant constaté que le salarié n'avait pas exécuté sa prestation de travail, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'était pas tenu au paiement des salaires ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Silhol - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 1226- 4, L. 1226-11 et L. 6222-18, dans sa rédaction issue de la loi du n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, du code du travail.

Soc., 28 mai 2019, n° 17-17.929, n° 17-17.930, n° 17-17.931, (P)

Rejet

Modification – Modification imposée par l'employeur – Modification du contrat de travail – Refus du salarié – Portée

Le seul refus par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement et la rupture par l'employeur de son contrat de travail à la suite de ce refus, pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.

Est dès lors sans cause réelle et sérieuse, le licenciement du salarié suite à son refus d'accepter une modification du taux applicable à sa rémunération variable, justifiée par l'employeur du fait de l'augmentation sensible de la surface de vente du magasin dans lequel il était nouvellement affecté, sans alléguer ni justifier que la réorganisation à l'origine de ce changement d'affectation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.

Modification – Modification imposée par l'employeur – Modification du contrat de travail – Modification pour un motif non inhérent à la personne du salarié – Refus du salarié – Effets – Licenciement économique – Cause réelle et sérieuse – Motif économique – Caractérisation – Nécessité – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-17.929, 17-17.930 et 17-17.931 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Reims, 15 mars 2017), que Mmes G..., S... et L..., engagées par la société Zara France et occupant, en dernier lieu, les fonctions respectives de responsable de magasin, directrice adjointe du magasin et responsable rayon, ont été licenciées par lettre du 24 avril 2015 pour « refus de poursuivre vos fonctions sur le magasin de Reims suivant une même structure de rémunération contractuelle globale, avec un taux de commissionnement adapté à la surface (...) de votre rayon » ;

Sur le moyen unique des pourvois principaux de l'employeur :

Attendu que la société fait grief aux arrêts de la condamner à payer aux salariées des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de la condamner, par application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser aux organismes intéressés la totalité des indemnités de chômage versées à ces dernières à compter du jour de leur licenciement, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la société Zara France a licencié Mme G... et deux autres salariées pour une cause réelle et sérieuse, en raison de leurs refus d'accepter la modification de leur taux de commissionnement adapté à la nouvelle surface de son rayon de vente ; qu'aucun motif économique n'est cité dans les lettres de licenciement ; qu'en jugeant pourtant que « la cause économique, découlant de l'augmentation de la surface de vente où la salariée est affectée ainsi que l'augmentation prévisionnelle des ventes en découlant, ainsi que la nécessité d'adapter en conséquence le taux de commissionnement de la salariée, est expressément citée dans la lettre de licenciement. Cet écrit contient donc l'énonciation de la cause du licenciement, distincte de celle du refus de la salariée de la modification contractuelle en découlant », la cour d'appel a dénaturé les lettres de licenciement, violant le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre ses salariés ; que le respect de ce principe d'égalité de rémunération entre les salariés constitue un motif légitime de modification du contrat de travail ; qu'en cas de refus d'un salarié d'accepter une telle modification, nécessaire au regard du respect du principe d'égalité de rémunération, le salarié peut être licencié pour une cause réelle et sérieuse, sans que le licenciement ait pour autant une nature économique ; qu'en l'espèce, la société Zara France avait proposé une modification du taux de commissionnement des salariées afin de garantir l'égalité de rémunération avec les autres vendeurs de l'entreprise occupant un poste ayant une surface de vente identique et effectuant donc un travail de valeur égale ; qu'une telle proposition de modification n'avait pas une nature économique ; que la cour d'appel a constaté que les modifications proposées étaient justifiées ; qu'en énonçant pourtant que les propositions de modification, même justifiées, reposaient sur un motif économique, de sorte que les licenciements devaient être jugés sans cause réelle et sérieuse à défaut de respect des dispositions applicables aux licenciements économiques, tandis que les refus par les salariées d'accepter la modification légitime de leur contrat de travail constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement, exempt de cause économique, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, L. 1222-6, L. 1232-1 et L. 3221-2 du code du travail ;

3°/ que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, à savoir notamment l'existence de difficultés économiques ou de mutations technologiques, une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cession de l'activité de l'entreprise, en application de l'article L. 1222-6 du code du travail, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ; que la lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus ; qu'à défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée ; que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour un motif légitime, mais qui ne constitue pas un motif économique énoncé à l'article L. 1233-3 du code du travail, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté la procédure prévue par l'article L. 1222-6 du code du travail, peu important que le licenciement soit considéré ultérieurement comme ayant un motif économique ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1222-6 et L. 1233-3 du code du travail ;

Mais attendu, d'une part, que le seul refus par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Attendu, d'autre part, que la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique ;

Et attendu qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que le motif de la modification du contrat de travail refusée par les salariées résidait dans la volonté de l'employeur de modifier le taux de rémunération variable applicable au sein du magasin de Reims compte tenu de l'augmentation sensible de la surface de vente et qu'il n'était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, en sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

Que par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du code de procédure civile, les arrêts se trouvent légalement justifiés ;

Sur le pourvoi incident éventuel des salariées :

Attendu que le rejet du pourvoi principal rend sans objet le moyen unique du pourvoi incident éventuel ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Barbé - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que le seul refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, à rapprocher : Soc., 11 juillet 2018, pourvoi n° 17-12.747, Bull. 2018, V, (cassation), et les arrêts cités. Sur le principe que la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique, à rapprocher : Soc., 11 juillet 2018, pourvoi n° 17-12.747, Bull. 2018, V, (cassation), et les arrêts cités.

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